Déchets
La problématique des déchets et du recyclage est une question écologique majeure. Il y a d'une part la pollution engendrée par les déchets toxiques, et d'une façon générale la difficulté du recyclage, le coût énergétique de ce recyclage... C'est une problématique assez symbolique du gaspillage capitaliste et de la nécessité d'une planification socialiste.
1 Les ordures du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Industrialisation[modifier | modifier le wikicode]
A priori, les déchets sont des externalités pour les entreprises, qui se débarrassent de ces rebuts de la production. L'augmentation des volumes de production avec la révolution industrielle a engendré une explosion des quantités de déchets. Dans les villes, autour des usines, c'est-à-dire très souvent dans des quartiers ouvriers, les tas de déchets ont vite engendré des risques pour la santé (la pollution des eaux et de l'air est en quelque sorte une forme liquide ou gazeuse de déchets).
Les États capitalistes ont donc dû établir progressivement des règles minimales de gestion des déchets. Très souvent, ils ont mis en place des services publics d'évacuation et de « traitement » des déchets.
1.2 Destruction de marchandises en bon état[modifier | modifier le wikicode]
Lorsqu'il y a surproduction, cela conduit parfois les (agro)industriels à détruire purement et simplement certaines marchandises pour faire remonter les prix[2]. Certes ces destructions ne sont pas si fréquentes, mais elles sont le symbole du gâchis du système capitaliste.[3]
Il arrive un peu plus souvent que des marchandises encore en bon état soient jetées dans le secteur de la distribution. Il peut y avoir plusieurs raisons :
- Des entreprises comme Amazon font leur marge en vendant le plus rapidement possible la plus grande quantité de marchandises. Donc toute marchandise qui se vend moins bien occupe dans leurs entrepôts la place d'autres marchandises plus convoitées, ce qui fait qu'Amazon est incité à s'en débarrasser comme déchets.[4]
- Pour la même raison, beaucoup de supermarchés jettent des produits en bon état, ou légèrement abîmés (un produit qui a pris un choc, un emballage déchiré...). Ce qui choque particulièrement est le cas de la nourriture qui est jetée alors qu'elle est encore comestible (par exemple des fruits et légumes qui risquent de ne plus avoir l'air tout à fait frais le lendemain, quand par ailleurs la nouvelle livraison arrivera...). Ceci alors que de nombreux miséreux ont faim, et fouillent les poubelles en quête de nourriture. Summum du scandale : beaucoup de supermarchés avaient l'habitude de verser de la javel dans les poubelles, pour dissuader les pauvres de fouiller les poubelles. En France une loi contre le gaspillage alimentaire a été votée en 2015[5], interdisant notamment ces pratiques, mais on trouve encore des supermarchés qui le font.[6]
- Dans l'édition, il revient moins cher de produire des livres en très grandes quantités et de détruire les invendus (en grandes quantités aussi) que de produire le nécessaire.
Par ailleurs il arrive que des grandes marques de luxe détruisent des produits parce qu'elles ne veulent pas que leurs invendus se retrouvent sur le marché de l'occasion, fassent baisser les prix, et « dévalorisent » leur image de marque.[7][8]
A noter aussi que pour les riches, gavés et blasés, les objets ont beaucoup moins de valeur. Comme en témoigne un éboueur :
« Tu vas dans le 16e, ou tu vas dans le 8e, ou dans les beaux quartiers, à Marne-la-Vallée, et tout, j’ai travaillé là-bas. Je te dis, les gens c’est inimaginable, des portables, des trucs tout neufs. Des iPhone, des machins… Tu trouves tout. Tout, tout, tout. »[9]
1.3 Déchets des particuliers [modifier | modifier le wikicode]
Il est indéniable que l'apparition d'une société de consommation au cours du 20e siècle a élargi les quantités de déchets générés. Certes, l'immense majorité des déchets, si l'on compte en masse ou en volume, est générée par des entreprises. Mais le gros de ces déchets est fait de déchets du secteur de la construction ou de l'industrie minière. Dans les pays où l'industrie minière est développée, il y a souvent (surtout dans les pays pauvres) des pollutions des sols importantes. En revanche, dans un pays comme la France, où les mines ont fermé, et où la grande majorité des déchets de la construction sont revalorisés, ceux-ci ont un impact écologique assez faibles. Si l'on met de côté les déchets minéraux, les déchets produits par les ménages représentent 27% du total (2018).
Dans les discours de nombreux politiciens et de certains écologistes mainstream, ce fait est souvent utilisé pour décrire le problème des déchets comme une « responsabilité de tout un chacun » (cf. les campagnes de sensibilisation de type « réduisons vite nos déchets, ça déborde ! »). C'est un des aspects de l'idéologie bourgeoise qui consiste à dépolitiser les conséquences du capitalisme.
Or, en grande partie, la quantité et le degré de nocivité des déchets produits par les ménages est une conséquences des choix faits par les entreprises. Quelle est la part de responsabilité des ménages dans le suremballage, dans le fait que les produits soient obsolescents voire jetables, dans le fait qu'il y ait tel ou tel produit toxique dans un objet ?
Mais il faut aussi souligner que le « choix individuel » de trier ou ne pas trier est fortement déterminé par les choix des patrons et des politiciens. L’absence de standard nuit gravement à la lisibilité des consignes de tri. Il a fallu du temps pour qu'en France, un code couleur soit mis en place pour les bacs de tri[11]. Il est aussi prévu de mettre en place une filière de tri pour les « biodéchets » (déchets biodégradables de cuisine, de jardin…), mais cela avance extrêmement lentement.
En plus de manque de standardisation, le manque d’information est également un problème. En France 51 % des sondé·es disent qu’ils/elles trieraient davantage s’ils/elles étaient sûr-e-s que leurs emballages étaient bien recyclés.[12] On peut penser que des clips d’information sur les techniques de recyclage remplaceraient utilement des publicités à la télévision…
1.4 Gestion publique et gestion privée[modifier | modifier le wikicode]
Dans le secteur des déchets, il y a souvent des services publics, mais encore plus souvent des entreprises privées largement subventionnées[13][14][15]. Comme pour l'ensemble des services publics, le niveau d'intervention de l'État ou de privatisation a varié en fonction des périodes (après guerre, tournant néolibéral...). Le secteur de la collecte des déchets est souvent municipalisé, tandis que le secteur du retraitement est presque toujours privé.
1.4.1 Collecte des déchets[modifier | modifier le wikicode]
En France la collecte des déchets est parfois gérée directement par les collectivités (régie publique), parfois déléguée au privé. Par exemple dans Paris, cela dépend des arrondissements.[9] Depuis 1992, il existe une taxe sur les ordures ménagères, censée financer notamment le tri et la construction d’usines d’incinération. Cette taxe payée par la population ne cesse d’augmenter. Elle est devenue le quatrième impôt local. Dans l’immense majorité des communes, c’est une filiale de Suez ou de Veolia qui récupère directement l'argent de la taxe.
La question des économies d'échelle est importante : une entreprise de collecte, qu'elle soit publique ou privée, aura moins de frais fixes si elle peut opérer sur une zone plus vaste (mutualisant son matériel, son personnel administratif...). On peut trouver par exemple le commentaire suivant d'une Communauté de communes : « la régie directe avec des camions achetés ou loués et du personnel embauché par la Communauté de Communes (...) a été étudiée. Elle n’est pas intéressante au deçà d’un certain seuil de population desservie (au minimum 30 000 habitants). Les frais fixes sont bien trop importants. »[16]
C'est en partie ce qui explique que les petites régies communales ont été remplacées par des grands groupes privés qui mutualisent sur une échelle bien plus grande leurs moyens, leur expérience... Mais rien n'empêche d'exproprier ces groupes et de bénéficier des économies d'échelles avec un grand service public unifié.
1.4.2 Traitement[modifier | modifier le wikicode]
Abreuvées de subventions, les entreprises privées du secteur des déchets ne se privent pas de dégager des marges confortables, en particulier dans les secteurs les plus « simples » et polluants, les décharges et incinérateurs. Ce sont les secteurs qui coûtent le moins, notamment du fait de la main d’œuvre réduite (le recyclage de 10 000 tonnes de déchets nécessite jusqu'à 250 emplois contre 20 à 40 emplois pour l'incinération et 10 emplois pour la mise en décharge). Ainsi un cabinet de conseil peut dire cyniquement que les professionnels « devront continuer à capitaliser sur leurs “vaches à lait”, stockage en tête, mais également incinération ».[17]
Une Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) a été instaurée en 2000, visant notamment à taxer davantage les décharges et les incinérateurs pour avoir un effet dissuasif (le taux est augmenté très doucement...). Mais les industriels ne touchent pas à leurs profits et répercutent la taxe sur les collectivités. Ce sont donc les contribuables qui paient la transition.
Ce type de démarche qui repose sur l’utilisation du marché (bonus-malus…) pour réguler les déchets du marché, même lorsqu’elle aboutit à quelques progrès, reste très fragile et menacée… par un changement de conjoncture sur le marché. Par exemple, toute une filière de la « régénération » des huiles usagées s’est mise en place ces dernières années, qui était devenue rentable après avoir été subventionnée[18], et se retrouve en faillite à cause du cours du pétrole « trop bas » (les huiles « neuves » produites à partir du pétrole se retrouvent moins chères que les huiles recyclées).[19] De même le cours du pétrole bas rend le plastique recyclé nettement plus cher que le plastique «neuf», ce qui menace la filière.
Non seulement les États ne veulent pas trop « nuire » aux entreprises par des obligations ou taxes trop fortes, mais ils cherchent même activement à défendre les grosses entreprises privées « nationales » pour en faire des fleurons industriels (entendre : des outils de puissance impérialiste). Par exemple c'est avec l’aide directe de l’État que le groupe Séché s’est développé, rachetant en 2001 Alcor, une filiale de la CDC, organisme public, puis la société Trédi dont les installations ont été très largement subventionnées par l’État.
On peut constater qu'en dernière analyse, la bourgeoisie socialise les pertes, et privatise les profits.
2 Écologie et traitement des déchets[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Économie circulaire ?[modifier | modifier le wikicode]
Ces dernières années, sous la pression des constats des scientifiques sur les crises écologiques et des mouvements écologistes, les capitalistes se sont mis à affirmer une intention de réduire les déchets et d'améliorer le recyclage. L'objectif visé officiellement est celui d'une « économie circulaire », où les déchets deviennent à nouveau, indéfiniment, des matières premières. Ce principe est simple et rationnel. Mais dans le cadre du capitalisme, on peut soulever deux problèmes fondamentaux :
- En amont, la tendance productiviste inhérente au capitalisme engendre une quantité trop importante de déchets à traiter. Car même si le recyclage diminue l’empreinte écologique d’un produit, les procédés de recyclage eux-mêmes consomment de l’eau et de l’énergie.
- La concurrence et la logique de profit mettent de multiples obstacles au développement du recyclage.
En Europe et en France, les grands principes prévoient de n’incinérer ou mettre en décharge les déchets qu’en dernier recours. Cela a abouti à la notion de « déchet ultime », c’est-à-dire un déchet qui n’est « plus susceptible d’être réutilisé ou valorisé dans les conditions techniques et économiques du moment. » (Article L 541-2-1 du Code de l'environnement)
Au détour de ces derniers mots, on voit que c’est la rentabilité capitaliste qui est intégrée au cœur de la définition de ce qui est recyclable et de ce qui ne l’est pas. L’État tranche sur ces questions en fonction des différents lobbies qui toquent à sa porte, pour éviter qu'on leur impose des techniques trop chères, ou en tout cas pour négocier des délais (comme si la crise écologique n'était pas urgente). Les obstacles au recyclage sont bien plus économiques que techniques. Par exemple le polystyrène est recyclable, mais très peu recyclé en pratique parce que, composé à 98% d'air, il n'est pas rentable. Les industriels développent des presses pour le compacter afin de rendre le transport rentable...[20]
Par ailleurs, si l’on ne peut « techniquement » pas recycler un déchet, on peut alors se demander : faut-il produire industriellement des biens qui génèrent des déchets qu’on ne sait pas encore recycler ? N’y-a-t-il pas des alternatives ? Là où le marché dirige la production, on ne peut pas poser démocratiquement ces questions.
Les innovations technologiques peuvent permettre d’ouvrir de nouveaux débouchés aux déchets, en augmentant l’efficacité des procédés de recyclage et donc en diminuant leur coût. Mais en pratique, cet effet est bien trop insuffisant pour que les capitalistes généralisent le recyclage dans tous les domaines comme il le faudrait. Dans ce contexte, les gouvernements se contentent d’agir a posteriori, par des incitations. Cela passe, comme d’habitude, par des subventions massives pour que les investissements soient faits, et que les capitalistes n’aient plus qu’à tirer profit du nouveau secteur.
2.2 Décharges[modifier | modifier le wikicode]
Même s'il y a encore des cas scandaleux de décharges sauvages[21][22][23][24][25], les efforts de réglementation et de contrôle ont limité les décharges à des espaces connus et contrôlés par l'État, dans lesquels des mesures de protection de l'environnement sont prises (imperméabilisation du support, surveillance de la nappe d’eau souterraine et des eaux ruisselant dans la décharge, réutilisation du méthane issu de le fermentation des déchets sous le nom de "biogaz"...)
Mais quels que soient les progrès dans la gestion de ces décharges, elles restent une des plus mauvaises solutions pour le traitement des déchets, si tant est que l'on puisse appeler cela "solution". Le mot lui-même porte cette image d’irresponsabilité (« on se décharge »). C'est notamment pour cela que dans le discours officiel, on dit plutôt « centre d’enfouissement technique », ou « centre de stockage de déchets ultimes », « installation de stockage de déchets »... Les décharges sont généralement gérées par des entreprises privées appartenant aux groupes Veolia et Suez, qui fonctionnent en délégation de service public, et qui empochent une rente.
Le discours officiel est à la réduction des quantités de déchets mis en décharge. Effectivement, depuis quelques années ces quantités baissent lentement. Mais ce sont toujours environ le tiers des déchets qui finissent enterrés... Pourtant, on pourrait recycler la plupart de ces déchets. Dans certains cas, on attend simplement et cyniquement que les techniques soient au point et que cela devienne rentable.
2.3 Incinération[modifier | modifier le wikicode]
L'incinération de déchets s'est de plus en plus développée, car elle permet de « faire disparaître » les déchets. Vu l'explosion des quantités de déchets, elle évite d'occuper de nombreuses décharges qui occuperaient de l'espace, qui sont mal vues, qui coûtent de plus en plus cher vu les normes environnementales, etc. Pourtant si cette solution génère une pollution qui est seulement invisible et plus diluée :
- pollution locale de l'air, causant des problèmes respiratoires, des risques de cancer...
- émissions de gaz à effet de serre (5 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 2,3 millions de voitures[26])
Un incinérateur avait été contraint de fermer en 2001 au milieu d’un scandale de grande ampleur (champs contaminés, cancers alarmants, pressions politiques et hauts fonctionnaires orduriers et sexistes...).[27] Par ailleurs, même si elle réduit drastiquement le volume, l’incinération génère des résidus dangereux qui finissent… en décharge.
Les émissions à la sortie des incinérateurs doivent être mesurées en quasi permanence. Mais il est arrivé que des entreprises truquent délibérément les mesures, ou présentent aux inspecteur·rices des écrans de contrôle bidon. D’autres n’hésitent pas à faire de « grands nettoyages » (avec de grandes pollutions) sans mesurer les émissions, puisque ce sont des « phases d’arrêt »...
Cela fait des années que l’incinération des déchets, comme la mise en décharge, n’a plus la cote. Les objectifs officiels[28] sont de diminuer ces pratiques au profit du recyclage. Le nombre d’incinérateurs diminue depuis les années 1990, mais essentiellement parce qu’il s’agit de plus en plus d’installations géantes et privatisées (l'incinération est géré par le privé à 94%, principalement par les groupes Veolia et Suez). C’est toujours un bon tiers des déchets (non minéraux) qui sont incinérés.
Avec ses 126 usines d’incinération, la France détient le record d’Europe, et a donc un puissant lobby de l'incinération, qui a historiquement obtenu un soutien financier par l'incitation des communes à incinérer.[29] Par ailleurs, les grands incinérateurs étant à proximité des grandes villes, ils ont presque tous fini par être connectés à des réseaux de chaleur : la chaleur étant ainsi récupérée, elle évite de brûler du gaz par exemple. Le lobby du secteur et l'État utilisent abondamment cet argument pour du greenwashing[30]. Ainsi on ne parle plus d'incinérateurs, mais de centres de valorisation énergétique. Evidemment, cela détourne l'attention du fait que cette montagne de déchets qui est incinérée ne devrait pas exister. [31]
Et la logique capitaliste a un effet pervers supplémentaire : une fois qu’une grande usine d'incinération est implantée, elle devient un véritable « aspirateur à déchets ». Les procédures d’arrêt et de mise en route sont lourdes et la rentabilisation de l’investissement impose un apport constant de déchets. Par conséquent, les politiques de réduction des déchets ne sont pas incitées, et au contraire en cas de baisse du « gisement » (sic) les exploitants incitent d’autres collectivités plus éloignées à éliminer les déchets dans leur usine. C’est pour cette raison que la quantité maximale de déchets pouvant être incinérée a dû être fixée réglementairement pour chaque usine. Ce phénomène est si important que des pays comme les Pays-Bas ou la Suède importent même des déchets pour « nourrir » leurs incinérateurs...[32]
2.4 Recyclage[modifier | modifier le wikicode]
Il est tellement évident que les industriels ont une responsabilité centrale dans la production des déchets par les consommateurs, que le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) a été introduit lentement depuis les années 1990. Des « éco-organismes » chargés de coordonner le recyclage de certains produits (médicaments, emballages, piles, ampoules...) ont été mis en place grâce. Ces éco-organismes sont des organismes privés à but non lucratif, agréés par l’État, et financés par les contributions des industriels concernés. Ils confirment à quel point la production moderne repose sur une interdépendance toujours plus importante, mais ils confirment aussi que l’absence de planification démocratique rend ces solutions structurellement insuffisantes.
Par exemple, la contribution versée à Citeo (éco-organisme chargé des emballages) dépend du poids du matériau utilisé, ce qui a amené certains industriels à remplacer des matériaux lourds mais facilement recyclables (comme le verre ou les métaux) par des matières plus légères dont le recyclage est plus compliqué (comme certains plastiques), et souvent par un nombre plus élevé d’emballages. Citeo devient par ailleurs une fin en soi pour ceux qui en vivent, et un très bon outil publicitaire pour les industriels… ce qui le conduit à négliger des solutions plus radicales comme la vente en vrac ou la consigne.
Et malgré les discours, l'éco-conception des produits reste une chimère. Par exemple les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) sont peu recyclés, parce qu’ils sont composés de nombreux matériaux différents constamment modifiés.
En ce qui concerne les plastiques, la difficulté est principalement la grande diversité des types de plastiques qui sont présents dans les produits. Seuls les types de plastiques qui sont présents en grande quantité sont recyclés (PET et PeHD). Les industriels mettent sur le marché toutes sortes de plastiques en cherchant des propriétés (résistance, souplesse…) et en nous faisant courir des risques (perturbateurs endocriniens…), mais ne se soucient pas de la question du recyclage. Par obligation, des petits marquages ont été introduits, mais il faut démonter les pièces pour les retrouver, ce qui n’est quasiment fait par aucune usine. Le fabriquant Plastic Omnium annonce comme solution le marquage chimique (ajout de produits qui permettront la reconnaissance par rayon X ou UV…). Prendront-ils toutes les précautions pour s’assurer qu’un produit en plus n’ajoutera pas un risque en plus ?
Beaucoup d’objectifs de recyclage fixés par le ministère de l’écologie ou fixés au niveau européen sont atteints ou presque atteints.[33] Cela vient précisément du fait que ces objectifs sont coécrits par les syndicats patronaux des secteurs concernés. Étant donné que les compétences techniques (les ingénieurs, les bureaux d’études...) appartiennent essentiellement au secteur privé, et que le peu d’ingénierie publique est partout sur le déclin, le rôle de l’État se limite parfois à celui d’une chambre d’enregistrement de ce qui est couramment pratiqué sur le marché, ou de ce qui est deviendra courant dans quelques années, à l’issue des recherches & développements en cours.
En attendant, on considère qu’il est normal de brûler ou enterrer autour de 30 millions de tonnes de déchets chaque année. Pour se donner meilleure conscience, les autorités évoquent l’idée de rendre les décharges « réversibles », pour permettre d’aller puiser dedans si un jour cela devient rentable...
Taux de valorisation matière en France (réutilisation, recyclage...) :[34]
- pour les déchets minéraux du secteur de la construction : 74%
- pour les déchets dangereux : 30%
- pour les déchets non dangereux hors construction (déchets ménagers et assimilés) : 43%
3 Les pays pauvres : poubelles des multinationales[modifier | modifier le wikicode]
La mondialisation a entraîné une division internationale du travail, qui se décline cyniquement dans le secteur des déchets. Les activités de « traitement » des déchets qui demandent le plus de main-d’œuvre se retrouvent délocalisées dans les pays où celle-ci est la moins chère, qui sont également souvent des pays où les normes de protection environnementale sont faibles. Par conséquent les conditions de travail sont très dangereuses et les risques pour la santé des travailleur·ses très élevés.
3.1 Démantèlement des bateaux usés[modifier | modifier le wikicode]
La quasi-totalité des gros navires qui arrivent en fin de vie chaque année dans le monde sont démolis dans un chantier de l’Inde, du Pakistan ou du Bangladesh.
C’est le cas à Alang en Inde, où des milliers d’ouvriers mal payés désossent les navires sur une simple plage. Il y a 50 à 60 accidents par an provoqués par les chutes, les explosions, les nombreuses émanations des substances toxiques contenues dans les bateaux. Sans parler de tous les ouvriers qui meurent quelques années plus tard, après être rentrés dans leur village, des maladies contractées sur le chantier.
3.2 Décharges de matériel électronique[modifier | modifier le wikicode]
Les déchets d'équipements électriques et électroniques contiennent des métaux lourds, du cadmium, du plomb, du mercure et bien d’autres substances toxiques.
À Guiyu en Chine, c’est du matériel électronique collecté dans le monde entier, qui est désossé, dessoudé sans masque, nettoyé à l’acide. Selon un médecin d’un hôpital voisin cité par le journal « le Monde », sur « 160 enfants âgés de un à cinq ans à qui on a fait un prélèvement sanguin, 80 % sont atteints de saturnisme ». Des prélèvements effectués dans les nappes phréatiques près de Guiyu ont révélé des taux d’acidité qui rendent l’eau dangereuse pour la consommation
3.3 Tsunami de 2004 en Somalie[modifier | modifier le wikicode]
Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le tsunami de décembre 2004, qui a touché aussi les côtes de Somalie, a « éventré des conteneurs de déchets radioactifs, chimiques et hospitaliers, illégalement immergés le long des côtes somaliennes - entre autres par des firmes suisses ». Le porte-parole du Programme ajoutait « le rejet de déchets toxiques est effréné en mer, sur les rivages et dans l’arrière pays. Depuis le début des années 90, une quantité incalculable de cargaisons de déchets, nucléaires, toxiques, hospitaliers, de cadmium, de plomb et de mercure ont été déposés sur le rivage ou simplement immergés au large ». Des fuites de ces fûts contaminés provoquent des intoxications, des maladies graves et parfois la mort pour les habitants vivant à proximité. La faune et la flore sont largement contaminées.[35][36]
3.4 Abidjan 2006, l'affaire du Probo Koala[modifier | modifier le wikicode]
Fin août 2006, la population d’Akouédo, un quartier d’Abidjan, se révoltait contre le déversement dans des décharges urbaines en plein air de déchets hautement toxiques. Ce déversement sauvage a provoqué la mort de dix personnes, l’intoxication grave de plusieurs dizaines et l’hospitalisation de milliers d’autres.
On apprenait ainsi que ces déchets toxiques avaient été apportés en Côte d’Ivoire par le Probo Koala, vieux tanker battant pavillon panaméen, propriété d’armateurs grecs et affrété par la société de courtage pétrolier Trafigura dont le siège est à Amsterdam et dont plusieurs dirigeants sont français. Selon les propres déclarations de son porte-parole, cette société avait un contrat à Amsterdam pour faire vidanger les cuves du Probo Koala remplies, officiellement, de résidus de lavage. Mais devant la toxicité anormalement élevée des résidus en question, le port d’Amsterdam a exigé un délai supplémentaire et revu la facture à la hausse.
La direction de Trafigura a alors choisi de faire rembarquer sa cargaison mortelle dans les soutes du bateau. Par l’intermédiaire d’une de ses filiales en Côte d’ivoire, elle a passé un contrat avec une obscure société ivoirienne de vidange. Les directeurs de Trafigura savaient parfaitement que la société ivoirienne en question ne disposait d’aucune installation pour recycler les déchets très toxiques refusés à Amsterdam. Mais cela coûtait cent fois moins cher qu’en Europe.
Dans un grand coup de communication, le groupe français Séché Environnement a été choisi pour évacuer et retraiter les produits toxiques abandonnés. La ministre de l’Environnement Nelly Olin a félicité le patron de cette société pour « la première opération humanitaire écologiste ». Il faut croire que l’humanitaire rapporte puisque les profits du groupe Séché ont progressé de 40 % au premier semestre 2006.
Le cas d’Abidjan a déclenché un scandale parce que la population ne s’est pas laissée intoxiquer sans broncher. Mais trois ou quatre cas semblables sont répertoriés chaque année en Afrique et dans d’autres régions sous-développées du monde.
3.5 Légitimation par des économistes bourgeois[modifier | modifier le wikicode]
En 1991, un certain Lawrence Summers, économiste en chef à la Banque Mondiale, déclarait très crûment :
« Entre nous, la Banque Mondiale ne devrait-elle pas encourager plus de migration des industries polluantes vers les pays moins développés ? Je pense que la logique économique qui consiste à déverser une part des déchets toxiques dans les pays où les salaires sont les plus faibles est impeccable et nous devrions l’assumer... j’ai toujours pensé que les pays sous-peuplés en Afrique sont largement sous-pollués. »
Bien sûr à part ce genre d'exception, tous les bourgeois bien-pensants condamnent unanimement ce genre de pratique. Il existe par exemple une convention internationale depuis 1992, dite « convention de Bâle », censée interdire l’exportation vers les pays du Tiers Monde des déchets dangereux. Cette convention de Bâle n’a pas plus arrêté le trafic des déchets que les diverses conventions de Genève n’ont rendu les guerres propres.
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Écologie : nature ravagée, planète menacée par le capitalisme !, Cercle Léon Trotski, 2007
- Tendance CLAIRE du NPA, Série d'articles "Ordures capitalistes"
- ↑ vrt.be, Des tonnes de légumes abandonnées dans une zone protégée à Brecht, août 2018
- ↑ Encyclopedia of World Problems, Destruction of surplus agricultural produce
- ↑ Le Monde, Directement de l'arbre au dépôt d'ordures, 4 novembre 1975
- ↑ The Verge, Amazon labels millions of unsold products for destruction, new investigation finds, Juin 2021
- ↑ Le Parisien, Les députés interdisent à la grande distribution de jeter la nourriture, mai 2015
- ↑ France Bleu, De la javel dans les poubelles d'un magasin alimentaire de Mérignac ?, Février 2018
- ↑ Vogue, Why destroying products is still an “Everest of a problem” for fashion, October 18, 2021
- ↑ Lifefate, The destruction of unsold clothes shows the dark side of fast fashion, april 2021
- ↑ 9,0 et 9,1 Métropolitiques, Qui nettoie Paris ? Paroles d’éboueurs, octobre 2018
- ↑ Ministère de l'environnement, Données et études statistiques, Bilan 2018 de la production de déchets en France
- ↑ Cela a été imposé - lentement - par la loi pour la transition énergétique et pour la croissance verte (2015)
- ↑ Ipsos, Les Français et le geste de tri, juin 2014
- ↑ Ministère de l'économie, Economie circulaire : 16 millions d'Euros d'aides pour la plasturgie recyclée, 2020
- ↑ Weka, Connaître les subventions pour les déchets
- ↑ Ministère de l'environnement, Financement des projets par le Fond déchets, 2018
- ↑ Communauté d'agglomération de Haguenau, Mise en place de la redevance incitative, les questions qui se posent
- ↑ Etude Precepta - Groupe Xerfi, Le marché de la gestion des déchets, 2010
- ↑ Environnement Magazine, Huiles usagées : La régénération gagne du terrain, juin 2013
- ↑ Euractiv, Le pétrole bon marché menace le recyclage des huiles usagées, Février 2016
- ↑ https://www.recyclage.veolia.fr/gerer-mes-dechets/entreprises/matieres
- ↑ Libération, Dépotoir français pour chimie suisse, 2004
- ↑ La Voix du Nord, Décharge sauvage d’Habarcq : l’agriculteur comparaîtra le 28 mai au tribunal, novembre 2014
- ↑ L'Aisne Nouvelle, Les décharges sauvages polluent le quotidien des agriculteurs, Novembre 2014
- ↑ Le Parisien, De l'amiante de la fac de Nanterre enfoui dans l'Oise, Novembre 2012
- ↑ La Tribune, Suède : début du procès du plus grand scandale environnemental sur fond de déchets illégalement enfouis, 3 Sept 2024
- ↑ Cniid, L'incinération réchauffe notre climat, Septembre 2009
- ↑ Libération, Dioxine d'Albertville: passe-droit refusé, avril 2005
- ↑ Notamment depuis le Grenelle de l’environnement (2007).
- ↑ Blog Francetvinfo Ma vie zéro déchet, La France, championne de l'incinération, Octobre 2015
- ↑ Les Echos, Pas de gestion durable des déchets sans incinération responsable, Avril 2011
- ↑ Cniid, Lutter contre l'incinération
- ↑ Le Monde, A force de recycler, la Suède doit importer des déchets, Septembre 2012
- ↑ Ministère de l’écologie, Plan de réduction et valorisation des déchets 2014-2020
- ↑ Ministère de l'environnement, Données et études statistiques, Bilan 2020 de la production de déchets en France
- ↑ Billets d'Afrique n° 180, mai 2009, page 11
- ↑ After the tsunami: rapid environment assessment, PNUE, 2005, pages 126 à 137