Idéalisme
L'idéalisme a un sens courant de quête d'un idéal, qui est accusé d'être utopique.
L'idéalisme en philosophie désigne les doctrines qui font préexister des Idées (dont les Dieux peuvent être une forme) à la réalité matérielle.
Le spiritualisme a un sens très proche : cela désigne toute doctrine dans laquelle il existerait une substance spirituelle (un ou des « esprits »).
Le courant de pensée qui s'oppose frontalement à l'idéalisme est le matérialisme, dont une branche a donné le marxisme.
1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]
On distingue communément deux formes d'idéalisme :
- l'idéalisme ontologique, ou métaphysique, ou idéalisme objectif : le monde « objectif » est de nature spirituelle (spiritualisme). Il s'oppose au matérialisme, qui affirme que seule la matière existe.
- l'idéalisme épistémologique, ou idéalisme subjectif : le monde est formé par nos représentations. Il s'oppose au réalisme, qui affirme que le monde a une existence indépendante de la représentation que nous en avons.
Parmi le spiritualisme, on peut distinguer :
- Le spiritualisme dualiste, qui affirme l'existence parallèle d'une réalité matérielle et d'une réalité spirituelle (notamment le dualisme de Descartes).
- Le spiritualisme moniste affirme que seul l'esprit a une réalité propre, la matière étant dérivée ou n'ayant d'existence que négative (ex : panpsychisme, Plotin, Berkeley...).
2 Principales idées[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Mythes et religions[modifier | modifier le wikicode]
Dès son apparition, l'humanité s'est appliquée à interpréter et à donner un sens aux événements qui l'entourait. L'homme primitif accordait ainsi une volonté propre à chaque élément de la nature (la lune, le feu, le vent, etc.). Cette première forme d'explication du monde est celle de l'animisme (qui anime toute la nature). De cette conception primitive va naître celle qui voit en l'histoire de l'humanité la manifestation de la volonté agissante d'un ou de plusieurs dieux (ou d'êtres surnaturels).
Les religions sont des systèmes de croyances en une ou plusieurs entités surnaturelles. Selon la plupart des doctrines religieuses, la ou les divinités interviennent directement sur le cours du monde (miracles, punitions divines...) et de l'histoire (conception théologique de l'histoire).
2.2 Antiquité[modifier | modifier le wikicode]
Dans l'Antiquité européenne, les philosophes présocratiques étaient matérialistes : Héraclite, Démocrite, Leucippe, Diogène, Épicure, Lucrèce.
Ce matérialisme antique sera ensuite supplanté progressivement par l'idéalisme, avec Parménide, Platon, les stoïciens, puis les pères de l'Église chrétienne.
Platon est le premier représentant de l'idéalisme objectif, avec sa théorie des Idées. Pour lui seules les Idées existent réellement, ce sont les modèles parfaits dont les objets sensibles ne sont que de pauvres imitations, des productions dégradées. Le monde perçu par nos sens n'est qu'un tissu d'apparences trompeuses, sortes d' « ombres » ou de « reflets » que l'homme non initié prend à tort pour des objets réels.
2.3 Siècle des Lumières[modifier | modifier le wikicode]
Au 17e siècle, puis au 18e, un débat commence à émerger entre idéalisme et matérialisme. A cette époque où l'on redécouvre avidement les philosophes de l'Antiquité, on s'empare de ce vieux clivage, et on le réexamine à la lumière des nouvelles avancées scientifiques.
Leibniz, en Allemagne, est le premier philosophe, au tout début du 18e siècle, à se réclamer de l'héritage de l'idéalisme, qu'il prétend dépasser. Il en forge la notion d'abord à des fins didactiques, pour opposer la doctrine platonicienne des Idées au matérialisme d'Epicure. Mais ce n'est pas avant Kant que l'idéalisme s'affirme comme une position revendiquée.
Berkeley développe la théorie de l'idéalisme subjectif. Lui-même nomme sa théorie « immatérialisme ». Pour lui il n'y a que des idées dans le monde. Comme il ne nie pas le réalisme de certaines de nos perceptions (elles sont causées par quelque chose d'extérieur à nous), il fait intervenir Dieu, qui suscite tout ce que nous percevons.
Kant fut le penseur majeur de l'idéalisme. Il appelait le sien l'idéalisme transcendantal. Pour lui, les choses en soi existent et nous en avons des aperçus par nos sens (réalisme empirique), mais nous ne pouvons jamais y accéder pleinement, parce que nos perceptions et nos raisonnements dépendent de la structure nos sens et de notre entendement, qui existent a priori (idéalisme métaphysique). Il se veut critique à la fois du réalisme métaphysique et de l'idéalisme empirique (Berkeley), qui sont pour lui les deux traditions dominantes en philosophie.
Principalement en France, le matérialisme mécaniste connaît une forte ascension. Il est porté essentiellement par une bourgeoisie offensive face à l'obscurantisme féodal, qui exalte par là même ses valeurs et la supériorité du mode de production dont elle est porteuse. Mais la plupart de ces philosophes appliquent le matérialisme à des objets d'étude concrets, tout en continuant à raisonner en idéalistes dans tout ce qui touche à l'esprit humain et aux sociétés (l'histoire en particulier).
2.4 Positivisme et empirisme[modifier | modifier le wikicode]
Au 19e siècle, le positivisme d'Auguste Comte se développe et aura une forte influence. Le positivisme met l'accent sur les lois scientifiques et refuse la recherche des causes premières (renvoyées à de la métaphysique). Comte conçoit le processus historique comme une avancée vers davantage de rationalité scientifique (« loi des trois états »). Dans sa pensée, ce sont les « sciences positives » (mathématiques, physique, chimie…) qui doivent déboucher sur des explications de la psychologie ou des sociétés humaines. Par sa naïveté, le positivisme laisse la porte ouverte à l'idéalisme.
Certains courants issus du positivisme vont évoluer effectivement vers des formes d'idéalisme.
C'est le cas par exemple de l'empirio-criticisme, courant qui cherchait à écarter la question de savoir s'il y avait une réalité extérieure, prétendant n'établir de connaissances que sur la base de nos sens. Ce courant eut du succès au début du 20e siècle, notamment parmi les bolchéviks. C'est ce qui a conduit Lénine a écrire Matérialisme et empiriocriticisme (1909), pour dénoncer ce qu'il voyait comme un agnosticisme faisant trop de concessions à l'idéalisme.
3 Conception idéaliste de l'histoire[modifier | modifier le wikicode]
Les conceptions idéalistes de l'histoire regroupent les conceptions dans lesquelles les évolutions historiques de l'humanité sont déterminées avant tout par l'histoire des idées (On parle parfois d'idéalisme historique).
3.1 Conception théologique de l'histoire[modifier | modifier le wikicode]
L'origine du monde a d'abord été décrit, dans toutes les sociétés humaines, par des mythes. Dans les premières sociétés, la conception du temps est souvent cyclique, et on peut donc difficilement parler d'histoire. Mais dans tous les cas, ce sont des esprits surnaturels qui expliquent les changements qui touchent les hommes.
Les religions instituées vont donner un cadre plus formel, avec des dogmes expliquant le début et la fin de l'histoire (Création, Jugement dernier), les raisons des interventions divines... Elles vont avoir aussi tendance avec l'évolution historique à ne plus mettre en avant les miracles et autres interventions divines.
Le christianisme, en développant son hégémonie religieuse va par la même occasion imposer sa conception de l'histoire. Pour Saint Augustin (Ve siècle), c'est Dieu qui préside aux destinée de toute l'humanité : les guerres, les famines, les empires qui se constituent et s'écroulent sont réglées par la "Providence". L'histoire des hommes n'a qu'un seul but: assurer la domination de "la religion chrétienne et la gloire de Dieu" sur terre ! L'homme n'est donc qu'un objet aux mains de forces surnaturelles ; le sujet historique, c'est Dieu : il est à la fois l'"acteur" et le "metteur en scène" de l'histoire.
Bossuet (17e siècle) nuance un peu cette conception en prenant en compte des facteurs historiques ou naturels propres à l'humanité. Mais ces facteurs sont pour lui secondaires par rapport à l'origine et à la finalité de l'histoire qui, elles, sont régies par la volonté de Dieu.
Mêmes minoritaires, les conceptions théologiques continuent à exister. A titre d'exemple, on peut lire chez Jacques Ellul, considéré comme un des pères de la décroissance, qui écrivait en 1986 :
« Nous constatons que dans la Bible, l'intervention divine a lieu quand l'inhumanité, quand le mal moral et physique dépasse les bornes. Dieu provoque un événement approprié à cet excès d'inhumanité, qui placera l'homme devant le choix de se repentir ou de mourir. Je suis convaincu que l'apparition du virus du sida correspond à cet ordre d'action de Dieu. »
3.2 Matérialisme mécaniste des Lumières[modifier | modifier le wikicode]
Dans l'Europe du 17e siècle, sous la plume des philosophes des Lumières et sous l’influence de la montée de la bourgeoisie, les superstitions religieuses sont vivement combattues. Rejetant l'intervention de Dieu dans l'histoire concrète des hommes, Voltaire et la plupart des philosophes du siècle des Lumières expliquent l'évolution historique et ses événements par l'évolution des idées, des mœurs ou de l'opinion des hommes eux-mêmes qui prévaut à telle ou telle époque.
Ainsi, pour Voltaire, la chute de l'Empire romain n'est pas du à une punition divine, mais bien aux mœurs de l'époque (et donc à la religion chrétienne) qui empêchèrent une résistance efficace face aux invasions « barbares ».
D'autres philosophes tels d'Holbach et Helvétius, malgré une interprétation matérialiste de la nature (où ils rejetaient toute intervention de l'idée ou de dieu), étaient par contre également idéalistes en ce qui concerne l'histoire de l'humanité. Pour ces derniers, c'est l'ignorance ou les qualités intellectuelles des hommes qui expliquent l'évolution historique.
3.3 Idéalisme allemand et conception téléologique[modifier | modifier le wikicode]
La redécouverte moderne de la dialectique se confond avec le passage de l'idéalisme allemand subjectif (Kant, Fichte), à l'idéalisme objectif (Schelling, Hegel), qui est un effort pour dépasser le dualisme matière / esprit.[1]
Chez Kant apparaît déjà l'idée d'un sens de l'histoire, qui serait la réalisation d'un progrès humain vers la raison, la moralité, et une civilisation cosmopolite pacifiée.
La conception téléologique de l'histoire, développée notamment par Hegel au début du 19e siècle, est une forme particulière d'idéalisme historique. Hegel considère que toute l'histoire humaine n'est que le développement d'un Esprit universel, qui se réalise au travers de nombreuses expériences (évolutions, guerres, révolutions...) que les hommes font sans avoir conscience du grand but historique. Comme le note Plékhanov, d'un côté c'est un idéalisme absolu (la seule conception à assumer d'être un idéalisme historique), de l'autre, paradoxalement, elle constitue la dernière étape avant la conception matérialiste de Marx.[2]
En cherchant l'explication du devenir historique dans quelque chose qui ne dépend pas du libre arbitre de l'homme, Hegel assigne à la science la tâche d'expliquer les phénomènes historiques par des lois, et la solution du problème rend inutile l'hypothèse de l'Esprit , qui se révèle absolument impropre à cette mission.
Une des conséquences est que la philosophie n'a plus qu'un rôle d'interprétation du monde chez Hegel. Les philosophes des Lumières celle-ci a un rôle actif pour faire reculer l'obscurantisme, elle est la principale force faisant avancer l'histoire. A l'inverse, pour Hegel la marche de l'histoire est faite purement inconsciemment par les hommes et les philosophies n'apparaissent qu'ensuite, correspondant au nouvel état du monde.
« Pour ce qui est de la doctrine concernant ce que doit être le monde, la philosophie arrive toujours trop tard. Pensée universelle, elle apparaît seulement lorsque la réalité a achevé son processus de formation et revêt un aspect déjà achevé... Quand la philosophie commence à tracer ses grises arabesques sur le fond grisaille de la réalité, elle ne peut plus lui rendre sa jeunesse ; elle peut seulement comprendre : la chouette de Minerve ne prend son vol qu'au crépuscule. »
3.4 Critiques matérialistes de Hegel[modifier | modifier le wikicode]
Marx et Engels sont issus du courant des « jeunes hégéliens » qui tentent de faire une lecture subversive de la pensée de Hegel dans l'Allemagne des années 1830. Mais ils vont progressivement s'approprier le matérialisme (notamment via Feuerbach, mais en allant plus loin que ce dernier), et faire une critique radicale de l'idéalisme qui règne chez les jeunes hégélien comme dans toute la philosophie allemande. Ils développent cette critique dans L'idéologie allemande (1844) :
« Naguère un brave homme s'imaginait que, si les hommes se noyaient, c'est uniquement parce qu'ils étaient possédés par l'idée de la pesanteur. Qu'ils s'ôtent de la tête cette représentation, par exemple, en déclarant que c'était là une représentation religieuse, superstitieuse, et les voilà désormais à l'abri de tout risque de noyade. Sa vie durant il lutta contre cette illusion de la pesanteur dont toutes les statistiques lui montraient, par des preuves nombreuses et répétées, les conséquences pernicieuses. Ce brave homme, c'était le type même des philosophes révolutionnaires allemands modernes. »[3]
Tout cela conduira Marx et Engels à élaborer leur conception matérialiste de l'histoire.
3.5 Exemples d'idéalisme contemporain[modifier | modifier le wikicode]
La puissance explicative du marxisme a commencé à gagner une popularité assez large à la fin du 19e siècle. Les défenseurs de l'idéalisme historique, le plus souvent, ne l'opposent plus frontalement au matérialisme mais essaient de la « combiner ». C'est le cas de Jaurès par exemple, dans une conférence-débat de 1894 face à Lafargue.[4]
Même si l'analyse des faits historiques a beaucoup été influencée par le marxisme, et que globalement même chez les historiens non marxistes l'attention est beaucoup plus portée sur les facteurs matériels, des formes d'idéalisme historique sont présentes assez souvent dans certaines analyses.
Par exemple, certains commentateurs du mouvement pour l'abolition de l'esclavage ont expliqué le passage d'une stratégie gradualiste à une stratégie plus radicale par l'adoption d'une morale kantienne...[5][6]
Chez l'intellectuel autrichien Otto Neurath, qui prit des responsabilités dans l'éphémère République des conseils de Bavière (avril-mai 1919), il y avait une vision profondément idéaliste de l'origine de l'argent. Il allait jusqu'à écrire : « Une fois que la nature de l’argent aura été pleinement reconnue, les écailles tomberont de nos yeux et ces siècles de développement apparaîtront comme une grande erreur. »[7]
A la fin du 20e siècle, dans un contexte d'effondrement du bloc de l'Est et du rapport de force du mouvement ouvrier, les partis social-démocrates tendent à abandonner toute idée de réformes sociales, pour devenir plus aisément des partis de gouvernements reconnus comme raisonnables par les bourgeois. Certains théorisent ce passage à un social-libéralisme, comme Anthony Giddens pour le New Labour de Tony Blair. Au même moment, le PS de Jospin fait sensiblement la même politique, en moins assumée. Dans le Capital au 21e siècle, Thomas Piketty fait une critique de ce tournant qui a conduit la gauche dans l'impasse. Gaël Giraud estime que l'ouvrage permettra à la social-démocratie de « s’extraire de l’ornière où Anthony Giddens (et avec lui l’état d’esprit Blair-Jospin-Schröder) l’avait laissée s’enliser »[8]. C'est une vision idéaliste de penser que cette évolution (mondiale) vers le social-libéralisme est le fruit de mauvaises lectures, et qu'on pourrait en sortir simplement par de meilleurs théoriciens. Il n'y a qu'un retournement du rapport de force qui peut infléchir la politique.
Le philosophe Gilbert Hottois, spécialiste de la techno-science, critiquait l'idéalisme de la plupart des philosophes continentaux (et de la psychanalyse qui les a fortement marqué) qui se concentrent principalement sur le pouvoir des mots et des représentations symboliques, et sont coupés des questions techniques (qu'ils méconnaissent largement).[9]
Un autre exemple courant dans l'extrême gauche est le fait de dénoncer le productivisme comme une idéologie commune au capitalisme et aux régimes « marxistes-léninistes », en faisant remonter l'explication aux idées productivistes présentes chez Marx. Cela revient à donner une puissance explicative plus forte, plus méta, à une idée productiviste qu'à des rapports de productions. A l'inverse, le productivisme s'explique bien davantage comme une résultante d'un système. Dans le cas du capitalisme, c'est la concurrence pour le profit des différentes entreprises qui explique que, tendanciellement (les périodes de stagnation et de forte croissance montrent que ce n'est pas automatique) la production augmente. Dans le cas du régime soviétique, c'était essentiellement la course à l'armement avec le Bloc de l'Ouest qui explique la priorité donnée par la bureaucratie à l'industrie lourde.
Dans certaines critiques de gauche de l'extrême droite, il y a une tendance à se focaliser sur les médias. Même s'ils ont un rôle très important, ils ne font qu'amplifier des phénomènes sociaux préexistants. Comme le souligne le sociologue Félicien Faury, « ce n'est pas CNews qui a inventé le racisme »[10].
4 Panpsychisme[modifier | modifier le wikicode]
Le panpsychisme soutient que l'esprit est une propriété présente partout dans le monde. Le panpsychisme contemporain considère qu'il y a de la conscience (primitive ou élaborée) dans toute entité fondamentale ou organisée. Bien que marginale, cette conception est une des solutions au problème difficile de la conscience.
5 Les utopismes[modifier | modifier le wikicode]
L'utopisme relève plutôt, a priori, du sens ordinaire d'idéalisme.
Les écrivains qui ont rédigé des utopies savaient en général que la société idéale qu'ils proposaient avait très peu de chances d'arriver. Cependant en général, le genre de l'utopie comporte une ambigüité à ce sujet. La plupart des auteurs s'efforcent de démontrer que si l'on suit leurs hypothèses, la société décrite est bonne et rationnelle, donc désirable. Mais il y a souvent l'idée que cette société est tellement différente de l'actuelle, tellement en contradiction avec les mentalités ou les intérêts actuels, que cela rend impossible sa réalisation. Le genre est cependant, par la négative, une critique de la société contemporaine.
Certains utopistes croyaient cependant qu'en prêchant des idées généreuses, ils pouvaient faire advenir la société de leurs rêves. C'est le cas de nombreux socialistes utopiques. Dans le sens où ils croient avant tout au pouvoir des idées pour faire évoluer le monde (au détriment de l'analyse des conditions matérielles permettant ou non le socialisme), cela relève de l'idéalisme au sens philosophique.
6 Intellectualisme[modifier | modifier le wikicode]
L'intellectualisme est un courant en philosophie qui suppose la primauté des fonctions intellectuelles, dont les autres fonctions (affects, volonté...) découleraient. Il s'oppose à l'émotivisme et au volontarisme.
Socrate est le premier grand représentant de l'intellectualisme, en particulier sur le plan éthique. Socrate croit que si l'on connaît le bien, on l'accomplit. On ne fait le mal que par ignorance, « nul n'est méchant volontairement ».
Il y a de l'intellectualisme chez les socialistes utopiques. Ils sont d’abord inspirés par un utopisme de la raison (d’où l’expression d’Ernest Labrousse : « les socialistes conceptuels »). Il suffit pour eux de concevoir un modèle rationnel de société ou pour Fourier un modèle conforme aux exigences de la nature, pour que, le bon sens étant la chose la mieux partagée du monde, il soit, dès qu’il sera connu, adopté par tous, du fait de sa rationalité.[11]
7 Utilisation parmi les marxistes[modifier | modifier le wikicode]
La caractérisation d'idéalisme dans les conceptions de tel ou tel courant va être utilisée ultérieurement dans les critiques entre marxistes. Par exemple, Trotski l'utilise en 1909 lorsqu'il oppose sa théorie de la révolution permanente à la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans » de Lénine.[12]
Quelle est la cause principale de la dégénérescence réformiste de la social-démocratie allemande et de la Deuxième internationale ? Walter Benjamin écrivait : « Rien n’a plus corrompu le mouvement ouvrier allemand que la conviction de nager dans le sens du courant. »[13] Si l'on est convaincu que la victoire du socialisme est inéluctable (et les directions social-démocrates diffusaient ce genre de discours), il n'y a pas d'importance particulière à faire vivre une stratégie révolutionnaire. Accorder une trop grande importance à ce type de discours cependant, c'est attribuer à la sphère des idées l'influence principale sur l'évolution de la social-démocratie (au détriment notamment du facteur socio-économique : la collaboration de classe et ses effets bien matériels sur les bureaucrates des syndicats et partis ouvriers).
Les apologistes de la bureaucratie stalinienne, qui se réclamaient du marxisme, ont accusé les marxistes critiques du régime de faire de l'idéalisme historique.[14]
Ernest Mandel a accusé György Lukács de verser dans l'idéalisme historique dans son explication du culte de la personnalité qui s'est développé autour de Staline.[15]
8 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Karl Marx, L'idéologie allemande, 1844
- Gueorgui Plekhanov, La conception matérialiste de l'histoire, 1904
- Dominique Meeùs, « Première leçon : Le matérialisme contre l’idéalisme »
9 Références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Ernest Mandel, Les racines de la pensée dialectique, juin 1956
- ↑ Gheorghi Plekhanov, Pour le 60° anniversaire de la mort de Hegel, 1891
- ↑ K. Marx - F. Engels, L'idéologie allemande, écrit en 1844
- ↑ Paul Lafargue, Jean Jaurès, L'idéalisme et le matérialisme dans la conception de l'histoire, décembre 1894
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau, Les Traites négrières, essai d'histoire globale, Paris, Gallimard, 2004, 468 p. (ISBN 2-07-073499-4)
- ↑ Cf. Page Abolitionnisme sur Wikipédia
- ↑ Otto Neurath, Wesen und Weg der Sozialisierung, 1919
- ↑ Gaël Giraud, « Thomas Piketty, Le Capital au 21e siècle », Projet, no 338, , p. 90-92 (DOI 10.3917/pro.338.0090)
- ↑ Actu Philosophia, Entretien avec Gilbert Hottois : Autour de Le Signe et la Technique, 2017
- ↑ Au Poste, Au plus près du… Rassemblement national, avec Félicien Faury, 4 juillet 2024
- ↑ Jacques Droz, Histoire générale du socialisme, 1972
- ↑ Léon Trotski, Nos différends, 1909
- ↑ Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » in Œuvres III, Folio Gallimard, 2000, p. 438.
- ↑ Ernest Mandel cite par exemple, Fédosseiev et al., L'Enseignement Marxiste-Léniniste sur le Socialisme et l'Actualité, Moscou, 1975, p. 97.
- ↑ Ernest Mandel, Bureaucratie et Production Marchande, avril 1987