Philosophie

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Confucius, célèbre philosophe chinois

La philosophie est une démarche qui vise une compréhension du monde et de la vie par la réflexion. En Occident, la philosophie est très marquée par l'héritage grec (en grec ancien, philosophie signifie littéralement « amour du savoir »), mais des équivalents existent dans les sociétés antiques orientales.

Au sens large, la philosophie a d'abord désigné les premières réflexions ayant une visée plus ou moins rationnelle, que l'on peut donc en ce sens distinguer des affirmations dogmatiques que l'on retrouve aussi bien dans le sens commun que dans les mythes et religions des différentes cultures. Cette distinction n'existe que potentiellement, les philosophes combinant nécessairement dans leur pensée des dogmes (conscients ou non), et des opinions plus critiques.

Néanmoins ces dernières, accumulées depuis des siècles et se contredisant sans cesse, ont indéniablement contribué au progrès des idées, en lien avec les grandes luttes de classe.

1 Tendances historiques[modifier | modifier le wikicode]

Un certain idéal d'objectivité et d'universalité est présent chez presque tout·e philosophe. Cela se retrouve même en germe dans le sens même de « philosophie » (on ne peut prétendre ­ « aimer le savoir » si on est totalement subjectiviste, car alors on ne peut plus définir le moindre savoir).

Néanmoins, chaque philosophe pris individuellement est soumis à d'innombrables biais (cognitifs et sociaux) qui rendent son accès à l'objectivité extrêmement limité. Ceci était d'autant plus vrai aux premiers temps de l'humanité (l'augmentation du nombre de philosophes et de l'accès oral ou écrit aux réflexions d'autres philosophes joue tendanciellement dans le sens d'une réduction des biais). Par conséquent, les philosophes se retrouvent bien souvent à rationaliser leurs préjugés et donc de fait à justifier l'ordre du monde existant.

Les philosophies dominantes sont donc, comme les religions, des philosophies de classes dominantes. Dans l'idéologie dominante du Moyen-Âge européen, la philosophie (aristotélicienne principalement) était vue comme un complément -secondaire- de la religion dominante (surtout à destination de l'éducation des élites). Il y avait une contradiction potentielle entre ces deux aspects, que les théologiens étaient bien obligés d'admettre du bout des lèvres : d'un côté le monde matériel que l'on peut analyser par la réflexion philosophique, de l'autre le domaine de Dieu où l'on ne peut s'en remettre qu'à la foi.

Le développement de la philosophie a peu à peu conduit à la délimitation de certaines sous disciplines, qui ont avec le temps fini par être considérées comme plus ou moins distinctes.

En particulier, les sciences de la nature (physique, biologie...) se sont progressivement autonomisées. Dans l'Antiquité, il n'y avait pas de distinction, les rares prémices de recherches scientifiques étant effectuées par des philosophes, généralement peu spécialisés. On peut tout au plus souligner que certains philosophes ont été davantage tournés vers du travail (classification méthodique...) favorisant ce qui allait devenir les sciences, comme Aristote (et ce malgré toutes les affirmations subjectives que comprenaient ses théories), par rapport à un Platon davantage producteur d'affirmations moins vérifiables (métaphysique, politique...). Ce n'est qu'à partir de l'époque moderne, et très progressivement (Kant par exemple s'intéressait autant à la cosmologie qu'à l'éthique), que les scientifiques ont commencé à être des individus et des institutions distincts des philosophes. Ceci est évidemment en relation avec le développement des forces productives (essor des techniques permettant notamment une multiplication des expérimentations) et des rapports de production capitalistes (augmentation de l'intérêt et du financement des technologies dans une optique de productivité).

En France, la philosophie des Lumières est entrée plus ou moins fortement en conflit avec l'ordre religieux, ce qui était un reflet de la lutte des classes entre la bourgeoisie et l'aristocratie. Dans la plupart des autres pays européens, l'affrontement entre ces classes a plutôt pris des formes d'oppositions religieuses.

Les sciences humaines ont, elles, mis plus de temps à s'autonomiser, pour des raisons qui tiennent à la fois à une difficulté intrinsèque (complexité plus élevée, plus grande difficulté à isoler des objets d'étude de leurs interactions, difficulté voire impossibilité de recourir à l'expérience...) et à des obstacles idéologiques.

En effet, l'étude des interactions entre humains conduit forcément à la remise en cause au moins partielle des discours idéologiques (au sens de justification de l'existant) sur les rapports sociaux de domination et d'exploitation. Celles et ceux qui développent les sciences humaines ont donc historiquement été plus critiques envers l'ordre existant, et de ce fait moins intégrés à la sphère académique officielle.

« Dans n'importe quelle société divisée en classes, les "sciences humaines" se traînent loin derrière les sciences naturelles — la classe possédante n'a aucun intérêt à révéler le mécanisme de sa domination. »[1]

De façon notable, on peut souligner que parmi les précurseurs des sciences humaines figurent incontestablement les communistes Karl Marx et Friedrich Engels. Leur analyse du matérialisme historique relève à la fois de la sociologie, de l'histoire et de l'économie.

Néanmoins, les sciences humaines ont connu une progression partielle. Une des caractéristiques qui les rend « digérables » par l'ordre établi est l'augmentation du degré de spécialisation (qui n'est pas propre aux sciences humaines mais inhérent à la complexification de la pensée humaine) : c'est surtout l'articulation des sciences humaines en une vision systémique (comme celle que propose le marxisme) qui est subversive ; à l'inverse, une étude historique ou sociologique ultra spécialisée est a priori inoffensive.

Au fur et à mesure des différentes branches se séparent de la philosophie pour devenir des spécialisations, se pose la question de ce qui demeure dans le champ de la philosophie proprement dite. Ce sont les aspects les plus généraux et abstraits (comme la logique, l'épistémologie, la philosophie du langage...), les plus subjectifs (éthique, esthétique, philosophie politique...) voire inexplicables (métaphysique : ce qui est au-delà du monde physique et sur quoi on ne peut rien « prouver »).[2]

Au 19e siècle, il était encore courant d'être à la fois versé dans la philosophie et les sciences. C'était le cas de Marx et Engels, qui ont d'abord été influencés par la philosophie idéaliste allemande et en particulier l'école philosophique de Hegel. Ils se sont ensuite concentrés d'une part sur une explication matérialiste de l'histoire, et d'autre part sur l'action politique. Ils déclaraient alors, en 1845 :

« Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer. »[3]

Cette déclaration exprime un rejet des prétentions idéalistes des philosophes progressistes à changer le monde par la seule mise au point de meilleures idées, et un rejet de la position de surplomb, qui nie le fait que la société n'est pas juste un « fait social » mais dépend des actions humaines.

Néanmoins, si la philosophie a cessé d'être la priorité de Marx et Engels, cela ne signifie pas qu'ils pensaient qu'elle était réduite à néant. Leur vision était celle de la philosophie comme une « méthode » et une façon de voir l'évolution du monde, la dialectique, qu'ils reprenaient largement de Hegel, tout en voulant lui donner un fondement matérialiste. La dialectique se situerait donc à la fois dans le champ de la logique (en opposition / dépassement de la logique formelle) et dans le champ de l'épistémologie.

Marx et Engels ont laissé des notes éparses sur ce que serait leur vision de la dialectique, et exprimé le souhait de la synthétiser, mais ils n'ont jamais eu le temps. Lénine également avait entrepris d'étudier plus en détail la question de la dialectique, mais a été pris dans le tourbillon révolutionnaire.

Tout ceci fait dire à certains marxistes que la philosophie achevée de l'humanité (la dialectique notamment) ne pourra pas être atteinte sous le capitalisme.

« Il est douteux que le marxisme puisse jamais avoir, avant la venue du socialisme, un manuel de dialectique. Plus le mouvement ouvrier se développe, plus les questions politiques, stratégiques et tactiques passent au premier rang. Et c'est heureux — c'est le signe que les problèmes trouvent leurs solutions dans l'action. (...) L'étude méthodologique de la dialectique, qui sera aussi la préparation de son remplacement par des méthodes de pensée toujours plus puissantes, sera une des tâches de la société socialiste. (...) De la même manière qu'il n'est pas possible d'envisager une culture "prolétarienne", il est impossible d'envisager le développement systématique d'une philosophie prolétarienne. »[1]

2 Branches de la philosophie[modifier | modifier le wikicode]

La question du découpage de la philosophie en différentes branches est bien sûr complexe. Un découpage fréquent se fait en quatre branches : métaphysique, épistémologie, logique et éthique.[4]

2.1 Métaphysique[modifier | modifier le wikicode]

Métaphysique, litt. du grec "au delà de la physique", désigne les philosophies qui cherchent à appréhender des Idées abstraites et préexistantes à toute réalité matérielle et souvent, lui donnant un sens, voire une finalité, à partir de ces Idées.

Depuis ses origines, la métaphysique a été partagée entre des tendances plutôt mystiques et des tendances plutôt scientifiques.

« Parmi les premiers philosophes grecs, les Ioniens étaient plus scientifiques et les Siciliens plus mystiques[5]. Mais parmi ces derniers, Pythagore, par exemple, était en lui-même un curieux mélange des deux tendances : l'attitude scientifique le conduisit à sa proposition sur les angles droits des triangles, tandis que sa vision mystique lui fit dire qu'il est mauvais de manger des haricots. »[6]


Les marxistes qualifient souvent de "métaphysiques" les raisonnements tendant à considérer des idées statiques, coupées de la réalité et de l'activité réelle de l'homme.

Quelques exemples :

2.2 Épistémologie[modifier | modifier le wikicode]

Si l'objet en 3D représente une chose en soi, les projections sur les murs représentent des perceptions différentes de cette donnée. Ces projections sont un accès partiel à la vérité (contrairement aux termes utilisés).

L'épistémologie s'intéresse à la question de comment est établie la connaissance : « comment sait-on ? », « qu'est-ce qui différencie la science de la non-science ? », etc. On parle aussi de gnoséologie ou de théorie de la connaissance. En France, le terme d'épistémologie est souvent utilisé dans un sens plus restrictif (études des connaissances scientifiques au lieu de connaissances en général), ce qui est assez illogique vu que le terme est un emprunt de l'anglais et qu'il n'a pas cette restriction en anglais..

Lénine aborde la gnoséologie dans son livre Matérialisme et empiriocriticisme (1908).

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2.2.1 Critères de scientificité[modifier | modifier le wikicode]

2.2.2 Agnotologie[modifier | modifier le wikicode]

L’agnotologie est l'étude de la production culturelle de l'ignorance[7][8] et du doute[9]. Elle peut être produite de manière volontaire ou involontaire.

Le cas d'une production d'ignorance volontaire est typiquement celui d'une stratégie délibérée par de lobbying industriel. Son illustration la plus célèbre est la stratégie délibérée de recours, par l'industrie du tabac, à des études scientifiques biaisées, destinées à jeter le doute sur les découvertes démontrant la nocivité du tabac. Mais cela a aussi été le cas pour l'amiante, le sucre, les retardateurs de flamme... Un des exemples les plus préoccupants est celui du changement climatique : aux États-Unis les lobbies des industries les plus polluantes, largement relayés par les conservateurs, parviennent à faire croire que le sujet est controversé parmi les scientifiques, ce qui fait passer le climato-scepticisme pour une position acceptable.[10]

Mais il peut y avoir d'autres formes de production volontaire d'ignorance. Par exemple, selon Linsey McGoey, certaines firmes pharmaceutiques limitent délibérément leur propre connaissance de certains effets secondaires, pour qu'en cas de problèmes ultérieurs, on ne puisse pas dire « qu'elles savaient ».[11]

Ou encore, on peut penser à toutes les informations classées comme secret d'État ou secret commercial.

Les cas de production involontaire d'ignorance sont souvent des mécanismes structurels plus indirects. Par exemple, lorsqu'un laboratoire décide d'investir dans un programme de recherche, cela tend à lui faire négliger ce qui pourrait être trouvé en explorant un autre paradigme, voire à le faire persister dans une piste peu fructueuse (on cherche les clés autour du lampadaire). C'est aussi le cas lorsque des investissements massifs ont été réalisés dans des instruments de mesure ou d'analyse coûteux : il devient plus difficile de se décider à les abandonner.

2.3 Logique[modifier | modifier le wikicode]

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La logique est aujourd'hui étroitement associée aux sciences. Cependant, cela n'a pas toujours été le cas. La logique a longtemps été utilisée par des philosophes pour construire des systèmes de pensée complexes, le tout en se préoccupant assez peu de données empiriques, voire en accordant plus de valeur à la logique interne de l'argumentation qu'à la concordance avec les faits.

Par exemple, dans la philosophie grecque, l'école éléatique a inauguré un procédé consistant à utiliser la logique pour chercher à démontrer que le sens commun se trompe, et sur cette base, justifier un certain mysticisme. Platon a largement repris ce procédé.[6]

Avec le développement des moyens d'expérimentation et le recul historique montrant que de nombreux systèmes de pensées se sont révélés faux, les raisonnements purement déductifs ont été délogés de leur piédestal. Si une théorie est contredite par des faits avérés, on suspecte une logique fallacieuse. Cela ne signifie pas que la logique n'est plus considérée comme pertinente, mais que les exigences vis-à-vis de la logique sont devenues plus fortes. Tout un pan de la philosophie (en particulier la philosophie analytique) s'efforce de valoriser une logique rigoureuse, de même niveau que la logique au sens mathématique ou informatique.

2.4 Philosophie morale[modifier | modifier le wikicode]

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2.5 Autres[modifier | modifier le wikicode]

On peut distinguer d'autres branches de la philosophie. Cependant, on peut aussi soutenir que les branches suivantes relèvent des branches évoquées plus haut.

2.5.1 Philosophie du langage[modifier | modifier le wikicode]

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Dans les années 1960 et 1970, la plupart des philosophes ont tendance à se focaliser sur la philosophie du langage, au point de virer à un certain idéalisme, considérant que tout ce qui importe est la représentation symbolique, le signifiant. En particulier, la réflexion sur la technique passe au second plan, alors même que la technique a une capacité de plus en plus spectaculaire à transformer concrètement le monde. Le philosophe de la technique James Feibleman écrivant en 1982 :

« Le philosophe est un homme totalement dépourvu d’influence et il a gagné cette position peu enviable en se détournant de la philosophie afin de se concentrer sur l’étude technique du langage ; non du point de vue des références de celui-ci qui l’auraient conduit hors du langage vers le monde, mais seulement ses significations, ce qui lui permet de demeurer à l’intérieur du langage, une espèce de nouvelle scolastique qui abandonne le monde réel au soin des autres. »[12]

Le philosophe Gilbert Hottois, spécialiste de la techno-science, constatait aussi une « inflation langagière » et critiquait l'idéalisme de la plupart des philosophes (et de la psychanalyse qui les a fortement marqué, surtout en France avec Lacan) qui se concentrent principalement sur le pouvoir des mots, et sont coupés des questions techniques (qu'ils méconnaissent largement).[13]

  • Une grande partie des questions qui apparaissent contradictoires au premier abord sont en fait des questions mal posées au niveau du langage (usage de même mots mais avec des sens différents dans une démonstration...).
  • Apports de la philosophie analytique pour clarifier.

2.5.2 Philosophie des sciences[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque l'on parle de philosophie des sciences, il s'agit d'une branche distincte de l'épistémologie, car elle peut s'intéresser par exemple aux relations entre science et société, indépendamment de la théorie de la connaissance.

3 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Jean van Heijenoort, L'Algèbre de la Révolution, 18 février 1940
  2. Pour Bertrand Russel, la philosophie utile et scientifique est réduite à la logique, rejetant ainsi la philosophie morale. Cette dernière est cependant admise communément aujourd'hui comme un des sujets centraux de la philosophie.
  3. Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, 1845
  4. Encyclopedia.com (lire en ligne), « Metaphysics ».
  5. Cf. Burnet, Early Greek Philosophy, pp. 85 ff.
  6. 6,0 et 6,1 Bertrand Russel, Our Knowledge of the External World as a Field for Scientific Method in Philosophy, 1914
  7. Mathias Girel, « Agnotologie : mode d'emploi », Critique, vol. n° 799,‎ , p. 964–977 (ISSN 0011-1600, lire en ligne).
  8. Mathias Girel, Science et territoires de l’ignorance, 2017 (Conférence-débat organisée par le groupe Sciences en questions à l’Inra de Bordeaux le 30 mai 2016)
  9. Olivier Monod, « « La Fabrique de l’ignorance », la science à l’épreuve de la triche industrielle », Libération, (consulté le 16 février 2021).
  10. Naomi Oreskes, Erik M. Conway, Les Marchands de doute, 2010 (également adapté en documentaire en 2014)
  11. Linsey McGoey, The logic of strategic ignorance, September 2012
  12. James Feibleman, Technology and Reality, juin 1982
  13. Actu Philosophia, Entretien avec Gilbert Hottois : Autour de Le Signe et la Technique, 2017