Travail

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Un travail est une activité humaine qui transforme la matière pour réaliser une production en vue de l'échange.

1 Définition[modifier | modifier le wikicode]

Historiquement, le premier travail est un travail purement de survie : cueillette, chasse, construction d'abris... Il s'agit d'agir sur la nature pour l'adapter à ses besoins et se protéger de son hostilité.

2 Idéologies sur le travail[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Antiquité[modifier | modifier le wikicode]

Les sociétés antiques sont basées sur le travail des esclaves. Seul cet emploi massif de la force d'autrui permet à une classe de "citoyens" de s'affranchir du travail le plus pénible, et parfois, d'inventer pour eux des formes de démocratie. L'idéologie antique des classes dominantes est claire sur le travail manuel, c'est une activité dégradante.

2.2 Moyen-Âge[modifier | modifier le wikicode]

La noblesse médiévale est en continuité avec les classes dominantes antiques sur l'essentiel : elle considère que sa nature supérieure l'exempte de travail, celui-ci revenant aux serfs. Les nobles ne participent qu'aux activités guerrières, avec bien sûr une répartition en fonction de leur rang : les honneurs pour les uns, les risques pour les autres.

Le christianisme enseigne aux serfs que le travail dans la peine est nécessaire, à la fois pour le bien de la communauté, mais aussi pour expier le pêché originel, et qu'ils doivent payer des impôts aux protecteurs de leurs corps (seigneurs) et de leurs âmes (clergé). Dans un contexte où rien ne ressemble plus au travail agricole d'une année que le travail agricole de l'année suivante, avec les forts prélèvements des classes exploiteuses, il fallait une idéologie de résignation au travail.

Certains travaux revenaient au clergé des monastères, généralement ceux qui produisaient des biens plus rares (bière, fromage...).

2.3 Renaissance, Lumières[modifier | modifier le wikicode]

Le développement des forces productives, dans l'agriculture mais aussi dans l'artisanat où les innovations donnent lieu à des inventions plus visibles, va peu à peu transformer la connotation du travail.

A partir du 15e siècle, l'aspect "créateur" du travail est mis en avant.

Au 16e siècle, le travail signifie « se donner de la peine pour ». Cette fois, l'artisan parait aux esprits novateurs de la Renaissance et de la Réforme plus "utile" que le noble ou le clerc.

2.4 Capital vs Travail[modifier | modifier le wikicode]

Avec le développement du capitalisme, le salariat moderne va naître avec une subordination à un patron qui est d'abord une nécessité vitale pour ceux qui n'ont rien d'autre que leur force de travail, les prolétaires. Ironiquement, malgré la hausse de la productivité, la pression engendrée par la concurrence pour le profit va accentuer la charge de travail pour la plupart des travailleurs. En accompagnement de ce mouvement, l'idéologie religieuse du "devoir de labeur" va souvent faire son retour dans le discours dominant.

A partir du 19e siècle, la critique socialiste va retourner contre la classe dominante son idéologie du travail. Elle va dénoncer les capitalistes en tant que riches oisifs, avec notamment des slogans comme "qui ne travaille pas ne mange pas". Ce thème se base sur une certaine fierté ouvrière de l'effort accompli, mais aussi, par là même, sur une part d'aliénation. On parle alors souvent du camp du Travail (pour désigner le mouvement ouvrier) face au camp du Capital.

2.5 Époque contemporaine[modifier | modifier le wikicode]

Le combat syndicaliste et socialiste pour de meilleures conditions de travail et pour la limitation du temps de travail va bien sûr avoir des effets profonds sur la perception du travail.

L'aile réformiste, majoritaire, va faire passer l'idée qu'il y a "travail exploité" d'un côté et "travail décent" de l'autre. Cela tourne le dos à l'analyse marxiste de l'exploitation et gomme l'inacceptable domination de classe. Politiquement, c'est surtout une façon de faire rentrer le mouvement ouvrier dans le cadre de ce que la bourgeoisie est prête à accepter avec un certain rapport de force.

Dans la perspective communiste, le travail répond aux besoins définis collectivement, sans l'injonction à travailler du capitalisme. La formidable productivité du travail rend possible de diminuer drastiquement le temps de travail. C'est pour cela que dès 1880, un socialiste français, Paul Lafargue, écrit Le droit à la paresse. Un siècle plus tard (1977), un collectif publie un livre intitulé Travailleur deux heures par jour[1]. Aujourd'hui, il existe une forte critique de l'aliénation du travail, notamment dans les milieux autonomes. Le potentiel de réduction du travail est devenu plus grand que jamais, mais le capitalisme est toujours là. Et par conséquent, l'idéologie dominante reste celle de la valorisation du travail. Cette valorisation est totalement hypocrite, puisqu'elle provient de ceux qui exploitent les travailleurs, mais on ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Ceux qui dans la société actuelle trouvent des moyens de moins travailler sont souvent très mal perçus. Mais les communistes doivent défendre une vision de classe : le prolétaire qui freine au travail fait de la résistance légitime, c'est le rentier ou l'actionnaire le vrai oisif. 

A chaque fois que de grands débats ont eu lieu sur le temps de travail, ou sur les allocations chômage, un clivage droite-gauche a eu tendance à ressortir :

  • d'un côté le mouvement ouvrier réclamant de meilleures conditions de travail ou des allocations pour être moins soumis à la violence du chômage (et donc au chantage patronal), avec parfois le soutien de la gauche bourgeoise
  • d'un côté la droite et l'extrême droite réactionnaires hurlaient que la gauche et l'extrême gauche allaient inciter les travailleurs à la fainéantise, et que cela ruinerait la Nation, etc...

1848 : Victor Hugo est avec les bourgeois républicains qui ferment les ateliers nationaux (travaux publics pour chômeurs) accusés de rendre fainéant[2]

1936 : Suite aux concessions accordées aux travailleurs (congés payés notamment), Léon Blum se rappellera de ce la droite disait : «On me reprochait d'avoir fait perdre le goût du travail aux ouvriers français et d'avoir encouragé chez eux ce que des personnages officiels ont appelé l'esprit de jouissance et de facilité.»

2007 : par démagogie, Sarkozy se revendique de la "gauche de Jaurès et de Blum", celle qui avait le sens du travail.

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Le discours contemporain sur le travail que l'on entend aujourd'hui dans beaucoup de grandes entreprises et dans leurs relais (écoles, organismes publics...) est que "chacun est son propre entrepreneur, développe ses compétences, s'épanouit..." La réalité est que dans l'immense majorité des cas, les salarié·es voient le travail comme une contrainte nécessaire. Seuls 15% des travailleurs seraient motivés par leur travail (selon les enquêtes faites aux États-Unis ou en Europe).

Durant la campagne présidentielle de 2017, Macron avait déclaré devant le patronat de la CGPME : « Je n'aime pas le terme de pénibilité, donc je le supprimerai, car il induit que le travail est une douleur ».

En octobre 2019, dans un contexte où l'on parle de prendre en compte la pénibilité pour les critères de la retraite, Macron réaffirme : « Moi j'adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible. »[3]

3 La source des richesses : travail, capital, nature ?[modifier | modifier le wikicode]

Le travail et la nature sont les deux sources de toutes richesses. Fondamentalement, Marx a une vision profondément immanente, car il rappelle que le travail « n’est lui-même que la manifestation d’une force de la nature »[4].

Engels écrit dans sa Dialectique de la nature :

« Le travail, disent les économistes, est la source de toute richesse ; il l’est effectivement […] conjointement avec la nature qui lui fournit la matière qu’il transforme en richesse. »[5]

Historiquement, de nombreux penseurs ont érigé le travail comme seule source de richesse. Ce fut le cas de la majorité des penseurs bourgeois, et Marx critiquait le fait que le Programme de Gotha de la social-démocratie allemande reprenne cette affirmation unilatérale.

« Cette phrase rebattue se trouve dans tous les abécédaires, et elle n'est vraie qu'à condition de sous-entendre que le travail est antérieur, avec tous les objets et procédés qui l'accompagnent. Mais un programme socialiste ne saurait permettre à cette phraséologie bourgeoise de passer sous silence les conditions qui, seules, peuvent lui donner un sens. Et ce n'est qu'autant que l'homme, dès l'abord, agit en propriétaire à l'égard de la nature, cette source première de tous les moyens et matériaux de travail, ce n'est que s'il la traite comme un objet lui appartenant que son travail devient la source des valeurs d'usage, partant de la richesse. »[4]

Il ajoutait que cela relève de l'idéologie bourgeoise, dans le sens où cela permet de passer sous silence le fait que le travail s'appuie sur l'appropriation d'éléments naturels, qui sont ainsi intégrés dans le capital :

« Les bourgeois ont d'excellentes raisons pour attribuer au travail cette surnaturelle puissance de création : car, du fait que le travail est dans la dépendance de la nature, il s'ensuit que l'homme qui ne possède rien d'autre que sa force de travail sera forcément, en tout état de société et de civilisation, l'esclave d'autres hommes qui se seront érigés en détenteurs des conditions objectives du travail. Il ne peut travailler, et vivre par conséquent, qu'avec la permission de ces derniers. »

Il faut apporter une précision : l'idéologie bourgeoise sépare le "capital" et le "travail", en présentant les deux comme nécessaires (tout en continuant à négliger les éléments naturels), mais elle fonde la légitimité du capital en prétendant qu'il est fondé sur le travail accumulé du capitaliste.

4 Étymologie et mots voisins[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Travail[modifier | modifier le wikicode]

Le mot travail vient du terme bas latin trepalium (attesté en 582), déformation du mot tripalium. Le tripalium était un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, ou les esclaves pour les punir. Au Moyen-Âge, vers 1080, le verbe tripaliare signifie en latin populaire « torturer avec le trepalium ». Ce même verbe va lui même donner vers 1130 le nom travail.

Il faut noter aussi la proximité du verbe latin tribulare « presser avec la herse, écraser (le blé) », qui dans l'Europe médiévale a donné au figuré « tourmenter; torturer l'âme pour éprouver sa foi ».

Au XIIème siècle, le mot travail désigne aussi un tourment (psychologique) ou une souffrance physique (le travail d'accouchement).

Puis, le terme "Travail" refoule progressivement les deux termes usités au Moyen Âge : Labeur et Ouvrage.

4.2 Labeur[modifier | modifier le wikicode]

Le mot labeur, tout comme le mot labour, a pour origine le mot latin labor, qui signifie une peine que l'on endure. Au XIIème siècle, avec les durs travaux aux champs, on retrouve sans surprise le sens de labeur comme généralisation/abstraction de labour :

  • labour : "fruit du travail pénible de la terre"
  • labeur : "travail pénible"

4.3 Ouvrage[modifier | modifier le wikicode]

L'ouvrage, qui désigne autant l'acte que l’œuvre du travail, provient du latin ŏpus. Il a donné directement "ouvrier" en italien : operaio.

4.4 Work[modifier | modifier le wikicode]

Dans les langues anglo-saxonnes, un autre terme est fréquemment employé : work (anglais), werk (allemand), verk (Scandinavie)... Ces termes, qui renvoient à l'action de faire ont pour origine l'anglo-saxon woerc, le grec ancien ἔργ et le proto-indo-européen wérǵ.

5 Abolition du travail ?[modifier | modifier le wikicode]

L'Abolition du travail (ou Travailler, moi ? Jamais !) de l'anarchiste Bob Black, écrit en 1985

On entend parfois parler de perspectives de « fin du travail », pour des raisons de productivité telle qu'elle détruirait les emplois. Les économistes, marxistes ou non, sont divisés sur cette question du chômage technologique. Mais même dans l'hypothèse où ce phénomène prendrait de l'ampleur, il ne ferait qu'accentuer la concentration du capital et des richesses d'un côté, et la misère prolétarienne de l'autre. La lutte de classe serait donc toujours nécessaire pour sortir de l'impasse.

Certains revendiquent une « abolition du travail », formule un peu abstraite qui prend des sens différents selon les courants. Karl Marx a employé cette formule une fois, dans un texte de jeunesse, dans un sens de « travail » défini comme activité aliénée faite au profit d'autrui. Dans ce sens, effectivement, le communisme aboutirait à l'abolition du travail.

L'important reste de clarifier cette revendication, pour qu'elle ne soit pas dépolitisée et déconnectée de la lutte des classes. La lutte du mouvement ouvrier pour son émancipation est avant tout la lutte pour l'abolition du travail salarié.[6]

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Travailler deux heures par jour, Collectif Adret, 1977
  2. PAUL LAFARGUE / LA LEGENDE DE VICTOR HUGO (extraits)
  3. Nouvelle vie ouvrière, « Moi j'adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible. », Octobre 2019
  4. 4,0 et 4,1 Karl Marx, Critique du programme de Gotha, 1875
  5. Engels, Dialectique de la nature, Éditions sociales, p. 171
  6. Michel Husson, Fin du travail ou abolition du salariat ?, Critique communiste, n° 144, hiver 1995 - 1996