Pollution de l’eau

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La pollution des eaux est la diffusion de substances nocives pour les écosystèmes aquatiques, ou entraînant une dégradation de la potabilité de l’eau. C’est un des types de pollution les plus directement menaçants pour la santé humaine.

🔍 Voir aussi : Usage et gaspillage de l'eau.

1 Remarques générales[modifier | modifier le wikicode]

  • Toute matière est « chimique », qu'elle soit d'origine naturelle ou synthétisée par l'humain. Il n'y a donc pas de sens à opposer « naturel » et « chimique », et à supposer que tout ce qui est naturel est inoffensif et que tout ce qui est artificiel est dangereux.
  • En règle générale, « c'est la dose qui fait le poison » (Paracelse), et le seuil à partir duquel une substance devient un poison dépend de l'espèce vivante. Le sel est bénéfique pour notre santé à petites doses, néfaste à haute dose. Certaines espèces aquatiques sont adaptées pour vivre dans les océans salés, mais sont menacées si la concentration en sel augmente.
  • C'est avec cette logique que l'on peut définir les seuils de potabilité (pour nous), et que l'on définit des seuils de « bon état » des cours d'eau pour la faune et la flore. Ces seuils peuvent bien sûr être influencés par la pression du lobbying capitaliste, qui a intérêt à ce que la réglementation ne soit pas trop contraignante pour leurs profits. Mais ces seuils (qui de fait ont tendance à devenir plus sévères au cours du temps) se basent néanmoins sur de réelles études (quelles que soient leurs biais).
  • Le fait même d'avoir de tels seuils est une nécessité : il serait impossible de ne détecter aucune substance potentiellement dangereuse dans une eau, ne serait-ce que parce que certaines d'entre elles sont d'origine naturelle, mais aussi parce qu'aucune technique de prévention (et de dépollution) n'a une efficacité de 100%.
  • Par ailleurs, plus les techniques d'analyses se perfectionnent, plus on parvient à détecter les traces les plus infimes de certaines substances. Il est donc important de ne pas simplement se baser sur la détection, avec une logique binaire de présence / absence de substance : dans le cas contraire on peut conclure à tort qu'une eau est devenue polluée alors que c'est la limite de détection qui a été abaissée en dessous de la concentration de ce polluant.

2 Types de pollution[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Eaux de surface et eaux souterraines[modifier | modifier le wikicode]

Les eaux souterraines sont en général de meilleure qualité que les eaux de surface car elles sont moins directement exposées aux pollutions. En revanche, lorsqu'elles sont polluées, la pollution reste plus longtemps, et il est plus difficile de dépolluer.

Il est fréquent que l'on pompe dans les nappes d'eaux souterraines pour nos besoins en eau potable (un tiers de la population mondiale consomme de l’eau potable provenant des nappes phréatiques[1]). Leur protection a donc surtout un intérêt pour la santé humaine.

2.2 Pollution bactériologique[modifier | modifier le wikicode]

La concentration de matières fécales dans les cours d'eau peut causer des contaminations. Cela a directement posé un problème de santé publique lors de la révolution industrielle et de la croissance des grandes villes, qui est maintenant facilement maîtrisable avec des stations d'épuration bien gérées.

2.3 Eutrophisation[modifier | modifier le wikicode]

L'agriculture utilise de grandes quantités d’engrais azotés ou phosphatés qui se retrouvent en grande partie dans les eaux sous forme de nitrates ou de phosphates. Ces deux types de substances favorisent l'eutrophisation, c'est-à-dire la prolifération d'algues qui opacifient la surface des lacs et tue la vie sous-marine.

Ce problème peut être combattu en diminuant la quantité d'engrais, en la rationalisant (doser de façon à ce qu'il y ait le moins d'excédents lessivés possibles...).

Par ailleurs les sacs plastiques biodégradables ont un effet pervers, leur décomposition en grande quantité dans l'eau favorise l'eutrophisation.

2.4 Pesticides[modifier | modifier le wikicode]

Autres produits de l'agriculture, les pesticides gagnent souvent l'eau par l'intermédiaire de la pollution des sols. En France, on détecte des pesticides dans la quasi-totalité des rivières et dans 60% des eaux souterraines. En termes d'impacts, en raison des pesticides :

  • dans les rivières : environ 38 % des masses d'eaux sont de qualité moyenne à médiocre pour la vie des organismes aquatiques et la production d'eau potable, et 8% sont de qualité mauvaise ;
  • dans les nappes souterraines : 25 % des masses d'eaux nécessiteraient un traitement préalable si elles devaient être utilisées pour l'eau potable.

Les principaux pesticides observés sont l'aminotriazole, l'atrazine, le diuron, le glyphosate, et l'isoproturon.[2]

Ce problème peut être combattu en diminuant la quantité de pesticides, en la rationalisant (doser de façon à ce qu'il y ait le moins d'excédents lessivés possibles...).

2.5 Acidification[modifier | modifier le wikicode]

Les océans s'acidifient, principalement à cause des rejets de CO2, car une grande partie du CO2 se dissout dans l'eau. Au premier abord, c’est un mécanisme positif qui agit comme un très important tampon freinant l’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère et donc l'effet de serre. L’acidification peut avoir des conséquences graves sur la vie sous-marine: perturbation de certains poissons, destruction des coraux, dissolution des coquilles de certains crustacés… Au delà de l'impact direct de réduction de la biodiversité, cela peut avoir de nombreux impacts indirects. Par exemple, des espèces comme les moules et les huîtres ont un impact important en filtrant de grandes quantités d'eau.

2.6 Hydrocarbures[modifier | modifier le wikicode]

Les hydrocarbures sont une source importante de pollution des eaux. Ils peuvent provenir de pollutions des sols (par transports terrestres, fuites de cuves…) qui atteignent ensuite les rivières, ou pollutions marines (déballastages de bateaux pétroliers, plate-forme pétrolières…). Les grandes catastrophes très visibles causant des marées noires, ne sont qu’une petite partie du problème. Les rejets par les bateaux pétroliers (déballastages sauvages), qui sont des pratiques courantes, larguent dans les mers et océans une quantité bien supérieure d’hydrocarbures. Pour la seule mer Méditerranée, cela représente chaque année l’équivalent de 75 Erika.[3]

Les effets des hydrocarbures peuvent être multiples (dangereux par inhalation et par contact avec la peau) :

  • contamination de l'ensemble de la chaîne alimentaire (notamment par bioaccumulation d'hydrocarbures)
  • effets sur la santé humaine :
    • effets dépressifs sur le système nerveux, neurasthénie, anxiété
    • exposition aigüe : irritation des muqueuses et de la peau
    • exposition chronique : dégénérescences cérébrales
    • le benzène a des effets sur le système nerveux, les globules et les plaquettes du sang
  • effets sur les animaux marins :
    • effets "physiques" (canards englués...)
    • effets physiologiques (les hydrocarbures affectent le métabolisme, la fertilité, le système immunitaire...)
  • asphyxie de la faune et de la flore sous-marine, destruction des fonds marins
  • Contamination des produits de la pêche qui deviennent impropres à la consommation
  • nettoyage des rivages très coûteux

2.7 Métaux lourds et arsenic[modifier | modifier le wikicode]

Des activités comme la métallurgie et les incinérateurs d'ordures, ainsi que les mines abandonnées, engendrent souvent des résidus de métaux lourds (plomb, mercure, zinc, cadmium, cuivre et arsenic[4]), qui sont ensuite lessivés jusqu'aux cours d'eau.

Certains polluants peuvent être d'origine naturelle. Par exemple, un certain nombre de nappes souterraines contiennent naturellement trop d'arsenic pour être potables. Sur 1 200 sources et forages du Puy-de-Dôme, 10 à 15 % des analyses présentent des traces d'arsenic a priori d'origine naturelle[5].

Les mégots représentent 40% des déchets que l’on trouve dans la mer Méditerranée[6]. Le mégot est environ 100 fois plus toxique pour les organismes aquatiques qu'une cigarette non fumée[7].

2.8 Déchets plastiques[modifier | modifier le wikicode]

Les déchets plastiques sont déversés en grandes quantités dans les océans. Le partie la plus spectaculaire de cette pollution, visible à la surface de l'océan, est le fameux « continent plastique ». Mais la plupart des déchets plastiques finissent par se décomposer en très petits granulés de plastiques, qui sont persistants. Par ailleurs certaines petites billes de plastiques (« larmes de sirènes »), utilisées comme matière de base dans l'industrie, se retrouvent parfois déversées suite à des accidents, or elles sont très persistantes.

2.9 Micropolluants[modifier | modifier le wikicode]

Certains autres polluants sont étudiés plus récemment. Leur augmentation dans l'environnement en raison de nos rejets (essentiellement liés à la consommation de masse) est relativement récente, et la capacité de les détecter dans les analyses est également récente. Leurs effets ne sont pas encore bien connus.

2.9.1 Antibiotiques[modifier | modifier le wikicode]

ChaineAlimentaireEau.png

Problème relativement récent : on retrouve de plus en plus d’antibiotiques dans les eaux. Les concentrations sont très faibles, mais ce sont des micro-polluants : ils ont un effet sur le vivant même à très faible dose. De plus, les systèmes de potabilisation de l’eau sont encore très peu équipés pour filtrer ce genre de pollution. Les antibiotiques tuent les organises décomposeurs, qui sont essentiels au cycle de la vie aquatique.

Les antibiotiques sont principalement rejetés par la pisciculture et l'agriculture, qui les utilisent massivement pour prévenir les maladies (car la concentration des élevages augmente le risque d'épidémies).

2.9.2 Perturbateurs endocriniens[modifier | modifier le wikicode]

Certaines hormones comme des œstrogènes se retrouvent dans les eaux. Les concentrations sont très faibles, mais ces hormones peuvent avoir des effets même à très faibles quantités. Cela pourrait causer des problèmes de stérilité chez les hommes[8] et certains cancers de la prostate[9] et du sein[10]. Le point d'entrée de la plupart des perturbateurs endocriniens dans l'environnement sont les stations d'épurations qui pour la plupart ne permettent pas de traiter ces polluants[11].

2.9.3 Autres[modifier | modifier le wikicode]

Les crèmes solaires sont accusées par des études scientifiques d'abîmer la faune et la flore marine : sur les truites[12] et sur les coraux notamment[13].

2.10 Radioactivité[modifier | modifier le wikicode]

Plusieurs puissances impérialistes ont conduit des essais d'armes nucléaires dans des îles (en particulier la France en Polynésie), qui ont eu des conséquences pour les populations locales. Ces essais ont fini par être arrêtés sous la pression de la contestation.

Des traces de tritium se retrouvent dans les rejets des centrales nucléaires (sous produit de réactions), mais dans des concentrations trop faibles pour avoir un impact notable.[14]

2.11 Pollution thermique[modifier | modifier le wikicode]

Certaines usines pompent de l'eau qui est utilisée dans des circuits de refroidissement, et qui est ensuite relâchée dans les cours d'eau, à une température plus élevée. Or, modifier la température d'un cours d'eau peut avoir un impact : cela peut tuer certaines espèces, perturber les migrations de certains poissons, etc. (Pollution thermique). C'est par exemple le cas des centrales thermiques et des centrales nucléaires qui sont situées au bords de cours d'eau. La température est mesurée, et la réglementation impose d'arrêter les centrales si elle dépasse un certain seuil.

Le réchauffement global du climat, en engendrant un réchauffement des océans, fait peser des menaces plus diffuses mais plus globales. En particulier, cela fait baisser le taux d'oxygène dans l'eau, ce qui menace beaucoup d'espèces aquatiques.

2.12 Perturbation de la biodiversité[modifier | modifier le wikicode]

Des espèces animales ou végétales peuvent être déplacées par les activités humaines, et devenir des espèces invasives dans un autre écosystème où elles n'étaient pas présentes. Cela est dû en particulier au transport maritime, notamment via les opérations de ballastage / déballastage.

3 Exemples et considérations historiques[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Au 19e siècle[modifier | modifier le wikicode]

Caricature de l'état de la Tamise en 1858

Dans Le Capital, Marx se plaint qu'au lieu d'utiliser les déjections humaines comme engrais, on les jette à l'eau :

« A Londres, on n’a rien trouvé de mieux à faire de l’engrais provenant de quatre millions et demi d’hommes que de s’en servir pour empester, à frais énormes, la Tamise »

Il évoque également l'impact des pollutions sur la vie des poissons de rivière :

« ‘‘L’essence’’ du poisson de rivière, c’est l’eau d’une rivière. Mais cette eau cesse d’être son ‘‘essence’’ et devient pour lui un milieu, désormais inadéquat, dès que l’industrie s’empare de cette rivière, dès qu’elle est polluée par des substances colorantes et d’autres détritus, dès que les navires à vapeur la sillonnent, dès qu’on détourne son eau dans des canaux où l’on peut priver le poisson de son milieu vital, par simple évacuation. » (Karl Marx, L’idéologie allemande)

Lors de l'été 1858 à Londres, la Tamise asséchée ne charrie plus que déchets et eaux usées, événement connu sous le nom de Grande puanteur. Face à la colère populaire et au risque de choléra, les parlementaires débloquent en urgence des fonds pour construire des égouts. Le même phénomène se reproduit à Paris en août 1880.

En 1905, Lénine écrit :

« Il va de soi que la possibilité de remplacer les engrais naturels par des engrais artificiels et le remplacement (partiel) qui se pratique déjà ne réfutent nullement cette vérité qu’il est irrationnel de jeter sans les utiliser les engrais naturels, en infectant les cours d’eau et l’air dans la banlieue des villes et autour des usines. »[15]

3.2 Cas de pollutions industrielles graves[modifier | modifier le wikicode]

Exemple de déformation causée par la maladie de Minamata

L’usine pétrochimique de la compagnie Chisso, installée en 1907 à Minamata, dans le Sud du Japon, a commencé à rejeter dans la mer de nombreux résidus de métaux lourds, dont du mercure, en 1932. Celui-ci s’est concentré dans la chair des poissons, provoquant des maladies du système nerveux chez les humains (perte du contrôle de la motricité, par exemple) et des naissances d’enfants malformés ou morts-nés. La compagnie Chisso a tenté d’étouffer l’affaire en offrant de l’argent aux familles des victimes. Il fallut attendre 1977, des mobilisations des pécheurs et des habitants violemment réprimées, et un terrible scandale mondial pour que les boues contaminées ne soient plus rejetées dans la mer mais traitées. Jusqu’en 2009, plus de 13 000 victimes ont été reconnues par l’entreprise et l’État japonais, mais 25 000 attendaient encore une décision.[16]

La zone de l'étang de Berre (Bouches-du-Rhône) est devenu un important site industriel au 20e siècle : installation des raffineries Shell en 1928, puis des Raffineries de Provence (futur Total). Une loi est votée en 1957 pour interdire la pêche dans l'étang en raison de l'accumulation de la pollution d'origine chimique dans la chair des poissons. Les pêcheurs ont dû être indemnisés pour le dommage causé puis vendent leurs droits de pêche.[17]

3.3 Marées noires[modifier | modifier le wikicode]

Un très grand nombre de déversements pétroliers ont eu lieu, par accidents dus au manque de prévention, ou lors de guerres. Lorsqu'une grande quantité d'hydrocarbures (pétrole brut ou autres produits pétroliers lourds) est déversée à la mer, il se forme une nappe flottante qui se déplace sous l'effet des marées et du vent, et finit généralement par atteindre les côtés les plus proches.

Parmi les plus graves :

  • 1979-1980 : Fuite de la tête du puits sous-marin d'Ixtoc I, dans le golfe du Mexique où 600 000 tonnes de pétrole brut sont déversées

Le 20 avril 2010, dans les eaux du golfe du Mexique, une explosion accidentelle (tuant 11 ouvriers) a détruit la plate-forme de forage Deep Water Horizon. La marée noire qui s’en est suivie est d’une énorme importance. Jusqu’au 3 juin, date à laquelle la compagnie pétrolière British Petroleum (BP) a réussi à stopper partiellement la fuite de pétrole brut, 20 000 à 40 000 barils par jour se sont répandus en mer[18]. Il s’agit de la pire catastrophe écologique de l’histoire des États-Unis. Barack Obama fait alors mine de demander des comptes à BP, mais ce n'est que du théâtre. Et pour cause : BP est un des mécènes d'Obama...[19] BP a continué à verser des dividendes à ses actionnaires comme si de rien n'était, et n'aura à payer que des indemnités dérisoires par rapport à ses profits.

Malgré la gravité réelle de ces événements (qui choquent à juste titre l'opinion), on peut relever l'énorme différence de réaction médiatique concernant les déversements chroniques dans le Golfe du Niger :

« Avec 606 champs pétrolifères, le delta du Niger fournit 40 % du total des importations américaines de brut. C’est la capitale mondiale de la pollution pétrolière. L’espérance de vie dans ses communautés rurales, dont la moitié n’a pas accès à l’eau potable, est tombée à 40 ans à peine depuis deux générations. La population locale maudit le pétrole qui pollue ses terres et trouve incroyables les efforts déployés par BP et les autorités américaines pour colmater la brèche dans le golfe du Mexique et protéger le littoral de la Louisiane contre la pollution. Si la même mésaventure était survenue au Nigeria, ni le gouvernement ni le pétrolier ne s’en seraient beaucoup préoccupés, explique l’écrivain Ben Ikari. Cela a lieu en permanence dans le delta ! »[20][21]

La première cause des marées noires est la négligence de l'entretien des navires : ce sont deux vieux tankers rouillés à simple coque. De plus, la pression de la rentabilité maximale court-circuite les impératifs de sécurité et les bonnes conditions de travail des marins, souvent embauchés en sous-effectif, sous-payés et épuisés par des temps de veille rallongés. La recherche systématique de la route la plus courte malgré les dangers, la pression mise par les affréteurs pour respecter coûte que coûte des délais de livraison réduits au minimum, pour ne pas perdre leur tour au déchargement dans les grands ports, poussent les capitaines des navires à prendre des risques et à naviguer y compris par forte tempête.

Les Etats bourgeois, qui font mine de légiférer contre ces "abus", accompagnent en réalité les capitalistes, en particulier avec le système des pavillons de complaisance, qui concerne près de 60% des navires. Cela permet à un armateur de ne respecter aucune des lois internationales en vigueur, d’embaucher des marins en sous-effectif, sous-payés et épuisés par des temps de veille rallongés. Ce système a été généralisé dans les années 1960 et 1970 par tous les armateurs occidentaux avec le soutien de leurs gouvernements. La France a elle-même créé en 1986, sous la cohabitation Mitterrand-Chirac, le pavillon des Kerguelen. Le gouvernement Raffarin a renchéri en 2005 avec le « Registre International Français » qui permet aux armateurs de toucher les subventions européennes tout en continuant à s’affranchir des lois sociales et environnementales contraignantes.

Par ailleurs, les États bourgeois procèdent à une vraie socialisation des coûts engendrés par les dégâts. Les contribuables français ont payé plus de 153 millions d’euros pour le naufrage de l’Erika, et le coût total de cette catastrophe est de l’ordre d’un milliard d’euros. Mais Total, le quatrième trust mondial du pétrole et l’affréteur de ce bateau-poubelle, n’a payé que le pompage des soutes. Lui-même a été entièrement remboursé du montant de la cargaison, en quelques mois, par son assureur. Et ce n’est pas l’exception, c’est la règle.

Certes les multinationales versent des "réparations financières", avec des montants ridicules qui sont une façon de s'acheter le droit à la bonne conscience. Ainsi les fonds prévus par l’accord Opol, ratifié en 1974, s’élèveraient actuellement à 120 millions de dollars – une goutte d’eau par rapport aux profits des compagnies – alors que les dégâts des catastrophes se chiffrent rapidement en milliards. Et quand bien même ces montants seraient augmentés, ils ne rachèteraient jamais les vies brisées et les ravages écologiques causés.

3.4 Dégazages et autres déversements pétroliers[modifier | modifier le wikicode]

Ship pumping ballast water.jpg

Les marées noires sont les catastrophes les plus visibles, mais elles ne sont que le sommet de l'icerberg. Il arrive bien plus souvent que des navires déversent intentionnellement du pétrole à la mer ("dégazage" ou plus exactement "déballastage" sauvage). La raison est que le nettoyage des cuves (contenant des résidus de produits, dont pétroliers) est une opération qu'il faut faire réaliser dans les ports, en payant le service. Alors qu'il est gratuit de "dégazer" en mer... (cynique exemple d'externalité). En général, le coût d'une amende pour déballastage ou le coût des dommages et intérêts infligés en cas de marée noire sont très faibles par rapport aux profits réalisés. C'est là aussi une forme de socialisation des pertes par la collectivité.

Au début des années 1970, on évaluait à près de 3,8 millions de tonnes la quantité d'hydrocarbures de toutes sortes répandue annuellement dans les océans et les mers. La part des navires dans ces déversements d'hydrocarbures était alors estimée à près de 1,4 million de tonnes, soit 37 % de ce total.

Il y a certes des progrès en sécurité. Mais il y a tellement plus de navires (de 1970 à 2000 le tonnage des marchandises transportées par voie maritime a doublé) que la quantité déversée chaque année en mer baisse à peine : 3 millions de tonnes dans les années 2000. La part des navires dans les déversements est descendue à 10% dans les années 2000, le reste étant :

  • la pollution d'origine terrestre qui représente environ 70 % ;
  • la pollution des activités d'extraction du pétrole off-shore qui représente environ 10 % ;
  • la « pollution » naturelle — c'est-à-dire celle provenant de certaines fissures dans les fonds marins, sortes de sources sous-marines d'hydrocarbures —, qui représente également environ 10 %

3.5 Les dégâts en URSS[modifier | modifier le wikicode]

En URSS, la bureaucratie stalinienne a engendré un développement industriel tout aussi désastreux sur le plan environnemental. Cela s'explique pour plusieurs raisons :

  • le caractère bureaucratique de la planification soviétique, source de beaucoup d'inefficacité,
  • la course à l'armement engagée avec les impérialistes occidentaux, qui a poussé à mettre une priorité à l'industrie lourde à n'importe quel prix,
  • la répression des voix dissidentes et l'inexistence d'une opinion publique en capacité de dénoncer les pollutions.

Le lac Baïkal (Russie) a été énormément pollué au temps de l'URSS, par d'anciennes papèteries, mines de zinc et de plomb. (Ce lac représente à lui seul 20% des réserves d’eau douce non gelées).

La mer d'Aral a été quasiment asséchée.

4 Tendances actuelles[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Améliorations partielles dans les vieux pays impérialistes[modifier | modifier le wikicode]

Dans les pays capitalistes riches, des progrès non négligeables ont été réalisés là où les pollutions des eaux étaient les pires. Même si toute activité productrice engendre des impacts, la plupart du temps, des solutions préventives existent pour limiter fortement les pollutions : choix de sites d'implantations d'usines qui réduisent les risques, filtration des eaux avant rejet dans les rivières, surveillance des cours d'eau et analyses...

Sous l'effet des mouvements de riverains et des mouvements écologistes, les réglementations sur la prévention des pollutions se sont durcies dans les vieux pays industrialisés (Europe, Japon, États-Unis...). En France les industries qui rejettent des eaux usées dans les rivières doivent analyser régulièrement les traces de polluants présents et justifier qu'elles ne dépassent pas certaines limites. Les stocks de produits qui, en cas de déversements, peuvent causer des dégâts aux écosystèmes, sont soumis à des obligations (entreposage avec bacs de rétention...).

Ces mesures préventives ont de nombreuses limites dans le cadre capitaliste :

  • Les entreprises ne sont pas rigoureusement tenues d'utiliser les meilleures techniques disponibles en matière de prévention, mais celles qui sont les plus « pertinentes d'un point de vue technico-économique ». En bref, le coût de ces techniques est mis en balance avec l'amélioration qu'elles permettent. Or le lobbying des capitalistes cherche toujours à justifier que les niveaux de profits ne doivent pas être trop entamés.
  • Les contrôles de pollution se font essentiellement sous le contrôle des industriels eux-mêmes, avec l'aide de laboratoires privés qu'ils paient eux-mêmes, et le contrôle de l'État ne se fait qu'a posteriori.
  • Les contrôleurs de l'État ne sont pas en nombre suffisant pour avoir l’œil sur tous les problèmes, et n'ont souvent pas les moyens de faire de réelles investigations, devant souvent se baser sur les déclarations des industriels.

Ainsi malgré les mesures de prévention, des pollutions ou simplement des situations dangereuses qui n'auraient pas dû exister sont dénoncées. Comme en Alsace, près de Hagenthal, où Greenpeace a révélé en février 2005 que les usines de la chimie de Bâle entreposaient à ciel ouvert des déchets toxiques pour les hommes comme pour la nappe phréatique.

Néanmoins, pour ce qui est des pollutions locales des cours d'eau ou plans d'eau, la situation tend à s'améliorer.

Le Rhin était auparavant le fleuve le plus pollué d’Europe. Il charriait 4000 tonnes de métaux lourds et 7000 d’hydrocarbures par an. A partir de 1976, les règles imposées par les États riverains ont inversé la tendance. Les saumons peuvent désormais remonter le Rhin.

Une politique volontariste a aussi permis la réhabilitation du lac d’Annecy (1943-2000). Dans un premier temps, en arrêtant d'y déverser les égouts (domestiques, agricoles, industriels) sa transparence était revenue, mais pas la biodiversité. Il a pour cela fallu recréer certains habitats comme des zones marécageuses. Cela a permis un retour des espèces originelles.

En France, sur la période 2009-2015, la part des masses d'eau de surface en « bon état » est passée de 43% à 63% (cependant l'objectif que s'étaient fixé les autorités était de 66% de bon état en 2015) et celle des masses d'eau souterraines de 60% à 70%.[22]

C'est l'effet combiné des réglementations imposées aux capitalistes, et de l'essor de la capacité d'alerte de la population (riverains / écologistes / médias...). Mais un autre facteur qui joue indéniablement, c'est la délocalisation d'une grande partie de la production industrielle loin des vieux pays impérialistes.

En revanche, le continent plastique flottant dans le Pacifique Nord continue de croître, en raison d'une surutilisation des plastiques jetables et du très mauvais recyclage.[23]

4.2 Dégradation dans les pays pauvres[modifier | modifier le wikicode]

Vidange de matières fécales dans un cours d'eau au Kenya. Des usines d'épuration manquent encore dans beaucoup d'endroits.

La pollution des eaux est particulièrement dramatique dans la plupart des pays dominés, et dans les pays où la croissance capitaliste est rapide. La situation ressemble alors à ce qui prévalait dans les grandes villes occidentales au début de la révolution industrielle. Parfois la situation est pire (car la prolétarisation est encore plus rapide, créant d'énormes bidonvilles insalubres), alors que les moyens de prévention sont maintenant connus...

En Inde, deux tiers des ressources en eau sont polluées. La plupart des maladies observées sont en relation avec des agents véhiculés par l'eau. Le Gange est un égout, parce que les fabriques d'insecticides, d'engrais, les tanneries, etc., y déversent tous leurs déchets, souvent toxiques, et il n'y a pas de stations d'épuration. Pour donner une idée de cette pollution, à l'endroit où une fabrique de chaussures Bata relâche ses effluents, les poissons mis dans cette eau-là ne survivent que deux jours - record battu par une distillerie McDowell, qui ne leur laisse que cinq heures à vivre.

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5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Eau_souterraine
  2. Rapport 2019 sur l'état de l'environnement en France produit par le ministère de la Transition écologique.
  3. Selon une étude du World Wildlife Fund (WWF) datée de 2000
  4. L'arsenic est souvent inclus dans la liste des métaux lourds, même si rigoureusement il est un métalloïde.
  5. Ariane Blum, Laurence Chery, Hélène Legrand, L’eau souterraine est-elle toujours potable à l’état naturel ?, Géosciences, no 5, mars 2007, p. 58-67.
  6. Anne-Sophie Glover-Bondeau, « Les mégots : une dangereuse pollution », sur stop-tabac.ch, (consulté le 30 novembre 2018).
  7. Wenjau Lee & Chih Chun Lee (2015), Developmental toxicity of cigarette butts – An underdeveloped issue, Ecotoxicology and Environmental Safety, Volume 113, mars 2015, p. 362–368 (résumé)
  8. (en) Pflieger‐Bruss, Sybille, H‐C. Schuppe, and W‐B. Schill, « Pflieger‐Bruss, Sybille, H‐C. Schuppe, and W‐B. Schill. "The male reproductive system and its susceptibility to endocrine disrupting chemicals », Andrologia,‎ , p. 337-345 (lire en ligne)
  9. (en) Gail S. Prins, « Endocrine disruptors and prostate cancer risk », Endocrine-Related Cancer, vol. 15, no 3,‎ , p. 649–656 (ISSN 1351-0088 et 1479-6821, PMID 18524946, PMCID PMC2822396, DOI 10.1677/ERC-08-0043, lire en ligne)
  10. Cathrin Brisken, « Endocrine Disruptors and Breast Cancer », Chimia International Journal for Chemistry, vol. 62, no 5,‎ , p. 406–409 (DOI 10.2533/chimia.2008.406, lire en ligne)
  11. (de) Andreas Schönborn et al., « Der Östrogenisierung der Umwelt auf der Spur », Aqua & Gas, vol. 5,‎ , p. 64-71
  12. Étude Empa sur l'impact sur les truites de rivières (2006), et relais par la Tribune de Genève, 18 mars 2006
  13. Étude originale dans la revue Nature du 29 janvier 2008, et article de ABC News in science, 26 mai 2008
  14. Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, Tritium
  15. Lénine, La question agraire et les "critiques de Marx", juin 1901
  16. Yves Dachy, La biodiversité oubliée, mai 2012
  17. Loi no 57-897 du 7 août 1957 portant interdiction de la pêche dans l'étang de Berre, JORF no 183 du 8 août 1957
  18. Selon les estimations parues dans la presse. Le chiffre de 5 000 barils par jour avancé par BP a été qualifié de mensonge (Le Monde, 12 juin 2010).
  19. David Brooks, Celui qui est accusé du désastre dans le Golfe du Mexique British Petroleum a parrainé Obama par David Brooks , 12 juin 2010
  20. The Guardian du 6 juin 2010
  21. Tendance CLAIRE du NPA, Marée noire du golfe du Mexique et réflexions sur l’industrie pétrolière, 2010
  22. Statistiques publiques, Eau et milieux aquatiques, Les chiffres clés, Édition 2020
  23. AFP, « Les déchets de plastique dans les océans pourraient décupler en dix ans », Le Figaro, (consulté le 20 juin 2018)