Classe travailleuse

De Wikirouge
(Redirigé depuis Classes laborieuses)
Aller à la navigation Aller à la recherche
Travailleurs

La classe travailleuse est au sens des socialistes le prolétariat, c'est à dire la classe des salariés exploités. Pour nous communistes révolutionnaires, ce sont les travailleurs qui peuvent renverser le capitalisme et instaurer une société sans classe.

1 Définition[modifier | modifier le wikicode]

La classe travailleuse, ou classe laborieuse, est l'ensemble des individus vendant leur force de travail à des capitalistes ou dans le secteur public. Mais sont aussi inclus dans la classe les personnes dépendantes de ce travail (conjoint-e, enfants...), ceux qui en sont privés (chômeurs) et ceux qui en ont vécu (salariés retraités). C'est-à-dire la classe des privés de capital, qui est nécessaire au capitalisme. En un mot, le prolétariat.

Cette classe, rendue majoritaire par la Révolution industrielle, était au XIXème siècle majoritairement composée d'ouvriers. C'est pourquoi les premiers "sociologues" ont trouvé l'évidente formule de "classe ouvrière", et les fondateurs du socialisme scientifique (Marx et Engels) ont repris ce terme. Même si proportionnellement le nombre d'ouvriers a beaucoup diminué et que beaucoup d'emplois non-industriels se sont développés, les termes d'ouvrier et de classe ouvrière sont encore souvent utilisés par les marxistes pour désigner les travailleurs et le prolétariat.

2 Importance de la classe travailleuse[modifier | modifier le wikicode]

Parmi les nombreux opprimés du système capitaliste, le socialisme scientifique s'adresse prioritairement à la classe ouvrière. Ceci pour des raisons précises et non pas du fait d'un quelconque sectarisme.

2.1 Le produit du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

Travailleurs

En premier lieu, la classe ouvrière a été créée par le capitalisme, symétriquement à la bourgeoisie industrielle. Cela n'empêche pas que d'autres classes opprimées comme la petite paysannerie subsistent, particulièrement dans les pays non-industrialisés dominés où le développement capitaliste est gêné par l'impérialisme. Mais là où il y a développement de la forme moderne de production, la classe ouvrière se renforce. Or dans la perspective du matérialisme historique, cette forme moderne est un progrès potentiel, si on la débarrasse de l'exploitation.

2.2 La classe au cœur de la production[modifier | modifier le wikicode]

Les ouvriers sont au coeur des rapports de production capitalistes. Ce sont eux qui utilisent les machines ou les outils dans le travail qui génère toute la valeur ajoutée, la plus-value sociale. Ce qui signifie à la fois que ce sont virtuellement eux qui remplissent les poches des bourgeois, et que ce sont eux qui sauraient comment utiliser la puissance productive créée par le capitalisme pour répondre aux besoins sociaux. La grève montre la puissance des ouvriers, qui peuvent attaquer directement les profits de leurs patrons. Une mobilisation révolutionnaire des ouvriers est donc nécessaire pour renverser la bourgeoisie.

2.3 La classe révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]

Malgré toutes les difficultés existant contre la révolution socialiste, le capitalisme en créé les conditions objectives, qui découlent de ses contradictions.

En premier lieu, en prolétarisant des opprimés d'autres classes (petite-bourgeoisie, paysannerie...), il les fait passer d'un travail individualiste à un travail par nature plus collectif : non seulement le travail dans une usine est "réparti", mais face au patron les intérêts ne peuvent être défendus quasiment que par l'unité des travailleurs.

La généralisation du point précédent est qu'au niveau social, tant national qu'international, la division du travail et le caractère social de la production rend les travailleurs interdépendants, ce qui favorise la conscience de classe et l'idée que la production peut être collectivisée.

Enfin, pour faciliter sa gestion de la main d’œuvre la bourgeoisie en arrive à concentrer la population ouvrière dans des centres urbains assez conséquents, ce qui malgré l'aliénation les rend plus susceptibles d'échanger entre eux, et plus proches de la politique et des idées, en particulier révolutionnaires... Par contraste, il est plus difficile à des petits paysans opprimés d'être en contact régulier et de prendre conscience de leurs intérêts communs.

3 Importance numérique[modifier | modifier le wikicode]

Le classe travailleuse, qui était une minorité au début de la Révolution industrielle, est devenue l'écrasante majorité de la population dans les pays impérialistes (91% des actifs en France[1]...).

Les travailleurs salariés sont aujourd'hui le socle de l'économie mondiale. Ils n'en ont pas forcément conscience, mais la quasi totalité des biens de consommation sont issus de la société industrielle, donc de leur propre travail exploité. Les seuls travailleurs de l'industrie produisaient en 1950 les 3/4 du produit social mondial[2] et ce chiffre n'a fait qu'augmenter.

4 Cols bleus et cols blancs[modifier | modifier le wikicode]

Une distinction classique est celle entre cols bleus (travailleur·ses effectuant des métiers plutôt manuels) et cols blancs (faisant du travail de bureau). Ces dénominations viennent des habits de travail (le « bleu de travail » étant fréquent dans le monde ouvrier, et à l'inverse, les employé·es de bureau ont souvent des chemises blanches), mais sont appliquées à des catégories de métiers, indépendamment de leur habit de travail réel.

Aux débuts de la révolution industrielle, au 19e siècle, les cols bleus étaient quasiment assimilés au nouveau prolétariat, tandis que la minorité de cols blancs étaient des cadres très liés au patronat. Avec l'évolution de l'appareil productif, qui nécessite de plus en plus de travailleur·ses qualifié·es, la catégorie des cols blancs s'est massifiée, et les conditions de travail d'une bonne partie d'entre eux se sont rapprochées de celles des ouvrier·ères - qui en parallèle ont pu voir leur condition s'améliorer grâces notamment aux luttes syndicales.

Ainsi, historiquement les cols blancs étaient toujours rémunérés avec un salaire fixe, alors qu'il était fréquent que les cols bleus soient soumis au travail aux pièces ou payés à l'heure avec des contrats précaires. Aujourd'hui il est plus courant pour les ouvrier·ères d'avoir des contrats plus stable de type CDI, et pour les cols blancs, le paiement à l'heure a fait son apparition, voire la précarité derrière certains formes d'auto-entreprenariat.

La montée en puissance des cols blancs est corrélée au développement du secteur tertiaire.

Beaucoup de théorisations différentes ont été faites au sujet des cols bleus et des cols blancs[3]. Beaucoup ont décrit l'essor des cols blancs comme l'essor d'une nouvelle classe moyenne.

🔍 Wikipedia (en) : Blue-collar worker et White-collar worker.

5 Homogénéisation ou différenciation ?[modifier | modifier le wikicode]

La classe ouvrière a connu de nombreuses transformations au cours de l'histoire, sous l'effet de mutations technologiques ou économiques. Par exemple, vers la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, la classe ouvrière encore très marquée par des savoir-faire issus de l'artisanat laisse la place à des ouvriers d'industrie, davantage interchangeables.

Chez Marx, il y a une conviction que la tendance historique est à la grande industrie et à la concentration croissante du prolétariat dans de grandes unités de production, elle-même propice à un essor du mouvement syndical, à un renforcement des solidarités, et à une élévation de la conscience politique. Globalement, cela semble vérifié, en tout cas jusqu'aux années 1970.

Après la Seconde guerre mondiale, pendant les 30 glorieuses, les ouvriers sont concentrés dans des usines de taille encore jamais atteinte. Certes, en parallèle, des nouveaux emplois tertiaires émergent à côté des emplois industriels. Certains se demandent alors s'il s'agit d'une apparition d'une nouvelle couche petite-bourgeoise de col blancs, ou d'une couche de travailleurs.[4]

Mais à partir du tournant néolibéral des années 1980, les grandes usines commencent à s'effriter dans les anciennes puissances impérialistes (Europe, États-Unis, Japon). C'est l'effet de délocalisations, mais aussi et surtout de mutations technologiques (par exemple les dactylo n'ont pas été délocalisées, elles n'existent plus) et des externalisations qui morcellent en plus petites entités.

Dans les nouveaux "ateliers du monde" comme la Chine, les usines atteignent des tailles encore plus grandes.

Ces mutations ont provoqué de nombreux débats pour savoir où va la classe ouvrière, et quel impact sur les possibilités révolutionnaires. Par exemple, en 1974, le sociologue marxiste états-unien Martin Oppenheimer écrivait que les multiples divisions structurelles au sein des travailleur·ses étaient le principal obstacle à l'unification politique de la classe ouvrière.[5]

La même année, Ernest Mandel :

« Contrairement à une légende largement répandue, cette masse prolétarienne, bien que fortement stratifiée, voir son degré d’homogénéité largement accroître et non décroître. Entre un ouvrier manuel, un employé de banque, et un petit fonctionnaire public, la distance est moindre aujourd’hui qu’elle ne le fut il y a un demi-siècle ou un siècle, en ce qui concerne le niveau de vie, et en ce qui concerne l’inclination à se syndiquer et à faire grève, et en ce qui concerne l’accès potentiel à la conscience anticapitaliste. » [6]

Revenant sur ce point en 2007, Daniel Bensaïd considère que Mandel avait raison à l'époque, mais pas sur les années suivantes.

« Si l’argument de Mandel était justifié sociologiquement et stratégiquement (...), il transformait en tendance historique irréversible la situation particulière créée par le capitalisme industriel de l’après-guerre et son mode spécifique de régulation. (...) Loin d’être irréversible, l’homogénéisation tendancielle fut minée par les politiques de déconcentration des unités de travail, d’intensification de la concurrence sur le marché mondialisé du travail, d’individualisation des salaires et du temps de travail, de privatisation des loisirs et du mode de vie, de démolition méthodique des solidarités et des protections sociales. »[7]

Selon l'OIT en 2009, près de la moitié des travailleur·ses dans le monde étaient en situation de travail précaire, et 45,6% étaient dans la pauvreté (moins de 2 $ par jour).[8]

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

ESSF, Sur les évolutions de la classe ouvrière et des mouvements sociaux – Quelques éléments factuels, juin 2016

  1. INSEE 2008
  2. Timur Timofeevich Timofeev, Workers in society : polemical essays, 1981
  3. Martin Oppenheimer, White collar politics, Monthly Review Press, 1985 (Review dans Science & Society)
  4. Martin Oppenheimer, What is the New Working Class?, New Politics, VoL X, no. 13 (Fall, 1972).
  5. Martin Oppenheimer, The Sub-Proletariat: Dark Skins And Dirty Work, January 1974
  6. Ernest Mandel, Introduction au marxisme, 1974
  7. Daniel Bensaïd, Trente ans après : introduction critique à l’Introduction au marxisme d’Ernest Mandel, 2007
  8. International Labour Organization, Global Employment Trends, January 2010