Vague révolutionnaire de 1945

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Guerre civile en Grèce, entre communistes et monarchistes

La fin de la Seconde guerre mondiale a entraîné une série de mouvements révolutionnaires, socialistes et anti-colonialistes.

1 Considérations générales[modifier | modifier le wikicode]

Une grande guerre entraîne souvent un contrecoup révolutionnaire, et la Seconde guerre mondiale ne fait pas exception. L'effort de guerre pesant sur les masses populaires, ainsi que l'effondrement des régimes fascistes et des États qu'ils occupaient, libère des aspirations progressistes. Cependant, contrairement à la vague révolutionnaire qui suit la Première guerre mondiale, celle de 1945 a été beaucoup plus étouffée, en grande partie du fait des efforts actifs des puissances dominantes à l'issue de la guerre, les États-Unis et la bureaucratie stalinienne, celle-ci disposant non seulement de l'Armée rouge mais aussi de nombreux relais dans les partis communistes de tous les pays.

En 1917-1923, il y avait déjà une composante de libération nationale (en Irlande, en Egypte...), même si l'on a surtout retenu la vague communiste. C'est l'inverse pour la période post 1945 : les mouvements nationalistes dans les pays dominés sont devenus beaucoup plus puissants, et toute une série de pays obtiennent leur indépendance. Souvent, ces indépendances se font sous la direction ou avec une forte influence des partis communistes, ce qui est le fruit des efforts anti-impérialistes de l'Internationale communiste depuis la première vague révolutionnaire. Cependant, quasi-systématiquement, ces partis communistes étaient devenus de facto des partis nationalistes de gauche, sous l'effet de la déformation stalinienne du communisme (théorie de la révolution par étapes, mise en avant du nationalisme et abandon de toute articulation avec la lutte des classes) et d'une adaptation progressive à l'idéologie dominant dans la petite-bourgeoisie nationaliste.

De plus, même avec cette autolimitation de l'objectif à l'indépendance, Staline ne souhaitait absolument pas que les partis communistes prennent le pouvoir autrement que là où il l'avait déjà acté avec la progression de l'Armée rouge. En effet, il avait négocié avec les autres impérialismes le partage du monde qui convenait aux victorieux.

Les États-Unis, qui étaient à la tête des troupes occidentales à la fin de la guerre, voulaient maintenir l'ordre bourgeois à tout prix. Cela les conduit à soutenir Franco en Espagne, Salazar au Portugal, Darlan en Afrique du Nord, Badoglio en Italie... Ils convainquent sans peine les autres alliés de cette ligne.

Si finalement, en Chine comme en Yougoslavie, l'après-guerre vit l'instauration de régimes "communistes", ce fut uniquement dû au fait que Mao et Tito ont rompu avec Moscou. Malheureusement, même si ces régimes représentaient de façon déformée des aspirations populaires, ils ne peuvent pas être qualifiés de socialistes, et ont dès l'origine mis en place des bureaucraties autoritaires.

Même si dans les années d'après-guerre le « bloc communiste » connaît une forte extension, les nouveaux « États communistes » sont mis en place quasi exclusivement par le haut, par un appareil militaire saisissant le pouvoir, sans qu'il y ait un mouvement de conseils ouvriers comparable à celui de 1917-1923.

Le fait que la vague révolutionnaire post 1945 ait été « moins socialiste » que celle post 1918 a été beaucoup commenté. Les pronostics de Trotski se sont avérés trop optimistes. La rupture de continuité dans la conscience révolutionnaire de toute une génération a beaucoup joué.[1] Au début de la guerre froide, beaucoup de jeunes rejoignaient les communistes en ayant le sentiment qu'il s'agissait, à l'échelle mondiale, du bloc progressiste. Ils n'avaient souvent pas assez de connaissance sur ce qui se passait réellement dans les dictatures staliniennes, et pas assez de repères pour comprendre à quel point les partis communistes jouaient un rôle anti-révolutionnaire dans les pays occidentaux.

2 Europe[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Pologne[modifier | modifier le wikicode]

Parmi les premiers signes de révolte, dès 1943, figurent les révoltes du Ghetto de Varsovie et des camps de Treblinka et Sobibor[2].

2.2 Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

L'Allemagne était l'objet d'une course entre les Alliés à qui allait contrôler quelle portion de territoire en premier. Mais une chose faisait consensus, les dirigeants redoutaient que la chute du nazisme libère des énergies révolutionnaires qui pourraient faire tâche d'huile.

Lors de la troisième conférence de Moscou (octobre 1943), ils se mettent d'accord sur le principe d'une capitulation sans condition de l'Allemagne, ce qui exclut, bien sûr, tout accord avec un gouvernement de type demi-nazi ou militaire, mais qui, sur demande du secrétaire d'État Cordell Hull, exclut aussi toute perspective de paix avec un gouvernement socialiste qui naîtrait d'un soulèvement populaire. Un reporter états-unien témoigne que les négociateurs russes partageaient ce souci :

« De nombreux Russes, avec lesquels l'auteur a parlé franchement, discutaient les dangers d'une Allemagne communisée. Ils pensaient qu'elle pourrait éventuellement se tourner vers le trotskysme et pourrait ainsi provoquer des dangers pour l'Union soviétique, - une possibilité qui doit être évitée à tout prix. »[3]

2.3 France[modifier | modifier le wikicode]

En France, le Parti communiste sort de la guerre en position de force, notamment du fait de son implication dans la Résistance. De très nombreux militants communistes se retrouvaient armés, tandis que l'autorité morale de nombreux secteurs de la bourgeoisie était tombée au plus bas du fait des affaires qu'ils avaient faites sous la collaboration. Mais les dirigeants communistes (suivant pleinement en cela les souhaits de Staline), mirent tout leur poids au service de la reconstruction d'un État bourgeois stable, en collaboration avec la droite. Ainsi les premiers gouvernements à la Libération sont des gouvernements d'union nationale entre communistes et gaullistes.

Le PCF maintient encore aujourd'hui une image mythifiée des réalisations du Conseil national de la résistance. Celui-ci a bien sûr consisté en l'application de mesures sociales progressistes, mais vu le rapport de force de l'époque, il représentait avant tout un effort de canalisation des espérances communistes pour qu'elles ne débordent pas du cadre capitaliste.

2.4 Italie[modifier | modifier le wikicode]

En Italie, un processus similaire a eu lieu. Dans la biographie du dirigeant communiste Togliatti, que celui-ci a validé lui-même, il est relaté qu'à peine débarqué à Naples, Togliatti a "pris le taureau par les cornes" et s'est "attelé au problème des institutions, (...) à la création immédiate d'un gouvernement d'union nationale". Il est relaté que face à lui "la plupart des présents furent stupéfaits".[4]

Dès l'automne 1944, alors que les troupes alliées étaient sur le point de prendre le Nord de l'Italie, celles-ci firent une halte tout l'hiver, pour laisser les fascistes et nazis réprimer la résistance, ne voulant pas que celle-ci (dont la radicalité ouvrière et paysanne menaçait les possédants) soit trop forte au moment de la libération[5]. Mais les résistants tinrent bon. Et le commandement allié dut utiliser l'état de guerre et le soutien du PCI pour désarmer les comités de libération nationale[6], rendre toutes les propriétés qu'ils avaient confisquées, et remettre en scelle des politiciens conservateurs que les résistants avaient écartés. Et le PCI entra au gouvernement de Badoglio, qui était maréchal sous le fascisme. Cela faisait suite au "virage de Salerne".

D'un point de vue italien, les forces communistes semblaient pourtant, sur le papier, omniprésentes. Au Nord, derrière la frontière autrichienne, se trouvait l'Armée rouge soviétique. A l'Est, en Yougoslavie, les résistants communistes avaient aussi pris le dessus.

2.5 Grèce[modifier | modifier le wikicode]

En Grèce, la résistance communiste était elle aussi très puissante, avec en son sein un mouvement trotskiste qui fut un temps majoritaire. Mais Staline et Churchill s'étaient mis d'accord : la Grèce devait revenir à la sphère d'influence britannique. La Grèce connut une sanglante guerre civile jusqu'en 1949, et l'URSS n'intervint pas. Malgré cela, les communistes locaux n'étaient pas loin de remporter la victoire, et les monarchistes durent être aidés activement par les britanniques.

2.6 Yougoslavie[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement communiste était majoritaire dans la résistance yougoslave au nazisme. Dans un premier temps, le PCY se retrouve lui aussi dans un gouvernement commun avec des monarchistes, suivant la volonté de Staline. Mais assez vite, Tito rompt avec Staline, et s'engage dans une voie indépendante. Si le régime mis en place sera beaucoup plus souple qu'en URSS, allant même jusqu'à certaines expériences contrôlées d'autogestion, ce sera également un régime bureaucratique hors du contrôle des masses populaires.

2.7 Europe de l'Est[modifier | modifier le wikicode]

En Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Yougoslavie et Albanie, où l'Armée rouge a le contrôle, les communistes locaux étaient largement minoritaires. Dans un premier temps, Staline essaie de promouvoir des gouvernements d'union nationale avec la bourgeoisie locale.

Mais très vite, des régimes « communistes » sont mis en place. L'économie est étatisée et intégrée au sein de la planification bureaucratique de l'URSS.

Le bloc de l'Est se constitue en Europe, signant le début de la guerre froide.

2.8 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Les États-Unis connurent dans l'immédiat après-guerre la plus grande vague de grèves de leur histoire.

2.9 Royaume-Uni[modifier | modifier le wikicode]

De 1945 à 1951, le pays est dirigé par le parti travailliste, et c'est alors la première fois que celui-ci gouverne avec une majorité (après deux gouvernements minoritaires éphémères en 1924 et de 1929 à 1931).

Le gouvernement Attlee est donc le premier gouvernement ouvrier du pays, même s'il s'agit d'un gouvernement dirigé par des réformistes profondément intégrés à l'État bourgeois (et à son apparat monarchiste). Le parti s’attelle néanmoins à la mise en place d'un État providence, comme dans de nombreux pays au même moment.

3 Asie[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Chine[modifier | modifier le wikicode]

En Chine, la guerre civile faisait rage depuis 1927, en parallèle de la lutte de résistance à l'impérialisme japonais depuis 1931. La défaite du Japon dans la guerre mondiale rend brûlante la question du pouvoir, qui n'est plus stabilisé à l'échelle nationale depuis 1911. Staline appuyait Tchang Kai-chek, et ne voulait absolument pas d'un rôle indépendant du PCC.

Cependant, la direction du PCC autour de Mao Zedung s'était nettement autonomisée, et il n'était pas question pour elle de s'effacer devant le Kuomintang, ligne qui avait conduit les communistes à se faire massacrer en 1927. Ce sont finalement les communistes qui emportent la guerre civile et qui sont capables d'unifier militairement la Chine en 1949. Dans un premier temps, le PCC ne prend aucune mesure radicale contre la propriété privée capitaliste, dans la logique étapiste stalinienne. Ce n'est qu'en 1953 que devant la résistance économique du patronat (qui soutenait encore le Kuomintang), le PCC procède à l'étatisation par le haut de l'économie.

3.2 Indochine / Vietnam[modifier | modifier le wikicode]

Manifestation devant le palais du gouverneur du Tonkin, 19 août 1945 à Hanoï.

L'Indochine française avait été envahie par le Japon, et après la capitulation japonaise, la Révolution d’Août 1945 enflamme le pays. Le parti communiste (PCI) stalinien de Hô Chi Minh dirige le mouvement national (Viêt Minh), et s’empare rapidement du pouvoir laissé vacant. Ho Chi Minh cherche à utiliser son rapport de force, mais cherche aussi à se présenter comme respectable. S'il déclare l'indépendance du Vietnam, il négocie les modalités de l'indépendance avec la France, et refuse d'aller vers une révolution socialiste. En gage de bonne volonté, il dissout le PCI (son appareil existant toujours dans le Viêt Minh en réalité).

Les trotskistes, qui étaient bien implantés au Viêt Nam, ont été dès la première heure soutien critiques du Viêt Minh, et dénonçaient cette ligne étapiste, appelant à la révolution sociale en même temps que nationale. Ils seront alors durement réprimés, à la fois par les troupes françaises et par les staliniens (le leader Ta Thu Thâu est assassiné).

Finalement, les français ne satisfont pas d'une indépendance à l'amiable, et déclenchent la reconquête fin 1946. Le Viêt Minh sortira victorieux militairement après de longues années de guerre juste contre la France puis contre les États-Unis, mais là encore, si ce régime nationaliste a été conduit à étatiser l'économie, ça n'en fait pas un pays où des rapports de production socialistes auraient été instaurés.

3.3 Inde[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement nationaliste aux Indes britanniques prend un considérable essor, aboutissant à l'indépendance de l'Inde et du Pakistan en 1947.

3.4 Corée[modifier | modifier le wikicode]

A la fin de la guerre, l'URSS et les États-Unis se mettent d'accord pour la partition de la Corée (qui était occupée par le Japon) entre Nord et Sud. Des discussions sont menées en vue de l'établissement d'un État unifié sur toute la Corée, mais très vite la logique de la guerre froide qui se met en place éloigne cette perspective. Les comités populaires qui avaient vu le jour spontanément à la fin de la guerre sont vite réprimés ou canalisés par les communistes ou les autorités états-uniennes. L'auto-détermination des peuples est alors le cadet des soucis des deux blocs. Cela va conduire à la guerre de Corée en 1950-1953.

3.5 Autres[modifier | modifier le wikicode]

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Philippines, Indonésie, Malaisie, etc…

4 Notes[modifier | modifier le wikicode]


  1. Ernest Mandel, Actualité du trotskisme, Critique Communiste, novembre 1978.
  2. Matierevolution, En souvenir de 1943, une révolution il y a 70 ans ! Celle des Juifs des camps et des ghettos !
  3. C. L. Sulzberger dans le New-York Times du 31 octobre, cité dans Pierre Broué, Le parti bolchévique, 1963
  4. Palmiro Togliatti, par Marcella et Maurizio Ferrara, 1954
  5. Fernando Claudín, La crise du mouvement communiste, du Komintern au Kominform ,1970 (Parution en français : Maspero, 1972)
  6. Voir notamment le film Novecento de Bertolucci (1976)