Chen Duxiu

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Chen Duxiu arrêté par la Concession française à Shanghai le 4 octobre 1921

Chen Duxiu (EFEO : Tchen Tou-sieou ; Wades-Giles : Ch'en Tu-hsiu ; chinois traditionnel : 陳獨秀 ; chinois simplifié : 陈独秀 ; pinyin : Chén Dúxiù), né en 1879 à Huaining, province de l'Anhui et décédé en 1942, était un communiste chinois.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Jeunesse[modifier | modifier le wikicode]

Chen Duxiu, de son vrai nom Chen Qiansheng, naît le 8 octobre 1879, dans une famille de lettrés mandarins (fonctionnaires) modestes à Anquing, dans la région du Anhui, (région dans l'est de la Chine, dans le bassin du fleuve Jaune, à mi-chemin entre la Chine du Nord et la Chine du Sud, région rurale, plutôt pauvre).

Après la mort de son père, mandarin militaire en Mandchourie, peu après sa naissance, il est élevé par son grand-père puis son frère. L'éducation inflexible de son grand-père l'amène à haïr très vite le carcan idéologique de l'enseignement des classiques chinois, notamment le confucianisme. En 1896, il est admis aux examens du premier degré du mandarinat. Alors qu'il doit rédiger une dissertation en huit parties à propos d'une citation d'un auteur classique suivant des règles canoniques érigées au Moyen-Age, (le bagu), il raconte qu'il obtient son examen en alignant des passages complets d'une anthologie de noms rares d'oiseaux et de bambous datant du 6e siècle qu'il connaissait par coeur ! Il est donc sélectionné pour les examens régionaux « du deuxième degré » qui se passent à Nankin... là les candidats sont enfermés pendant plusieurs jours dans des espèces de cages dans lesquelles ils doivent manger, dormir, faire leurs besoins tant qu'ils n'ont pas rendu leur copie... qui sont de fait des pavés abscons de paraphrases apprises par coeur auparavant... Il racontera l'anecdote d'un des candidats circulant nu, dans l'allée en plein soleil entre les cellules, récitant par coeur sa dissertation jusqu'à la folie. Il n'est pas reçu à ce deuxième niveau. Et il sort de cette phase de sa vie avec une haine farouche du système éducatif traditionnel et un profond sentiment de révolte : « quelles souffrances de tels animaux allaient-ils infliger à mon pays et à son peuple sitôt que le pouvoir leur serait confié » ?

Il épouse alors les idées de réforme portées par certains hauts-fonctionnaires de l'époque comme Kang Youwein et Liang Qichao qui remettent en cause le confucianisme et défendent une modernisation de l'enseignement et de l'administration, causes principales selon eux de l’arriération chinoise.

1.2 Un autodidacte rebelle[modifier | modifier le wikicode]

Il renonce aux examens, et de fait à un emploi dans la fonction publique et donc à sa voie toute tracée dans l'ordre social traditionnel. Entre 1898 et 1901, il se marie (un mariage arrangé par sa mère), il aura trois fils, dont deux mourront assassinés par le pouvoir nationaliste après la révolution de 1927. Il se formera alors en autodidacte.

Il se rend à Hangzhou pour y suivre des cours dans une école de construction navale, qui sont dispensés en langue française. Il apprendra également par la suite le japonais, l'anglais et... l'esperanto !


À cette époque, il commence également à se dédier à des activités politiques et, à la suite de sa critique du gouvernement, se voit forcé de fuir au Japon de 1900 à 1902. Il y étudie d'abord à l'École normale de Tokyo, où il devient révolutionnaire, puis à l'université Waseda. Ses premiers ennuis avec les autorités chinoises datent de 1902 lorsque, lors d'un bref retour en Chine, il ouvre à Anquing un centre des Archives à destination des étudiants pour y propager les idées nouvelles qu'il a découvert au Japon. Puis au Japon, il fonde une « association de la jeunesse » avec une vingtaine d'étudiants chinois influencés par Sun Yat Sen (lui-même en exil au Japon à ce moment-là)... Découvrant un indicateur envoyé par le pouvoir chinois pour les surveiller, il lui coupe la natte, et doit donc fuir le Japon.

De retour en Chine en 1903, il accepte un poste d’enseignant supérieur à l’école supérieure de l'Anhui à Wuhu. Peu de temps après son chemin le dirige de nouveau au Japon, puis de 1907 à 1910 on perd sa trace : il effectue peut-être un séjour en France, afin d’y étudier[1].

1.3 Une pensée qui se précise[modifier | modifier le wikicode]

C'est d'abord par sa plume de journaliste que Chen Duxiu va se faire connaître. Il écrit d'abord dans un journal de Shanghai « le Guomin Ribaro », le National ; il y attaque le confucianisme, « ces superstitions » qui maintiennent la Chine en esclavage depuis 3000 ans. C'est un journal écrit en chinois vernaculaire, qui parle du reste du monde, d'économie, des techniques... et publie des romans-feuilletons (par exemple, une traduction arrangée des Misérables faite par Chen Duxiu lui-même). Le journal est vite fermé par les autorités. Chen Duxiu rentre donc chez lui dans le Anhui et décide de publier un journal du même type : « le Quotidien du Anhui » qui tirera jusqu'à 1000 exemplaires. Il écrit alors sous le pseudonyme de « Trois Amours » des articles autour de ses trois thèmes de prédilection : la patrie, l'émancipation intellectuelle et le développement du pays. Il bagarre notamment contre la main mise étrangère sur les mines du Anhui mais aussi contre l'ordre établi, notamment contre le sort réservé aux femmes dans la Chine traditionnelle, surtout la coutume barbare du bandage des pieds encore en vigueur à cette époque-là.

Chen Duxiu est alors surtout un « occidentaliste » focalisé par une nécessaire révolution « culturelle » ou « intellectuelle ». Il ne fait aucun raisonnement sur le plan politique, quel type d'institutions politiques par exemple il faudrait pour la Chine après le renversement de la dynastie mandchoue mais surtout, il fait du peuple chinois, une entité homogène, sans aucune distinction de classes. Par contre, il se démarque de la plupart des intellectuels réformateurs qui prônent une restauration de la dynastie des Ming par racisme anti-mandchou. C'est pour cela qu'il n'adhère pas à la Ligue Jurée qui s'organise alors en 1905 autour de Sun Yat-Sen (Le Tongmenghui) qui axe son action sur trois principes : le nationalisme (indépendance, lutte contre l'impérialisme étranger et la domination mandchoue), la démocratie (établissement d'une république) et le bien-être du peuple (droit à la propriété de la terre égal pour tous).

En revanche il fréquente un groupe partisan des attentats « Ansha Tuan » (groupe d'assassinats) avec lequel il apprend la manipulation des explosifs, puis fonde lui-même à Anquing une société secrète « la société du roi Yue » qui tente une insurrection dans la ville en 1907. L'échec de celle-ci conduit Chen Duxiu a repartir pendant un an au Japon. C'est de ces années-là que datent ses contacts avec Can Yuapei, intellectuel libéral, influencé par l'anarchisme.

1.4 Le souffle et le contrecoup de 1911[modifier | modifier le wikicode]

Il rentre en Chine, à Hangzhou, où il enseigne à l'école primaire militaire le chinois puis l'histoire-géographie. C'est là qu'il apprend la nouvelle de l'insurrection de Wuchang, la première révolution chinoise, le 10 octobre 1911, qui marque la chute de l'empire et l'avènement « officiel » de la première république chinoise. L'empire est tombé comme un fruit mûr après une révolte d'une garnison et le refus d'autres troupes dépêchées sur place de la mater.

Chen Duxiu participe au gouvernement révolutionnaire du Anhui, et en avril 1912 il devient l'un des principaux administrateurs de la province qui lutte contre la culture et le trafic de l'opium et lance un programme de construction d'écoles en tant que commissaire à l'Éducation.

Mais en l'absence de mobilisation des masses populaires, le vieil appareil civil et militaire des provinces continue à exercer le pouvoir réel. La bourgeoisie naissante ne prend la tête d'aucune dynamique populaire et les rapports féodaux dans les campagnes ne sont pas transformés. La plupart des intellectuels réformateurs servent de cautions aux cliques militaristes, et les parlements et les constitutions qu'ils élaborent ne sont que des ornements pour le pouvoir militaire. Si bien que très vite, le général Yuan Shi Kaï dissout le parlement, et interdit le Guomindang de Sun Yat Sen.

Chen Duxiu est contraint de fuir vers Shanghaï pour se cacher. C'est un véritable exil intérieur que vit Chen Duxiu jusqu'en 1913. Comme la plupart des intellectuels sincères, l'échec de la révolution de 1911 est pour lui un véritable coup de massue... S'en suit une grosse année de retrait de la vie politique, Chen Duxiu écrit un manuel d'anglais et un manuel de philologie ! Il fait un ultime séjour à Tokyo entre mai 1914 et l'été 1915, séjour aussi décisifs que les précédents.[2]

1.5 Vers la jeunesse[modifier | modifier le wikicode]

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Alors que Sun Yat Sen tente en exil de refonder son parti, Chen Duxiu reste à l'écart. Même si à ce moment-là c'est encore de manière impressionniste, « morale », il cherche plutôt du côté du « peuple » la solution au problème. Il fréquente un cercle « l'association d'étude des problèmes européens », qui publie un journal « le Tigre », dans lequel Chen Duxiu assène la nécessité absolue d'en finir avec Confucius pour faire renaître la Chine : pour lui, les révolutionnaires de 1911 ont trop misé sur le renversement de la dynastie, sur les moyens militaires (dont il se méfiera tout le reste de sa vie) mais n'ont rien fait pour la transformation des mentalités à une échelle de masse. C'est à ce moment-là que Chen adopte son nom de plume « Duxiu », le nom d'une montagne de sa région natale, qui veut dire « beauté solitaire ».

Chen Duxiu fonde le 15 septembre 1915, dans la concession française de Shanghai, une revue d’orientation politique et littéraire sous le nom de Nouvelle Jeunesse (Xin Qingnian). Il y soutient le rejet des valeurs confucéennes, l'orientation vers celles de l'égalité et des Droits de l'homme, ainsi qu’un nationalisme censé servir à ces fins, promues par l’Occident. La revue a la particularité de porter un sous-titre en français, La Jeunesse et paraîtra jusqu'en 1926. Au moins 200 000 exemplaires de ce premier numéro sont vendus dans tout le pays.

Chen Duxiu s'entoure de nombreux collaborateurs : Hu Shi, Lu Xun, Zhou Zuoren, Li Dazhao (futur co-fondateur du PCC avec CH DX et qui sera exécuté en 1927 par la contre-révolution) parmi les plus importants... Sont dénoncés dans la Jeunesse les mariages arrangés, la servitude des femmes, le respect étouffant dû aux aînés, sans oublier les 3 maux majeurs : « bureaucrates, militaires, politiciens ». C'est dans ses pages que sont publiés le manifeste de Hu Shi, en 1917, appelant à l'abandon du chinois littéraire, puis la première œuvre en chinois vernaculaire de la littérature moderne, le Journal d'un fou de Lu Xun, en 1918. La revue défend deux valeurs : démocratie et science.

Ce journal va faire l'effet d'une bombe dans la jeunesse étudiante, à Shanghai, à Pékin, dans les capitales provinciales, jusqu'au Japon. On peut constater en lisant les biographies des grands noms du communisme chinois que la plupart des engagements révolutionnaires débutent à l'époque de la Jeunesse. Chen Duxiu fait figure d'aîné, à presque 40 ans d'une génération qui est en train de découvrir la force des idées d'émancipation.

1.6 Vers le marxisme[modifier | modifier le wikicode]

En 1916, Chen Duxiu est invité par Cai Yuanpei, le nouveau recteur de l'université de Pékin, à prendre la tête de la faculté des lettres. C'est une véritable consécration nationale pour Chen Duxiu. Toute l'équipe de la Jeunesse s'installe alors à Pékin. Chen Duxiu et Li Dazhao fondent un autre journal, La Critique hebdomadaire en parallèle de la Nouvelle Jeunesse pour y traiter davantage de politique[3]. C'est dans cet organe que Li Dazhao salue la révolution d'octobre puis commence à rassembler autour de lui le premier noyau marxiste de l'université de Pékin. Un numéro spécial de la Jeunesse est consacré au marxisme et au bolchevisme en mai 1919[4]. Et ce sont finalement l’accélération des évènements politiques et sociaux qui vont définitivement entraîner Chen Duxiu dans la voie du marxisme révolutionnaire. L'appel à l'action lancé en 1915 par son manifeste est bientôt favorisé par un faisceau de circonstances ouvert d'abord par la première guerre mondiale puis par la révolution russe et l'ensemble de la vague révolutionnaire.

Chen Duxiu a un rôle dominant dans le Mouvement du 4 mai 1919, et est arrêté le 11 juin 1919 en train de distribuer des tracts à Pékin. Mais son arrestation soulève un émoi général. Une véritable campagne pour sa libération a lieu, il est libéré au bout de 80 jours et du coup, il part immédiatement pour Shanghai par peur de se faire assassiner par les sbires de la clique au pouvoir. La Jeunesse est interdite à Pékin en septembre 1919.

Le temps s'est accéléré pour les masses, comme pour Chen Duxiu qui après vingt ans de cheminement intellectuel personnel et un engagement sans faille au service des opprimés devient en quelques mois marxiste et l'un des fondateurs du parti communiste chinois. L'intelligenstia chinoise qui se convertit au marxisme est beaucoup plus marginale que celle de sa devancière russe à la fin du 19ème siècle et aussi plus précipitée. Pour Chen Duxiu c'est incontestablement sa rencontre avec le prolétariat industriel de Shanghai qui a montré sa puissance dans les grèves de 1919 qui vient clore le cycle de sa réflexion : qui sera en mesure de faire franchir à la Chine le pas qui la sortira de son état d'oppression et d’arriération ? Chen Duxiu répond en 1920 : le prolétariat ! Tout comme l'émergence de la classe ouvrière chinoise avait été produite par l'importation directe de capital étranger et d'équipement industriel dans un pays arriéré et semi-colonial, le développement du mouvement marxiste chinois est une prolongation directe de la révolution russe, passant par dessus des siècles de pensée sociales occidentales et de traditions de la social démocratie.

La Nouvelle jeunesse est relancée à Shanghai après 5 mois d'interruption. Chen Duxiu écrit en décembre 1919 que le « militaro-étatisme » et le « ploutocratisme » doivent être éliminés en raison « des crimes sans nombre auxquels ils donnaient lieu partout » et il affirme la nécessité d'un « mouvement populaire pour la transformation de la société » tout en déclarant qu'il rompt définitivement avec tous les partis et factions politiques d'hier et d'aujourd'hui »... Moins de 7 mois après le 4 mai, il perçoit l'urgence de créer une formation révolutionnaire d'un type totalement nouveau.

1.7 Fondation du PCC[modifier | modifier le wikicode]

A sa sortie de prison, Chen Duxiu est perçu comme leader naturel pour piloter la fondation du parti communiste chinois (PCC)[5], même si celui-ci, à près de 40 ans, n'a aucune expérience de construction d'une organisation révolutionnaire. Il n'a encore jamais adhéré au moindre parti politique ! C'est en concertation avec Li Dazhao, à qui est toujours à Pékin et qui est déjà acquis à la cause, que Chen Duxiu franchit les dernières étapes, c'est-à-dire recevoir les premiers envoyés de la IIIe Internationale : Hohonovkine et Voitinsky, d'en recevoir conseils et subsides afin d'organiser le premier groupe communiste de Shanghai en mai 1920, 8 personnes participent à sa fondation. Les activités de cette première cellule : publication d'une revue titrée Gongchandang, The Communist, traductions, dont la première version intégrale du Manifeste communiste, ouvrages de vulgarisation, travail en direction des ouvriers des faubourgs de Shanghai, publications exclusivement consacrées au monde ouvrier et au mouvement ouvrier. En octobre, les membres de la cellule sont une quarantaine et il faut y ajouter les membres de la Jeunesse socialiste fondée dans la foulée. Le groupe fonde également une école des langues étrangères... où l'on apprend notamment le russe et un cercle d'études marxistes. Chen Duxiu est l'homme clé, bien que peu visible du groupe communiste de Shanghai : il est le maître d’œuvre de toutes les publications, il coordonne les différentes activités et il assure la correspondance avec les autres groupes communistes en formation dans le reste du pays. Il est entouré de quatre camarades très compétents, au parcours intellectuel et militant impressionnant, polyglottes, traducteurs des marxistes : Li Hanjun, Li Da, Chen Wangdao et Yang Mingzai, (le premier sera fusillé par les nationalistes en 1927, le deuxième mourra sous la torture durant la révolution culturelle en 1966, accusé comme « ennemi du peuple »).

L'orientation radicale donnée à Nouvelle Jeunesse provoque le départ de Hu Shi et Lu Xun du comité de rédaction en 1920. À partir de juin 1923, Nouvelle Jeunesse devient une revue du PCC.

Dès l'origine, la question des liens avec les nationalistes du Guomindang se pose. Chen Duxiu n'héshite pas à user de tactique. A l'automne 1920, Sun Yat Sen reprend pied à Canton par l'entremise d'un seigneur de guerre nommé Chen Jiongming, qui se prétend progressiste et propose à Chen Duxiu malgré sa conversion au bolchevisme de devenir commissaire à l'éducation dans le nouveau gouvernement provincial du Guandong... C'est une offre risquée mais tentante : donner l'impression de collaborer avec Chen Jiongming pour en profiter pour mettre sur pied un groupe communiste à Canton... les avis des camarades de Chen Duxiu sont partagés, mais finalement il décide d'accepter. Au moment où il débarque à Canton, il y en tout et pour tout trois militants communistes ! Chen Duxiu délègue ses fonctions officielles à un autre camarade et consacre tout son temps à l'activité militante. Il lance notamment un hebdomadaire « Le travail et la femme » (Laodong yu funu) qui est le premier périodique féministe communiste en Chine. De même, interdite entre temps à Shanghaï, une nouvelle « Jeunesse » est relancée.

A la fin de 1920, il existe désormais 7 groupes communistes en Chine : Shanghai, Pékin, la Chine du Nord, Jinan, Changsa et Hunan, Wuhan et Hubei, Canton. En juillet 1921 le PC chinois est créé officiellement à Shanghai par 13 délégués des différents groupes.[6] Ni Chen Duxiu ni Li Dazhao ne sont présents, ce n'est finalement qu'un petit épisode clôturant une intense activité d'un peu plus d'an d'une poignée d'intellectuels aidés par l'Internationale communiste. Chen Duxiu est nommé secrétaire général, il le restera sans contestation jusqu'en août 1927.

1.8 Liens « organiques » avec le Guomindang[modifier | modifier le wikicode]

Cependant, Chen Duxiu ne voulait que les rapports avec le Guomindang aillent plus loin. C'est l'Internationale communiste (IC) qui imposera au PCC cette ligne.

En 1922, la délégation du PCC au 4ème congrès de l'IC est composée de 3 militants, dont Chen Duxiu. Voilà la description de celui-ci par un jeune militant chinois, Peng Shuzi, qui a été envoyé à Moscou faire l'école des cadres et qui rencontre Chen Duxiu pour la première fois à cette occasion :

«  C'est un homme d'âge mur déjà : il a un peu plus de 40 ans. Taille moyenne, front dégagé, petite moustache, dents bien rangées, élégant, décontracté, alerte au plus haut point, yeux pétillants d'intelligence, il est la vie même, il a une présence tout à fait extraordinaire. Grand intellectuel extrêmement sûr de lui, son aisance est telle, que parfois, elle frôle la désinvolture. Causeur des plus brillants, captivant immédiatement ses interlocuteurs dans les conversations de caractère informel, il ne cesse de truffer ce qu'il raconte de drôleries, de traits d'esprit, d'anecdotes plaisantes. Il s'amuse de tout, éclate de rire pour un oui ou pour un non et nous fait rire jusqu'aux larmes, nous tous qui l'écoutons. C'est un vrai boute-en train. Il me paraît, pourtant beaucoup moins à la hauteur quand il s'agit de soutenir une discussion politique, son discours partant un peu dans tous les sens. Et il consterne ses amis quand il parle en public, c'est un mauvais orateur ».

Le même Peng Shuzi raconte qu'il rencontre plusieurs fois Chen Duxiu lors de son passage à Moscou et que celui-ci lui parle de façon assez évasive voire avec réticence du quatrième congrès de l'IC auquel il participe, notamment parce qu'il trouve que l'Orient en général et la Chine en particulier y occupe peu de place... Mais surtout, d'après toujours Peng Shuzi « ce n'est pas tant cela qui chiffonne Chen Duxiu que le fait que le Comintern soit plus résolu que jamais à imposer au PC chinois la ligne de la collaboration organique avec le Guomindang. Sur le bien fondé de cette ligne, Chen Duxiu entretient encore des doutes considérables. Il n'est pas très explicite sur le sujet mais m'en dit assez pour que je devine où il en est. Je ne serai pas donc des plus surpris plus tard, quand on m'apprendra que cette ligne lui avait semblé de prime abord inacceptable, que pour qu'il y souscrivit, à Hangzhou , en août 1922, il avait fallu que Maring le lui ordonnât, qu'il ne l'avait ensuite soutenue que des plus mollement, qu'il avait encore cherché à la remettre en cause lors du IVème congrès du Comintern et qu'il s'était attiré, ce faisant, de la part de Radek, une réplique sarcastique d'un goût d'ailleurs fort déplacé ». Cette réplique fut en substance « vous êtes puérils, il serait temps que vous sortiez de vos tours d'ivoire à la Confucius. Tout ce que vous avez à faire est de rassembler la classe ouvrière à l'intérieur d'un front uni anti-impérialiste dirigé par la bourgeoisie nationale. Ni le socialisme, ni les soviets ne peuvent être pour vous des objectifs à court terme ».

Mais en août 1922, la direction de l'IC, notamment sous l'influence de Zinoviev, ordonne aux militants du PCC d'adhérer au Guomindang en tant que membres à titre individuel du parti. Zinoviev justifie la décision sur le fondement que le Guomindang qualifié de libéral démocrate est la « seule organisation nationaliste révolutionnaire importante ». Le mouvement indépendant de la classe ouvrière est encore faible, aussi le petit PCC devait entrer dans le Guomindang pour étendre son influence. Plusieurs années plus tard, en novembre 1937, Trotsky écrivit à Harold Isaacs, un trotskiste américain  : « L'entrée en elle-même en 1922 n'était pas un crime, peut-être même pas une erreur, en particulier dans le Sud, selon la présomption que le Guomindang à cette époque comprenait un certain nombre d'ouvriers et que le jeune parti communiste était faible et composé presque entièrement d'intellectuels...(...). La question est de savoir quel était leur intention en entrant et quel a été la politique qui en a découlé ? ».

En 1923, suivant les instructions de l'IC, les deux partis forment un « Front unifié »[7]. Mais si la nature de la politique suivie initialement était ambigüe, elle s'éloigne très vite d'un vrai front uni et vire au suivisme opportuniste, à mesure que le Komintern se bureaucratise.

Après la mort de Lénine en 1924, Staline, aidé par des menchéviks recyclés comme Martynov, remet en circulation une stratégie étapiste selon laquelle il faudrait d'abord aider le Guomindang à réaliser une révolution bourgeoise. De plus, il se met à utiliser l'IC non plus dans l'intérêt de la révolution mais pour avoir le maximum d'influence sur la scène internationale à court terme, et mise pour cela bien plus sur le Guomindang que sur la section chinoise de l'IC.

Le PCC abandonne de fait sa propre activité indépendante. Borodine le nouveau représentant en Chine de l'IC agit en tant que conseiller pour le Guomindang. Dix membres dirigeants du PCC sont placés au comité central exécutif du Guomindang, environ un quart du total de ses membres. Chen Duxiu et Cai Hesen sont les seuls membres de la direction du parti à ne pas rentrer au comité central du Guomindang. La construction de l'appareil militaire du Guomindang résulte directement de l'aide du Komintern avec la création de l'académie militaire de Whampoa à Guangzhou — à partir de laquelle Tchang Kaï-Chek va monter en puissance. Tchang Kaï-Chek a des liens étroits avec les banquiers de Shanghai et les compradores, et il n'a pas les vagues sympathies socialisantes qu'avaient Sun. Il a passé sa jeunesse parmi la pègre de Shanghai, dont les hommes de mains deviendront par la suite des troupes de choc contre la classe ouvrière.

Ces années-là, les écrits de Chen Duxiu publiés dans la revue théorique du parti, Qianfeng, abondent dans le sens que c'est le « noyau progressiste » de la bourgeoisie chinoise qui devra diriger la prochaine révolution mais pointent également toujours le danger de l'alliance politique avec le Guomindang, dont il se méfie à cause de son développement militariste... Chen Duxiu a toujours eu en horreur le militarisme et voit dans un Tchang Kai Chek de plus en plus puissant la répétition en plus dangereux des seigneurs de guerre. Chen Duxiu défend l'alliance avec la bourgeoisie mais l'indépendance du parti ouvrier d'avec le Guomindang... Il réclame sans relâche dès 1924 puis en 1925 et 1926 la fin de la politique d'intégration du PCC au sein du Guomindang, Mais quelque part, toujours en sentiment d'infériorité par rapport au prestige du parti russe, il n'ose aller plus loin que la critique et se résigne sans se rebeller...

1.9 Tournant ouvrier et essor révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]

Sous l'influence de Peng Shuzi, revenu de Moscou en 1924 et qui a alors été gagné à l'opposition de gauche, le PCC effectue une réorientation significative de son activité politique quotidienne, tout en restant officiellement sur la même ligne. Chen Duxiu, Caï Hesen (qui sera torturé et exécuté en 1931 par un seigneur de guerre à Canton) et Peng Shuzi en sont les trois initiateurs. Le parti réoriente son activité vers la classe ouvrière et délaisse ses activités au sein du Guomindang : création de clubs ouvriers, d'écoles pour les enfants d'ouvriers, construction de syndicats... Le résultat est phénoménal : lorsque le PCC tient son 2e congrès national ouvrier, le premier mai 1925, ses organisations comptent 570 000 ouvriers. Son influence croissante entraîne une vague de luttes militantes de la classe ouvrière. En parallèle, paraît un texte important de Chen Duxiu en décembre 1924, intitulé « Les leçons à tirer de 27 ans du mouvement national populaire en Chine », dans lequel il réaffirme que le prolétariat, malgré sa faiblesse numérique relative et sa jeunesse en Chine, sera la seule classe capable de mener à bien les tâches de la révolution chinoise.

Peng Shuzi témoigne de sa surprise sur le revirement effectué en quelques mois par Chen Duxiu dans ses écrits. Ce dernier dira sous forme de boutade quelque temps plus tard « quand j'ai des idées justes, je suis incapable de m'y accrocher ; quand j'ai des idées fausses, je suis souvent tenté de les pousser plus loin que quiconque ». Entre temps, en janvier 1925 s'est tenu le 4e congrès du PCC, une dizaine de délégués sont présents, il s'est réunit dans la clandestinité la plus stricte dans une salle louée dans la concession internationale de Shanghai, dans une ambiance dominée par la montée en puissance des seigneurs de guerre et la politique de plus en plus réactionnaire du Guomindang, et il entérine cette nouvelle orientation. En octobre 1925, Chen Duxiu propose à nouveau à l'IC que le PCC sorte du Guomindang... en vain. Alors que la mort de Sun Yat Sen en mars 1925 a permis à Tchang Kaï Chek de prendre définitivement le pouvoir dans le Guomindang. Et alors que depuis la fin du mois de mai 1925, la deuxième révolution chinoise a commencé... avec une vague de grèves dans les usines textiles japonaises de Shanghai suivie d'une grève générale à Canton et Hong-Kong et l'émergence d'un embryon de soviet dans les deux villes avec des ouvriers en arme.

1.10 La terreur blanche... imputée à Chen Duxiu[modifier | modifier le wikicode]

En février 1926, Staline intègre le Guomindang comme une section « sympathisante » du Komintern et nomme Tchang Kaï Chek « président honorifique » à la direction de celui-ci.... le 20 mars 1926 Tchang Kaï Chek désarme le comité de grève de Canton, place tous les conseillers soviétiques en résidence surveillée et fait arrêter 50 dirigeants du PC ! Et s'établit de facto comme dictateur militaire au Guangzhou.

Alors que Tchang Kaï Chek fait ouvertement la démonstration de ses intentions contre-révolutionnaires, Staline appuie son projet militaire de lancer une expédition dans le Nord contre les seigneurs de guerre. Au nom du soutien à l'effort de guerre du Guomindang, la grève de 16 mois à Canton et Hong-Kong est arrêtée.

Apprenant l'arrivée des troupes du Guomintang, les ouvriers de Shanghaï prennent le contrôle de la ville, puis déposent les armes sur les ordres du PCC qui relaie les ordres de l'IC.

C'est alors que Tchang Kaï Chek décide de briser la force potentielle que représentent les ouvriers communistes en déclenchant une vague de massacres, au printemps 1927. D'abord à Shanghaï puis dans le Hunan. Parmi les tués, un des fils de Chen Duxiu, Chen Yannian.

Pourtant, à nouveau, Staline insiste pour dire que sa politique avait été justifiée et reproche les défaites à la direction du PCC, en particulier à Chen Duxiu. Alors que les critiques de l'Opposition de gauche trouvent une audience croissante dans la classe ouvrière soviétique, Staline cherche à sauver sa réputation en procédant à un brutal changement de direction de l'opportunisme vers son contraire apparrent — l'aventurisme (anticipant sur la « Troisième période »). Staline ordonne au parti qui venait d'être mis en pièces de procéder à une série d'insurrections armées, lesquelles sont condamnées à l'échec. Notamment, la répression de la « commune de Canton » sera un sacrifice inutile de près de 5700 personnes, dont de nombreux des meilleurs cadres révolutionnaires qui avaient survécu.

Chen Duxiu est taxé « d’opportuniste droitier » et écarté de la direction lors d'une conférence extraordinaire du comité central le 7 août 1927, qui intronise Qu Quibai comme nouveau dirigeant du PCC. A noter que tous les documents du 4e congrès, qui montraient que la direction d'alors partageait la ligne de Chen Duxiu, disparaissent alors de la circulation...

Chen Duxiu disparaît alors de la scène politique pendant plus d'un an sans qu'il ne s'exprime ni publiquement ni dans le parti, sans combattre ses calomniateurs, il est très affecté par la défaite, la mort de son fils et les calomnies... Wang Fanxi, un des militants gagnés par l'opposition de gauche lors de son séjour en Russie et qui va contribuer à la diffusion de ses idées en Chine lors de son retour, et qui va grandement influencer Chen Duxiu dans son passage à l'opposition de gauche interprète ainsi ce silence dans ses mémoires : « en dépit de sa faiblesse, Chen était certainement un lion. Si Chen avait fait partie des politiciens veules, il aurait accepté de prendre tout le blâme sur ses épaules, permettant par-là à Staline d'éviter la tempête des critiques trotskystes. Si Chen avait agi ainsi, il aurait conservé son statut dans le Komintern et aurait été capable de se hisser de nouveau à la tête du parti chinois ».

Wang Fanxi pense aussi que cette attitude s'explique par sa méconnaissance de la situation en URSS et des conflits dans le parti bolchevique. Chen Duxiu va réapparaitre lorsqu'il est finalement en mesure de combattre ses calomniateurs et ses anciens camarades, après avoir été convaincu par de jeunes militants rentrant d'URSS aux thèses de l'opposition de gauche à l'automne 1929. La plupart de ces jeunes militants pratiquent une activité fractionnelle au sein du PCC, d'autres ont refusé de re-rentrer dans le parti, au vu de sa dégénérescence. Leur point commun : la traduction et la diffusion des thèses de l'opposition de gauche.

1.11 Leader de l'Opposition de gauche[modifier | modifier le wikicode]

Fin 1929, Chen Duxiu reçoit des documents d'opposition russe traduits par les opposants chinois de Moscou de retour en Chine, notamment la question chinoise après le 6e congrès et Bilan et perspectives de la révolution chinoise de Trotsky. Ces documents servent à Chen Duxiu à comprendre son propre rôle dans la période 1925-1927. C'est pour lui une véritable révélation de la politique et du rôle de Staline, du jouet qu'il a lui-même été dans les mains de Moscou et la portée de la politique des trotskistes sur la question chinoise. Il admet l'ensemble des positions politiques défendues dans ces textes et n'hésite que sur la nature de la 3e révolution chinoise à venir. Il la considère toujours comme de « caractère démocratique bourgeoise ».

La nouvelle du passage de Chen Duxiu à l'Opposition fait sensation et provoque une crise dans le PCC, notamment dans l'appareil. Staline s'inquiète de voir une telle figure, qui n'a rien perdu de sa popularité dans le parti et au-delà, rejoindre les rangs de l'Opposition. Une nouvelle campagne contre « les liquidateurs Chen-Trotsky » est lancée conjointement dans l'IC et dans le PCC. Un envoyé l'IC vient en Chine pour voir Chen Duxiu et le ramener à Moscou... mais en vain. Débute alors une grande purge sur le modèle russe : les opposants sont exclus du Comité Central, des comités provinciaux, de la Ligue de la jeunesse communiste. L'organe du parti, « Le Drapeau rouge » publie chaque semaine la liste des exclus. Chen Duxiu est finalement exclu le 15 novembre 1929, alors que celui-ci est déjà en train de s'affairer à l'élaboration d'un programme et à l'organisation d'un parti oppositionnels. Le 10 décembre 1929 il fait paraître « une lettre à tous les camarades du parti » dans laquelle il dénonce la politique de l'IC en Chine et se reproche de l'avoir facilitée en exécutant trop bien les ordres. Cinq jours plus tard, 81 vieux communistes ayant eu ou ayant encore des responsabilités dans le parti publient un texte intitulé « Notre position politique » qui affirme leur ralliement à Trotsky : « si nous avions eu la direction politique de Trotsky avant 1927, nous aurions peut-être été capables de diriger la révolution chinoise sur la voie de la victoire ». A partir de Shanghai, l'opposition établit des branches à Pékin, Tianjin, Wuhan, Sichaun, Ningpo et dans le Shandong et l'Anhui. Quelques militants forment même des cellules à Hong-Kong et Macao. Le nombre total de militants regroupés est de plusieurs centaines.

Pourtant le ralliement de Chen Duxiu à l'opposition n'entraîne pas de facto l'unification de tous les trotskistes présents en Chine, bien au contraire. Dans un premier temps elle accentue leurs divisions et leur éclatement, puisqu'une partie des jeunes, notamment ceux gagnés en URSS continuent de percevoir Chen Duxiu comme un droitier, « un menchevik », d'autant que celui-ci n'a pas renoncé à ses positions sur la nature de la prochaine révolution. C'est grâce à l'intervention directe de Trostky que l'opposition chinoise va réussir à s'unifier en 1931. Le 22 août 1930, en ayant pris connaissance pour la première fois de « la lettre ouverte à tous les camarades du parti » écrite par Chen Duxiu en décembre 1929, Trotsky écrit alors « je pense que cette lettre est un excellent document. Des positions tout à fait claires et correctes sont avancées en réponse à toutes les questions importantes (…). Alors que nous disposons d'un révolutionnaire de premier plan comme Chen Duxiu qui a rompu avec le parti et qui a été exclu, qui annonce qu'il est désormais à 100 % en accord avec l'Opposition internationale, comment pourrions-nous l'ignorer ? Est-il possible que vous disposiez de beaucoup de membres du parti communiste aussi expérimentés que Chen Duxiu ? Il a commis beaucoup d'erreurs par le passé mais il est désormais conscient de cela. Comprendre ses erreurs passés est profitable aux révolutionnaires et aux cadres. Nous avons de jeunes camarades dans l'Opposition qui peuvent et doivent apprendre du camarade Chen Duxiu ».

Cela permet à Chen Duxiu de reprendre la main dans les discussions sur l'unification. La conférence d'unification se tient donc à partir du 1er mai 1931 à Shanghai et dure trois jours. 17 délégués et 4 observateurs représentent 483 membres de 4 groupes différents : Notre Parole (le groupe de Chen Duxiu), Prolétariat, Octobre et Militant. Le rapport politique présenté par Chen Duxiu fait consensus à l'exception d'un point : le Guomindang est-il ou non capable de réaliser l'unité nationale ? Son rapport ne l'exclut pas totalement alors que tous les autres délégués pensent que seule la dictature du prolétariat pourra régler les tâches démocratiques. Chen Duxiu retire la formulation contestée. Les délégués élisent une direction de 8 membres : Chen Duxiu, Peng Shuzi, Song Fenchong, Chen Yimou, Wang Fanxi, Zhao Qui, Luo Han et Zheng Chaolin. La nouvelle organisation s'appelle « Opposition de gauche du PC chinois » et son journal l'Etincelle.

Cette unification est une sacrée étape pour l'Opposition de gauche internationale et elle semble ouvrir une période très favorable pour les trotskistes chinois au vu de la crise interne du parti suite à un nouveau nettoyage dans la direction mais aussi au vu du contexte politique intérieur, autour de l'agitation pour une assemblée constituante.

1.12 La prison[modifier | modifier le wikicode]

Mais trois semaines après la conférence d'unification, la jeune organisation est décimée par une arrestation de tous ses cadres dirigeants ou presque puisque seuls Chen Duxiu et Luo Han échappent au coup de filet. Mais le répit est de courte durée pour Chen Duxiu puisqu'il est arrêté le 15 octobre 1932 avec de nombreux autres camarades. Avec la section américaine, la section chinoise de l'opposition de gauche était sans doute celle qui était le plus directement issu du PC lui-même. Aussi l'arrestation de Chen Duxiu constitue une excellente nouvelle pour les staliniens : le PCC demande carrément au gouvernement de Tchang Kaï Chek la condamnation à mort et l'exécution de Chen Duxiu !

Il est finalement condamné à treize ans de prison après un procès fleuve puisque celui-ci s'étale sur près de deux ans ! Chen Duxiu transforme son procès en une tribune, il y ridiculise le régime. Il est enfermé dans la prison de Nankin, où son régime de détention lui permet de lire et d'écrire (plein d'intellectuels liés à son passé d'avant son militantisme communiste interviennent en sa faveur). Il se penche sur le passé de la Chine, sur le bouddhisme et intervient également sur des questions politiques... qui suscitent des critiques et des inquiétudes de la part du reste de ses camarades trotskistes. Ainsi en 1936, à l'occasion des procès de Moscou, il se prononce pour la remise en cause de la caractérisation de l'URSS comme État ouvrier dégénéré. Il propose la nouvelle définition « d'État bureaucratique ».

En 1936 il écrit une autobiographie qui restera inachevée.

Une discussion s'engage aussi entre lui et le comité central au sujet de la caractérisation de la démocratie comme forme traditionnelle de la domination bourgeoise... mais les articles de discussion qui devaient paraître dans la revue théorique de l'organisation ne paraîtront jamais à cause du déclenchement de la guerre sino-japonaise en juillet 1937 qui va une nouvelle fois jeter la Chine dans une crise majeure.

1.13 L'invasion japonaise et la guerre mondiale[modifier | modifier le wikicode]

La réaction de Trostky est immédiate : il affirme que les trotskistes du monde entier sont au côté du peuple chinois face à l'impérialisme japonais. Quelques jours plus tard, les autorités du Guomindang décident de libérer tous les détenus politiques condamnés à moins de 15 ans en geste de bonne volonté vis-à-vis d'un nouveau front unique avec le PCC. Les trotskistes sont libérés entre août et novembre, Chen Duxiu est relâché au début du mois de septembre.

Il se prend tout de suite de bec avec les dirigeants de la section chinoise qui lui reprochent de parler (certes uniquement en son nom propre) dès sa sortie de prison de « guerre patriotique ». Chen Duxiu décide alors de ne pas les rejoindre à Shanghai et de partir pour Wuhan qui est devenue alors la capitale de la Chine. Il y retrouve bon nombre de ses connaissances personnelles, des écrivains mais aussi des dirigeants du PC chinois où il semble que Chen Duxiu milite quelques temps en faveur d'un front de toutes les organisations ouvrières et démocratiques en dehors du Guomindang... front dont personne ne veut de fait à part lui ! Il reçoit la visite de plusieurs trotskistes qui ont eux aussi été libérés de prison, dont Wang Fanxi. Chen Duxiu est très hostile à la direction de la section chinoise qu'il juge sectaire et réfléchit à haute voix avec ses visiteurs sur la manière de participer à la lutte armée contre l'envahisseur japonais. Sa propre section lui interdit d'écrire dans la presse du parti et Chen Duxiu se retire dans le Sichuan.

Convaincu que la vie de Chen Duxiu est en danger s'il reste en Chine, Trotsky entreprend des démarches pour le faire émigrer, de préférence aux États-Unis. La section chinoise accepte et un membre de la section se rend malgré toutes les difficultés à circuler en novembre 1938 auprès de Chen Duxiu pour le convaincre de partir. Chen Duxiu accepte car cela lui paraît sans doute la seule façon de briser son isolement. Par une déclaration du 3 novembre 1938, il réaffirme sa position de militant trotskiste tout en critiquant la direction de sa propre organisation. Trotski reçoit toutes ces nouvelles et s'en réjouit. Mais finalement, Chen Duxiu ne pourra jamais sortir de Chine, faute de laissez-passer du gouvernement.

En 1940-1941 éclate une discussion extrêmement vive entre les membres de la section chinoise au moment de l'embrasement généralisé de la seconde guerre mondiale : autour de Wang Fanxi, une tendance dite « de gauche » défend l'idée qu'avec l'entrée en guerre des États-Unis et du Royaume-Uni, la guerre contre le Japon deviendra une guerre impérialiste et qu'il faut donc en revenir au défaitisme révolutionnaire ; Peng Shuzi pense que cette position est ultra-gauchiste et qu'il faut en rester à la position traditionnelle du mouvement ouvrier face à la guerre anti-impérialiste de la Chine ; quant à Chen Duxiu il il pense qu'aucune révolution ne sortira de la guerre et qu'il faut donc soutenir « le moindre mal », le camp des démocraties occidentales contre le fascisme et il se prononce également contre la défense de l'URSS, qui a cessé pour lui d'être un État ouvrier. Il rompt toutes les relations avec la section chinoise en août 1941 et ses derniers écrits portent l'échec de la révolution à créer, dans les pays arriérés, un État ouvrier. Il conclut malgré tout en réaffirmant son internationalisme en disant : « la libération véritable des peuples ne peut se produire qu'en même temps des révolutions socialistes dans les pays impérialistes. (…) L'unique espoir d'une nation petite et faible réside dans la coopération avec les travailleurs opprimés du monde entier et les autres nations arriérées ».

Chen Duxiu est alors très malade, âgé et affaibli par ses années de prison. Il meurt à Jianching dans le Sichuan le 27 mai 1942. Un an et demi après l'assassinat de Trotsky c'est un autre grand nom du communisme révolutionnaire international qui disparaît. Avec lui, disparaît cette génération révolutionnaire chinoise qui avait fait du prolétariat urbain la classe décisive pour changer le monde, renverser la vieille société. Wang Fanxi écrit dans ses mémoires :

« La pensée de Chen Duxiu dans les dernières années de sa vie s'était fort éloignée du trotskisme comme le montrent ses Derniers Articles et Lettres, mais je n'étais pas le seul à croire que, s'il avait vécu plus longtemps, il aurait certainement dépassé ces vues, et sous la pression des évènements, il serait revenu au camp trotskiste puisqu'il avait non seulement tous les attributs d'un véritable révolutionnaire mais aussi un sens aigu et remarquable de l'observation. (…) En pleurant sa perte, nous devions nous rappeler que le PCC et le Guomindang, dans leurs intérêts bornés de parti, se combinèrent pour détruire sa réputation, le premier en passant sa mort sous silence ou en salissant sa mémoire, le second en lui attribuant de faux compliments et en déformant ses idées. Leurs buts étaient essentiellement les mêmes : l'empêcher d'occuper la place qu'il méritait dans l'histoire et porter ainsi un coup mortel au trotskisme chinois. Pleurer la perte de Chen Duxiu signifiait faire tout notre possible pour lui rendre la place qui lui était due comme le personnage le plus extraordinaire de la pensée chinoise moderne et l'incarnation de toute la période de la pensée politique occidentale de Rousseau à Marx, et pour montrer que le choix du trotskisme pour un tel homme illustrait le rôle historique de notre mouvement en Chine comme pont entre les traditions révolutionnaires du passé et la promesse du futur. »

2 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Jacques Guillermaz, Histoire du parti communiste chinois, p. 56
  2. Lucien Bianco, Les Origines de la révolution chinoise, 1915-1949, pp. 73-74
  3. Lucien Bianco, Les Origines de la révolution chinoise, 1915-1949, p. 90
  4. Jacques Guillermaz, Histoire du parti communiste chinois, p. 45
  5. Lucien Bianco, Histoire : la naissance du Parti communiste chinois, 25 août 2010
  6. Bruno Philip, « Dans un quartier branché de Shanghaï, la maison natale du PCC » Le Monde, 25 septembre 2009
  7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_front_uni_chinois

3 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • NPA, Chen Duxiu et l'échec de la révolution prolétarienne en Chine, 2015
  • Lucien Bianco, Les Origines de la révolution chinoise, 1915-1949, Gallimard, collection « Folio-Histoire », 1967
  • Jacques Guillermaz, Histoire du parti communiste chinois, 2 vol., Payot, 1975
  • Yves Chevrier, « De l’occidentalisme à la solitude : Chen Duxiu et l’invention de la modernité chinoise », Études chinoises, n°  3, 1984. [lire en ligne]