Philosophie postmoderne

La philosophie postmoderne désigne un ensemble de discours qui se sont développés à partir des années 1960 et surtout à la fin du 20e siècle. Ce qui est rangé derrière fait l'objet de nombreux désaccords, mais on retient généralement que la philosophie postmoderne se construit sur une forte défiance vis-à-vis de la « modernité occidentale » (rationalisme, universalisme...). Cette posture s'est diffusée plus largement dans les études de littérature et les sciences sociales, et dans une moindre mesure dans d'autres disciplines.
Parmi les universitaires de la deuxième moitié du 20e siècle, dont le nombre augmente brusquement, et qui penchent nettement à gauche, la pensée postmoderne est influente. Beaucoup parmi celleux qui amorcent les études de genre ou les études post-coloniales en sont proches.
De nombreux philosophes marxistes ou « marxiens » sont associés à ce courant. Le marxisme a beaucoup été utilisé par des philosophes postmodernes pour déconstruire les métarécits dominants, mais en retour, le postmodernisme a beaucoup été utilisé contre le marxisme, parfois inclus lui-aussi dans ces métarécits.
Aujourd'hui le postmodernisme est une question controversée parmi les marxistes. Certains reconnaissent des apports importants[1], d'autres en font une critique virulente[2][3][4][5]. Ce qui est souvent critiqué est la tendance au rejets des « totalités » et le relativisme vis-à-vis des discours scientifiques, qui désarme aussi la critique marxiste, qui se veut une critique scientifique du capitalisme.
Le postmodernisme a aussi un autre sens en tant que courant artistique.
1 Bref historique[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Précurseurs[modifier | modifier le wikicode]
Nietzsche et Kierkegaard sont parmi les philosophes qui ont eu une influence indirecte.[6]
Martin Heidegger est un précurseur de la philosophie postmoderne. Il est un des premiers à utiliser le terme de déconstruction (plus ou moins utilisé dans le sens d'analyse critique d'un texte) qui sera largement repris.
Dès cette époque, on peut voir une différence notable de réception de son œuvre entre ce qui allait devenir la philosophie analytique et la « philosophie continentale ». Pour quelqu'un comme Rudolf Carnap, Heidegger représentait dans le fond comme dans la forme un des exemples de la pire façon de faire de la philosophie.[7] Bertrand Russell y voyait une philosophie « extrêmement obscure ».[8] Heidegger aura pourtant une réception mondiale disproportionnée, sans doute en raison même de cette obscurité.[9]
L'école de Francfort est à l'origine un courant marxiste qui s'est davantage préoccupé d'analyser la culture et les subjectivités que l'infrastructure économique. Cela explique que certains auteurs postmodernes aient été inspirés par ce courant.
1.2 French Theory[modifier | modifier le wikicode]
Dans les années 1960, une série de philosophes français développent des idées qui auront beaucoup de succès dans le monde universitaire aux États-Unis sous le nom de French Theory dans les années 1970 et 1980, ce courant influençant en retour de nombreux universitaires dans le monde dans les années 1990-2000.
Jean-François Lyotard est un des premiers à populariser l'idée de condition postmoderne, avec son ouvrage de 1979. Il y soutient que désormais, on ne peut plus croire aux métarécits qui ont structuré la modernité, comme le Progrès, les Lumières, l'Émancipation et le Marxisme. Son idée était aussi vaguement adossée à la notion de société post-industrielle.

Michel Foucault est un des philosophes qui a eu le plus d'influence sur le courant postmoderne, même si lui-même refusait ce label. Ses travaux sont parmi les plus concrets parmi ceux des post-modernes, qui ont eu tendance à devenir toujours plus abstraits et subjectifs par la suite. Son étude de l'évolution du système pénal et carcéral est fondée sur une collecte minutieuse de faits. En revanche il ne relie pas cette évolution aux rapports de production capitalistes, au risque de favoriser l'idéalisme.[2] Foucault a par ailleurs mis en avant l'idée que les rapports de pouvoir sont diffusés partout dans la société (« biopouvoir ») et pas simplement en provenance de l'État. Une idée qui en soi est déjà présente dans le marxisme (hégémonie idéologique de la bourgeoisie et ses relais...), mais qui chez Foucault sert à nier l'importance d'une lutte centralisée.
Jacques Derrida est l'autre grande figure de la French Theory. Il est connu pour avoir promu la « déconstruction » de textes, une pratique peu définie visant à analyser les postulats sous-entendus et accéder à des sens cachés. Derrida dénonçait un logocentrisme de la pensée occidentale (focus sur la rationalité), plus tard complété en phallogocentrisme.
Parmi les autres auteur·es souvent cités : Julia Kristeva, Roland Barthes, Gilles Deleuze et Félix Guattari.
Ces auteur·es remettent en cause les dichotomies (oppositions binaires) traditionnelles comme vrai / faux, corps / esprit, société / individu, liberté / déterminisme, domination / soumission... Ces dichotomies ont toujours des limites, mais elles aident à penser. Les nuancer n'est pas la même chose que les rejeter sans méthode.
Les psychanalystes (très implantés en France) sont nombreux à avoir épousé le courant postmoderne. En France, Freud est souvent cité avec Nietzsche et Marx comme appartenant aux « philosophes du soupçon »[10], qui auraient aidé à déconstruire les évidences. Le psychanalyste Jacques Lacan a eu une forte influence (sur Derrida, Guattari et Kristeva notamment[11], ces deux derniers étant aussi psychanalystes), et aux États-Unis il est inclus dans la French Theory.
1.3 Diffusion[modifier | modifier le wikicode]
1.3.1 Années 1970-80[modifier | modifier le wikicode]
Aux États-Unis, ce sont dans les facultés de littérature que la French Theory a eu le plus de succès, d'abord à partir de ceux qui se sont fait connaître comme les déconstructionnistes de Yale (partisans de Derrida), puis avec le développement des Cultural Studies, se voulant transdisciplinaires (touchant à la sociologie, l'anthropologie...).
Cela ne signifie pas que ce mouvement fait l'unanimité. Quelqu'un comme Noam Chomsky écrivait en 1988 : « On va d'une absurdité à l'autre - stalinisme, existentialisme, structuralisme, Lacan, Derrida - les unes obscènes (le stalinisme) et d'autres simplement infantiles ou ridicules (Lacan et Derrida). »[12] Le champ de la philosophie analytique a rejeté Derrida comme du bullshit.[13]
En Allemagne, Jürgen Habermas publie en 1981 une critique du post-modernisme.[14]
Alex Callinicos donne l'interprétation sociologique suivante de la génération qui s'est brièvement intéressée au marxisme autour de 1968 :
« Beaucoup des enfants déçus des années 1960 [,dont beaucoup de jeunes diplômés doués,] se retrouvaient dans une mobilité sociale très rapide (...). L’intérêt matériel [les incitait] à renoncer à leur engagement en faveur du changement social. En même temps, beaucoup avaient du mal à accepter idéologiquement le système. Le saut du culte de Che Guevara au soutien des contras du Nicaragua était trop acrobatique pour la plupart d’entre eux (même si certains le réussirent). Le Postmodernisme fournissait une étape intermédiaire idéale. Il renonçait aux grands récits d’émancipation et de révolution, mais se refusait de façon non critique à assumer le capitalisme libéral. Ceux qui l’acceptaient pouvaient jouir des bénéfices matériels de la période de prospérité très inégalitaire de la fin des années 80, tout en conservant une attitude ironique et détachée envers ce que Rorty appelle les « vocabulaires finaux » - socialisme, libéralisme, conservatisme, ou autres. »[15]
En France, paradoxalement, à partir du milieu des années 1970, les auteurs de la French Theory tendent à repasser au second plan jusqu'aux années 2000.
Certaines théories critiques parmi les identity politics, marquées par le post-modernisme, se sont développées. Peut-être en partie par manque de capacité d'agir sur des éléments plus concrets (inégalités matérielles...), beaucoup d'intellectuel·les se sont focalisé·es sur les dominations symboliques. Celles-ci ont des répercussions réelles sur les personnes, et méritent d'être analysées, d'autant plus que pour cela avait été négligé jusque là.
Mais l'influence postmoderne s'est traduite par une tendance à ne pas assez ancrer ces dominations symboliques dans des structures (sociales, économiques...), voire une tendance à ne pas assez les objectiver, ce qui peut mener à des théories sans réel fondement.
1.3.2 Années 1990[modifier | modifier le wikicode]
Le contexte des années 1990, avec l'effondrement du bloc « communiste » (stalinien) a favorisé l'essor du postmodernisme. Les partis ouvriers historiques (socialistes / communistes) étaient sur le recul, cessaient de se revendiquer du marxisme ou prenaient fortement leurs distances. L'influence du marxisme a reculé dans la sphère académique, et le libéralisme apparaissait comme triomphant. Beaucoup d'intellectuels ont alors développé un certain nihilisme intellectuel.
Aux États-Unis, Stanley Cavell.
En France, le sociologue Gilles Lipovetsky invente un nouveau terme, hypermodernité.
En Italie (Giorgio Agamben), en Slovénie (Slavoj Žižek), en Allemagne (Peter Sloterdijk), en Inde.[16]
2 Caractéristiques et critiques[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Sur le plan général[modifier | modifier le wikicode]
2.1.1 Descriptif ou performatif ?[modifier | modifier le wikicode]
Le terme de post-modernité semble d'abord avoir été utilisé de façon descriptive.[17]
Mais chez les auteurs qui parlent de post-modernité, il y a souvent une certaine ambigüité entre descriptif et normatif[18]. Ainsi Lyotard comme Maffesoli prétendent d'abord et avant tout constater ce que serait de fait la condition postmoderne, ou être postmoderne[19], tout en prônant activement une démarche qui va dans le sens d'une pensée postmoderne. De même à propos des auteurs qui parlent d'hypermodernité (qui sont de fait au sein de la nébuleuse post-moderne). Certains auteurs comme Freitag ont avant tout un discours se voulant descriptif et critique, même si on peut aussi considérer, d'un point de vue marxiste, qu'ils se sont en partie adaptés au mode de pensée postmoderne.
2.1.2 Post-structuralisme[modifier | modifier le wikicode]
Le structuralisme est une notion assez vague, mais qui exprime l'idée holiste de l'importance d'étudier les structures qui déterminent, consciemment ou non, les individus. Le structuralisme est un paradigme qui se retrouve dans un ensemble d'approches (dont le marxisme fait partie dans un certain sens), en sociologie mais plus largement en sciences sociales et en philosophie.
A partir des années 1960-1970, beaucoup d'universitaires basculent vers le post-structuralisme, relativisant l'importance des structures étudiées par les intellectuels des générations précédentes. Globalement, ils tendent à minimiser le poids des structures matérielles (techniques, économiques...) et plus généralement ils rejettent ce qu'ils considèrent comme des oppositions binaires (vrai / faux, dominant / dominé, bien / mal...).
2.1.3 Rejet des « totalités »[modifier | modifier le wikicode]
Un point commun fort aux différents courants postmodernes est de rejeter les théories totalisantes, englobantes, de la société. Cela a visé les idées de progrès et de rationalisme issues des Lumières, rejetées au nom de leurs biais européocentristes et capitalistes, ou au nom de toutes les horreurs que le « progrès » a pu justifier par la suite. Mais cela a visé aussi le marxisme, son ambition d'expliquer la société par les rapports de production et les luttes de classes étant rejetée comme réductionniste (un rejet qui a été facilité par l'hégémonie d'un marxisme dogmatique et simpliste pendant les décennies où le stalinisme dominait parmi ceux qui se revendiquaient de Marx).
Depuis l'abandon des « métarécits » de Lyotard jusqu'à l'opposition de Latour aux structuralistes comme Bourdieu[20], c'est ce rejet des totalités qui est à l’œuvre. Pour beaucoup, cela est justifié par un scepticisme à l'égard de ces explications totalisantes, qui seraient réductionnistes. Certains comme Derrida vont jusqu'à dire que les totalités mènent en puissance au totalitarisme...
2.1.4 Relativisme scientifique[modifier | modifier le wikicode]
Le postmodernisme a une tendance à fortement relativiser voire nier toute objectivité d'une quelconque méthode scientifique. Cette arme du relativisme est principalement pointée vers les scientifiques des sciences naturelles (chez qui l'idée de réalisme est très ancrée), mais aussi, au sein des sciences sociales, vers ceux qui défendent l'importance des facteurs matériels et/ou un certain objectif d'explications totalisantes (cf. paragraphe précédent).
Il faut souligner par ailleurs que ce relativisme envers les sciences de la nature va parfois de pair avec des connaissances très limitées dans ce domaine (ne pas savoir différencier une corrélation d'une causalité[21][22], écrire un livre sur l'IA sans rien y connaître[V 1]...), tout en ayant une tendance à utiliser des termes issus de ces sciences (et chargés d'une certaine aura d'autorité...) : biopouvoir, biosophie et espaces immersifs immunologiques, rhizome, corps-sans-organe, échographie, espace non-euclidien, sphère, tore, précession...
Cela vire parfois au charlatanesque (« le pouvoir de la pensée quantique »[23]...), ce qui a aussi été illustré par plusieurs canulars (affaire Sokal, affaire Maffesoli[24]...).
Les partisans de l'approche postmoderne tendent à favoriser l'idée que tout est construction sociale[25][V 2], niant la scientificité des disciplines qui voudraient nuancer ce tableau. Ironiquement, au sein même des sciences sociales, certains dénoncent les tendance à nier le poids des structures comme relevant du postmodernisme, tout en ayant la même attitude vis-à-vis des autres sciences.
Pour toutes ces raisons, de nombreux critiques de gauche estiment que la tendance au rejet de toute méthode scientifique englobante tend à affaiblir l'ensemble des sciences, et désarmer les esprits. Comme le souligne l'anthropologue Homayun Sidky, ce qui nous menace, c'est bien davantage l'obscurantisme (climatoscepticisme, racisme, complotisme...) que le « culte du progrès » issu des Lumières.[26]
Dans une interview de 2017, Latour a reconnu que les auteurs comme lui avaient contribué à l'essor de la défiance envers la science, et a déclaré vouloir aider à réparer les dégâts.[27]
2.1.5 Relativisme moral[modifier | modifier le wikicode]
Le refus de toute idée de progrès s'applique aussi à la morale. Le postmodernisme hérite de toutes les pensées qui ont montré que la morale est une construction sociale, dont le marxisme. Mais contrairement à ce dernier, qui estime qu'il y a certaines caractéristiques générales que l'on peut considérer comme du progrès moral, ils ont tendance à adopter une attitude très relativiste (la référence à Nietzsche est très présente).
Comme certains l'ont fait remarquer, les écrits des post-modernes contiennent aussi des positionnements moraux, qu'ils cachent aux lecteurs.[14]
2.1.6 Langage obscur[modifier | modifier le wikicode]
Une critique régulièrement faite à de nombreux philosophes est celle d'utiliser un langage exagérément compliqué (notamment pour produire un effet pseudo-profond[9]), mais cette critique touche particulièrement les philosophes postmodernes (et « continentaux »).
Ceux-ci sont friands de la création de nouveaux mots (hétérotopie, différance, phallogocentrisme, hyperréalité...). Deleuze disait clairement que selon lui un bon philosophe doit créer de nouveaux concepts pour poser de nouveaux problèmes. Une idée largement contestable : non seulement la pensée peut aussi progresser en discriminant parmi les concepts existant, via la logique ou l'empirisme, mais créer un nouveau concept ne signifie pas forcément créer un nouveau mot. Créer des mots pour créer des mots, sans se soucier de leur pertinence, peut conduire à noyer la pensée dans le langage, et transformer la philosophie en terrain de jeu hermétique au reste du monde.
Rudolf Carnap, philosophe et logicien, passant au crible un passage de Heidegger, dira que c'est un énoncé dénué de sens.[28][7] Quoi qu'il en soit Heidegger lui-même assumait une forme d'élitisme : « Toute concession faite à la compréhensibilité est déjà destruction »[29], le message s'adressant à un « petit nombre », les « hommes essentiels »[9]. On est à l'opposé de la maxime « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement ».
Le jour de la mort de Derrida, le New York Times titrait : « Jacques Derrida, théoricien abscons, meurt à 74 ans ».[30] Norbert Elias disait qu'il « crée sa propre version de la langue française, et laisse au lecteur désireux de s'initier le soin d'apprendre le français derridien ».[31]
Plus généralement, les tenants d'une philosophie analytique reprochent souvent le manque de rigueur dans les formulations des philosophes continentales / postmodernes.[8] Par exemple en 1992, des philosophes publient une lettre ouverte pour s'opposer à ce que l'université de Cambridge décerne à Derrida un doctorat honorifique, lui reprochant de ne pas respecter les « standards de clarté et de rigueur ».[32][33]
2.2 Par discipline[modifier | modifier le wikicode]
2.2.1 Philosophie[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1960 et 1970, la plupart des philosophes ont tendance à se focaliser sur la philosophie du langage. C'est sans doute en partie un effet de long terme de l'autonomisation des sciences vis-à-vis de la philosophie, et de l'organisation même des cursus scolaires, qui a favorisé une sorte d'opposition littérature-philosophie-sciences sociales d'un côté et sciences naturelles de l'autre.
La philosophie du langage n'est pas en soi idéaliste. Au contraire, plusieurs courants ont mis l'accent sur des déterminants sociaux majeurs. Mais de fait, dans ce milieu, une dérive idéaliste notable a eu lieu, considérant que tout ce qui importe est la représentation symbolique, le signifiant, n'y voyant que le règne de l'arbitraire. Le philosophe de la technique James Feibleman y voyait en 1982 « une espèce de nouvelle scolastique qui abandonne le monde réel au soin des autres. »[34] Gilbert Hottois, constatait aussi une « inflation langagière » et critiquait l'idéalisme de la plupart des philosophes (et de la psychanalyse qui les a fortement marqué, surtout en France avec Lacan) qui se concentrent principalement sur le pouvoir des mots, et sont coupés des questions techniques (qu'ils méconnaissent largement).[35]
Si la linguistique est devenue une science, beaucoup de postmodernes se sont piqués de linguistique et de sémiologie avec peu de rigueur. Le courant de la New Philology est associé au postmodernisme.
La philosophie du langage est fortement liée à la logique, car nous ne pouvons concevoir des affirmations logiques indépendamment du langage servant à les exprimer. Cependant, beaucoup de philosophes délaissent la logique et ont une utilisation du langage davantage tournée vers l'esthétique (d'où les passerelles avec la critique littéraire) ou la rhétorique pour les moins honnêtes. Pour Deleuze, la logique de Frege et Russell ne fait même pas partie de la philosophie.[36]
D'autres philosophes se sont penchés sur la philosophie des sciences, certains en espérant y trouver un point de vue surplombant.[37] L'épistémologie a développé l'analyse de tout ce qui baise le savoir : d'un côté les sciences tendent à utiliser ces résultats pour corriger ces biais, de l'autre, certains philosophes, dont les postmodernes, s'appuient sur ces biais pour appuyer leur vision ultra relativiste. En particulier Thomas Kuhn a remis en question la vision naïve d'un progrès linéaire et méthodique en sciences, ce que certains ont utiliser pour leur agenda ultra relativiste (ce qui agaçait Kuhn[38]).
Le courant de la philosophie analytique, dominant dans la sphère anglo-saxonne, est assez opposé à la philosophie postmoderne et continentale[39][40][41]. Cependant, certains philosophes se sont rapprochés du postmodernisme alors qu'ils ne l'étaient pas initialement, dont une branche postanalytique (Ludwig Wittgentstein après son Tractatus logico-philosophicus, Paul Feyerabend, Stanley Cavell, ou encore Richard Rorty).
2.2.2 Sociologie[modifier | modifier le wikicode]
Jean Baudrillard est un des premiers sociologues français postmodernes, publiant à partir de 1968. Mais la sociologie en France est alors dominée par le courant de Bourdieu, qui n'est pas marxiste, mais s'inscrit dans une approche structuraliste qui en reste proche. En revanche à partir des années 1990, le courant postmoderne prend de l'ampleur.
Aux États-Unis, cette bascule était déjà faite depuis un moment. Un exemple qui a mis en lumière cet aspect est l'affaire Sokal. En 1996, le physicien Alan Sokal propose un article à la revue de sociologie Social Text, chef de file du courant postmoderne. L'article, intitulé Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique, est volontairement du charabia utilisant abondamment des termes de physique, et, même si son argumentation ne repose sur rien, ses conclusions vont dans le sens de la ligne de la revue : relativiser la portée de la science au nom d'une critique de gauche. Il écrit ainsi que la science « ne peut pas prétendre à un statut épistémologique privilégié par rapport aux narrations contre-hégémoniques émanant de communautés dissidentes ou marginalisées ».

En France le sociologue Michel Maffesoli est le chef de file de ce courant (qui pèse autour de 30% selon certains), à travers sa revue Sociétés.[42] En 2001, Maffesoli est le directeur de thèse de l'astrologue Elizabeth Teissier, qui obtient son doctorat de sociologie avec thèse intitulée Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes. Cela soulève une vague de protestations[43], y compris une pétition de 400 sociologues[44]. Mais de nombreuses personnalités s'expriment en soutien à Teissier, et parlent de « chasse aux sorcières ». En particulier, certains (comme Jean Ziegler) considèrent qu'il s'agit d'une attaque contre le courant de Maffesoli parce qu'il est de gauche.
En 2015, deux sociologues ont proposé un article bidon à cette revue, parlant de l'Autolib comme « un indicateur privilégié d’une dynamique macrosociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémê “moderne” à une épistémê “postmoderne” », et cet article a été accepté.[45][46]
Le courant représenté par Bruno Latour est lui-aussi souvent rangé dans le postmodernisme (même si lui-même se revendique « non-moderne »), par exemple par Jacques Bouvereresse[47]. Bourdieu le décrivait comme un « constructiviste radical », désignant par là un courant en sociologie qui nie le poids des structures sur les individus.[48]
2.2.3 Dans le féminisme[modifier | modifier le wikicode]
Luce Irigaray, psychanalyste et philosophe postmoderne, adoptait un discours féministe essentialisant les femmes, et fondé sur aucune base matérielle. Selon elle, la physique des fluides aurait été moins développée que la physique des solides, parce qu'associée au féminin (on peut pourtant penser que cela a un rapport avec la complexité bien plus élevée des calculs en physique des fluides). Ou encore, l'équation « e=mc² » serait « sexuée » parce qu'elle « privilégie la vitesse de la lumière, (...) ce qui va le plus vite » (caractéristique associée à la masculinité).[49]
Judith Butler appartient aussi au courant postmoderne[50], bien que fortement critique d'Irigaray et de son différentialisme. Butler va plus loin que le point de départ des études de genre (distinction sexe / genre), en avançant que la catégorie de sexe elle-même est une construction sociale, par le langage. Son ouvrage Gender Trouble (1990) s'appuie sur l'exemple des personnes intersexes, qui à la naissance ont des organes génitaux ne correspondant pas aux cas typiques masculin / féminin. En 2002, Christine Delphy écrit que « le sexe est créé par le genre »[51]. Elle ne nie pas qu'il y a des différences anatomiques à la naissance, mais dans cette expression elle désigne par sexe la catégorisation binaire « sexe masculin / sexe masculin », estimant que c'est parce qu'il y a eu institutionnalisation d'une oppression (donc une relation de pouvoir entre deux groupes) que cette catégorisation binaire a été créée.
Ce constructivisme social radical est devenu hégémonique dans le féminisme, même s'il ne fait pas l'unanimité.
Par ailleurs, la plupart des féministes de la troisième vague s'inspirent fortement de la vision du pouvoir de Foucault, comme quelque chose de diffus, non localisé quelque part. Selon certain·es, cela contribue à justifier un militantisme diffus et davantage centré sur le culturel que contre des groupes ou des institutions. Le rejet des totalités présent dans le postmodernisme a peut-être facilité la prise en compte des minorités (femmes noires, lesbiennes, bi...), mais dans le même temps il est accusé d'avoir affaibli la capacité d'unité du groupe femmes.
2.2.4 Dans l'antiracisme[modifier | modifier le wikicode]
Aux États-Unis, un courant intellectuel s'est centré sur l'analyse des formes de dominations raciales qui persistent, le courant des études post-coloniales. Ce courant est fortement dominé par le post-modernisme, dans le sens où il est assez hostile aux analyses sociologiques traditionnelles en termes de classes sociales, suspectées de réductionnisme, et se concentre souvent sur les dominations symboliques. Ce courant s'appuie sur la critique radicale de l'universalisme qui est au cœur du post-modernisme.
Il est clair que l'universalisme a été utilisé comme arme idéologique par les impérialismes européens et états-uniens, pour faciliter l'écrasement des autres cultures à des fins politiques. Néanmoins le rejet radical de l'universalisme est une impasse, s'il essentialise comme « occidentale » la science actuelle (laquelle émerge en réalité d'apports du monde entier) ou les aspirations au progrès social...
2.2.5 Histoire[modifier | modifier le wikicode]
En histoire, l'influence du marxisme a été et reste majeure. Cependant, le recul du marxisme dans l'ensemble de la société a impacté les historien·nes, qui se revendiquent moins du marxisme, ou moins ouvertement. En parallèle, une certaine influence du postmodernisme se fait sentir, même si elle est rarement revendiquée comme telle.
Ainsi un historien comme Paul Veyne revient à une vision de l'histoire comme ensemble d'évènements dont on peut faire un « roman vrai », mais sans facteurs explicatifs notables.
« Dans la nature physique que scrutent les sciences exactes, les objets du discours scientifique présentent des régularités (…). En revanche, dans les choses humaines, il n’existe et ne peut exister que des singularités d’un moment (…), puisque le devenir de l’humanité est sans fondement, sans vocation ni dialectique qui l’ordonneraient ; à chaque époque ce n’est qu’un chaos de singularités arbitraires, issues de la concaténation chaotique précédente »[52]
Ce qui est dénoncé par certains comme postmoderne.[2][53]
2.2.6 Géographie[modifier | modifier le wikicode]
On parle aussi de postmodernisme en géographie. Cependant il y a souvent un mélange entre le type de sujets abordés, et la méthode. Les nouvelles générations de géographes s'intéressent davantage à des sujets que les anciennes générations avaient des réticences à aborder (femmes, sexualités...). Ce nouveau courant a tendance également à être moins structuraliste. Mais cela n'a rien d'automatique.[54][55][18]
Le géographe marxiste David Harvey a publié en 1989 une analyse critique de la montée du postmodernisme.[56]
Selon le sociologue Razmig Keucheyan : « L’idée qu’à l’époque « postmoderne » l’espace domine le temps, alors que la modernité se caractérisait au contraire par une domination du temps sur l’espace, est très répandue aujourd’hui. (...) D’où la prolifération de concepts géographiques. »[57]
2.2.7 Théorie littéraire[modifier | modifier le wikicode]
Le champ des théories de la littérature regroupe beaucoup d'activités différentes : commentaire d’œuvres littéraires d'un point de vue artistique, culturel, politique ; théories sur leurs influences, leurs catégorisations...
Aux États-Unis, c'est dans ce domaine universitaire que la diffusion du post-modernisme (via la French theory) a été la plus forte.[58][53]
Ce fait peut être considéré comme révélateur de la démarche de ces auteurs. Par exemple Jacques Bouveresse critiquait ainsi la démarche de Deleuze :
« La philosophie, dirait Deleuze, doit être considérée comme « un discours créateur, ni plus ni moins que les autres disciplines » […]. Concrètement, cela signifie que le modèle proposé à la philosophie, et, finalement, à la science elle-même, est celui des avant-gardes littéraires et artistiques où la légitimité consiste souvent, pour l'essentiel, avec le désaccord avec ce qui précède, le simple fait de proposer « autre chose » qui diffère aussi radicalement que possible de ce que l'on faisait avant. » [59]
Habermas écrit qu'on ne sait pas si les œuvres de Deleuze ou Derrida relèvent de la littérature ou proposent une théorie.[14]
Même dans le domaine de la critique littéraire, le dédain pour la logique produit des effets. Le manque de rigueur d'un Roland Barthes a été critiqué par René Pommier, ou encore Georges Matoré, qui estime que « Barthes ignore la rigueur scientifique, il se contredit constamment, et il isole des citations de leur contexte ou les passe sous silence si elles infirment la théorie qu'il a avancée. »[60]
C'est sans doute une des raisons pour laquelle les philosophes postmodernes aiment tant parler « d'herméneutique », un mot savant pour « interprétation de textes ».
2.2.8 Interdisciplinarité ou dilettantisme ?[modifier | modifier le wikicode]
Au sujet des intellectuels français, Jon Stewart a noté qu'ils « sont souvent difficiles à classer sans ambiguïté comme philosophes, théologiens, critiques littéraires ou simplement écrivains. »[6] On peut ajouter que beaucoup sont à cheval entre la philosophie, la sociologie ou l'histoire. Cette caractéristique est plus marquée dans la philosophie continentale qu'analytique, dans la philosophie française, et dans la philosophie postmoderne.
En soi, l'interdisciplinarité est une bonne chose, et elle est nécessaire pour aboutir à une pensée complexe (dialectique) du monde. Le travail de Marx était interdisciplinaire entre philosophie, histoire, sociologie et économie.
Mais l'interdisciplinarité implique un travail soutenu pour maîtriser un minimum les acquis des différentes disciplines. A défaut, cela peut très bien n'être que du dilettantisme et un moyen d'accentuer l'effet puits.
On peut d'ailleurs souligner que les philosophes postmodernes ne font jamais de l'interdisciplinarité avec de l'économie, sans parler de sciences naturelles. Quand ils font de l'interdisciplinarité avec des sciences sociales, c'est en adoptant des postures très pauvres en données objectives, qui nécessitent du travail laborieux de collecte de données.
3 Positionnements politiques[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Gauche post-moderne[modifier | modifier le wikicode]
En majorité, les penseurs postmodernes se positionnent à gauche. Beaucoup se perçoivent même comme plus radicaux que la plupart des autres courants.
Il est difficile d'en juger de façon claire. Premièrement parce que cela dépend dans quel domaine. Il y a eu une tendance dans ce courant à abandonner la lutte des classes, mais de l'autre, à mettre en lumière d'autres oppressions. Selon certains, « la philosophie postmoderne est devenue la philosophie officieuse des politiques de l'identité. »[25] Mais d'autre part, pour être radical, il ne suffit pas de théories critiques, il faut une action concrète sur le monde. Et sur ce point, beaucoup à gauche accusent le courant post-moderne de nuire à la construction d'un mouvement efficace pour lutter contre le système en place.
Ce courant est accusé de conduire à une pensée globalement inoffensive pour les structures du pouvoir en place (puisqu'elles ont tendance à nier les structures ou à détourner l'attention d'elles). Par exemple Bourdieu a décrit Latour comme faisant la promotion opportuniste d'une nouvelle sociologie non-marxiste et compatible avec le libéralisme.[48]
En témoigne l'effet qu'a eu la lecture de Foucault par Deleuze :
« C’est comme si, enfin, quelque chose de nouveau surgissait depuis Marx. (…) A l’arrière-fond gronde une bataille, avec ses tactiques locales, ses stratégies d’ensemble, qui ne procèdent pourtant pas par totalisation, mais par relais, raccordement, convergence, prolongement. (…) Le privilège théorique qu’on [le marxisme] donne à l’Etat comme appareil de pouvoir entraîne d’une certaine façon la conception pratique d’un parti directeur, centralisateur, procédant à la conquête du pouvoir d’Etat. »[61]
De fait, la pensée de Foucault et Deleuze a inspiré des pensées politiques se détournant de toute lutte centralisée, notamment chez John Holloway ou Toni Negri.
3.2 Passerelles avec la réaction[modifier | modifier le wikicode]
D'autres considèrent que le postmodernisme permet des passerelles avec la réaction. D'une part, le rejet des notions de progrès et des Lumières est depuis longtemps la caractéristique du plus ancien courant réactionnaire, ce qui peut induire des rapprochement. D'autre part, le rejet des sciences peut conduire à un passéisme réactionnaire. La philosophe Meera Nanda fait un rapprochement entre les intellectuel·les indien·nes influencé·es par le postmodernisme (Vandana Shiva, Ashis Nandy), et les nationalistes hindous.[16] Ils ont en effet en commun des tendances à réécrire l'histoire des sciences et à flatter de façon populiste les croyances traditionnelles, voire à vanter une « science védique » incluant astrologie et créationnisme. Les nationalistes n'ont pourtant aucun problème à utiliser la technologie moderne à des fins capitalistes, contrairement à des militantes comme Vandana Shiva très hostiles aux technologies (anti OGM, anti engrais, etc.).
Par ailleurs, beaucoup de post-modernes se retrouvent à faire bloc si l'on critique leurs idoles, même les pires, comme Heidegger qui a été nazi.[62][9]
Certains auteurs post-modernes sont clairement conservateurs ou réactionnaires, comme Sloterdijk ou Enthoven.
3.3 Critiques réactionnaires[modifier | modifier le wikicode]
Certains penseurs critiquent le post-modernisme d'un point de vue réactionnaire. Par exemple, Alain Finkielkraut critique le relativisme moral et utilise la réaffirmation de l'héritage des Lumières pour justifier sa tendance à stigmatiser les musulmans.[63] Ou encore, le canular Grievance Studies aux États-Unis a été une attaque des études de genre par deux conservateurs, et sa méthode ne prouve pas grande chose.
3.4 Post-marxistes[modifier | modifier le wikicode]
Un certain nombre d'auteur·es issu·es du marxisme ont été considéré·es comme faisant partie de la vague post-moderniste, et ont été regroupés sous le terme de post-marxistes.
Jean Baudrillard est considéré comme post-marxiste. Il s'est éloigné des préoccupations matérielles des marxistes pour se consacrer à la sémiotique. Il soutient, sans trop l'étayer, que la frontière entre réel et virtuel est brouillée du fait de l'omniprésence de « simulacres » (publicité, images...). Il va jusqu'à écrire : « Il serait intéressant de voir si l'appareil répressif ne réagirait pas plus violemment à un hold-up simulé qu'à un hold-up réel ? Car celui-ci ne fait que déranger l'ordre des choses, le droit de propriété, tandis que l'autre attente au principe même de réalité. » Il n'y a plus grand chose du marxisme lorsqu'on croit que l'État serait plus répressif envers ce qui serait une anecdote un peu absurde qu'envers une attaque directe à la propriété privée...
Ernesto Laclau et Chantal Mouffe sont des figures de ce mouvement. Dans leur ouvrage de 1985, Hégémonie et stratégie socialiste, ils remettent en question la centralité de la lutte des classes, l'objectif d'unifier spécifiquement la classe ouvrière comme sujet révolutionnaire, et évoluent vers une notion de luttes plus diffuses, y compris plus individualistes, devant être regroupées par une nouvelle forme de « populisme ».
Le courant de l'école de Francfort s'est aussi fortement éloigné du marxisme. Pour certains orthodoxes, il l'avait abandonné dès le début.[4]
Il est à noter que le même clivage traverse l'anarchisme (dont une grande partie de l'appareil théorique est commun avec le marxisme). Ainsi certains ont décrit le débat Chomsky-Foucault de 1971 comme symbolique d'un clivage entre un anarchisme classique et un post-anarchisme inspiré par le post-modernisme[V 2] .
3.5 Marxistes critiques[modifier | modifier le wikicode]
Une grande partie des marxistes adoptent cependant un positionnement critique vis-à-vis du postmodernisme.
Aux États-Unis, Fredric Jameson est un des principaux marxistes connus pour sa critique du postmodernisme.[64] En 1984 il publie Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif.[65] Il avance que le rejet de toute totalité est le produit de la fragmentation des conditions de la recherche (de plus en plus spécialisée), et que la recherche confuse de totalité peut s'exprimer dans le complotisme[66]. Dans Valences of the Dialectic (2009) il critique notamment Žižek et Deleuze.
David Harvey est également connu pour sa critique.[56]
En France, Daniel Bensaïd a critiqué à la fois les post-modernes et certains marxistes qu'il considèrent trop réductionnistes.[67]
Certains font une critique modérée, considérant que les courants influencés par le postmodernisme ont peu avoir un rôle progressiste, notamment parce qu'ils ont été de fait plus précurseurs dans certaines luttes d'opprimé·es (contre le patriarcat, contre le racisme, contre les LGBTIphobies, contre le validisme...)[68]. Ainsi on trouve des marxistes défendant la notion d'intersectionnalité, considérant qu'elle peut être alliée à une grille de lecture marxiste.[1][69][70]
L'historien marxiste Richard J. Evans a critiqué le scepticisme vis-à-vis de la réalité, et l'erreur de ceux qui croient qu'ils aident la gauche avec cette attitude (comme exemple, il souligne que cela sape la lutte contre le négationnisme)[71].
D'autres adoptent un positionnement non seulement plus hostile mais aussi plus englobant, considérant que l'intersectionnalité ou les « théories postcoloniales » sont par nature postmodernes.[2][3]
Un des points de clivages essentiels est celui de la fragmentation des luttes.[72] Beaucoup de mouvements de gauche issus du mouvement ouvrier accusent les mouvements de luttes sectoriels (nourris par les identity politics et l'intersectionnalité) de diviser la classe ouvrière, et donc de faire obstacle au renversement du capitalisme. D'autres répondent que ce sont avant tout le racisme et le patriarcat qui divisent la classe ouvrière, et que la lutte contre ces oppressions est nécessaire pour unifier la classe.
Les plus critiques argumentent souvent que le postmodernisme est une idéologie réactionnaire car produite dans une période réactionnaire.[2][3] D'autres considèrent que cet argument est trop économiciste et réductionniste, faisant découler uniformément et mécaniquement le progrès des idées du progrès des forces productives (avec une logique de ce type, on devrait considérer que les luttes LGBTI sont réactionnaires car elles ont pris de l'ampleur à la même période).
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
Vidéos
- ↑ Monsieur Phi, Enthoven vs. ChatGPT : QUI EST L'IMPOSTEUR ?, 16 juin 2024 (voir aussi ce débat entre eux)
- ↑ Revenir plus haut en : 2,0 et 2,1 Politikon, Y a t-il une nature humaine ? Le débat Chomsky-Foucault, 6 mai 2024
Textes
- ↑ Revenir plus haut en : 1,0 et 1,1 Sharon Smith (International Socialist Organization, USA), Une défense marxiste de l’intersectionnalité, août 2017
- ↑ Revenir plus haut en : 2,0 2,1 2,2 2,3 et 2,4 Jérôme Métellus, Misère de la philosophie postmoderne, PCR, 6 décembre 2021
- ↑ Revenir plus haut en : 3,0 3,1 et 3,2 A&R, À propos de l’« intersectionnalité », 2017
- ↑ Revenir plus haut en : 4,0 et 4,1 WSWS, La philosophie et la politique dans une époque de guerre et de révolution, 8 novembre 2016
- ↑ Daniel Morley, Hamid Alizadeh, Marxism versus postmodernism, 21 January 2022
- ↑ Revenir plus haut en : 6,0 et 6,1 Jon Stewart, Kierkegaard's Influence on Philosophy, Volume 11, Tome II: Francophone Philosophy, Routledge, 2016
- ↑ Revenir plus haut en : 7,0 et 7,1 Rudolf Carnap, Le dépassement de la métaphysique par l'analyse logique du langage, 1932
- ↑ Revenir plus haut en : 8,0 et 8,1 Bertrand Russell, Wisdom Of The West, 1959
- ↑ Revenir plus haut en : 9,0 9,1 9,2 et 9,3 Sidonie Kellerer (University of Cologne), Philosophy or Messianism? (Philosophie ou messianisme ?) in Confronting Heidegger, Rowman & Littlefield, 2019, 179–208
- ↑ FAQ Philo, La philosophie du soupçon
- ↑ René Major, Lacan avec Derrida, éd. Champs-Flammarion, 2001, et, du même auteur, l'article « Derrida, lecteur de Freud et de Lacan », Études françaises, vol. 38, n° 1-2, 2002, p. 165-178.
- ↑ Noam Chomsky, Language and politics, Montréal, Black Rose Books, 1988, p. 310,311
- ↑ Review of Deconstructive Criticism: An Advanced Introduction by Vincent B. Leitch, Journal of the Midwest Modern Language Association, Vol. 17, No. 1 (Spring, 1984), pp. 111-113
- ↑ Revenir plus haut en : 14,0 14,1 et 14,2 Jürgen Habermas, Seyla Ben-Habib, Modernity versus Postmodernity, New German Critique (22): 3–14, 1981
- ↑ Alex Callinicos, Postmodernisme : un diagnostic critique, 25 septembre 2011
- ↑ Revenir plus haut en : 16,0 et 16,1 Meera Nanda, Postmodernism, Hindu Nationalism, and “Vedic Science”, in Scientific Values and Civic Virtues , Oxford University Press, July 2005
- ↑ Par exemple Arnold Toynbee a suggéré en 1934 d’appeler l’histoire de l’Occident après 1875 « l’âge post-moderne », dans A study of history
- ↑ Revenir plus haut en : 18,0 et 18,1 Christine Chivallon, La géographique britannique et ses diagnostics sur l’époque postmoderne, Cahiers de géographie du Québec, Volume 43, numéro 118, 1999
- ↑ Michel Maffesoli, Être postmoderne, Collection Idées, 2018
- ↑ Jérôme Lamy, Des disciples bien disciplinés : à qui Latour ?, Zilsel, 4 octobre 2014
- ↑ Michael Specter, Seeds of Doubt, The New Yorker, August 18, 2014
- ↑ Yann Kindo, Vandana Shiva démythifiée, 24 août 2014
- ↑ The Power of Quantum Thinking | Dr. Vandana Shiva at Consciousness Symposium (2024)
- ↑ Revenir plus haut en : 24,0 et 24,1 Le maffesolisme, une « sociologie » en roue libre. Démonstration par l’absurde, revue Zilsel, Mars 2015
- ↑ Revenir plus haut en : 25,0 et 25,1 Encyclopedia Britannica, postmodernism (philosophy)
- ↑ H. Sidky, The War on Science, Anti-Intellectualism, and ‘Alternative Ways of Knowing’ in 21st-Century America, Skeptical Inquirer Vol 42, No. 2
- ↑ Science, Bruno Latour, a veteran of the ‘science wars,' has a new mission, 10 Oct 2017
- ↑ James Conant, Carnap et la construction logique du monde, 2001
- ↑ Martin Heidegger, Cahiers noirs, 1939-1941, Überlegungen XIV (GA 96 : 222)
- ↑ Jonathan Kandell, Jacques Derrida, Abstruse Theorist, Dies at 74, The New York Times, 10 octobre 2004.
- ↑ Norbert Elias, Théorie des symboles, Paris, Seuil, 2015, p. 27 (première publication en anglais en 1989)
- ↑ Barry Smith et al., Open letter against Derrida receiving an honorary doctorate from Cambridge University, The Times, 9 mai 1992.
- ↑ Jeffrey Sims, Revisiting the Derrida affair with Barry Smith, Sophia, vol. 38, no 2, août 1999, p. 142
- ↑ James Feibleman, Technology and Reality, juin 1982
- ↑ Actu Philosophia, Entretien avec Gilbert Hottois : Autour de Le Signe et la Technique, 2017
- ↑ Gilles Deleuze, Felix Guattari, Qu'est ce que la philosophie ?, Éditions de Minuit, 1989, page 111.
- ↑ Vincent Citot, Pensée philosophique et pensée scientifique Indifférence réciproque, cohabitation pluridisciplinaire ou engagement interdisciplinaire ?, Implications Philosophiques – nov. 2013
- ↑ Freeman Dyson rapportait que Kuhn lui a répondu vivement « Je ne suis pas kuhnien ! » à propos de ceux qui donnaient une interprétation ultra-relativiste de son épistémologie (The sun, the genome & the Internet : tools of scientific revolutions, 1999, p. 16)
- ↑ Slavoj Žižek critique la philosophie analytique dans l'Essai sur Schelling, 1996.
- ↑ Gilles Deleuze exprime une détestation des wittgensteiniens dans son Abécédaire en 1988
- ↑ Cf. controverse entre John Searle et Jacques Derrida, sur fond d'interprétation de la philosophie d'Austin.
- ↑ Michel Maffesoli, Être postmoderne, Cerf, Idees, 26 Janvier 2018
- ↑ Christian Baudelot, Roger Establet, La sociologie sous une mauvaise étoile, Le Monde, 18 avril 2001
- ↑ Pétition des sociologues contre l'enregistrement de la thèse d'Elizabeth Teissier. Liste des signataires.
- ↑ Blaise Magnin, Michel Maffesoli, « expert » sociologique de pacotille, Acrimed, 27 mars 2015
- ↑ Deux sociologues piègent une revue pour dénoncer la « junk science », Le Monde, 10 mars 2015
- ↑ Julie Clarini, Parcours: Bruno Latour, philosophe dépaysé, Le Monde, 21 septembre 2012
- ↑ Revenir plus haut en : 48,0 et 48,1 Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité : Cours du Collège de France 2000-2001, Paris, Raisons d'Agir, 2001
- ↑ Luce Irigaray, « Sujet de la science, sujet sexué ? », dans Sens et place des connaissances dans la société : conférences-débats, vol. 3, CNRS, 1987
- ↑ Audrey Baril, De la construction du genre à la construction du « sexe » : les thèses féministes postmodernes dans l’œuvre de Judith Butler, Recherches féministes Vol 20, n°2, 2007, p. 61–90
- ↑ Christine Delphy, L’Ennemi principal. 2, Penser le genre, Syllepse, 2001, p. 231.
- ↑ Paul Veyne, Michel Foucault. Sa pensée, sa personne, Paris, Albin Michel, Sciences humaines, 2008, p. 79
- ↑ Revenir plus haut en : 53,0 et 53,1 Entretien avec Paul Veyne, Vérités de la fiction, Revue L'homme, 175-176, juillet-septembre 2005
- ↑ Le postmodernisme en géographie, L'Espace géographique, 2004/1
- ↑ Que faire de la géographie postmoderniste ?, Université de Genève, L’Espace Géographique, 2004, 1
- ↑ Revenir plus haut en : 56,0 et 56,1 David Harvey, The Condition of Postmodernity, 1989
- ↑ Nouvelles pensées critiques ? Entretien avec Razmig Keucheyan et François Cusset, Contretemps n°8, Avril 2011
- ↑ John Searle, The Storm Over the University, The New York Review, December 6, 1960 issue
- ↑ Jacques Bouveresse, Rationalité et Cynisme, III, 2, Paris, 1984
- ↑ René Pommier, Le « Sur Racine » de Roland Barthes (1988), recension par George Matoré, L'information grammaticale n°44, 1990 pp. 43-44
- ↑ Foucault, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1986.
- ↑ Cf. interview de Bouveresse, de Bourdieu...
- ↑ Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, 1987
- ↑ Vincent Chanson, Fredric Jameson - Totalité, postmodernité et utopie, Revue Contretemps, n°6, mai 2010
- ↑ Fredric Jameson, Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism, New Left Review, vol. 1, no 146, juillet-août 1984
- ↑ Fredric Jameson, The Geopolitical Aesthetic : Cinema and Space in the World System, 1992 [dont une partie a été publiée en français sous le titre La totalité comme complot : Conspiration et paranoïa dans l'imaginaire contemporain]
- ↑ Daniel Bensaïd, Les Irréductibles, Textuel, 2001.
- ↑ « Un monde sans utopie c'est un monde dont le regard est tourné vers le passé ». Entretien avec Enzo Traverso. Contretemps n°10, juin 2011
- ↑ Tendance Claire, L’intersectionnalité, un enjeu pour une organisation communiste révolutionnaire inclusive, 2016
- ↑ Aurore Lancereau, L’intersectionnalité est-elle soluble dans le marxisme ?, L’Anticapitaliste (NPA) n°125 (avril 2021)
- ↑ Evans, Richard (1997). In Defence of History. London: Granta Books. pp. 232–3, 238–9
- ↑ Mimosa Effe, Genre, race, classe : une perspective révolutionnaire, L'Anticapitaliste (NPA), n°125 (avril 2021)