Mikhaïl Bakounine

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Félix Nadar 1820-1910 portraits Makhail Bakounine.jpg

Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine (1814-1876), en russe Михаил Александрович Бакунин, est un révolutionnaire et théoricien de l'anarchisme.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Les débuts[modifier | modifier le wikicode]

Michel Alexandrovitch Bakounine naît le 30 mai 1814 dans le domaine familial de Priamoukhino, dans le gouvernement de Tver, où il vit jusqu'à l'âge de 14 ans. Son père, Alexandre Mikhaïlovitch, issu d'une ancienne famille russe d'origine hongroise (qui remonterait aux Báthory), l'envoie à l'École d'Artillerie de Saint-Pétersbourg.

À 18 ans, après avoir abandonné la carrière militaire et refusé de rentrer dans l’administration, il s’inscrit à l’université de Moscou contre l’avis de son père qui cesse alors de l’entretenir. Il y rencontre Nikolaï Stankevitch, qu’il considère comme son « créateur », Vissarion Belinski, sur qui il exerce une forte influence, Alexandre Herzen et Nicolas Ogarev. Il vit alors en traduisant des auteurs allemands comme Fichte et Hegel.

En 1840, il part pour l’Allemagne grâce à de l’argent que lui donne Herzen. Il s’inscrit à l’université de Berlin. Il rend visite à Schelling et entre bientôt en contact avec le cercle des jeunes hégéliens. C'est par l'aile gauche de l'hégélianisme que Bakounine, tout comme Marx, devient révolutionnaire. Cependant, le jeune Bakounine reste, jusqu'à son emprisonnement dans les prisons tsaristes, un hégélien de droite encore fortement influencé par la société et l'autoritarisme de sa Russie natale.

Début 1842, il se rend à Dresde où Arnold Ruge, un des chefs de file des jeunes hégéliens, publie les Annales allemandes (Die Deutschen Jahrbücher). Dans la capitale de la Saxe, Bakounine s'initie à la pensée socialiste française (Fourier, Louis Blanc, Cabet, Proudhon) par la lecture d'un livre qui fait alors sensation en Allemagne, Le Socialisme et le communisme de la France contemporaine de Lorenz von Stein. Il publie dans le journal de Ruge un article qui fait quelque bruit jusqu'en Russie, La réaction en Allemagne, fragment, par un Français, signé d'un pseudonyme francophone. Malgré cette précaution, la police tsariste commence à s'intéresser à lui. Les autorités allemandes n'hésitant pas à extrader les Russes réclamés par le tsar, Bakounine, inquiet, décide de quitter Dresde pour la Suisse, en compagnie du poète Georg Herwegh, en janvier 1843.

Il est d'abord accueilli dans les milieux démocrates allemands en exil de Zurich, où il rencontre Wilhelm Weitling par l'intermédiaire de Herwegh, puis réside quelques mois à Nyon avant de partir pour Berne. Il y fait la connaissance de Carl Vogt et de ses quatre fils, notamment d'Adolf Vogt qui reste un ami fidèle jusqu'à la fin de ses jours. C'est à Berne que la légation russe lui enjoint de rejoindre immédiatement son pays natal, ce qu'il refuse de faire. Un retour en Russie lui est désormais impossible. La Suisse ne lui paraissant plus un refuge sûr, il la quitte pour se rendre en Belgique en février 1844.

Ce bref passage à Bruxelles a une certaine importance puisqu'il y fait la rencontre de Joachim Lelewel, qui le sensibilise à la question polonaise et l'oriente vers le panslavisme. Contrairement à Lelewel et aux patriotes polonais, Bakounine rejette en effet le nationalisme et appelle à un soulèvement de l'ensemble des peuples slaves contre le despotisme, notamment russe, prévoyant pour ces peuples le premier rôle révolutionnaire en Europe.

Sans un sou en poche, il quitte Bruxelles en juin 1844 pour Paris, où il reste trois ans. Il y apprend l'ukase du Tsar par lequel il perd la citoyenneté russe et ses titres de noblesse, et est condamné par contumace à la déportation en Sibérie. Des exilés allemands le logent dans les locaux de leur journal, le Vorwaerts. Là, il retrouve Ruge et rencontre pour la première fois Marx et Engels. Tout en gardant une certaine distance, il devient leur ami. Il écrira plus tard :

« Nous fûmes assez amis […]  Je ne savais alors rien de l'économie politique, je ne m'étais pas encore défait des abstractions métaphysiques, et mon socialisme n'était que d'instinct. Lui, quoique plus jeune que moi, était déjà un athée, un matérialiste savant et un socialiste réfléchi […]  Nous nous vîmes assez souvent, car je le respectais beaucoup pour sa science et pour son dévouement passionné et sérieux, quoique toujours mêlé de vanité personnelle, à la cause du prolétariat, et je cherchai avec avidité sa conversation toujours instructive et spirituelle lorsqu'elle ne s'inspirait pas de haine mesquine, ce qui arrivait, hélas !, trop souvent. Jamais pourtant il n'y eut d'intimité franche entre nous. Nos tempéraments ne se supportaient pas. Il m'appelait un idéaliste sentimental et il avait raison ; je l'appelais un vaniteux perfide et sournois, et j'avais raison aussi. »

Cela le rapproche des exilés polonais, poursuivis eux aussi par le tsar. Les Polonais bénéficient en France, à l'époque, d'une grande sympathie de l'opinion publique. Même si Bakounine éprouve des réticences politiques à leur égard, ils sont très introduits dans les milieux progressistes parisiens et lui permettent d'élargir ses relations. Il devient un ami de George Sand, liée à l'émigration polonaise par Chopin. Il rencontre Proudhon, en cours d'écriture de La Philosophie de la misère, et qui trouve en Bakounine un bon connaisseur de la philosophie allemande. Leurs discussions durent parfois la nuit entière.

En 1847, Herzen s'expatrie à son tour et vient rejoindre les exilés russes de Paris. À la fin de 1847, de jeunes Polonais proposent à Bakounine de faire un discours à l'occasion de la commémoration annuelle de la révolution polonaise de 1830-1831, proposition qu'il accepte avec empressement. Devant 1500 personnes, dans la salle Valentino (251 rue Saint-Honoré), il affirme que l'émancipation de la Pologne sera également celle de la Russie et exhorte les Polonais à sauver la Russie en la combattant. Il prône, en Russie, le soulèvement des paysans et des soldats unis avec la jeunesse pour mettre à bas le pouvoir du tsar. L'ambassadeur russe demande aussitôt l'expulsion de Bakounine.

1.2 La révolution de 1848. Dresde. L'emprisonnement.[modifier | modifier le wikicode]

La révolution de février 1848 à Paris surprend Bakounine alors qu'il est à Bruxelles pour y prononcer une nouvelle fois sa conférence sur la Pologne. Les trains étant arrêtés à la frontière française, il part à pied et met trois jours pour arriver à Paris. Il vit la révolution comme un réveil après un long sommeil. Pris par l'ivresse de ces journées folles, il se révèle alors infatigable. On le voit partout, à toutes les réunions, dans les clubs, dans les défilés, avec les miliciens. Caussidière dit de lui: « Quel homme ! Quel homme ! Le premier jour de la Révolution il fait tout simplement merveille, mais le deuxième jour il faudrait le fusiller. »

La révolution s'est répandue comme une traînée de poudre en Europe. Elle a atteint Milan, Venise, Vienne, Berlin, les Pays-Bas, le Danemark… au cours de ce qu'on a pu appeler le Printemps des peuples. Mais pour Bakounine comme pour de nombreux démocrates, il est important que Polonais et Russes s'entendent pour qu'elle touche la Russie, terreau de toutes les réactions. Lorsque Bakounine propose au nouveau gouvernement républicain français d'aller en Pologne y faire de la propagande, celui-ci lui accorde une avance de 2000 francs. Muni de deux passeports, Bakounine part en Allemagne. À Francfort, introduit par des lettres de recommandation de Georg Herwegh qui s'apprête à envahir militairement le Grand-duché de Bade pour prêter main forte à l'insurrection de Friedrich Hecker, il entre en contact avec les démocrates réunis au sein du Parlement de Francfort. Mais l'ambiance fort peu révolutionnaire de l'Allemagne refroidit l'enthousiasme du Russe. Il comprend vite qu'une alliance des démocrates allemands et polonais est impossible.

Lorsque l'insurrection polonaise en Galicie et en Posnanie est écrasée, il décide de se rendre à Breslau puis à Prague où se tient un congrès des Slaves autrichiens que préside František Palacký. L'idée des leaders tchèques est de conserver les Habsbourg, mais de faire de Prague la capitale d'un empire austro-slave dans lequel les Slaves tiendraient le premier rôle à la place des Allemands. Les plus réactionnaires des Tchèques parlent quant à eux de rattacher tous les Slaves d'Autriche à l'Empire russe. Inimaginable pour un Bakounine, admis à participer au congrès, qui parle de son côté de fédération des peuples slaves.

Le jour de la Pentecôte de 1848, la fin du congrès est marquée par de violentes émeutes qui opposent des manifestants tchèques, étudiants pour la plupart, et les troupes autrichiennes commandées par le prince Windischgraetz. Bakounine se retrouve sur les barricades. Il faut cinq jours aux troupes pour rétablir l'ordre. C'est en Bohême, comme dans le reste de l'Europe, le signal du repli révolutionnaire.

Dans ce contexte, le 6 juillet 1848, la Neue Rheinische Zeitung de Cologne, le journal de Marx, publie un court entrefilet qui accuse Bakounine d'être un agent du Tsar :

« On suit ici avec la plus grande attention, en dépit de nos dissensions intimes, les luttes de la race slave en Bohême, en Hongrie et en Pologne. En ce qui touche la propagande slave, on nous a assurés hier que George Sand est en possession de papiers et de documents qui compromettent gravement M. Bakounine, le russe proscrit de France, et établissent qu'il est un instrument de la Russie ou un agent nouvellement entré à son service, et qu'il faut le rendre responsable en grande partie de l'arrestation des malheureux Polonais, qui a été opérée dernièrement. Nous n'avons ici aucune objection à opposer à l'établissement d'un empire slave, mais ce n'est pas en trahissant les patriotes polonais que l'on arrivera jamais à ce résultat. »

Bakounine répond de Breslau et George Sand, qui ignore tout, fait publier par la Neue Rheinische Zeitung un démenti. Le journal s'excuse. Cette calomnie est par la suite ré-utilisée contre Bakounine par des adversaires politiques. Pour l'heure, elle paralyse sérieusement ses tentatives d'organisation des Slaves car elle continue sa route malgré tous les démentis.

L'été 1848, Bakounine est à Berlin où il rédige une brochure de propagande, l’Appel aux slaves dans laquelle il développe de nouveau son programme : l'alliance des révolutionnaires slaves, allemands, hongrois, italiens, dans l'objectif de détruire les monarchies prussienne, autrichienne et russe. La Neue Rheinische Zeitung en publie une longue critique écrite de la main d'Engels.[1] Bakounine admet plus tard que la raison était plutôt du côté d'Engels, mais estime que le texte de la Neue Rheinische Zeitung laisse transparaître le sentiment de la supériorité allemande sur les peuples slaves. Cette querelle germano-slave perdurera jusque dans les conflits au sein de la Première Internationale.

Mais Bakounine ne désarme pas et a déjà de nouveaux projets révolutionnaires en Bohême. Pour les favoriser, il s'établit à partir du mois de mars 1849 à Dresde.  Le projet constitutionnel établi par le Parlement de Francfort est rejeté par le roi de Prusse qui propose aux autres monarques allemands son armée pour réprimer les poussées démocratiques de leurs sujets. Le rejet de la constitution et la rumeur de l'intervention prussienne en Saxe provoquent l'insurrection de Dresde à compter du 2 mai 1849. Le roi de Saxe et ses ministres fuient la capitale et les insurgés se retrouvent, pratiquement sans combattre, les maîtres de la ville dès le 4 mai, ne sachant trop que faire de cette victoire. Leurs atermoiements et les négociations qu'ils tentent avec le roi, tandis que l'armée prussienne approche, coûteront cher. Bakounine, grâce à sa personnalité et à la décision dont il fait preuve, devient rapidement un des leaders de l'insurrection. Il se retrouve dans son élément et se multiplie sur tous les fronts. Dresde est bientôt encerclée par les Prussiens. Bakounine, en compagnie notamment de Richard Wagner, doit s'enfuir mais il est arrêté à Chemnitz.

Il est ramené à Dresde et maintenu enchaîné en prison avant d'être transféré à la Forteresse de Königstein. Il est jugé et condamné à mort en janvier 1850 mais, par crainte de l'opinion publique encore échauffée par les récents événements, la peine est commuée en travaux forcés à perpétuité. L'Autriche et la Russie réclament le prisonnier pour le juger. Le Tsar est particulièrement insistant mais, le 12 juin 1850, le gouvernement saxon livre finalement le révolutionnaire aux autorités autrichiennes qui l'emprisonnent à Prague puis à Olmütz. Il est de nouveau jugé. Le 15 mai 1851 on lui apprend dans le même temps qu'il est condamné à mort, que la sentence est commuée en travaux forcés et qu'il est livré à la Russie. Il est transféré et enfermé dans le fameux ravin Alexis de la Forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg (puis, à partir de 1854 à Schlüsselbourg).

Deux mois après son entrée en Russie, il reçoit la visite du ministre de l'Intérieur, le comte Orlov, missionné par Nicolas Ier. Ce dernier demande au prisonnier de lui écrire non pas comme à son juge mais « comme à son confesseur. » Ce que souhaite bien entendu le tsar, en échange d'une possible clémence, c'est une dénonciation en bonne et due forme des réseaux révolutionnaires. Il ne l'obtient pas mais Bakounine écrit sa Confession.

Les années passent et le régime de la prison dégrade petit à petit la santé de Bakounine. Il souffre de scorbut et perd toutes ses dents. Le cœur et le foie sont affectés et parfois son estomac refuse toute nourriture. Cette force de la nature sort de l'épreuve brisée et vieillie.

Nicolas Ier meurt en 1855 et le régime se libéralise quelque peu. En 1857, la peine de Bakounine est commuée en déportation à perpétuité en Sibérie. Son lieu de résidence est tout d'abord fixé à Tomsk, en Sibérie occidentale. C'est là qu'il rencontre Antonia Kviatkowska, la fille d'un exilé polonais, qu'il épouse. En 1859, il obtient le droit de se fixer à Irkoutsk, dans une province que son cousin et ami d'enfance le comte Mouraviev-Amourski gouverne. Il obtient là le statut de voyageur de commerce. C'est grâce à lui qu'il parvient à s'évader.

Prétextant la nécessité d'un voyage d'étude à réaliser à Nikolaïevsk-sur-l'Amour, port sur le Pacifique, il y part flanqué d'un gardien à qui il parvient à fausser compagnie. Il s'embarque sur un bateau en partance pour le Japon. Son voyage de retour le mène ensuite à San Francisco et New York. Il atteint Londres en décembre 1861. Il retrouve là Herzen et Nicolas Ogarev qui y publient le Kolokol.

1.3 Le retour en Europe[modifier | modifier le wikicode]

Londres est alors la capitale de la proscription européenne. Outre Herzen et Ogarev, Bakounine y retrouve Arnold Ruge, Louis Blanc, Caussidière, et y fait la connaissance de Mazzini. Karl Marx et Friedrich Engels sont là aussi. Bakounine aurait traduit à cette époque leur Manifeste communiste. En 1864 et 1865, Marx espère que Bakounine va renforcer l'Association internationale des travailleurs (AIT) en Italie, mais ce dernier ne donne pas suite. Marx conservait cependant son amitié à Bakounine, lui offrant par exemple un exemplaire de la première édition du Capital[2].

Bakounine pousse Herzen et Ogarev à radicaliser le Kolokol. L'influence du journal est loin d'être négligeable en Russie même, mais son ton est trop modéré au goût de Bakounine. D'après lui, il faut relancer la propagande révolutionnaire auprès de l'ensemble des Slaves, et surtout des Polonais, et constituer une organisation secrète internationale en mesure de fédérer les énergies. D'autant plus que les choses bougent en Russie, une nouvelle génération de révolutionnaires, les Narodniki, entre en scène sous l'influence notamment de Nikolaï Tchernychevski. Mais Herzen se montre réticent, il est convaincu qu'une réconciliation entre le tsar et son peuple est encore possible. Toute l'activité de Bakounine à cette époque se tourne donc vers son pays natal. Il écrit successivement trois brochures : Romanov, Pougatchev, Pestel ? d'une part, À mes amis russes et polonais d'autre part, La Cause populaire enfin.

Le déclenchement de l'insurrection polonaise de 1863 donne de grands espoirs à Bakounine. Certes, il s'agit avant tout d'un soulèvement aristocratique, mais l'indépendance de la Pologne, notablement plus avancée dans ses mentalités que la Russie, est pour lui plein de potentialités pour la révolution slave. Il ne trouve pourtant guère de sympathies et de confiance chez les patriotes polonais qu'il rencontre à Paris. Il décide donc de s'embarquer pour Stockholm, d'où il espère provoquer des troubles en Finlande, alors territoire russe. Il rejoint à Malmö une expédition de volontaires partie de Londres pour débarquer sur la côte baltique russe et y déclencher un mouvement sur le modèle de celui de Garibaldi. L'expédition échoue piteusement et ne peut même pas atteindre la Russie. Bakounine n'est pas inquiété et retourne à Stockholm.

Antonia vient de le rejoindre. Ensemble, ils s'établissent à Florence. C'est à cette époque, un peu plus calme dans la vie du révolutionnaire, malgré un nouveau voyage en Suède, à Londres et à Paris - où il rencontre de nouveau Proudhon et fait la connaissance d'Élie et Élisée Reclus - que certains datent la conversion définitive de Bakounine aux idées anarchistes. C'est aussi l'époque où il commence à organiser la Fraternité Internationale. Celle-ci ne rompt pas avec le principe romantique des sociétés secrètes, coutumier dans l'Italie du Risorgimento mais dépassé alors même que le mouvement ouvrier est sur la voie des grandes organisations de masse. Il en est friand et ne se départit jamais de ce travers - qui cause tant de troubles au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT). La Fraternité est constituée d'une « famille internationale » et de « familles » nationales, regroupées en cercles locaux. Les « familiers » sont des révolutionnaires convaincus, complètement acquis à la cause de la liberté et dont la discrétion est assurée. Le programme et le ciment de l'organisation est le Catéchisme révolutionnaire[3]. Font partie de la Fraternité : parmi les Italiens Giuseppe Fanelli, Saverio Friscia ; parmi les Français les frères Reclus (en 1865), Benoit Malon, Alfred Naquet ; parmi les Suisses Charles Perron (en 1868), James Guillaume (en 1869) ; parmi les Polonais Valérien Mroczkowski ; parmi les Russes Nikolaï Ivanovitch Joukovski.

En septembre 1867, la guerre menace entre la France et la Prusse. Sous l'égide de la Ligue de la Paix et de la liberté se réunit un congrès à Genève, le Congrès démocratique et international de la Paix. Les plus grands noms de la démocratie européenne font partie de l'initiative : Victor Hugo, Louis Blanc, Pierre Leroux, Edgar Quinet, Jules Vallès, Ludwig Büchner, John Stuart Mill, Giuseppe Garibaldi... La semaine précédente, du 2 au 7 septembre, s'était tenu à Lausanne, le second congrès général de l'Association internationale des travailleurs (AIT) qui avait été invitée à se faire représenter au congrès de la paix. Eugène Dupont y prend la parole au nom de l'Internationale. Bakounine est présent aussi (il n'est pas encore membre de l'AIT). Il prononce un violent discours lors de la seconde séance. Il est clair dès ce moment-là que, parmi ces pacifistes bourgeois tout au plus capables d'imaginer avant la lettre la création d'une Société des Nations, Bakounine - avec l'aile gauche du congrès qu'il représente - détonne lorsqu'il met en avant des idées socialistes à visée immédiate et portant sur une organisation radicalement opposée aux règnes des empires et portant finalement sur l'organisation internationale d'une fraternité politique effective parce que performative. L'assemblée se sépare sans être capable de se mettre d'accord sur une résolution finale et il est décidé de constituer une commission chargée d'élaborer un programme qu'elle soumettra à un second congrès devant se réunir l'année suivante. Bakounine fait partie de cette commission. Comme elle doit tenir ses réunions à Berne, il décide de s'installer sur les bords du Lac Léman et réside alternativement à Genève, Vevey et Clarens. Il passe les mois qui suivent à tenter de rallier à ses vues la commission de la Ligue de la Paix et écrit à cette fin Fédéralisme, Socialisme, Antithéologie.

1.4 Dans la Première Internationale[modifier | modifier le wikicode]

1.4.1 L'Alliance internationale de la démocratie socialiste[modifier | modifier le wikicode]

La rupture au sein de la Ligue de la Paix et de la Liberté entre la minorité socialiste et le radicalisme bourgeois se produit au congrès de Berne, en septembre 1868. Les socialistes révolutionnaires claquent la porte et décident de fonder l'Alliance internationale de la démocratie socialiste, laquelle demande son adhésion en bloc à l'Association internationale des travailleurs. L'Alliance est la face publique de la Fraternité Internationale, les deux structures existant parallèlement, l'une en plein jour, l'autre dans l'ombre. L'Alliance fonctionne avec un « Bureau central » qui réside à Genève, des groupes nationaux pour chaque pays et des groupes locaux. Le groupe local de Genève est constitué le 21 novembre 1868. Il compte d'emblée 145 membres. En février 1869, Bakounine se rend au Locle avec l'objectif d'y constituer un groupe. James Guillaume, Adhémar Schwitzguébel ou encore Auguste Spichiger en font partie. Le « socialisme anti-autoritaire » trouve dans le Jura suisse une implantation forte et durable grâce à ces militants de la Première Internationale. On a pu discuter des raisons du succès des idées bakouniniennes auprès de ces ouvriers et de ces artisans jurassiens, souvent pour en conclure que les jurassiens avaient sans doute davantage influencé Bakounine que le contraire[4]. Cependant, la demande d'adhésion de l'Alliance est rejetée par le Conseil Général de l'AIT.[5] Celui-ci considère en effet ne pas pouvoir intégrer une organisation internationale dont les structures feraient en quelque sorte double emploi avec celles, fédérations régionales ou locales, de l'AIT. Après de vives discussions internes, les alliancistes reconnaissent le bien-fondé du raisonnement du Conseil Général et le Bureau central de l’Alliance est dissout en février 1869, les groupes divers dont elle était composée adhérant à l'Internationale séparément. Par courrier daté du 28 juillet 1869, Johann Georg Eccarius, au nom du Conseil Général, accepte l'adhésion du groupe de Genève de l'Alliance comme section de l'Internationale.

Le problème n'est toutefois pas résolu et la question de l'Alliance reste jusqu'à l'exclusion de Bakounine et de Guillaume au congrès de La Haye en 1872, jusqu'à la scission définitive, un point de crispation considérable. Il suffit pour s'en convaincre de consulter le volumineux rapport, plus volumineux encore que le compte-rendu intégral du congrès de La Haye, que le Conseil Général consacre à l'Alliance[6]. Marx est persuadé que l'Alliance n'est pas véritablement dissoute, ce en quoi il n'a pas tort puisque la Fraternité Internationale existe encore. De son côté, Bakounine croit que Marx reste secrètement membre de la Ligue des communistes, qui a pourtant bel et bien disparu depuis longtemps.

Mais Marx et ses amis, dans le feu de la polémique, tendent à exagérer les machinations de l'Alliance et à minimiser ce qui pouvait relever de véritables divergences théoriques. Ainsi, par exemple, la réception en Espagne du programme de l'Alliance et l'adhésion que ce programme y trouve ne doivent rien à l'existence de supposées conspirations : la Alianza en Espagne est une organisation à part entière, sans lien organisationnel avec l'Alliance bakouninienne. Par ailleurs, selon Arthur Lehning, l'Alliance de Bakounine ne serait, dans son fonctionnement, au fond pas tellement différente du réseau que Marx entretient par voie épistolaire avec divers correspondants en Europe.

En janvier 1869 est fondée, entre les différentes sections suisses de langue française, la fédération romande. Son siège fédéral est fixé à Genève pour l'année suivante. Elle se dote d'un règlement et décide la publication d'un journal, L'Égalité. Au sein d'un comité de rédaction de neuf membres, Perron et Bakounine abattent le plus gros du travail. Les collaborations de Benoît Malon, Eugène Varlin, Elisée Reclus, Hermann Jung ou encore Eccarius ont été sollicitées et obtenues.

La croissance que l'Internationale connaît à Genève depuis la grève victorieuse menée dans le bâtiment au printemps 1868 ne dissimule pas de graves dissensions internes. Le prolétariat genevois est en effet divisé entre la fabrique et le bâtiment. La fabrique, ce sont les métiers « nationaux » de l'horlogerie, de la joaillerie et des boîtes à musique. Tandis qu'il y a une forte proportion d'étrangers dans le bâtiment, les ouvriers de la fabrique sont presque tous genevois et ont le droit de vote. Aussi font-ils l'objet d'une vive sollicitude de la part du parti radical qui compte bien instrumentaliser l'Internationale par leur intermédiaire pour se hisser au pouvoir. On retrouve donc une ligne de rupture « classique » entre une fabrique réformiste prête à collaborer à la politique bourgeoise et un bâtiment révolutionnaire, sur des positions de rupture. Durant l'été 1869, au cours de la préparation du congrès de Bâle (4e congrès de l'Internationale, du 6 au 12 septembre 1869), la fabrique, au sein du Comité genevois, tente d'évacuer le débat sur les questions de la propriété collective et du droit d'héritage. Malgré tout, imposés par une assemblée générale, deux rapports sont finalement rendus : ils sont présentés, sur la première question par Paul Robin, sur la seconde par Bakounine.

Photo de groupe au Congrès de Bâle de l'AIT (1869). De gauche à droite : , , Mikhail Bakounine, et .

Bakounine a deux mandats pour le congrès de Bâle, l'un de l'Association des ouvrières ovalistes de Lyon, l'autre de la Section des mécaniciens de Naples. La grande majorité du congrès adopte des positions collectivistes contre une minorité proudhonienne, mais la question de l'héritage cristallise les divergences entre « marxistes » et « bakouninistes ». Le rapport du Conseil Général - qui présente le point de vue marxien - déclare que le droit d'héritage est le résultat et non la cause de l'organisation économique et qu'il s'agit avant tout d'abolir le capitalisme : la chute du capitalisme entraînera la fin du droit d'héritage. Il indique, comme mesures pratiques immédiates, l'établissement d'impôts sur la succession et la limitation du droit de tester. Pour Bakounine, ces dispositions ne suffisent pas, demander l'abolition pure et simple de l'héritage est la bonne revendication, l'axe de propagande le plus efficace. Au moment des votes, ce sont les positions de Bakounine qui obtiennent le plus grand nombre de voix. Ce revers est pour Marx le signe de l'influence grandissante des idées de Bakounine au sein de l'Internationale et de la nécessité d'y mettre un coup d'arrêt.

Le 27 septembre 1869, la Section de l'Alliance de Genève demande officiellement au Comité fédéral romand son adhésion à la Fédération romande. Le Comité, pour ne pas porter ombrage aux chefs de la fabrique et aux politiciens radicaux qu'ils soutiennent, décide de surseoir à la décision. La Section de l'Alliance n'a plus qu'une solution, faire appel devant le prochain congrès fédéral devant se tenir à La Chaux-de-Fonds du 4 au 6 avril 1870. C'est durant ce congrès que la fédération romande fait scission. La querelle autour de l'admission de l'Alliance en est le détonateur. C'est à la suite de cette scission qu'est créée ce qui deviendra la Fédération jurassienne.

Le 30 octobre 1869, Bakounine quitte assez brutalement Genève pour Locarno, où il s'établit. Des motifs personnels sont à l'origine de cette décision : Antonia est enceinte, d'un autre que lui. Cela ne pose d'ailleurs pas de problème particulier à Bakounine.

1.4.2 L'Espagne[modifier | modifier le wikicode]

L'Internationale n'a pendant longtemps avec l'Espagne que de faibles contacts. La révolution de septembre 1868 (La Gloriosa) qui voit la chute de la monarchie espagnole ouvre des perspectives intéressantes au socialisme. Bakounine ne s'y trompe pas. Dès octobre 1868, il confie à Giuseppe Fanelli la mission de se rendre à Madrid et Barcelone pour y constituer les premiers noyaux de l'Internationale dans la péninsule. Le voyage de Fanelli est fondateur dans l'histoire du socialisme, et plus particulièrement de l'anarchisme espagnol. Il arrive en Espagne avec peu de contacts. À Madrid, il réussit à grouper autour de Tomás González Morago ou encore d'Anselmo Lorenzo une vingtaine de jeunes hommes animés d'un élan révolutionnaire inébranlable[7]. Le développement de l'AIT est alors rapide. L'Internationale s'appuie sur le mouvement ouvrier barcelonais dont l'organisation, déjà ancienne dans cette ville industrielle, peut compter sur des militants de valeur comme Rafael Farga i Pellicer, ainsi que sur la tradition révolutionnaire de la paysannerie andalouse. Un premier congrès à Barcelone, en juin 1870, réunit déjà les représentants de plus de 15000 travailleurs, dont les deux tiers viennent de Catalogne[8], et constitue la Fédération régionale espagnole de l'AIT.

1.4.3 Netchaiev[modifier | modifier le wikicode]

Serge Netchaïev effectue un premier séjour en Suisse en mars 1869. Il rencontre Bakounine chez Nicolas Ogarev, chez qui il réside à Genève. C'est le début d'une relation qui peut être qualifiée de « tumultueuse » et qui a des conséquences importantes sur le mouvement populiste en Russie.

Netchaïev arrive à Genève comme représentant d'un Comité composé essentiellement d'étudiants qui préparent un mouvement révolutionnaire à Moscou et Saint-Pétersbourg pour le printemps 1870. Il se sert de Véra Zassoulitch pour faire croire qu'il s'est évadé de la forteresse Pierre-et-Paul. Il se fait remettre, pour le Comité, la moitié du fonds Bakhmetev, du nom d'un jeune russe qui avait donné pour la propagande révolutionnaire une forte somme d'argent à Herzen, et repart pour Moscou. C'est en décembre 1869 qu'il organise le meurtre de l'étudiant Ivanov dont les conséquences le conduisent à prendre le chemin de l'exil et à revenir à Genève.

Netchaïev rend visite à Bakounine à Locarno dès le mois de janvier 1870. Il apparaît rapidement que Netchaïev court le danger d'être arrêté par la police suisse pour être extradé vers la Russie. Bakounine lance aussitôt une vaste campagne d'opinion visant à protéger Netchaïev. Il sollicite les journaux de l'AIT, notamment Le Progrès que rédige James Guillaume au Locle, et n'hésite pas à demander le concours de vieux amis comme Adolf Vogt. C'est pour la défense de Netchaïev qu'il publie anonymement Les ours de Berne et l'ours de Saint-Petersbourg, complainte patriotique d'un suisse humilié et désespéré, texte dans lequel il dénonce les complaisances du gouvernement helvétique face aux exigences du despotisme.

Le 21 janvier 1870, Alexandre Herzen meurt à Paris. Sa famille remet ce qui reste du fonds Bakhmetev à Nikolaï Ogarev et à Bakounine. Ces derniers décident de faire reparaître le Kolokol, dont la parution avait cessé depuis 1865, en dépit de l'opposition qu'Herzen avait montré de son vivant à ce projet. Bakounine veut faire du titre un journal de lutte dont l'objectif est de stimuler le mouvement révolutionnaire en Russie. Netchaïev participe au comité de rédaction du Kolokol et insiste au contraire pour rendre le journal le moins radical possible, de façon que tous les mécontentements contre le gouvernement russe puissent s'y exprimer. La déclaration d'intention que publie le premier numéro de la nouvelle série du Kolokol laisse Bakounine insatisfait. Il prend très rapidement ses distances. La question de la destination du fonds Bakhmetev commence pourtant à défrayer la chronique chez les émigrés russes de Genève. Une campagne de diffamation est orchestrée contre Bakounine, accusé d'avoir capté l'héritage de Herzen à son profit.

Au printemps de 1869, un éditeur russe confie à Bakounine le soin de la traduction du Capital de Marx. Il reçoit une avance de 300 roubles et se met au travail. Lorsque Netchaïev rend visite à Bakounine à Locarno (janvier 1870), il arrive à le convaincre d'abandonner ce travail pour se consacrer entièrement à la cause révolutionnaire. Netchaïev se chargera d'arranger les choses avec l'éditeur. Soulagé, Bakounine accepte. En fait d'arranger les choses, Netchaïev envoie à l'éditeur une lettre de menaces signée d'un prétendu « Bureau des agents étrangers de la Société Révolutionnaire Russe ». Cette lettre finit par tomber entre les mains de Marx.

Ces deux affaires - celle de l'héritage de Herzen et celle de la traduction du Capital - trouvent leur aboutissement au congrès de La Haye : Bakounine, entre autres raisons, est exclu pour ces supposées escroqueries.

La rupture entre Bakounine et Netchaïev éclate en juin 1870. Netchaïev dérobe à Ogarev des documents qu'il juge compromettants, la menace de leur possible utilisation lui permettant de garder Ogarev sous sa coupe. Il refuse, en outre, de signer un reçu pour les sommes du fonds Bakhmetev qui lui ont été versées. Ogarev et Bakounine comprennent qu'ils ont été trompés. Bakounine écrit à Netchaïev une longue lettre[9] dans laquelle il rejette vigoureusement les conceptions autoritaires et les méthodes manipulatrices de Netchaïev.

Le 14 août 1872, Netchaïev est finalement arrêté par la police suisse et extradé le 26 octobre vers la Russie. Son procès, qui s'ouvre en janvier 1873 à Moscou, révèle l'existence d'un document étrange, Le catéchisme du révolutionnaire[10], qui suscite beaucoup de questions. Il est en effet difficile, compte tenu de l'absence de sources, de savoir dans quelle mesure Bakounine a participé à la rédaction de ce texte.

1.4.4 La guerre de 1870[modifier | modifier le wikicode]

Dès la déclaration de guerre en juillet 1870, Bakounine, ainsi qu'une partie de la presse socialiste européenne, estime que la France, dans l'état de décomposition avancée où se trouve l'Empire, ne peut qu'être battue par le militarisme prussien. Dès lors se pose la question du régime. Si le peuple ne se lève pas contre l'envahisseur et ne transforme pas la guerre en révolution sociale, la France obtiendrait au mieux un régime formellement républicain, une monarchie sans roi entièrement dévouée aux intérêts de la bourgeoisie. Mais s'il se soulève, écrit-il dans Lettres à un Français sur la crise actuelle. Septembre 1870 (édité chez Guillaume à Neuchâtel), la révolution pourrait bien, comme en 1848, s'élargir à l'Europe. En cela, Bakounine s'oppose à Blanqui, qui prône l'Union sacrée, tandis que Marx et Engels voient dans une victoire de Bismarck celle de l'unité allemande, condition préalable au développement du socialisme.

Il dirige aussitôt son activité vers Lyon, où il est en contact avec des militants comme Albert Richard, Gaspard Blanc ou Louis Palix, membres de la Section lyonnaise de l'Internationale. Après la proclamation de la République du 4 septembre 1870, qui laisse penser à de nombreux internationaux que le peuple a pris le dessus, le Gouvernement de la Défense nationale entreprend rapidement de réprimer toutes les velléités populaires. Un certain nombre de soulèvements se produisent alors, surtout dans des villes du sud de la France. Ces brefs mouvements insurrectionnels, mal préparés et sans coordination, qui se déroulent dès le mois de septembre 1870, préfigurent la Commune de Paris. Le mouvement de Lyon en fait partie.

Le 4 septembre, Lyon proclame la République avant même que Paris ne le fasse : à 10 heures du matin, un Comité de Salut public composé de républicains et de quelques militants de l'Internationale placarde une affiche décrétant la déchéance de l'Empire et s'empare sans résistance du pouvoir. Le 6 septembre, Paul-Armand Challemel-Lacour, nommé préfet du Rhône, arrive à Lyon. Le 8, dix commissaires sont désignés pour être les « intermédiaires du peuple lyonnais auprès du Comité de Salut public ». Albert Richard, Louis Andrieux et Victor Jaclard, qui en font partie, sont délégués auprès du gouvernement parisien pour discuter avec lui de la levée en masse contre les Prussiens. Andrieux, qui a pour seul souhait le retour de l'ordre, revient de Paris avec le titre de procureur de la République à Lyon. Albert Richard, quant à lui, revient en compagnie du général Cluseret qui doit être nommé commandant des volontaires du Rhône et des corps de francs-tireurs venus du Midi.

Le 15, Bakounine arrive à Lyon. Il y trouve l'Internationale dans un grand désordre idéologique et se plaint de la voir collaborer avec les républicains, au risque de laisser les plus basses intrigues se développer. Il met fin à cet état de fait. Se tenant éloigné des réunions publiques auxquelles il ne participe qu'exceptionnellement, il prépare le soulèvement avec ses amis intimes de l'Internationale. Le 17 septembre est créé le « Comité du Salut de la France », un organisme qui devait constituer des groupes dans chaque commune pour transformer la guerre en guerre révolutionnaire. Le Comité, dont l'influence ne dépasse pas Lyon, compte en son sein des délégués de différents quartiers de la ville. Il déploie une grande activité, publiant des manifestes et multipliant les réunions publiques. Une coordination est bientôt établie entre groupes révolutionnaires, associations ouvrières et milices de citoyens.  Le 25 septembre, Bakounine rédige la proclamation de la Fédération révolutionnaire des communes. Appelant au soulèvement de la première Commune de Lyon, elle est signée de 26 noms, parmi lesquels Eugène-Bertrand Saignes, Palix, Richard, Gustave Blanc, Bastelica, qui représente Marseille, et Bakounine lui-même. Imprimé sous la forme d'une affiche rouge, le texte est lu le 26, salle de la Rotonde, devant 6000 personnes, et placardé le 27.

Le mouvement aurait dû commencer le 27, mais est retardé de vingt-quatre heures pour des raisons inconnues, ce qui laisse le temps à Challemel-Lacour et Andrieux de préparer une contre-offensive. Le 27 au soir, le Comité central du Salut de la France décide pour le lendemain une grande manifestation. Bakounine, qui n'est pas suivi, souhaite que ce soit une manifestation en armes. Il est prévu d'arriver Place des Terreaux à midi et d'exiger des autorités qu'elles prennent les mesures les plus énergiques pour les besoins de la défense nationale.

Le 28 septembre 1870, ce sont plusieurs milliers d'ouvriers qui débouchent à midi sur la Place des Terreaux. Une délégation entre dans l'Hôtel de ville mais ne trouve pas d'interlocuteurs. C'est alors qu'une centaine d'hommes, force les portes de l'Hôtel de Ville et y pénètre avec Saignes, Bakounine, Richard, Bastelica et d'autres membres encore du Comité. Du haut du balcon, Saignes lit de nouveau le manifeste et nomme Cluseret « général en chef des armées révolutionnaires et fédératives du Midi de la France ». Challemel-Lacour est retenu prisonnier. Cluseret, chargé d'appeler aux armes la Garde nationale de la Croix-Rousse, leur demande de se rendre à l'Hôtel de Ville, mais sans armes. Bakounine attribue l'échec du mouvement à cette « trahison » et à cette « lâcheté » de Cluseret. Les ouvriers réunis sur la Place des Terreaux se retrouvent en effet sans armes face à la troupe et à la Garde nationale des quartiers bourgeois. Cette dernière pénètre bientôt dans la cour intérieure de l'Hôtel de Ville.

Bakounine, qui est resté salle des pas-perdus, est encerclé par des Gardes nationaux bourgeois, parmi lesquels se trouve le maire, Hénon. Ils l'arrêtent et lui confisquent le révolver, l'argent et les documents qu'il porte. Dans la confusion générale, il ne tarde toutefois pas à être remis en liberté.

Le coup de main a échoué. Le soir, le Conseil municipal s'engage à n'entamer aucune poursuite contre les manifestants mais dès le lendemain Andrieux lance des mandats d'amener contre plusieurs membres du Comité, parmi lesquels figure Bakounine. Celui-ci reste caché encore une nuit et un jour à Lyon puis part pour Marseille. Il demeure persuadé que ce n'est que partie remise et que la révolution populaire aura sa revanche. Il projette un instant de se rendre à Barcelone mais, devant le reflux révolutionnaire, abandonne le projet. Il embarque clandestinement pour Gênes, la barbe rasée et le visage orné de lunettes bleues. De là, via Milan et le Lac Majeur, il rentre à Locarno.

À Marseille, il avait commencé un long manuscrit commentant les évènements présents. Arrivé à Locarno, il entreprend d'étoffer ce texte et d'en faire un large exposé de sa doctrine et de la situation politique française et européenne. L'ouvrage ne sera jamais terminé. Le début sera publié sous le titre de L'Empire knouto-germanique et la Révolution sociale. Deux fragments appartenant au même ensemble seront également publiés à part, sous forme de brochures, Dieu et l'État et La Commune de Paris et la notion de l'État.

1.4.5 L'Italie[modifier | modifier le wikicode]

Les liens que Bakounine tisse avec les milieux révolutionnaires italiens datent, comme on l'a vu, de 1864, avec la création dans ce pays des premiers linéaments de la Fraternité Internationale. Il conserve des contacts épistolaires étroits avec les intimes de la première heure, comme Giuseppe Fanelli, Carlo Gambuzzi ou Saverio Friscia.

La première section italienne de l'Internationale est fondée à Naples en 1869. Elle compte d'emblée en son sein de jeunes militants de valeur qui ne tardent pas à se faire un nom : Errico Malatesta ou Carlo Cafiero.

La scène politique italienne est alors dominée par Giuseppe Mazzini. La doctrine mazzinienne, influencée par le romantisme du début du siècle, est empreinte d'une forte religiosité qui voit dans la République un idéal voulu par Dieu, et la patrie italienne la première entre toutes. Sa devise, « Dieu et le peuple », reflète une pensée qui oscille entre la tentation de la théocratie et la démocratie sociale. Il influence longtemps le mouvement socialiste naissant, de nombreuses associations ouvrières étant organisées par les mazziniens.

De mars à juillet 1871, Mazzini lance dans son journal, La Roma del Popolo, de vigoureuses attaques contre le socialisme, contre la Commune de Paris et contre l'Internationale, qu'il dénonce aux ouvriers italiens comme une institution dangereuse. L'appel de la Commune à faire de la France une fédération de villes libres est particulièrement intolérable à celui qui fut l'artisan infatigable de l'unité italienne. Bakounine répond par un article paru dans le Gazzettino Rosa du 16 août : la Risposta d'un Internazionale a Giuseppe Mazzini. Il y prend le contre-pied complet des opinions de Mazzini, sur la religion notamment, et affirme hautement les valeurs de l'Internationale. Au cours de la polémique qui se développe ensuite entre Mazzini et Bakounine, ce dernier se lance dans la rédaction d'une longue brochure, La Théologie politique de Mazzini et l'Internationale, qui est publiée (en français) à Neuchâtel chez Guillaume.

Mazzini suggère, dans ce même numéro de La Roma del Popolo qui a provoqué la Risposta de Bakounine, la tenue d'un congrès des associations ouvrières. Il espère ainsi reprendre le contrôle de ces organisations sur les bases idéalistes et nationales qui sont les siennes. Le congrès se tient à Rome du 1er au 3 novembre 1871. Bakounine, à partir du milieu du mois d'octobre, rédige en toute hâte un texte qui est publié en brochure et distribué aux délégués du congrès : Il socialismo e Mazzini. Lettera agli amici d'Italia[11]

Si la stratégie suivie par Mazzini est dictée par la peur de voir le mouvement ouvrier échapper à son influence, il est clair que le débat n'a pas les résultats qu'il escompte. La brutale répression de la Commune de Paris a attiré en Italie la sympathie sur l'Internationale et les attaques de Mazzini ont accéléré le processus en faisant se détourner de lui nombre de travailleurs[12]. L'influence de Bakounine en Italie s'en trouve grandie. C'est donc bien sous son influence que l'Internationale se développe dans la péninsule. Lorsque le conflit avec le Conseil général entre dans sa phase aigüe, les réseaux militants et les groupes de l'Internationale qui se sont constitués en Italie se placent majoritairement de son côté[13].

1.4.6 Le congrès de La Haye[modifier | modifier le wikicode]

La scission de la Première Internationale n'est pas qu'une querelle de personnes, même si la différence de tempérament entre Marx et Bakounine a joué un rôle. Il s'agit d'une rupture politique entre deux courants du socialisme, sur deux principales questions :

  • La question de l'organisation : faut-il une Internationale constituée de fédérations autonomes ou un centralisme permettant une meilleure coordination ?
  • La question de la politique : faut-il faire de l'Internationale une organisation qui privilégie l'action économique (préfigurant ainsi le syndicalisme révolutionnaire) ou un parti politique qui défend les intérêts de classe du prolétariat y compris dans les élections bourgeoises ?

La rupture est immédiatement consécutive au congrès de La Haye (du 2 au 9 septembre 1872). Il s'agit du premier véritable congrès après celui de Bâle, en 1869. James Guillaume s'emploie à démontrer dans le détail comment la majorité du congrès de La Haye aurait été fabriquée et ne représenterait pas le véritable rapport de forces dans l'Internationale. Ildiscute notamment la validité d'un certain nombre de mandats.

Ce qui a certainement joué un rôle majeur, c'est la localisation du congrès. En effet, les règlements administratifs de l'Internationale, qui permettaient à chaque section d'envoyer au congrès un délégué avec voix délibérative, donnaient de facto une sur-représentation aux sections les plus proches géographiquement, compte tenu des difficultés économiques que la plupart des sections éprouvaient à envoyer un délégué. Pour ces raisons, Paul Lafargue avait dans un premier temps suggéré à Engels d'organiser le congrès en Angleterre : « les Bakounistes y seraient coulés avant de paraître »[14]Genève avait ensuite été envisagé. Lorsque le Conseil général choisit finalement La Haye, Henri Perret écrit à Jung (7 juillet 1872) : « Si le Congrès avait eu lieu à Genève, vous aviez trente délégués, rien que de Genève, parfaitement assurés, plus les autres groupes de la Fédération romande ; les Allemands auraient eu un bon nombre de délégués [...] nous étions sûrs d'une belle majorité »Le choix de La Haye (séance du Conseil général du 18 juin 1872) au détriment de Genève avait pour avantage de rendre la présence de Bakounine pratiquement impossible, l'accès de la France et de l'Allemagne lui étant interdit. La décision du Conseil général entraîna, outre la décision des italiens de ne pas se rendre au congrès, une protestation (le 15 juillet) du Comité fédéral jurassien qui jugeait le lieu "extrêmement excentrique".

D'autant plus que les Italiens ont décidé de ne pas venir et que les délégués espagnols (Morago, Marselau, Farga Pellicer et Alerini) ont reçu le mandat impératif de ne pas participer aux votes tant que les congressistes n'auraient pas une représentativité proportionnelle au nombre des adhérents qu'ils représentent. Le congrès exclut Guillaume et Bakounine, en l'absence de ce dernier, l'exclusion d'Adhémar Schwitzguébel n'étant pas prononcée[15]. Les motifs de l'exclusion de Bakounine ont déjà été évoqués : la création de l'Alliance Internationale de la Démocratie Socialiste, « fondée avec des statuts complètement opposés à ceux de l'Internationale » lui est reprochée au premier chef, les accusations d'escroquerie liées à l'épisode Netchaïev étant évoquées en sus. Le congrès décide en outre un renforcement des pouvoirs du Conseil général, ainsi que son transfert aux États-Unis. Enfin, une résolution du congrès déclare que « le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes. »

Le congrès de La Haye est à peine clôturé que le 15 septembre 1872 s'ouvre le Congrès de Saint-Imier. C'est le début de l'Internationale « anti-autoritaire ». Il réunit des représentants des fédérations espagnole, italienne, jurassienne, de sections françaises et américaines. Bakounine est l'un des délégués de la fédération italienne. Le congrès de Saint-Imier est le résultat de discussions préparatoires qui se sont déroulées à Amsterdam, dans la continuité du congrès de La Haye, et à Zurich, le 13 septembre, en présence de Bakounine. Les résolutions finales du congrès de Saint-Imier portent indubitablement sa marque.

1.5 Fin de vie[modifier | modifier le wikicode]

Carlo Cafiero, héritier d'une riche famille bourgeoise, se met à la recherche au printemps 1873 d'une maison dans le Tessin pouvant servir de base arrière aux révolutionnaires italiens. Il charge Bakounine de choisir la propriété adéquate et lui propose, à lui dont les ressources financières sont toujours aussi précaires, d'y habiter. Il porte son dévolu sur la Baronata, une maison de campagne située à Minusio, juste à côté de Locarno, au bord du Lac Majeur. Cafiero et Bakounine, qui n'ont pas la moindre expérience en matière de finance procèdent dans la maison à des travaux somptuaires qui finissent par ruiner Cafiero et par brouiller pour un temps les deux amis. En octobre 1873, il donne sa démission de membre de la fédération jurassienne. Il écrit une lettre d'adieu dans laquelle il explique sa décision. Outre la fatigue physique, il estime n'avoir plus sa place dans le mouvement révolutionnaire :

« Dans les neuf dernières années on a développé au sein de l'Internationale plus d'idées qu'il n'en faudrait pour sauver le monde, si les idées seules pouvaient le sauver [...]. Ce qui importe avant tout aujourd'hui, c'est l'organisation des forces du prolétariat. Mais cette organisation doit être l'œuvre du prolétariat lui-même. Si j'étais jeune, je me serais transporté dans un milieu ouvrier [...] Mais ni mon âge ni ma santé ne me permettent de le faire. »

Cela ne l'empêche pas, durant l'été 1874, de participer à une tentative d'insurrection préparée par les révolutionnaires italiens à Bologne. Fortement déprimé par l'affaire de la Baronata dans laquelle il sent son honneur compromis, il espère se racheter en Italie en trouvant la mort sur une barricade. Mais l'insurrection tourne court.

À la fin de l'année 1874, il s'installe à Lugano. Ses problèmes financiers ne finissent pas de s'accumuler.

Il meurt à Berne le 1er juillet 1876 d'une urémie. Il est enterré au Bremgartenfriedhof de Berne (où on peut toujours voir sa tombe). Lors de ses funérailles, les Jurassiens présents appellent à l'unité entre marxistes et bakounistes. Ils rejettent « les récriminations personnelles entre hommes qui au fond poursuivent le même but » et appellent à la réconciliation entre partisans de l’État ouvrier et partisans de la libre fédération des producteurs – une réconciliation qui leur semble''« très utile, très désirable et très facile ».[16]

2 Pensée philosophique et politique[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine a toujours donné la première place à la lutte et n'a jamais pris le temps d'écrire une œuvre. Ses textes ont toujours été conçus dans l'urgence, pour répondre aux nécessités politiques du moment. Ils sont écrits au fil de la pensée et partent dans des digressions qui prennent finalement plus de place que le propos initial. Bakounine n'a pratiquement jamais terminé un texte. Ceux qui ont été publiés ont souvent été remaniés (par James Guillaume notamment) et beaucoup d'inédits ont été perdus après son décès. La pensée politique et philosophique de Bakounine n'en garde pas moins une forte cohérence.

2.1 Une liberté partagée[modifier | modifier le wikicode]

L'idée centrale chez Bakounine est la liberté, le bien suprême que le révolutionnaire doit rechercher à tout prix. C'est avant tout au nom de cette liberté qu'il considère qu'il faut abattre ces obstacles que sont Dieu, l'État, et le Capital.

Certes Bakounine a rationalisé sa définition de la liberté, et n'en faisant pas un mot creux comme les démocrates bourgeois. Sa notion de liberté s'est séparée de celle des Lumières et de la Révolution française, dans ce qu'elle n'est pas une affaire individuelle mais une question sociale. Ainsi, dans Dieu et l'État en 1882, il réfute Jean-Jacques Rousseau : le bon sauvage, qui aliène sa liberté à partir du moment où il vit en société, n'a jamais existé. Au contraire, c'est le fait social qui crée la liberté : « Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d'autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté. »[17] La véritable liberté n'est pas possible sans l'égalité de fait (économique, politique et sociale).

Mais l'idée de liberté chez Bakounine reste quelque chose de très émotionnel. Il n'hésitait pas à écrire : « Il est fort possible que Marx puisse s’élever théoriquement à un système encore plus rationnel de la liberté que Proudhon, mais l’instinct de la liberté lui manque : il est, de la tête aux pieds, un autoritaire. »[18]

2.2 Matérialisme et athéisme[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine défendait une conception matérialiste du monde. Il reprochait par exemple à l'anarchiste Proudhon d'être « resté toute sa vie un idéaliste incorrigible », et reconnaissait à Marx sa pertinence dans ce domaine :

« Marx, comme penseur, est dans la bonne voie. Il a établi comme principe que toutes les évolutions politiques, religieuses et juridiques dans l’histoire sont, non les causes, mais les effets des évolutions économiques. C’est une grande et féconde pensée, qu’il n’a pas absolument inventée : elle a été entrevue, exprimée en partie, par bien d’autres que lui ; mais enfin, à lui appartient l’honneur de l’avoir solidement établie et de l’avoir posée comme base de tout son système économique. »[18]

Bakounine était par conséquent athée, Dieu n'étant pour lui que « l'être universel, éternel, immuable, créé par la double action de l'imagination religieuse et de la faculté abstractive de l'homme »[19], pure spéculation dont l'origine se trouve dans la dépendance et la peur de phénomènes naturels inexpliqués. Au nom de la liberté, Bakounine attachait une grande importance au combat contre la soumission à l'idée de Dieu : « Dieu est, donc l'homme est esclave. L'homme est libre, donc il n'y a point de Dieu. Je défie qui que ce soit de sortir de ce cercle, et maintenant, choisissons. »[20]. On peut voir aussi dans le titre de sa brochure Dieu et l'Etat la centralité qu'avait la critique de la religion chez Bakounine, et qu'elle gardera globalement dans le mouvement anarchiste (avec par exemple le slogan Ni Dieu ni maître). Par contraste, on peut souligner que dans la propagande marxiste, la critique de la religion n'a pas ce rôle central. Néanmoins, Bakounine s'accordait sur le fait qu’il ne saurait être question d’ériger l’athéisme en « principe obligatoire » dans l'AIT, bien que celui-ci constitue le « point de départ […] négatif » de toute « philosophie sérieuse ».

Pour justifier son opposition frontale à l'Etat, Bakounine reproche à Marx de ne pas voir que l'État renforce le capital, même si c'est originellement le capital qui a créé l'Etat :

«[Marx] ne tient aucun compte des autres éléments de l’histoire, tels que la réaction, pourtant évidente, des institutions politiques, juridiques et religieuses sur la situation économique. Il dit : ’La misère produit l’esclavage politique, l’État’ ; mais il ne permet pas de retourner cette phrase et de dire : ‘L’esclavage politique, l’État, reproduit à son tour et maintient la misère, comme une condition de son existence; de sorte que pour détruire la misère, il faut détruire l’État’. Et, chose étrange, lui qui interdit à ses adversaires de s’en prendre à l’esclavage politique, à l’État, comme à une cause actuelle de la misère, il commande à ses amis et à ses disciples du Parti de la démocratie socialiste en Allemagne de considérer la conquête du pouvoir et des libertés politiques comme la condition préalable, absolument nécessaire, de l’émancipation économique »[21]

2.3 Lutte des classes[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes attribuent au prolétariat le rôle de seule classe révolutionnaire, même s'ils considèrent que la paysannerie peut être entraînée dans un mouvement révolutionnaire si le prolétariat offre une perspective différente de celle de la bourgeoisie. Bakounine était moins tranché. Il disait que seule l'union entre les mondes rural et industriel est riche de potentialités révolutionnaires, et que la paysannerie était source de révolte anti-étatique, et pouvait trouver sa complémentarité dans l'esprit de discipline des ouvriers.

Lors de sa demande collective d’adhésion à l’AIT, l'Alliance comprenait dans son programme « l’égalisation des classes et des individus ». Marx critique cette formule en disant qu'il ne s’agit pas d’égaliser les classes, mais de les supprimer. Dans sa lettre à Marx du 22 décembre 1868, Bakounine lui donne raison et explique cette confusion de vocabulaire par la nécessité d’avoir à convaincre l’auditoire bourgeois de la Ligue de la Paix et de la Liberté.

2.4 L'organisation et l'action révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine et ses partisans se sont souvent opposés aux marxistes sur la question de l'organisation, même s'ils ont cohabité un certain temps dans l'AIT. Bakounine reprochait à Marx une trop forte centralisation autour du Conseil général de Londres, prônant un fonctionnement fédéraliste. Il faisait explicitement le lien avec la société future : « Si c’est être mystique et rêveur que de s’imaginer que l’Internationale contient en germe toute l’organisation de la société humaine future, nous nous avouons humblement et mystiques et rêveurs ».

Pour Marx, il faut différencier les syndicats, pour lesquels la centralisation n'est pas souhaitable, et le parti, qui doit être suffisamment centralisé pour vaincre la bourgeoisie (en lien avec sa notion de dictature du prolétariat) :

« Tous les socialistes entendent par anarchie ceci : le but du mouvement prolétaire, l’abolition des classes, une fois atteint, le pouvoir de l’État qui sert à maintenir la grande majorité productrice sous le joug d’une minorité exploitante peu nombreuse, disparaît et les fonctions gouvernementales se transforment en de simples fonctions administratives. L’Alliance prend la chose au rebours. Elle proclame l’Anarchie dans les rangs prolétaires comme le moyen le plus infaillible de briser la puissante concentration des forces sociales et politiques entre les mains des exploiteurs. Sous ce prétexte, elle demande à l’Internationale, au moment où le vieux monde cherche à l’écraser, de remplacer son organisation par l’Anarchie. »[22]

Certains anarchistes ont défendu par la suite que le marxisme conduisait à la notion d'avant-garde léniniste et que le léninisme conduisait au stalinisme. D'autres marxistes[23] répondent généralement que l'avant-garde est une réalité de fait dans tout mouvement politique, et que la méthode de Bakounine centrée sur l'insurrection encouragée par des sociétés secrètes ne permet pas l'émancipation des travailleur-se-s.

Toutefois, Bakounine se reposait aussi sur sa société secrète centralisée, la Fraternité internationale, sans l'assumer publiquement.

« Mais si nous sommes des anarchistes, demanderez-vous, de quel droit voulons-nous agir sur le peuple et par quels moyens le ferons-nous ? Rejetant toute autorité, à l’aide de quel pouvoir ou plutôt de quelle force dirigerons-nous la révolution populaire ? Au moyen d’une force invisible qui n’aura aucun caractère public et qui ne s’imposera à personne; au moyen de la dictature collective de notre organisation qui sera d’autant plus puissante qu’elle restera invisible, non déclarée et sera privée de tout droit et rôle officiels »[24]

La conception de Bakounine inaugure une tradition anarcho-syndicaliste, y compris dans sa combinaison d'un syndicat large et d'un groupe de leaders politiques que l'on retrouvera avec la FAI dans la CNT.

2.5 L'abstentionnisme politique et électoral[modifier | modifier le wikicode]

Alors que les marxistes ont toujours considéré qu'il était utile pour le mouvement ouvrier de faire de la politique au sein des institutions créées par la bourgeoisie, au moins pour y faire de l'agitation, Bakounine défendait une position d'abstentionnisme. Par exemple ses partisans au congrès régional de la fédération romande (avril 1870) écrivaient :

« toute participation de la classe ouvrière à la politique bourgeoise gouvernementale ne peut avoir d'autre résultat que la consolidation de l'ordre des choses existant, ce qui paralyserait l'action révolutionnaire socialiste du prolétariat. Le congrès romand commande à toutes les sections de l'AIT de renoncer à toute action ayant pour but d'opérer la transformation sociale au moyen des réformes politiques nationales, et de porter toute leur activité sur la constitution fédérative de corps de métiers, seul moyen d'assurer le succès de la révolution sociale. Cette fédération est la véritable représentation du travail, qui doit avoir lieu absolument en dehors des gouvernements politiques. »

La conférence de Londres de septembre 1871 confirme la position de Marx sur la question politique, en renvoyant à l'Adresse inaugurale de l'AIT qui disait « la conquête du pouvoir politique est devenue le premier devoir de la classe ouvrière »[25]. La légitimité de cette conférence sera aussitôt attaquée par les jurassiens. Cette question était cependant peu claire, et l’Adresse, presque inconnue en France, n’avait jamais été discutée par un congrès.

Bakounine se défendait d'être indifférent à la politique. Par exemple, il avait combattu l'attitude de certains de ses partisans dans la fédération romande, qui soutenaient que les questions politiques et religieuses étaient étrangères à l’association, afin de mieux permettre l’entrée en son sein d’anciens membres du parti radical suisse (parti bourgeois).[26] La Protestation de l’Alliance, en juin 1871 écrira « nous ne faisons pas abstraction de la politique, puisque nous voulons positivement la tuer ». Un an plus tard, Bakounine lancera aux marxistes : « Entre votre politique et la nôtre, il y a, en effet, un abîme. La vôtre est une politique positive, la nôtre est toute négative. » Suite à son exclusion (juin 1872), Bakounine affirme explicitement que sa tendance « repousse toute action politique qui n’aurait point pour but immédiat et direct le triomphe des travailleurs contre le capital ».[27]

Bakounine considérait que le suffrage universel reproduit une domination lorsqu'il est utilisé au niveau national, et précisait y compris que le mandat impératif n'apportait aucune solution. Seuls les votes au niveau de l'autogestion locale étaient acceptables :

« le suffrage universel, non organisé par différentes et libres associations ouvrières, mais exercé par l’agrégation mécanique des millions d’individus qui forment la totalité d’une nation, est un moyen excellent pour opprimer et ruiner le peuple au nom même et sous le prétexte d’une soi-disant volonté populaire. »

Une seule tâche s’impose au peuple qui veut s’émanciper, et « ce n’est point de réformer le Gouvernement, l’Église, et l’État, mais de les abolir », ce qui aboutit à « l’anarchie au point de vue politique ou gouvernemental », mais à « l’organisation de l’ordre […] au point de vue économique et social ».

2.6 Opposition à l'État[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine, en tant qu'anarchiste, se disait opposé à l'Etat. Marx et Engels ont toujours considéré que l'État était une conséquence des sociétés de classes, et qu'il ne pourrait y avoir extinction de l'Etat que sous le communisme. Ils considéraient qu'un État ouvrier (dictature du prolétariat) était un mal nécessaire.

Bakounine s'opposait à ce raisonnement. Il considérait que tout Etat, y compris s'il s'agit du gouvernement des savants ou des « hommes de génie couronnés de vertu », comme il l'écrit au cours de sa polémique contre Mazzini, crée en permanence ses élites et ses privilèges. Il soutenait que le prolétariat ne pouvait pas administrer tout entière l'infrastructure étatique et serait poussé à déléguer cette gestion à une bureaucratie., qui utiliserait toujours son pouvoir contre le prolétariat.

En 1873, dans Étatisme et anarchie, il oppose le « communisme » à son « collectivisme » :

« Je déteste le communisme, parce qu'il est la négation de la liberté et que je ne puis concevoir rien d'humain sans liberté. Je ne suis point communiste parce que le communisme concentre et fait absorber toutes les puissances de la société dans l'État, parce qu'il aboutit nécessairement à la centralisation de la propriété entre les mains de l'État, tandis que moi je veux l'abolition de l'État... Je veux l'organisation de la société et de la propriété collective ou sociale de bas en haut par la voie de la libre association, et non de haut en bas, par le moyen de quelque autorité que ce soit. Voilà dans quel sens je suis collectiviste et pas du tout communiste. »

Marx et Bakounine connaissent cependant assez mal leurs positions réciproques. Ainsi, au cours de la polémique, Bakounine ne cesse d’attribuer à Marx des positions qui ne sont pas les siennes (mais celles des Lassalliens), ou bien qui ne le sont plus (il ne connaît de Marx que le Manifeste et l’Adresse inaugurale). Or, dès les années 1860, Marx avait tenu à marquer très clairement ses points de désaccord avec les Lassalliens, leur reprochant notamment d’avoir voulu substituer l’aide de l’État à l’action autonome du prolétariat, et à l’occasion de la Commune, il rappelle que le prolétariat ne doit pas tant prendre le contrôle de la machinerie d’État pour la faire fonctionner à son profit que la briser.

2.7 Question nationale[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine s'opposait au patriotisme, qu'il perçoit comme un soutien à l’État.

L'été 1848, Bakounine est à Berlin où il rédige une brochure de propagande, l’Appel aux slaves dans laquelle il développe de nouveau son programme : l'alliance des révolutionnaires slaves, allemands, hongrois, italiens, dans l'objectif de détruire les monarchies prussienne, autrichienne et russe. La Neue Rheinische Zeitung en publie une longue critique écrite de la main d'Engels.[28] Bakounine admet plus tard que la raison était plutôt du côté d'Engels, mais estime que le texte de la Neue Rheinische Zeitung laisse transparaître le sentiment de la supériorité allemande sur les peuples slaves. Cette querelle germano-slave perdurera jusque dans les conflits au sein de la Première Internationale.

2.8 Dialectique hégélienne[modifier | modifier le wikicode]

Le jeune Bakounine, tout comme Marx, a été très influencé par la philosophie hégelienne, notamment par sa dialectique.

2.9 Droits des femmes et amour libre[modifier | modifier le wikicode]

Pour Bakounine dans Dieu et l'État (1882) : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres ». Ainsi, il s'élève contre le patriarcat et la façon qu'a la loi de « soumettre les femmes à la domination absolue de l'homme ». Il défend l'idée selon laquelle « les hommes et les femmes partagent des droits égaux » afin que les femmes puissent « devenir indépendantes et être libres de déterminer leur propre vie ». Bakounine prévoit « une liberté sexuelle totale pour les femmes » et la fin de la « famille juridique autoritaire »[29],[30].

3 Propos controversés[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Antisémitisme[modifier | modifier le wikicode]

Bakounine partageait des conceptions antisémites qui étaient très courantes, y compris parmi les révolutionnaires socialistes. Par exemple, dans cet extrait des Lettres aux internationaux de Bologne - Pièces explicatives et justificatives n°1 de décembre 1871, il écrit à propos de sa polémique avec Karl Marx :

« Les Juifs constituent aujourd'hui en Allemagne une véritable puissance. Juif lui-même, Marx a autour de lui tant à Londres qu'en France et dans beaucoup d'autres pays, mais surtout en Allemagne, une foule de petits Juifs, plus ou moins intelligents et instruits, vivant principalement de son intelligence et revendant en détail ses idées. Se réservant à lui-même le monopole de la grosse politique, j'allais dire de la grosse intrigue, il leur en abandonne volontiers le côté petit, sale, misérable, et il faut dire que, sous ce rapport, toujours obéissants à son impulsion, à sa haute direction, ils lui rendent de grands services : inquiets, nerveux, curieux, indiscrets, bavards, remuants, intrigants, exploitants, comme le sont les Juifs partout, agents de commerce, bellettrists, politiciens, journalistes, courtiers de littérature en un mot, en même temps que courtiers de finance, ils se sont emparés de toute la presse de l'Allemagne, à commencer par les journaux monarchistes les plus absolutistes, et depuis longtemps ils règnent dans le monde de l'argent et des grandes spéculations financières et commerciales : ayant ainsi un pied dans la Banque, ils viennent de poser ces dernières années l'autre pied dans le socialisme, appuyant ainsi leur postérieur sur la littérature quotidienne de l'Allemagne... Vous pouvez vous imaginer quelle littérature nauséabonde cela doit faire. Eh bien, tout ce monde juif qui forme une seule secte exploitante, une sorte de peuple sangsue, un parasite collectif dévorant et organisé en lui-même, non seulement à travers les frontières des États, mais à travers même toutes les différences d'opinions politiques, ce monde est actuellement, en grande partie du moins, à la disposition de Marx d'un côté, et des Rothschild de l'autre. Je sais que les Rothschild, tout réactionnaires qu'ils sont, qu'ils doivent être, apprécient beaucoup les mérites du communiste Marx ; et qu'à son tour le communiste Marx se sent invinciblement entraîné, par un attrait instinctif et une admiration respectueuse, vers le génie financier des Rothschild. La solidarité juive, cette solidarité si puissante qui s'est maintenue à travers toute l'histoire les unit. »[31]

3.2 La Confession de Bakounine[modifier | modifier le wikicode]

La Confession qu'écrit Bakounine au Tsar en 1851 lorsqu'il est en prison, ne sera connue qu'en 1921. Le texte est à ce moment globalement perçu comme une tâche sur l'intégrité du révolutionnaire. Pourtant il ne révèle au Tsar que ce qu'il sait déjà par ailleurs.

Victor Serge est celui qui divulgua cette lettre, par un article paru d’abord en traduction allemande sous le titre « Bakunins Bekenntnis » dans Das Forum (5e année, juin 1921, p. 373-380), puis publié en français par Souvarine sous le titre « La Confession de Bakounine », dans Bulletin Communiste (n°56, 22 décembre 1921, p. 941-943). Victor Serge effleure le sujet dans ses Mémoires d’un révolutionnaire :

« Tous les deux (Emma Goldman et Alexandre Berkman) m’en voulurent d’avoir divulgué dans une revue berlinoise l’existence de la Confession de Bakounine, adressée au tsar Nicolas Ier du fond d’une casemate. Ce document humain — qui ne diminue Bakounine en rien — avait été trouvé dans les archives de l’Empire et dérobé aussitôt par des archivistes. J’en fis connaître l’existence et le contenu afin qu’il ne fût plus possible de l’escamoter. Des marxistes (?) imbéciles proclamèrent aussitôt le déshonneur de Bakounine. Des anarchistes tout aussi sots m’accusèrent de le calomnier. Ces polémiques étaient peu de chose.»

La Confession demeure un document essentiel sur le « premier » Bakounine, sa vie et ses pensées

4 Œuvres[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Textes principaux[modifier | modifier le wikicode]



4.2 Oeuvres complètes[modifier | modifier le wikicode]

Œuvres sur Wikisource

5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

The Conflict between Marx & Bakunin, sur Marxists.org

5.1 Ouvrages[modifier | modifier le wikicode]

  • Henri Arvon, Bakounine. Éditions Seghers, collection Philosophes de tous les temps, 1966.
  • Georges Ribeill, Marx et Bakounine : socialisme autoritaire ou libertaire ?, 10-18, 1975.
  • Jean Barrué, Bakounine et Netchaïev, Spartacus, 1971.
  • Fritz Brupbacher, Bakounine ou le Démon de la révolte, Édition du cercle, 1971.
  • Madeleine Grawitz, Bakounine, Calmann-Lévy 2000 (Biographie).
  • H.-E. Kaminski, Bakounine, la vie d'un révolutionnaire, Bélibaste, 1971.
  • Arthur Lehning, Anarchisme et Marxisme dans la révolution russe, Spartacus, 1984.
  • Arthur Lehning, De Buonarotti à Bakounine, éditions Champ libre, 1977.
  • Arthur Lehning, Michel Bakounine et les autres, 10-18, 1976.
  • Arthur Lehning, introduction à Michel Bakounine, Œuvres complètes, volume 3, Les Conflits dans l'Internationale, Ivrea, 1975.
  • Jean-Christophe Angaut, Bakounine jeune hégélien (La philosophie et son dehors), ENS Éditions, 2007. (ISBN 978-2-84788-116-5).
  • Jean-Christophe Angaut, La liberté des peuples - Bakounine et les révolutions de 1848, Atelier de création libertaire, 2009.
  • Jacek Uglik, Michała Bakunina filozofia negacji, Varsovie, 2007.
  • François-Xavier Coquin, Réflexions en marge d'une "confession" : La confession de Bakounine (1851), Revue Historique, 1988/2, p. 493-520 in Combats pour l'histoire Russe, L'âge d'homme, 2011, p. 147-176
  • Normand Baillargeon, L'ordre moins le pouvoir. Histoire et actualité de l'anarchisme, Agone, 2001 & 2008, Lux Éditeur 2004.
  • Léo Campion, Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas : les Maillons libertaires de la Chaîne d'Union, Éditions Alternative libertaire, 1996
  • Réné Berthier, Bakounine politique : révolution et contre-révolution en Europe centrale, Paris, Monde libertaire, , 240 p. (ISBN 2-903013-19-5).
  • Robert Graham, Anarchism : A Documentary History of Libertarian Ideas, From Anarchy to Anarchism (300 CE to 1939), volume I, Black Rose Books, 2005
  • James Guillaume, L'Internationale. Documents et souvenirs, 2 volumes, Éditions Gérard Lebovici, 1985.

5.2 À l'occasion du bicentenaire de la naissance[modifier | modifier le wikicode]

  • Arthur Lehning, Bakounine et les autres : esquisses et portraits, Les Nuits rouges, 2013.
  • René Berthier, Bakounine : L’Héritage 1899-1914, Cercle d’Études libertaires Gaston Leval, janvier 2014
  • René Berthier, Bakounine et la Réforme protestante suivi de La référence à Jan Hus chez Bakounine, Cercle d’Études libertaires Gaston Leval, janvier 2014
  • Frank Mintz, René Berthier, Maurizio Antonioli, Gaetano Manfredonia, Jean-Christophe Angaut, Philippe Pelletier, Philippe Corcuff, Actualité de Bakounine 1814-2014, Éditions du Monde libertaire, 2014, (ISBN 9782915514568), extraits en ligne.
  • Maurizio Antonioli, Bakounine : entre syndicalisme révolutionnaire et anarchisme, Éditions Noir et rouge, 2014.

5.3 Articles[modifier | modifier le wikicode]

5.4 Notices[modifier | modifier le wikicode]

6 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Jean-Christophe Angaut, Le conflit Marx-Bakounine dans l’internationale : une confrontation des pratiques politiques, 2007

  1. F. Engels, Le panslavisme démocratique, 1849
  2. Franz Mehring, Karl Marx, histoire de sa vie, Messidor, 1983, p. 457.
  3. Publié par Daniel Guérin dans l'anthologie Ni Dieu, ni maître, Maspero, 1970.
  4. Voir par exemple Jacques Droz, Le socialisme suisse des origines à 1914, dans Jacques Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, volume 2, pages 336-337.PUF, Quadrige, 1997 [1974].
  5. Conseil général de l'AIT, Résolution sur l'Alliance internationale de la démocratie socialiste, 22 décembre 1868
  6. Report on the Alliance presented in the name of the General Council to the Hague Congress, fin août 1872
  7. Anselmo Lorenzo, El proletariado militante, Ediciones Vertice, Mexico (s.d.).
  8. Pierre Vilar, Le socialisme espagnol des origines à 1914, dans Jacques Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, volume 2, pages 303-304.PUF, Quadrige, 1997 [1974].
  9. Michel Bakounine, Œuvres complètes, volume 5, Relations avec Serge Netchaïev, pages 221-253, Ivrea, 1977.
  10. À ne pas confondre avec le Catéchisme révolutionnaire de la Fraternité Internationale qui date quant à lui de 1865. Les deux textes sont consultables sur Wikisource, le premier y est attribué à Bakounine, le second à Netchaïev.
  11. James Guillaume en donnera une traduction sous le titre de Circulaire à mes amis d'Italie à l'occasion du congrès ouvrier convoqué à Rome pour le 1er novembre 1871 par le parti mazzinien.
  12. Ainsi, Andrea Costa écrit : « Avant la Commune de Paris, on peut dire que l'Internationale n'existait pas en Italie. Elle ne s'est réellement fondée que lorsque Mazzini a insulté les ouvriers parisiens. » Cité par Arthur Lehning, introduction à Michel Bakounine, Œuvres Complètes, volume 1, L'Italie. La polémique avec Mazzini, Ivrea, 1973.
  13. Voici par exemple, l'avis de Cafiero sur la question : « Bakounine a beaucoup d'amis personnels en Italie, ayant lui-même séjourné dans leur pays, et entretenu une correspondance avec certains d'entre eux. En même temps, et par son passé, et par le travail continuel qu'il exécuta pour notre cause, il s'est fait aimer même de ceux qui ne le connaissent pas directement. » Cité par Arthur Lehning, introduction à Michel Bakounine, Œuvres Complètes, volume 2, La Première Internationale en Italie et le conflit avec Marx, Ivrea, 1974. Voir aussi, pour un point de vue marxiste, Paul Guichonnet, Le socialisme italien des origines à 1914, dans Jacques Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, volume 2, pages 251 et suivantes.PUF, Quadrige, 1997 [1974].
  14. Lettre de Paul Lafargue à Engels du 17 mai 1872
  15. Exclusion de Bakounine décidée par 27 voix pour, 6 contre et 7 abstentions. Exclusion de Guillaume par 25 voix pour, 9 contre, 8 abstentions. Exclusion de Schwitzguébel repoussée par 17 voix contre, 15 pour et 7 abstentions. Compte rendu du congrès de La Haye dans Jacques Freymond, La Première Internationale. Recueil de documents, volume 2. Droz (Genève), 1962.
  16. René Berthier, Affinités non électives : à propos du livre d’Olivier Besancenot et Michaël Löwy, 2016
  17. Michel Bakounine, L'Empire Knouto-Germanique et la révolution sociale 1870-1871
  18. 18,0 et 18,1 https://fr.wikisource.org/wiki/Bakounine/Œuvres/TomeII2
  19. Michel Bakounine, Théorie générale de la révolution, textes assemblés et annotés par Étienne Lesourd, d'après G.P. Maximow, Éditions Les Nuits Rouges, 2008, page 103.
  20. Michel Bakounine, Catéchisme de la franc-maçonnerie moderne. Cité par Jean Préposiet, Histoire de l'anarchisme, Tallandier, 1993.
  21. Projet de lettre à La Liberté de Bruxelles en octobre 1872
  22. Les Prétendues scissions dans l'Internationale, texte adopté par le conseil général, essentiellement rédigé par Karl Marx. Publié à Genève, 1872
  23. Et le situationniste Guy Debord dans La Société du Spectacle
  24. M. Bakounine, Œuvres complètes, Paris, Champ Libre, t. V, p. 237
  25. Adresse inaugurale de l'AIT, écrite entre le 21 et le 27 octobre 1864.
  26. Voir la série d’articles intitulée Politique de l’Internationale qu'il écrit en 1869 dans L’Égalité de Genève
  27. Bakounine, L’Écrit contre Marx, 1872
  28. F. Engels, Le panslavisme démocratique, 1849
  29. Sam Dolgoff, Bakunin on Anarchy, préf. Paul Avrich, Vintage Books, 1971, p. 396 et 397, texte intégral.
  30. Iain McKay, Anarchist FAQ / What is Anarchism ? / What is Anarcha-Feminism ?, 12 septembre 2014, Wikibooks, texte intégral.
  31. Michel Bakounine, Œuvres complètes, éditions Champ libre, 1974, volume 2, L'Italie 1871-1872, page 109.