Innovation

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La première souris d'Apple (1984) et ses améliorations successives (jusqu'à 2005)

L'innovation est le fait d'introduire une nouveauté, que ce soit dans une tradition ou dans une technique. Ces dernières décennies, le terme d'innovation (au sens d'innovation technique) est particulièrement utilisé par les entrepreneurs et les politiciens, pour attirer les investisseurs et diffuser l'image d'un capitalisme porteur de dynamisme. Ce terme prend en quelque sorte le relais du terme de « progrès » qui est beaucoup moins employé aujourd'hui.

1 Perspective historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Sociétés précapitalistes[modifier | modifier le wikicode]

L'innovation existe depuis l'apparition de l'humanité. Produit de la relative intelligence et curiosité de notre espèce, elle a un effet cumulatif grâce à la mémoire sociale (même si parfois certains savoirs ou savoir-faire ont été perdus lors de crises).

On a pu observer que dès la préhistoire, les méthodes de taille des outils de pierre s'amélioraient lentement au fil des millénaires, et de plus en plus vite. Des spécialistes ont estimé que si les hommes d’il y a 2,5 millions d’année obtenaient 10 cm de tranchant à partir d’un kilo de pierre brute, deux millions d’années plus tard, il y a 500 000 ans, ils en tiraient 40 cm. Il y a 40 000 ans, c’était 2 m, et plus de 6 m une dizaine de milliers d’années plus tard.[1]

Avec l'apparition des sociétés de classe sont apparues des techniques agricoles qui elles aussi ont depuis connu des innovations successives (sélection de plants par hybridation...). Dans le même temps, la division du travail s'est accentuée, et a permis le développement d'artisans innovant chacun·e dans leur domaine.

Néanmoins, l'organisation de la société (en classes) façonne la production et impacte les capacités à innover. Par exemple, dans l'Antiquité grecque puis romaine, la classe dominante a pu pendant longtemps faire travailler à son profit de grandes quantités d'esclaves, ce qui faisait que l'innovation n'était pas favorisée (notamment dans l'agriculture). Son temps libre a dans le même temps favorisé des innovations artistiques, philosophiques, et dans l'urbanisme (aqueducs, thermes...). Dans la période médiévale, au contraire, il y a eu régression des échanges et de la vie urbaine, mais innovations dans l'agriculture (moulins, rotation des cultures, charrues...). En termes marxistes : les rapports de production limitent ou orientent les forces productives, et les forces productives créent des conditions qui peuvent permettre de transformer les rapports de production.

1.2 Société capitaliste[modifier | modifier le wikicode]

Il est clair que les rapports de production capitalistes, par rapport aux rapports de production antérieurs, stimulent énormément la productivité et donc l'innovation, puisqu'il s'agit d'une source de profit.

En concurrence les uns avec les autres, les industriels se sont mis à financer largement des inventeurs (de plus en plus, internalisés comme ingénieurs) pour améliorer leurs procédés.

Karl Marx et Friedrich Engels ont clairement souligné ce trait issu de la révolution industrielle :

« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. (...)

La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses ; et plus colossales que l'avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines, l'application de la chimie à l'industrie et à l'agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol – quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social ? »[2]

Au 19e siècle, la soif de profit des capitalistes a provoqué une frénésie d'exploitation de la force de travail, si bien que les conditions de travail (en temps, cadences, espérance de vie...) se sont dans un premier temps brusquement dégradées. Rien n'impliquait en soi que les innovations techniques aient cet effet, si ce n'est leur application dans le cadre d'une logique économique capitaliste.

Néanmoins le développement de plus en plus nombreux de couches urbaines (bourgeoises, petite-bourgeoises, prolétaires) est allé de pair avec la hausse du nombre d'intellectuels et d'artistes (et plus largement d'accès à l'éducation), si bien que la bourgeoisie a sauté sur l'occasion pour se présenter comme « classe progressiste », vectrice de progrès (technique et social).

L'idéologie bourgeoise repose en grande partie sur cette idée que le capitalisme est porteur de dynamisme, et que sans lui, il n'y aurait plus d'innovation. Elle associe largement cet aspect à son autre pilier, la méritocratie, en soutenant que les inventeurs sont motivés et récompensés par les gains financiers.

Les socialistes se sont depuis longtemps efforcés de démystifier ces discours, montrant qu'il y a une large décorrélation entre l'acte d'innover, et l'acte d'en tirer profit :

« Les efforts des inventeurs sont constamment exploités par les capitalistes qui deviennent acquéreurs des inventions pour une bouchée de pain. (...) Tout récemment encore, un événement s'est produit qui souligne bien la situation véritable. Dans une usine nommée "The Bonsack Machine Co" les propriétaires découvrirent que beaucoup de leurs employés avaient mis au point des inventions, d'ailleurs assez nombreuses, et ces propriétaires prirent le parti d'accaparer à l'avenir toutes semblables inventions. A cette fin, ils expulsèrent tous leurs employés, et ils exigèrent de tous ceux qui voulaient obtenir du travail d'apposer la signature au bas d'un contrat spécifiant que la compagnie serait désormais propriétaire de toutes les inventions de ses employés. »[3]

1.3 Société post-capitaliste[modifier | modifier le wikicode]

Tout comme les innovations n'ont pas attendu le capitalisme pour avoir lieu, elles continueraient à avoir lieu dans une société socialiste. Elles seraient simplement conditionnées différemment que par les rapports de production capitalistes.

Déjà sous la société capitaliste, la recherche publique fait la démonstration que le goût de la recherche peut reposer sur de toutes autres motivations que la course à déposer le plus vite son brevet et s'enrichir.

2 Innovation et productivité[modifier | modifier le wikicode]

L'innovation technique est étroitement corrélée à la productivité du travail humain. Très souvent, les innovations améliorent la productivité, et cela permet en retour de dégager plus de temps pour plus de personnes, et augmenter leurs chances d'innover.

L'innovation est cependant plus large que la productivité, car elle peut très bien concerner l'invention de méthodes, produits ou services qui n'ont pas d'effet sur la productivité mais qui répondent à des besoins.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Lutte ouvrière, Développement des sciences et fondements des idées communistes, 2015
  2. Friedrich Engels, Karl Marx, Manifeste du parti communiste, 1847
  3. Daniel De Leon, Que veut dire cette grève ?, 11 février 1898