Guerre de Corée

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La guerre de Corée trouve son origine dans l'historiographie nord-américaine, sous la plume des historiens du consensus, pour désigner l'affrontement militaire qui eut lieu dans la péninsule coréenne entre la Corée du Nord, appuyée par la Chine et l'Union Soviétique, et la Corée du Sud, soutenue par les Nations-Unies, alors largement dominée par les États-Unis[1], entre le 25 juin 1950 et le 27 juillet 1953.

Ainsi qu'elle est présentée par les historiens traditionnels, tels que R. Appleman[2], la guerre de Corée commence avec l'intervention des forces américaines, d'abord aériennes, puis au sol, pour se terminer avec l'Armistice. Cependant, pour les historiens révisionnistes, tels que Bruce Cumings, ainsi que dans l'historiographie marxiste, laquelle cherche à réduire l'influence soviétique afin de recentrer le débat sur le caractère nationaliste du conflit, la guerre de Corée doit être vue comme le prolongement d'une guerre civile ayant commencée entre 1919, année du Mouvement du 1er Mars, et les années 1930[3].

Souvent appelé "la guerre oubliée" aux États-Unis, cet l'affrontement armé - le plus important de l'après-Yalta[4] - cristallise les tensions entre les deux Blocs à l'époque de la guerre froide. Il convient néanmoins de rappeler que, si l'on prend en considération le fait qu'aucun traité de paix n'a été signé jusqu'à ce jour, la guerre de Corée n'est officiellement pas encore terminée.

1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Début de la guerre froide, décolonisation...[modifier | modifier le wikicode]

A la fin de la seconde guerre mondiale, les impérialistes se concertent pour un repartage du monde (Yalta...), et principalement les USA et l'URSS, qui sont alors les deux superpuissances mondiales. C'est cette rivalité qui sera le principal motif de la guerre froide. L'Union soviétique de Staline n'est plus depuis longtemps le centre de la révolution mondiale, mais conserve néanmoins cette façade idéologique, et une très forte influence dans les classes populaires du monde entier via les Parti communistes[5]. Ces classes populaires vont être tragiquement mobilisées dans des guerres d'expansion, face un pouvoir états-unien prêt à tout pour conserver sa sphère d'influence. C'est notamment en Asie, où les sentiments anti-colonialistes et anti-impérialistes sont vifs, que ces affrontements seront le plus marqués.

Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine est proclamée, les troupes de Tchang Kai-shek, qui représentent le parti de la bourgeoisie comprador, sont refoulées dans l'île de Formose (Taiwan). Le "communisme" s'étend et forme un Bloc qui est à présent aux frontières de l'Indochine française. Renforcés, les "communistes" mènent des révoltes dans tout l'Extrême-Orient de 1948 à 1950, notamment en Malaisie, en Birmanie et en Indochine avec le Viêt-minh. Les puissances coloniales et/ou impérialistes (France, Angleterre, Pays-Bas, États-Unis...) se considèrent menacés par "l'expansionnisme communiste". Le 18 janvier 1950, Hô Chi Minh proclame la "République démocratique du Viêt-nam" - ce qui signe la première défaite de la France coloniale.

1.2 Une Corée insurrectionnelle[modifier | modifier le wikicode]

À la fin de la guerre, la péninsule de Corée qui était auparavant sous domination japonaise, se retrouve partagée entre les armées des États-Unis au Sud et de l'URSS au Nord. Il se produit une situation analogue à l'Allemagne avec un équivalent du "rideau de fer" qui s'installe sur le 38ème parallèle. La République de Corée, gouvernement pantin des USA est proclamée par Syngman Rhee le 15 août 1948, que les États-Unis ont aidé à mettre en place après avoir résidé aux États-Unis plus de quarante ans[6], et le 9 septembre, Kim Il-sung est "élu" président de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Parmi les Coréens, la partition du pays est très mal vécue, et comme partout la situation sociale est tendue. Les mesures sociales du Nord (réforme agraire, nationalisation de l'industrie, égalité des sexes...) lui assurent un soutien dans les classes populaires. Au Sud, l'autoritarisme du dictateur pro américain provoque grèves et foyers de "guérillas communistes" qui contestent son pouvoir. Pour Kim Il-sung, c'est une situation qui concourt à légitimer auprès de la population du Sud l'invasion qui prendrait dès lors l'apparence d'une libération nationale. Les entretiens du leader nord-coréen avec Staline l'engagent à prendre l'initiative des hostilités.

De plus, une certaine ambigüité semble planer sur la réaction ou non des États-Unis en cas d'invasion "rouge". Le 19 juin 1950, le Secrétaire d'État[7] Foster Dulles déclare à Séoul que "la Corée du Sud est sur la ligne de front de la liberté, soutenue dans cette bataille par le peuple américain". Cinq mois auparavant, le secrétaire d'État américain à la Défense, Dean Acheson, considérait à l'opposé que la Corée du Sud et Formose se trouvaient "en dehors du périmètre défensif des États-Unis dans le Pacifique".

2 Déroulement[modifier | modifier le wikicode]

2.1 L'offensive "rouge" est victorieuse[modifier | modifier le wikicode]

Le 25 juin 1950, les troupes militaires nord-coréennes franchissent la frontière du 38ème parallèle. La Chine, au côté de laquelle les troupes de Kim Il-Sung se battent entre 1947 et 1950[8], et surtout l'URSS de Staline fournissent des armes à l'armée du Nord. L'invasion est un succès : trois jours après, le 28 juin, la capitale du Sud, Séoul, est prise. Ironie : Syngman Rhee, dictateur en chef de la Corée du Sud, déclarait le 21 octobre 1949 qu'il était "en mesure de prendre Pyongyang [capitale du Nord] en trois jours".

Du 25 juin au mois d'août 1950, l'offensive du Nord est victorieuse et repousse les forces terrestres américaines et sud-coréennes jusqu'à la ville portuaire de Pusan (au sud-est de la péninsule).

2.2 Contre-attaque états-unienne[modifier | modifier le wikicode]

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Les États-Unis entraînent alors leurs "vassaux" dans un renforcement du soutien militaire. Sous mandat de l'ONU, ils sont alors à la tête d'un corps expéditionnaire international réunissant une vingtaine de pays, la plupart étant le fruit des impérialismes occidentaux (on y trouve par exemple les grands noms du Commonwealth des Nations - appelé Commonwealth britannique jusqu'à la fin des années 1940 - tels que l'Australie, le Canada, la Nouvelle Zélande et l'Union sud-africaine) ou des décolonisations qui leur succèdent (les Philippines qui accèdent à l'indépendance suite à la loi organique de 1932).&nbsp. En fait les Nations-Unies occidentales.

Car ils ont mis à profit le boycott de son siège permanent décidé par l'URSS en signe de protestation contre le maintien de l'ancien gouvernement Tchang kai Chek réfugié à Taîwan à la place de celui de la nouvelle Chine populaire. Selon le règlement originel, une abstention ou une absence de l'un des cinq membres tenait lieu de blocage. Les Américains ont alors fait transformer la règle : l'abstention aura dès lors valeur d caution. Dans les mois qui suivent pour faire face au retour soviétique qui annullerait la caution onusienne de l'intervention l'administration Truman va faire porter les débats et décisions auprès de l'assemblée générale des Nations-Unies.

Le 15 septembre, le général MacArthur, gouverneur militaire du Japon et commandant en chef du contingent onusien, débarque derrière les lignes ennemies et entame la reconquête du territoire. Le 28 septembre Séoul est reprise, et le 30 septembre les Nord-Coréens sont repoussés au-delà du 38ème parallèle.

Encouragé par son chef des renseignements, un franciste connu sous le nom de Charles A. Willoughby[9], le général américain, également proche collaborateur du sénateur McCarthy et célèbre partisan d'une guerre totale contre "le communisme", poussera son avantage sur le terrain militaire jusqu'à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, sur les rives du fleuve Yalou.

Le monde est alors au bord d'une 3ème guerre mondiale, à laquelle aucun des belligérents majeurs du conflit n'est réellement préparé: la Chine vient tout juste se remettre de la "guerre de libération" tandis que l'Union Soviétique et les États-Unis mènent une dangereuse lutte d'influence sur le front européen. L'Assemblée générale des Nations-Unies, séduite par le point de vue états-unien et profitant de l'absence de Malik (le représentant soviétique), opte pour la réunification de la Corée dans l'orbite du "monde libre". MacArthur, pour l'obtenir, envisagera la guerre contre la Chine et l'URSS s'il le faut. Des frappes nucléaires sur les sites industriels de la Mandchourie (Nord-Est de la Chine) sont même envisagées, menant la Corée du Nord à initier la construction d'abris souterrains anti-nucléaires[10]

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2.3 Equilibre de la terreur[modifier | modifier le wikicode]

La Chine de Mao réagit et engage 700 000 hommes dans le conflit. MacArthur doit reculer jusque derrière le 38ème parallèle, les forces sino-coréennes reprennent Séoul le 4 janvier 1951, puis sont de nouveau repoussées. En mars-avril 1951, le front se stabilise. Le général MacArthur est destitué et remplacé par le général Ridgway. Des négociations s'ouvrent mais ne débouchent pas sur de réelles avancées. 

L'élection à la présidence des États-Unis du général Eisenhower, partisan de la fin des hostilités en Corée, et la mort de Staline le 3 mars 1953 relancent celles-ci. Le 27 juillet 1953, un armistice est signé à Panmunjon, sur la ligne même de démarcation des deux Corée. La partition du territoire coréen est entérinée.

3 Bilan d'une guerre[modifier | modifier le wikicode]

Le nombre des victimes varie selon diverses estimations. Celles de l'ONU tournent autour de 2 500 000 morts, d'autres parlent de 4 millions de victimes. Côté états-unien, on compte 34 000 morts, pour 200 000 Chinois. Reste que les pertes les plus lourdes sont du côté coréen, et plus encore parmi les Nord-Coréens (300 000 victimes). 

Quant aux "accusations fallacieuses" concernant l'utilisation de l'arme bactériologique par les Américains en 1952, elles se révèlent aujourd'hui étayées par plusieurs types de sources[11]. Les Américains auraient, par voie aérienne, pulvérisé à la frontière sino-coréenne des germes de contamination et auraient diffusé des insectes contaminés provocant différentes épidémies. A l'encontre du caractère fallacieux de ces accusations il faut compter, d'après Ivan Cadeau, avec le refus passé par les États-Unis de signer en 1925 les conventions internationales sur l'interdiction des gaz et des armes chimiques. Au présent dans l'immédiat après-guerre l'accusation disposait des démentis ambigus de personnalités politiques américaines (Louis Johnson secrétaire à la Défense, le général MacAuliffe et d'autres ) et d'autreniant les faits mais reconnaissant l'existence de recherches, voire les avantages de tels moyens frappant les personnes et non les infrastructures ou qu'on puisse utiliser sans que cele se remarque, ainsi que la collaboration bien connue avec des criminels de guerre japonais les ayant utilisés contre les Soviétiques en 1939 puis contre la Chine. Enfin à l'avenir on relèvera l'utilisation massive de produits défoliants "l'agent orange" au Viet-Nam de 1961 à 1971 par les administrations Kennedy, Johnson et Nixon (expérimentées par ailleurs dès 1957 par l'administration Eishenhower). On ne pouvait en 1952 prédire la deuxième grande guerre asiatique des années 1960-1970 et deviner l'utilisation, ici dûment assumée, d'armes chimiques destinée à limiter les pertes de soldats. Les deux Corées sortent dévastées de ce conflit de trois ans. Néanmoins, la Corée du Nord, sous la férule de Kim Il-sung, pourra prétendre à une certaine réussite économique. En 1960, le PIB par habitant est 2 fois plus élevé qu'en Corée du Sud. 

Le 19 avril 1960, Syngman Rhee est poussé à la démission par les manifestations étudiantes. La république est rapidement renversée par des juntes militaires (en 1961 et en 1979) ; une certaine "libéralisation" intervient en 1987. En 1997, le dissident démocrate Kim Dae-jung est élu président de la République de Corée.  Quant à Kim Il-sung, il meurt en 1994 après avoir inventé le "communisme dynastique", nommé comme successeur son fils Kim Jong-il et réalisé le rêve de "beaucoup de dictateurs malades (...): isoler physiquement et mentalement du reste de l'humanité son bout de territoire et la population soumise à sa toute-puissance"[12].

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Formation LCR sur la Brèche numérique

  1. Voir Lowe, Peter. "The Origins of the Korean War" (2nd éd.). London, New York: Longham. (1986) 1997, p.44: "The UN was a relatively small body in 1947 and effectively dominated by the United States. The Soviet Union possessed a veto in the Security Council but there was little doubt that the United States could convince the UN Gerneral Assembly to accept a proposal of reasonable character." Peter Lowe est également cité par Cumings, Bruce. "The Korean War: A History". New York: Random House. (2010) 2011, p.113.
  2. Cumings, Bruce. Ibid. (2010), p.9.
  3. Voir Cumings, Bruce (2010). Ibid., p.4.
  4. La Guerre de Corée fait plus de mort en trois ans que la Guerre du Viêt Nam en vingt.
  5. La déclassification de documents officiels datant de l'ère Staline, tels que des conversations télégraphiques entre Staline et Kim Il-sung, montrent que la Parti communiste nord-coréen, appelé le Partie des travailleurs, essaie tant bien que mal de rester indépendant de l'Union des républiques socialistes. Voir les archives du Wilson Center en ligne.
  6. Rhee, un académique, quitte la péninsule coréenne au lendemain de la guerre Russo-japonaise, en 1904. Pour plus d'informations, consulter Cumings, Bruce. Ibid. (2010). Entre 1945 et 1948, en effet, les États-Unis mettent en place un régime de transition militaire, à la tête duquel Rhee est placé, établissant à nouveau la police coloniale nationale. Selon l'historien post-révisionniste Bruce Cumings, la mise en place d'un tel régime avait pour but de contrer la constitution de "comités populaires", très courants dans la péninsule d'après-guerre, et d'une potentielle "République populaire de Corée" dans le Sud, préconisée par Lyuh Woon-hyung (Ibid., pp.108-9 et p.115).
  7. Équivalent au ministre des affaires étrangères.
  8. Cumings, Bruce. Ibid. (2010), p.111. Bruce Cumings explique ainsi le succès des troupes nord-coréennes (de la KPA, acronyme de Korean People's Army): d'une part, il existait une certaine forme de racisme du côté américain, lequel considérait que les Asiatiques ne savaient pas se battre et qu'ils seraient ainsi faciles à combattre (pp.80-1). D'autre part, les troupes de Kim Il-Sung sortent victorieuses de la guerre de libération chinoise, laquelle se poursuit au-delà de 1949 pour se terminer sur une île voisine, dernier bastion des nationalistes affiliés au Kuomintang avant Formose, en mai 1950 (p.25 et pp.65-6).
  9. Willoughby est accusé d'avoir détourné des fonds lors de l'occupation du Japon afin de financer une collection retraçant toutes les plus grandes conquêtes de Franco depuis son émergence lors de la guerre civile espagnole. Voir interview de Cumings, Bruce dans "Books of our Time". Massachusetts School of Law at Andover. Plateforme YouTube. Posté le 23 mars 2011. Consulté le 22 mars 2015. Lien: https://www.youtube.com/watch?v=ba3dgDUtE9A
  10. L'introduction d'armement nucléaire dans la péninsule coréenne se décidera en 1957, sous l'impulsion de John Foster Dulles. Voir Cumings, Bruce dans "Book of Our Time". Ibid.
  11. voir le Monde diplomatique, "Les armes biologiques de la guerre de Corée", juillet 1999.
  12. voir Libération, éditorial de Gérard Dupuy du 19 avril.