Immigration en France

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Défilé du Nouvel An chinois 2015 dans le 13e arrondissement de Paris.

Cette page traite de l'immigration en France, de son évolution historique et des positions politiques que cela a alimenté.

Même si les deux questions sont distinctes, le sujet du racisme en France est très lié.

1 19e et début du 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]

La Révolution industrielle a provoqué un fort exode rural des provinces vers Paris (Bretons, Auvergnats...).

Napoléon 1er avait mis en place une législation sur les passeports qui obligeait tous les Français à demander un "passeport à l'intérieur" pour se déplacer d'un département à un autre. La IIIe République (1870) supprima cette contrainte.

Une première vague d’immigrants Italiens a lieu entre 1871 et 1900, pour fuir la pauvreté. 5 millions d’Italiens immigrèrent dans le Nord de la France et surtout à Marseille, pour y trouver du travail. Cette première vague connut des conditions de vie extrêmement difficiles et la ségrégation dans des ghettos en périphérie des grandes villes comme Paris ou Marseille, sans parler de la promiscuité dans les baraques ouvrières des villes industrielles du Nord.

C'est au début des années 1880 qu'est apparu, dans le débat politique français, ce qu'on a commencé à appeler le "problème de l'immigration". [1]

La France était alors durement touchée par la crise économique qui a suivi le krach de l'Union générale, l'une des principales banques françaises. Des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées à ce moment-là pour dénoncer les traités de libre-échange que Napoléon III avait signés en 1860, au profit d'une politique protectionniste taxant les marchandises importées des autres pays. La montée du chômage ayant entraîné des rixes entre ouvriers français et étrangers, des parlementaires proposèrent de taxer aussi les travailleurs immigrés.

Ce sont des élus issus de la gauche républicaine de l'époque qui furent à l'initiative de ce genre de mesures. Christophe Pradon, député de l'Ain, membre du parti radical, prit la parole au cours d'une séance parlementaire pour affirmer : « le souci d'assurer le travail français doit être une des préoccupations les plus pressantes du législateur français ».

Cela déboucha sur un du décret du 2 octobre 1888, et une loi du 8 août 1893 relative au "séjour des étrangers en France et à la protection du travail national".[1]

A Tahiti, les autorités françaises ont fait venir des travailleurs chinois à partir du début du 20e siècle.

Dans les années 1920, c’est l’immigration polonaise qui est relativement importante.

De nombreux espagnols fuient en France suite à la guerre civile (1936-1939) et à la victoire des fascistes.

2 Après-guerre[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Une immigration demandée et légale[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'Après-guerre, les besoins en main d’œuvre sont importants, notamment dans le secteur de la Reconstruction. Certaines grandes firmes recrutent directement dans le pays d'origine (colonies ou anciennes colonies).

Comme cela répond aux besoins du patronat, la loi fixe alors les conditions d'une immigration de travail légale. L’ordonnance du 2 novembre 1945[2] créée l’Office national d’immigration et instaure les cartes de séjour de un, cinq et dix ans. Elle permet également le regroupement familial, et l'acquisition de nouveaux droits au fur et à mesure de l'allongement la durée du séjour de l'étranger, supposée signifier son intégration.

2.2 Lien avec les colonies[modifier | modifier le wikicode]

L'immigration est très liée aux colonies et anciennes colonies de la France, car les liens politiques, économiques et linguistiques la facilitent. La langue française était souvent au moins en partie connue des anciens colonisés, ce qui pouvait augmenter leurs espoirs d'adaptation. Les moyens de transports étaient par ailleurs établis de façon privilégiés avec l'ancienne métropole.

Pays d'origines des personnes immigrées en France (2006).
Carte de toutes les régions ayant été colonisées à un moment par la France

À la fin de la guerre d'Indochine (1954), près de 5 000 Français d'Indochine (couples mixtes ou veuves de Français fuyant la guerre) sont rapatriés et « accueillis » dans des Centres d'accueil des Français d'Indochine (CAFI), en particulier à Noyant, dans l’Allier, et à Sainte-Livrade, en Lot-et-Garonne.

C'est ensuite le cas de nombre de juifs marocains, souvent en transit pour Israël, puis des harkis après les accords d'Évian (1962), qui sont aussi logés dans des centres de transit ou d'« accueil ». Leur liberté de mouvement est entravée, les contacts avec la population locale, sinon impossible, découragés quand ils ne sont pas déjà difficiles, et les conditions de travail précaires.

Mais c'est principalement du Maghreb que viennent les immigrés. Certains sont logés dans des foyers ouvriers, mais il y a vite une vraie pénurie de logements : beaucoup logent dans des cafés-hôtels, et bien d'autres dans de nombreux bidonvilles autour de Paris, celui de Nanterre étant le plus connu.

2.3 Accompagnement par l'État[modifier | modifier le wikicode]

L'État accompagne cet appel massif de main d’œuvre par le patronat français. Pour éviter une trop grande crise sociale, il met notamment en place la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens et leurs familles (SONACOTRA). Cette politique de prise en charge partielle cohabite avec le racisme d'État envers ces travailleurs immigrés, comme l'illustre le massacre du 17 octobre 1961.

3 Le virage des années 1970[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Un frein brutal de l'immigration[modifier | modifier le wikicode]

La forte croissance des "30 glorieuses" prend fin dans les années 1970 suite à la baisse du taux de profit. L'investissement a beaucoup diminué et beaucoup moins d'emplois sont créés chaque année. Dans ce contexte, l'État va fermer rapidement ses portes.

La publication de la circulaire Marcellin-Fontanet en 1972 va durcir fortement les critères de régularisation : contrat de travail, attestation de logement, primauté des nationaux pour l'emploi, facilités d'expulsions, le tout sous prétexte d'éradiquer le travail clandestin... Cette circulaire plonge 85 % de travailleurs étrangers dans l'illégalité, et inaugure une période de profondes difficultés pour les immigrants (expulsions, arrestations, blessures, séparation).

3.2 Une sur-exploitation accrue[modifier | modifier le wikicode]

Mais l'intérêt fondamental de ces mesures anti-immigrés pour le capitalisme est d'infliger un recul social à l'ensemble des travailleur·ses en créant une couche de prolétaires surexploitée. Car les travailleurs qui immigrent malgré l'interdiction sont souvent désespérés et prêts à travailler à tout prix, et se retrouvent plus précaires du fait de leur situation irrégulière, donc encore moins capables de défendre leurs droits. Ainsi dans cette nouvelle période, ce n'est pas seulement que le patronat a besoin de "moins de travailleur·ses", mais surtout qu'il a besoin de travailleur·ses "plus flexibles", plus exploité·es.

Les patrons, surtout dans certains secteurs, embauchent massivement des travailleur·ses précisément parce qu'ils et elles sont sans-papiers.Car les sans-papiers ont beaucoup plus de mal à défendre leurs droits, et vivent dans un climat d'insécurité, avec le risque permanent d'être expulsé·es. Ils et elles doivent donc endurer des salaires très faibles, une durée du travail sans limites, l'absence du paiement des cotisations sociales de la part des employeurs ce qui entraîne la suppression des droits afférents à l'emploi, (Sécurité sociale, retraite, allocations chômage, couverture des accidents du travail...), des licenciements abusifs, sans possibilité de recours. Les sans-papiers sont particulièrement présent·es dans les entreprises de sous-traitance, qui se développent massivement. La sous-traitance, qui permet déjà en elle-même de dégrader le rapport de force ouvrier, devient ainsi encore plus rentable pour les donneurs d'ordre, et leur permet en plus de prétendre qu'ils ne sont pas responsables de l'emploi de travail illégal.

Les sans-papiers font partie de la classe ouvrière la plus exploitée, taillable et corvéable à merci, sans aucune garantie. En acceptant qu'existe une catégorie de salariés surexploités, on laisse tirer le droit par le bas. Ces manquements au droit sont utilisés comme un moyen de pression par les employeurs et représentent une menace pour les travailleur·ses dans leur ensemble.

En avril 2008, plusieurs lieux sont occupés à Paris : la chaîne de restaurants « Chez Papa » (206 rue La Fayette), la Pizzeria Marzano (30 boulevard des Italiens), l'entreprise de construction, désamiantage et démolition COGEDIM (6,8 rue Xaintrailles).

Au fur et à mesure, des régularisations ont lieu, sous l'effet des mobilisations. Mais cela ne suffit pas à annuler l'effet de surexploitation, car les inégalités de traitements demeurent. Entre autres, des discriminations légales excluent les étrangers non-européens des emplois de service public. Mais, l'embauche peut alors se faire hors statut, par exemple : les maîtres auxiliaires dans l'éducation nationale, les médecins hospitaliers et les entreprises de sous-traitance qui emploient des étrangers pour EDF dans les centrales, pour la SNCF à la construction des voies, pour la Poste au tri... Sans statut, ce sont des emplois précaires, mal payés, avec horaires élastiques et mauvaises conditions de travail. Même le fait d'obtenir la nationalité n'égalise pas les conditions, car le racisme structurel contribue à maintenir les travailleur·ses d'origine étrangère la tête basse. Néanmoins, en attendant de pouvoir sortir radicalement du capitalisme, la régularisation et la naturalisation sont des outils importants pour combattre les inégalités et la concurrence entre travailleur·ses.

4 Évolutions récentes[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Hausse du racisme[modifier | modifier le wikicode]

Les formes les plus haineuses de racisme anti-immigré·es avaient reculé dans l'après-guerre. C'est l'effet du traumatisme des horreurs du nazisme et de la guerre en général, mais surtout de la croissance sans précédant qu'a connu le capitalisme dans les décennies 1945-1975. Malgré les inégalités, les populations dans leur ensemble voyaient leur niveau de vie augmenter. De larges pans des populations anciennement immigrées se voyaient plus acceptées et assimilées. Par ailleurs, les progrès des sciences rendent plus difficile pour les intellectuels réactionnaires de continuer à spéculer sur une « inégalité biologique des races ».

Pour autant, il a fallu d'importantes luttes. Pour la première fois, des mouvements anti-racistes de masse apparaissent en occident. Le corporatisme et le racisme étaient bien présents dans le mouvement ouvrier. Dans l’après-guerre, la CGT à longtemps promu un protectionnisme ouvrier. Elle s’est opposée à l’introduction de travailleur·ses étranger·e·s dans la force de travail jusqu’en 1974 et à même été à l’initiative de la création de l’Office national de l’immigration. Quand la CGT a abandonné cette politique étroite, elle est passée à une défense du retour au pays pour les immigré·es.

Actes racistes recensés en France de 1992 à 2020

Le ralentissement économique à partir des années 1970, suivi du tournant néolibéral, a rendu la lutte contre le racisme plus difficile, notamment parce que la dégradation des conditions sociales accentue la concurrence entre travailleur·ses et la recherche de boucs émissaires. Les politiciens de droite et d'extrême droite sont les premiers à attiser ces haines :

« La présence immigrée des Roms, bien qu'elle ne représente pas un véritable danger pour la sécurité des gens, est particulièrement urticante. » Jean-Marie Le Pen[3]

« Il y a une immigration comorienne importante qui est la cause de beaucoup de violence… mais que je ne peux pas quantifier. » Claude Guéant, 11 septembre 2011

Les attentats de 2015 ont attisé les amalgames islamophobes, l'islamophobie étant devenue ces dernières années la principale façon d'exprimer de façon publique un racisme latent contre les populations d'origine maghrébine ou arabe.

Enfin, les racistes n'osent plus parler d'infériorité biologique des minorités ethniques, mais ils mettent en avant une peur panique d'un « grand remplacement » qui viendrait « corrompre les valeurs de la France »...

4.2 Regroupement familial[modifier | modifier le wikicode]

Après avoir mis fin à l’immigration pour motif économique en 1974, l'État a concédé en 1976 le droit au regroupement familial (droit de faire venir sa famille) sous plusieurs conditions (durée de résidence, ressources, logement, ordre public, santé). Beaucoup d'hommes seuls étaient venus travailler en France, voyant très peu leur famille. Le familialisme est un facteur important qui explique qu'une partie de la droite consent malgré ses tendances racistes à autoriser le regroupement familial. Par ailleurs la famille est un facteur de stabilité sociale. Enfin la famille est une source d'économies indirectes importante pour l'État et la patronat, puisque le travail domestique invisibilisé permet souvent aux familles immigrées de « se débrouiller » tant bien que mal avec des bas salaires et une protection sociale défaillante.

Étant donné la restriction de plus en plus forte de l'immigration, le regroupement familial est peu à peu devenu un des motifs d'admission d'étrangers les plus importants, environ le tiers aujourd'hui.

4.3 Immigration « choisie »[modifier | modifier le wikicode]

Les politiciens mettent de plus en plus en avant l'idée de trier les personnes voulant immigrer, ne retenant que celles qui ont des qualifications correspondant à des besoins du patronat de certains secteurs.

Le patronat a notamment besoin de travailleurs saisonniers et de manœuvres pour les travaux les plus durs comme dans le bâtiment.

En 2002, des circulaires émanant des ministères de l'Emploi et de l'intérieur prennent acte de la demande de main d’œuvre qualifiée : « pour demeurer compétitif dans le contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée, les entreprises doivent pouvoir recruter des étrangers présentant pour elles un intérêt technologique et commercial elles envisagent un assouplissement des modalités de séjour. Sont bienvenus, les étudiants étrangers en fin de parcours et les techniciens hautement qualifiés. »

En 2007, Sarkozy parle d'une « immigration choisie ». Cette vision cynique comporte des risques de remise en cause du regroupement familial et du droit d'asile.

Par ailleurs, une grande partie des femmes qui immigrent au titre du regroupement familial sont en fait très demandées par les patrons du secteur de l’hôtellerie, nettoyage...

4.4 Quelques chiffres[modifier | modifier le wikicode]

41 % des immigrés arrivés en France en 2019 sont nés en Afrique et 31,9 % sont nés en Europe. Les nationalités marocaine (9,5 %), algérienne (7%) et tunisienne (4,5%) sont les plus représentées parmi les personnes ayant obtenu un premier titre de séjour en France. Viennent ensuite les Chinois (3%).

Le nombre d'immigrés espagnols, portugais et italiens en France a doublé entre 2009 et 2012 du fait de la crise de la zone euro qui a particulièrement touché les pays du Sud.

Évolution de la population immigrée, 1921 à 2020[4]

Repartition immigres age continent France Insee 2008.jpg

La définition d'immigré dans les statistiques correspond à une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Cela inclut donc aussi bien les sans-papiers que les personnes régularisées ou naturalisées au cours de leur vie.

En revanche, cela n'inclut pas les descendants d'immigrés nés avec la nationalité française. Beaucoup de réactionnaires qui se plaignent qu'il y aurait « trop d'immigrés en France » sont en fait des racistes qui se plaignent du nombre de personnes d'origine ethnique autre que « française », surtout, autre qu'européenne. Si le pourcentage d'immigré est relativement stable, il est clair que le nombre de personnes issues de l'immigration, lui, ne fait qu'augmenter. Il est difficile de donner des chiffres précis, car les statistiques ethniques sont officiellement quasi interdites en France, du fait de l'idéologie républicaine selon laquelle il n'y a qu'une seule nationalité.

4.5 Solde migratoire[modifier | modifier le wikicode]

Le solde migratoire est la différence entre l'immigration et l'émigration.

Il y a également une émigration à partir de la France. En moyenne, quatre immigrés entrent sur le territoire lorsqu’un en sort. Il s’agit essentiellement d’étudiants étrangers quittant la France à la fin de leurs études, de départs à l’issue d’une période d’emploi de quelques années ou encore de retours au pays à la retraite.

Selon l’historien Gérard Noiriel, « plus de la moitié des étrangers qui ont séjourné sur le territoire français ont fini par retourner dans leur pays ou ont émigré ailleurs »[1]. De même, selon l’OCDE, 40% des migrants retournent chez eux dans les 5 ans qui suivent leur arrivée.

4.6 Luttes encourageantes[modifier | modifier le wikicode]

Un certain nombre de luttes assez déterminées ont eu lieu ces dernières années parmi des travailleur·ses immigré·es, notamment des sans-papiers.

Une des plus emblématiques est la lutte des femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignoles (2019-2021), qui se solde par une victoire partielle mais importante. Cette lutte menée malgré toutes les difficultés relatives au fait d'être femmes et immigrées, est devenue pour beaucoup de militant·es un modèle de lutte de classe, féministe et antiraciste. Une des leadeuses de la grève, Rachel Kéké, est devenue députée de la France insoumise en 2022.

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Audio

Lectures

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France. XIXe-XXe siècles. Discours publics, humiliations privées, p.527, Hachette Pluriel, 2009
  2. Ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France
  3. 20 minutes, « Je n'ai jamais fait de provocations verbales », 05/10/2012
  4. Données sur insee.fr (consulté le 31 mai 2019)