Socialisme municipal

De Wikirouge
(Redirigé depuis Régies municipales)
Aller à la navigation Aller à la recherche
Christophe Thivrier (premier maire socialiste au monde) expulsé de la Chambre des députés pour avoir crié « Vive la Commune ! »

Socialisme municipal (et communisme municipal) renvoie aux expériences et aux positions des socialistes / communistes par rapport au pouvoir des mairies.

C'est une forme de municipalisme.

La municipalisation est le fait qu'une municipalité reprennent en gestion directe (régie publique) un service ou une entreprise. C'est l'équivalent à l'échelle locale d'une nationalisation.

1 Héritage de traditions communales[modifier | modifier le wikicode]

Le socialisme municipal est né à la fin du 19e siècle, avec l'essor du mouvement socialiste. Il se combinait souvent avec les anciennes traditions communautaires communales qu'il ravivait.

En Angleterre, ces traditions avaient été laminées depuis le 16e siècle (enclosures), si bien qu'au 19e siècle, entre la domination de la bourgeoisie sur les villes industrielles et la domination des propriétaires fonciers sur les campagnes, il n'y avait plus de vie communale autonome. Mais une fois la révolution industrielle enclenchée, le capital s'est répandu rapidement dans d'autres pays et y a rencontré des formes héritées du passé et encore vivaces (développement inégal et combiné).

Depuis le Moyen Âge, les chartes locales mettent les biens communautaires à disposition du peuple (droit de pâture, fagots, puis droit de chasse à partir de 1789) qui les défendent vigoureusement à chaque tentative de dépossession. Sa responsabilité administrative est d'assurer certains services : une police commerciale et agricole (décision des dates des moissons et vendanges, surveillance des poids, bascules publiques, mesures des débits de boisson, organisation du marché, des octrois, de l'abattage du bétail), la conservation du patrimoine commun (par exemple pour les incendies, la transmission des archives en particulier fiscales, l'organisation des travaux d'entretien des routes, mares, pompes et puits -premier service des eaux, des voiries- des places et arbres publics). Après 1789, avec la fin des biens d'église, il doit aussi organiser la charité publique (soupes populaires et des œuvres de charité anciennement tenues par la paroisse) par des « bureaux de charités/de bienfaisance communaux » ; ancêtres directs des CCAS qui sont les résultats de la fusion des anciens Bureaux de bienfaisance (1796) et des Bureaux d'assistance (1823).

Dès la Révolution française s'ajoute la responsabilité des bâtiments d'église et surtout celle des instituteurs même si Napoléon Ier, centralisateur et concordataire, revient à un contrôle par le préfet. À partir de 1834 (loi Guizot), les communes assurent le financement de la scolarisation des enfants pauvres puis les fournitures et constructions scolaires (voire des salles d'asile, ancêtres de l'École maternelle vers 1860/70).

La réalisation effective de ces travaux peut se faire directement, en régie, ou par une « contribution en nature » (en travail). C'est souvent le cas pour les routes et travaux communaux aux écoles, places, puits, ou aux mairies. Mais il existe des procédures d'attributions de marchés publics (pour la perception des impôts, ou des travaux publics, les coupes de bois, l'exploitation des terrains ou des emplois publics sous l’Ancien Régime…).

Ainsi les municipalités sont responsables de services et/ou d'espaces publics avant même la mise en place des municipalités élues (1888).

2 En France[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Fin 19e - début 20e, les mairies socialistes[modifier | modifier le wikicode]

A ses origines le mouvement socialiste, faible, a évidemment été confronté à la question du pouvoir local avant celle du pouvoir central. Même ceux qui imaginent la révolution internationale se structurent en fait surtout à l'échelle de leurs premières audiences, celles du bassin local d'emploi (l'industrie locale).

Sous Napoléon III les premières mutuelles sont parfois politisées, reliées, dans les communes ouvrières, à la bourse du travail, aux cours du soir organisés par le mouvement ouvrier, aux premières sections syndicales ou aux réseaux politiques liés à des journaux locaux.

Un facteur a renforcé le socialisme municipal en France : le clivage villes-campagnes. Par trois fois, (1789/1799, 1848, 1870) la « République sociale » a été refusée aux ouvriers des villes qui la réclamaient, non seulement par la bourgeoisie mais par la majorité rurale, plus conservatrice. Ainsi, après 1789, les paysans se sont majoritairement opposés aux « partageux » de la gauche jacobine parisienne en suivant parfois les prêtres et nobles de leur paroisse. De même, lors de la révolution de 1848, le suffrage universel proclamé par les intellectuels et les ouvriers urbains socialisants, s'est retourné contre eux quand les ruraux ont voté massivement à droite. Lors de la guerre de 1870, après la défaite de Sedan, la campagne vote de nouveau à droite contre la guerre de la République nationale que veut poursuivre Gambetta, au profit de la république conservatrice de Thiers. Cette déception ne touche pas que les Parisiens. Ainsi, à Toulouse, Armand Duportal, républicain de 1848, voit les campagnes voter contre la ville. Après l'échec de la Commune, les socialistes, fractionnés, très désorganisés politiquement, sont donc pour certains idéologiquement, pratiquement ou politiquement tournés vers l'échelle communale plus que nationale, syndicale ou internationale.

Le premier maire socialiste, en blouse ouvrière, Christophe Thivrier, est celui de Commentry (Allier 1882). En France, à partir de 1888, les élections municipales donnent un vrai pouvoir au maire qui est désormais élu (et non plus nommé). Le champ électoral municipal permet d'exprimer des revendications face à la bourgeoisie, mais aussi d'évaluer l’audience de courants rivaux du socialisme. Dans les années 1890–1894, certaines communes ouvrières élisent des listes socialistes. À Toulouse, Charles de Fitte est le premier socialiste élu dans les années 1880, très actif (en particulier face à Jaurès alors allié aux radicaux). Dans la décennie suivante, le programme des socialistes qui entrent au conseil, est directement l'ancêtre du socialisme municipal. Ainsi, en 1895, le docteur Bach, leader socialiste, médecin de la Commune, élu par une alliance tactique avec les radicaux d'Honoré Serres, précise les différences qui séparent ses sept camarades du maire : « nous les jeunes (les nouveaux venus)… » « drapeau socialiste déployé » «républicains », « nous consacrerons nos efforts à faciliter à la classe des travailleurs la conquête pacifique et légale des pouvoirs publics »[1].

En 1896, sous différentes étiquettes, les socialistes sont à la tête de plusieurs grosses communes, notamment dans le Nord (Lille, Henri Carette à Roubaix), le Massif central (Montluçon, Commentry, Roanne, Limoges, Firminy), le Midi (Narbonne, Siméon Flaissières à Marseille, Toulon, Sète, Carmaux), ou autres (Dijon) (297 communes socialistes en 1912). Selon l’historien Jean-Marie Mayeur[2], guesdistes, vaillantistes, broussistes, socialistes indépendants pratiquèrent un réformisme de fait basé sur le développement des services publics communaux, préfigurant de facto la réunification des socialistes au sein de la SFIO en 1905. Ainsi, même les guesdistes qui pensaient le socialisme municipal « impossible » et voulaient originellement remplacer des forces de police par les citoyens armés, municipaliser les héritages ou créer des entreprises pour les chômeurs, ont, dès 1892, des objectifs (« cantines scolaires, sanatoriums, dispensaires, maternités, bains publics gratuits, bureaux d’aide sociale et juridique, bourse du travail ») et des pratiques de plus en plus réformistes (même si les préfets ont révoqué des maires pour leur soutien aux ouvriers).

La première vague du socialisme municipal s'inscrit entre 1888 et 1914/1918 par une élaboration doctrinale et une conquête du pouvoir d'abord désordonnée dans des cités ouvrières, puis, avec unité avec la SFIO de Jaurès (prise de Toulouse en 1906).

2.2 Années 1920 et 1930 : socialistes et Front populaire[modifier | modifier le wikicode]

Les années 1920-1930 en sont l'apogée, et conduisent leur personnel jusqu'au gouvernement du Front populaire : Jean-Baptiste Lebas, maire de Roubaix, Roger Salengro, maire de Lille, Albert Bedouce, maire de Toulouse, Henri Sellier, maire de Suresnes, Marx Dormoy, maire de Montluçon, etc.

De fait, les élus municipaux socialistes ont constitué des viviers de cadres pour le socialisme de gouvernement (sous le Front populaire et après). Selon certaines analyses, cela a été pour la France ce que les bureaucraties syndicales ont été au socialisme allemand.[3]

En Autriche, la force du mouvement ouvrier, notamment au niveau municipal, a fait que de nombreux logements sociaux ont été construit au début du 20e siècle. L'héritage s'en fait encore ressentir : à Vienne, plus de 60% des logements sont des logements sociaux.[4]

2.3 Années 1930, le "communisme municipal"[modifier | modifier le wikicode]

Les mairies PCF ne gèrent pas systématiquement les services publics en régie. Par exemple à Saint-Pierre-des-Corps, la gestion de l'eau a été déléguée après la Seconde guerre mondiale à une petite entreprise.[5]

2.4 Vichy et l'après-guerre[modifier | modifier le wikicode]

Après le Front populaire, le socialisme municipal est suspendu avec le régime de Vichy.

À la Libération, les socialistes résistants reprennent avec lenteur leur programme d'avant guerre : menacés par les communistes, à leur gauche, ils déportent leurs alliances vers le centre droit (Baudis père à Toulouse) : le contrôle politique se rigidifie nettement dans les années 1955/1968, permettant d'abord des réalisations importantes (notamment en matière de logements sociaux grâce à l'outil des SEM) puis entrainant un certain immobilisme (en particulier dans la gestion politique des employés et des services municipaux) lié à la crise de la SFIO lors de la guerre d'Algérie (à Toulouse passage de Raymond Badiou à Louis Bazerque; Gaston Defferre à Marseille).

Dans les années 1965/1980, l'opposition et la rénovation socialiste (rôle du PSU), marquent un renouveau notamment à Grenoble avec les Groupes d'action municipale (ce qui provoque la vague électorale des élections municipales françaises de 1977).

Il faut également rappeler que le mouvement ouvrier organisé n'est pas exempt de racisme et que cela se traduit dans les politiques qui sont menées dans les communes gérées par le PCF. En décembre 1980, le maire communiste de Vitry-sur-Seine envoie un bulldozer contre un camp de migrants maliens installé dans sa ville.[6] En février 1981, le maire communiste de Montigny-les-Cormeilles (Robert Hue) livre à la vindicte un ouvrier marocain en l'accusant d'être un dealer « empoisonnant nos jeunes ».[7]

Le socialisme municipal recule avec la conquête du pouvoir national en mai 1981 et la décentralisation (qui est en fait en partie sa généralisation par Gaston Defferre).

2.5 Tournant néolibéral[modifier | modifier le wikicode]

Avec le tournant néolibéral des années 1980, de nombreuses privatisations ont lieu. Parfois à l'occasion de chutes de mairies PCF, mais parfois aussi du fait de la droitisation des élu-e-s PCF. Par exemple à Saint-Pierre-des-Corps, la petite entreprise qui gérait traditionnellement la distribution d'eau a été rachetée par Véolia au début des années 1990, et Véolia est devenu un véritable lobby (Veolia payait 2 pages de publicité dans la revue municipale et rendait divers autres "services" à la mairie...). Cela est d'ailleurs une corruption plus générale du PCF (Robert Hue a admis que Véolia finançait le parti).[5]

Même dans des mairies gérées par les principaux partis bourgeois, il y a un changement notable de politique. En quelques décennies 80 % de la distribution de l’eau en France a été déléguée au privé.

Par exemple, jusqu’en 1984 Paris possédait un service des eaux qui fonctionnait totalement en régie directe municipale avec un prix de l’eau particulièrement bas. En 1984, Jacques Chirac privatise la gestion de l'eau (rive droite pour Véolia, rive gauche pour Suez, pour 25 ans).

2.6 Retour de régies[modifier | modifier le wikicode]

Depuis quelques années, de nombreuses critiques émergent contre les marges de monopoles privés qui gèrent certains services, comme la distribution de l'eau potable. Plusieurs mairies ont décidé de reprendre en régie publique cette compétence.

L'augmentation du prix suite aux privatisations est la principale motivation. D’après un rapport de mai 2001 de l'Assemblée Nationale, le prix de l’eau potable et de l'assainissement est en moyenne de 25 % moins cher lorsque l’exploitation est en régie communale. La différence atteint même 44 % en cas d’intercommunalité. Les taux de marge nette oscillent entre 26 et 59 %.[8]

En 2008, la mairie de Paris décide le retour au public de la gestion de l'eau (les parts de Véolia et Suez sont rachetées).[9]

En 2013, la ville de Saint-Pierre-des-Corps prend en régie publique la gestion de l'eau, suite à un référendum impulsé notamment par le NPA.

L'eau potable a été partiellement reprise en régie à Paris en 2009

La question des régies se pose aussi pour la collecte des déchets (réalisée la plupart du temps par des grands groupes comme Veolia, Derichebourg ou Pizzorno). Dans des villes comme Paris ou Lyon, une sorte de compromis à la Yalta a été fait, en séparant par zones collectes faites par le public et par le privé.

Le dilemme principal est celui de l'opposition "travailleurs de la régie" / "consommateurs". Plus les travailleurs sont exploités, moins cher sera le service : les conditions du privé facilitent cette surexploitation, ce qui peut donner l'image d'un secteur privé "plus efficace" (si les profits/rentes ne sont pas trop élevés...).

La question des économies d'échelle est également importante : une entreprise de collecte, qu'elle soit publique ou privée, aura moins de frais fixes si elle peut opérer sur une zone plus vaste (mutualisant son matériel, son personnel administratif...). On peut trouver par exemple le commentaire suivant d'une Communauté de communes : « la régie directe avec des camions achetés ou loués et du personnel embauché par la Communauté de Communes (...) a été étudiée. Elle n’est pas intéressante au deçà d’un certain seuil de population desservie (au minimum 30 000 habitants). Les frais fixes sont bien trop importants. »[10]

C'est en partie ce qui explique que les petites régies communales ont été remplacées par des grands groupes privés qui mutualisent sur une échelle bien plus grande leurs moyens, leur expérience... Mais rien n'empêche d'exproprier ces groupes et de bénéficier des économies d'échelles avec un grand service public unifié.

3 En Espagne[modifier | modifier le wikicode]

Dans le sillage du mouvement des Indignés (2011), une dynamique est née autour de revendications sociales, et un certain nombre de militants se sont lancés dans l'objectif de « gagner des villes » (avec l'appui notamment de Podemos et de Izquierda Unida). De 2015 à 2019, ils ont pris la tête de villes comme Madrid, Barcelone, Valence, Saragosse, La Corogne ou encore Cadix. Dans ce qu'on a désigné « mairies du changement », des mesures ont été prises pour favoriser la démocratie participative locale (ainsi à Madrid, une chambre citoyenne tirée au sort a été mise en place, et tout citoyen de plus de 16 ans peut formuler des propositions et celles qui reçoivent au moins 1 % de soutien font automatiquement l’objet d’un référendum décisionnel), et pour répondre aux besoins sociaux (régies publiques, relèvement des quotas de logements sociaux, encadrement des loyers...).[11]

Néanmoins ces expériences se sont heurtées aux compétences limitées des mairies, l'essentiel des leviers restant aux mains de l’État et plus encore, aux mains des capitalistes. La mise en place de processus démocratiques à l'échelle locale, même les plus participatifs, ne peut pas apporter beaucoup de résultats si l'essentiel de ce qui peut améliorer la vie, les moyens de production, restent privés. Cette expérience, malgré ce qu'elle peut avoir de positif, illustre ce que peut être une impasse « citoyenniste ».

Comme résultat, la plupart de ces mairies ont été perdues en 2019.

4 Au Royaume-Uni[modifier | modifier le wikicode]

En Angleterre, le socialisme fabien insistait particulièrement sur l’échelon municipal, ce qui fut critiqué par Engels[12]. Ils influencent l'expérience de Birmingham entre 1873 et 1875, où la municipalité Chamberlain (qui n’est pas socialiste, même s’il est réformateur) met en place un service public de gaz, d’eau et des parcs (influencé par Beatrice Webb), et les positions plus radicales de George Lansbury à Londres.

Dans les années 1980, le pays est en crise et subit la désindustrialisation, et le gouvernement conservateur de Thatcher applique un dur tournant d'austérité et de libéralisation économique, martelant « There is no alternative ». Le Municipal socialism ressurgit dans le débat avec des oppositions minoritaires au niveau local, principalement de membres de la gauche du Parti travailliste.

Au Greater London Council, Ken Livingstone (un ancien trotskiste surnommé Red Ken) devient un symbole d'opposition à Thatcher. Il est suivi à Lambeth par Red Ted Knight et Linda Bellos, ou encore à Sheffield avec David Blunkett (on parlait caricaturalement de Socialist Republic of South Yorkshire).

A Liverpool en 1983, le groupe trotskiste Militant (autour notamment de Derek Hatton) qui était devenu majoritaire dans le Parti travailliste, gagne la mairie sous cette étiquette. Il lance alors de nombreuses mesures sociales (construction de logements...). Dans un contexte de crise (Liverpool est particulièrement touchée), cela conduit rapidement à un budget déficitaire. La mairie engage un bras de fer avec le gouvernement, et parvient à arracher une augmentation du financement de l'État, et inspire une révolte plus large de gouvernements locaux. Mais finalement en 1987, le gouvernement suspend la mairie et poursuit en justice les militants.[13] Pendant ce court épisode, le titre pompeux de « Lord Mayor » (of the City of Liverpool) avait été renommé en « Chariman ».

5 En Amérique du Nord[modifier | modifier le wikicode]

En Amérique du Nord, certains « progressistes » n’ont pas besoin de la référence au socialisme pour municipaliser des services de transport, d’eau et d’hygiène (en particulier à Montréal[14]).

6 La tolérance du droit bourgeois[modifier | modifier le wikicode]

Même lorsqu'ils sont réformistes, les partis du mouvement ouvrier qui dirigent des mairies sont souvent en contradiction partielle avec la société bourgeoise. Par exemple lorsque des municipalités qui mettent en place des services publics là où l'initiative privée est la norme. En droit public, il y a toute une jurisprudence dite du "socialisme municipal" qui reflète ces concessions faites par l'idéologie dominante.

« Les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée et les conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette nature en services publics communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière. » (Conseil d'Etat, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers)

Ainsi des cinémas publics ont pu être autorisés dans une commune qui n'en disposait pas (CE, 12 juin 1959, Syndicat des exploitants de cinématographe de l'Oranie), un cabinet dentaire public a été autorisé à Nanterre alors qu'il n'y avait que des cabinets pratiquant le dépassement d'honoraires (CE, 20 novembre 1964, Ville de Nanterre)...

7 Théorisations et débats[modifier | modifier le wikicode]

7.1 Le socialisme municipal comme stratégie[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de socialisme municipal peut renvoyer simplement aux expériences concrètes menées par les socialistes à l'échelle communale, mais désigne aussi certaines théorisations qui en font l'échelle pertinente pour le socialisme. Ainsi dans le socialisme français, certains refusaient de participer au pouvoir central par principe.

Le socialisme municipal s'est nourri des idées du socialisme utopique : Cabet, Fourier ou Saint-Simon imaginent la société idéale autour d'unités autonomes de productions coopératives, cités parfaites, égalitaires souvent associées à un urbanisme idéal (cités utopiques des siècles précédents telles les communautés partant pour les Amériques, certains tentant de créer ces cités idéales encore à la fin du 19e siècle). Les villes « idéales » « socialistes » veulent un habitat collectif (non privé, même si dans sa forme, il peut parfois être pavillonnaire) hygiéniste socialement égalitaire. Ce logement ouvrier en « cité-jardin » est théorisé et mis en pratique dans des villes nouvelles ou dans de nouvelles banlieues en Angleterre par d'assez riches précurseurs comme Robert Owen. Ces unités de vie sont aussi des unités de productions idéales (phalanstères…). Dans sa dimension économique, ce socialisme imagine le remplacement de l'État et du capitalisme par une coordination de micro-unités de production, cités coopératives de la taille d'une commune.

Certains se sont également appuyés sur la Commune de Paris pour en faire le modèle à suivre partout. Il n'est pas rare que des socialistes opposent cette vision à un supposé jacobinisme de Marx. En réalité Marx, à travers le Conseil général de la Première internationale, s'est aussi appuyé sur la Commune pour proposer une généralisation des communes à tout le pays. Mais contrairement à des visions centrées sur le localisme, Marx pensait qu'il était non seulement souhaitable (ce que défendent aussi les anarchistes fédéralistes), mais impératif que ces communes se coordonnent aussitôt, ne serait-ce que pour vaincre la réaction.

Ces visions ne faisaient pas l'unanimité dans le socialisme français. A l'origine, Jules Guesde pensait qu’il ne peut y avoir de socialisme qu’à l'échelle d’une révolution nationale et condamnait ouvertement les dérives municipales dont le principal promoteur est alors le médecin Paul Brousse, leader du courant réformiste appelé à l’époque « possibilisme » ou « broussisme » qui s’exprime à travers la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF).

Les guesdistes n'excluaient pas la conquête des mairies, mais défendaient des mesures radicales (remplacer des forces de police par les citoyens armés, municipaliser les héritages ou créer des entreprises pour les chômeurs) qu'ils ne mirent pas réellement en place une fois en place.

7.2 Position des communistes révolutionnaires[modifier | modifier le wikicode]

Lénine condamnait les tentatives d’importation des idées du « socialisme municipal » en Russie, qu'il accusait de détourner de l’objectif de la révolution.

L'Internationale communiste s'est prononcée sur la question du pouvoir municipal dans ses thèses sur le parlementarisme révolutionnaire, lors du IIème congrès. Elle statuait notamment :[15]

« Les communistes, s'ils obtiennent la majorité dans les municipalités, doivent :

a) former une opposition révolutionnaire à l'égard du pouvoir central de la bourgeoisie ;
b) s'efforcer par tous les moyens de rendre service à la partie la plus pauvre de la population (mesures économiques, création ou tentative de création d'une milice ouvrière armée, etc.) ;
c) révéler en toute occasion les obstacles suscités par l'État bourgeois contre toute réforme radicale ;
d) développer sur cette base une propagande révolutionnaire énergique, sans craindre le conflit avec le pouvoir bourgeois ;
e) remplacer, dans certaines circonstances, les municipalités par des Soviets de députés ouvriers. Toute l'action des communistes dans les municipalités doit donc s'intégrer dans l'œuvre générale de désagrégation du système capitaliste »

Lutte ouvrière dénonce les « leurres du communisme municipal »[16].

7.3 Municipalisme et libéralisme[modifier | modifier le wikicode]

Certains dans le mouvement ouvrier ont dénoncé le fait que derrirère certaines utopies localistes pouvait se cacher - ou en tout cas prospérer - une logique néolibérale de mise en concurrence entre villes. Une critique du même ordre que celle qui est adressée à la décentralisation menée à partir des années 1980 en France.

A l'inverse, des néolibéraux ont critiqué certaines utopies municipales de « cité-providence ».[17]

8 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Bibliographie

Notes

  1. Maurice Andrieu Cent Ans de socialisme à Toulouse, 1992, Toulouse
  2. Jean-Marie Mayeur, La Vie politique sous la troisième République 1870-1940, Seuil, Paris, 1984 d'après Gérard Massé in Journal de Nervure, mars 2004
  3. Rémi Lefebvre, Le Socialisme français et la « classe ouvrière », De la SFIO de 1905 au PS de 2006, Revue française de science politique 2004
  4. Le Monde, Vienne, l’utopie réalisée du logement pour tous, janvier 2019
  5. 5,0 et 5,1 La rotative, Gestion de l’eau à Saint-Pierre-des-Corps : « Veolia payait des publicités dans le journal municipal », Avril 2016
  6. Raphaël Bernard, « L'affaire du bulldozer de Vitry » (1980-1981) : la banlieue rouge face au phénomène migratoire, Novembre 2020
  7. Archive INA, Affaire du Marocain de Montigny les Cormeilles, Antenne 2 Le Journal de 20H
  8. D'après une enquête de janvier 2006 de l’UFC Que Choisir.
  9. http://www.acme-eau.org/Les-distributeurs-prives-sortent-du-Capital-d-EAU-DE-PARIS-Communiques-de-presse-Reactions-et-Souvenirs-LE-DOSSIER_a1459.html
  10. http://www.donnenheim.fr/media/websites/donnenheim/pdf/RI_Foire_aux_questions_LT_08-2013.pdf
  11. The Conversation, Le bilan des « mairies du changement » en Espagne, février 2020
  12. F. Engels, Lettre à F.-A. Sorge, 18 janvier 1893
  13. http://www.liverpool47.org
  14. Ville de Montréal - Centre d’histoire de Montréal - Salubrité
  15. Le Parti communiste et le parlementarisme, IIème congrès de l'I.C., 1920
  16. UCI, Tribune - Les leurres du « communisme municipal », février 2008
  17. Libres.org, La gestion de la cité