Parti bourgeois
Un parti bourgeois, ou parti capitaliste, est un parti qui défend les intérêts de la bourgeoisie, classe dominante du système capitaliste.
Le plus souvent, ce positionnement n'est pas explicite, mais se fait au travers d'idéologies servant à les faire passer pour plus populaires : nationalisme, libéralisme...
On parle souvent de parti de gouvernement pour désigner les partis qui ont l'habitude d'alterner au pouvoir. Ce type de parti tend à devenir très vite un parti bourgeois s'il ne l'était pas déjà, à force de gérer le capitalisme.
1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Intérêts bourgeois et idéologies[modifier | modifier le wikicode]
Dans un pays capitaliste dictatorial, le parti au pouvoir est un parti bourgeois. Mais souvent, dans un tel cas, il n'exprime souvent qu'un secteur particulier de la bourgeoisie, le plus fort. Un tel fonctionnement a donc des désavantages du point de vue capitaliste, parce qu'il peut générer des conflits au sein de la classe dominante, et générer de l'inefficacité économique en raison des phénomènes de népotisme et de corruption.
C'est une des raisons qui a fait que la forme « démocratique bourgeoise » de domination du capital a eu autant de succès. Elle permet de laisser les différentes aspirations de la bourgeoisie s'exprimer et les différents partis bourgeois se livrer une compétition. Ce régime présente une certaine instabilité, mais a beaucoup de capacité à absorber les oppositions.
Au 19e siècle, les « démocraties » en Europe reposaient sur du suffrage censitaire, et les partis bourgeois étaient principalement en concurrence avec des partis représentant les classes nobiliaires déclinantes. La nature de classe de ces partis était beaucoup plus explicite, du fait qu'ils n'avaient pas besoin de chercher à atteindre un électorat populaire. La bataille pour l'élargissement du suffrage (qui a, très souvent, été obtenue par le mouvement ouvrier) est souvent allée de pair avec la croissance de partis ouvriers sociaux-démocrates. Mais cela a aussi poussé les autres partis à développer des idéologies permettant d'élargir leur base électorale (même si la plupart de leurs promesses envers les classes populaires s'avèrent toujours être de la poudre aux yeux).
C'est la raison de fond qui explique que les partis bourgeois ont développé des discours conservateurs (au nom des traditions), nationalistes (afin de réunir les classes autour d'un roman national), démagogiques, racistes, sexistes... et donc que les partis bourgeois sont principalement de droite. Bien sûr il existe aussi des partis bourgeois plus vers le centre, souvent ceux qui misent sur des discours libéraux (le libéralisme économique étant censé profiter à toute la population), chrétiens-démocrates, etc. Mais chaque crise du capitalisme tend à favoriser les discours les plus à droite.
Ils ont une place très importante dans le maintien de l'illusion démocratique des démocraties libérales.
1.2 Partis petit-bourgeois[modifier | modifier le wikicode]
Parmi les partis bourgeois, on peut distinguer des partis dont le centre de gravité est plutôt dans la bourgeoisie, et d'autres où il est plutôt dans la petite-bourgeoisie. La distinction n'est pas forcément évidente car même un parti bourgeois, de nos jours, est obligé de capter un électorat plus large, et généralement c'est dans la petite-bourgeoisie qu'il est le plus simple pour lui de mordre. Par ailleurs, un parti petit-bourgeois, en ne proposant pas de rupture avec la propriété privée des moyens de production, n'a pas de réelle alternative à offrir par rapport au capitalisme, ce qui signifie que même lorsqu'il arrive au pouvoir, il gouverne plus ou plus de la même façon qu'un parti bourgeois.
Un exemple de ce type de parti est l'ancien parti radical en France[1] (même s'il a été désigné plus tard, suivant son évolution, de « parti petit-bourgeois conservateur »[2]). Lénine désignait le Zentrum allemand (parti catholique) comme un parti petit-bourgeois[3]. Il utilisa aussi ce terme pour les socialistes-révolutionnaires russes.[4]
Le terme de parti petit-bourgeois a parfois été utilisé pour décrire des partis ouvriers devenus réformistes (parfois à côté du terme « parti ouvrier bourgeois »). En 1938, Trotski décrivait le PC des États-Unis comme un « parti petit-bourgeois conservateur qui trompe une partie des travailleurs. »[5] Il employait la même expression à propos des menchéviks post 1917.[6] En 1939, Trotski écrivait même que « la social-démocratie est un parti bourgeois qui remplit les fonctions de frein sur la lutte de classe du prolétariat. »[7]
Les partis fascistes ont pu être caractérisés de partis bourgeois[8] et de partis petit-bourgeois.
1.3 Caractérisations et conséquences[modifier | modifier le wikicode]
Évidemment, le fait de caractériser un parti comme bourgeois a des conséquences pour les partis qui se posent en défenseurs des intérêts des travailleur·ses. On peut dire qu'une tâche stratégique des socialistes révolutionnaires est d'augmenter la conscience de classe, en créant un parti ouvrier délimité des partis bourgeois, et de faire de ce parti ouvrier le parti de masse qu'il peut potentiellement devenir, s'il bat en brèche l'idéologie dominante.
« Le parti ouvrier ne doit jamais être à la remorque d'un quelconque parti bourgeois ; il doit être indépendant et avoir son propre but et sa propre politique. » Friedrich Engels[9]
Cela n'empêche pas que de nombreuses prises de positions tactiques, dans des situations précises, ont pu être défendues par certains courants (par exemple soutenir un parti bourgeois contre un autre), dans l'espoir que cela serve, à plus long terme, l'objectif stratégique.[10]
2 Quelques partis bourgeois[modifier | modifier le wikicode]
Cette section ne vise qu'à donner quelques exemples de variantes de partis bourgeois (ce qui ne signifie pas les mettre tous sur le même plan en toute circonstance). Elle ne vise pas à l'exhaustivité, ce qui serait une tâche sans fin étant donné que l'immense majorité des partis dans le monde sont des partis bourgeois.
2.1 France[modifier | modifier le wikicode]
2.1.1 Les Républicains[modifier | modifier le wikicode]
Anciennement UMP. Il s'agit du parti principal de la bourgeoisie française, conservatrice et pro-patronale. Le parti a connu des hauts et de bas, notamment sous la période sarkozyste, où le mouvement a dû faire face à plusieurs crises (comme l'affaire des frais de campagnes[11]), ce qui a quelque peu motivé le changement de nom. Depuis les primaires de la droite, le parti, sous la direction de Fillon, affiche clairement sa couleur : une politique anti-ouvrière et plus largement "antisociale" totalement assumée, avec la suppression de très nombreux postes de fonctionnaires, la remise en cause des trente-cinq heures[12]…
2.1.2 Rassemblement National[modifier | modifier le wikicode]
Anciennement FN, il s'agissait à l'origine d'un parti fasciste qui, depuis l'arrivée à sa tête de Marine Le Pen, a opéré un virage de dédiabolisation qui lui a permis de grimper dans les sondages. L'électorat du RN s'appuie surtout sur les xénophobes, islamophobes et de façon générale les masses de petits-bourgeois radicalisés par la crise.
2.1.3 Parti Socialiste[modifier | modifier le wikicode]
Le Parti socialiste est à l'origine un parti ouvrier, même s'il a dès son origine été un parti réformiste. Actuellement, certains considèrent qu'il est devenu un parti bourgeois (comparable au Parti démocrate états-unien) à cause des dérives survenue depuis sa fondation allant du tournant de la rigueur, au quinquennat de François Hollande.
2.1.4 EELV[modifier | modifier le wikicode]
Bien que relativement progressiste sur un certain nombre de sujets (écologie, féminisme, LBGTI, racisme...), Europe Ecologie Les Verts est un parti qui se place fondamentalement dans un cadre capitaliste et ne cherche pas à être un parti ouvrier.
Yannick Jadot déclarait en 2019 : « tout le monde est pour l'économie de marché (...) vous voulez que les paysans bio vendent dans les sovkhozes ? Vous voulez l'économie Maduro ? »[13]
2.2 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]
La politique des États-Unis est restée dominée par deux partis bourgeois, même s'il a existé à certains moments d'autres partis notables (Parti populiste, Parti socialiste, Parti communiste...). En revanche le Parti républicain et le Parti démocrate ont connu des transformations notables de leur idéologie et de leur base sociale, finissant même par inverser leur positionnement gauche-droite au cours du 20e siècle.
Par exemple dans un discours en 1898, le socialiste Daniel De Leon expliquait :
« [P]ensant hâter le retour des "beaux jours," les chômeurs en question remplacent le Parti Républicain par le Parti Démocrate, puis le Parti Démocrate par le Parti Républicain — exactement à la manière de nos ouvriers mal informés d'aujourd'hui (Applaudissements.) — car ils ne comprennent pas qu'un Démocrate ne vaut pas plus qu'un Républicain ; ils ne comprennent pas que, Le Commerce Libre et le Protectionnisme, c'est la même chose ; ils ne comprennent pas, qu'en votant pour un partisan de l'étalon-or ou en votant pour un partisan de l'étalon-argent, ils posent un geste identique ; ils ne comprennent pas que toutes ces théories et tous ces partis et toutes ces étiquettes sont également capitalistes et, qu'en votant pour un programme capitaliste, ils contribuent à maintenir les principes sociaux qui les gardent chômeurs ou qui réduisent leurs salaires ! (...)
Le Parti Populiste, qui prône le monnayage libre de l'argent, est lui aussi, et il l'a été durant toute son existence, un parti du Capital : le comportement de ses promoteurs (les tzars des mines d'argent, qui faisaient et font encore crever à la tâche les mineurs à leur emploi) ne permettent pas de mettre en doute ce fait. »[14]
Aujourd'hui encore, des militants trotskistes expliquent la même chose.[15]
En 1912, Lénine désignait aussi comme parti bourgeois le Parti progressiste (un parti bourgeois de gauche).[16]
3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Lénine, De France, 30 mai 1913
- ↑ Léon Trotski, Le Kremlin dans la politique mondiale, 1 juillet 1939
- ↑ Lénine, La bourgeoisie et la paix, 7 mai 1913
- ↑ Lénine, Lettres sur la tactique, 8 avril 1917
- ↑ Leon Trotsky, Answers to the Questions of Lloyd Tupling, 12 August 1938
- ↑ Léon Trotski, Sur Lovestone. Non, ce n’est pas pareil !, 18 juin 1938
- ↑ Léon Trotski, « Paralysie progressive ». La IIe Internationale à la veille de la nouvelle guerre, 29 juillet 1939
- ↑ Léon Trotski, La crise autrichienne et le communisme, 13 novembre 1929
- ↑ Friedrich Engels, On the Political Action of the Working Class, 21 September 1871
- ↑ Voir notamment les pages « Entrisme » et « Elections » pour certains de ces débats.
- ↑ Sarkozy dépense le double du plafond autorisé (Médiapart)
- ↑ Fillon, dans la course pour servir les riches (Lutte Ouvrière)
- ↑ Jadot: "Au paysage politique du 20e siècle de se positionner par rapport à l'écologie", Challenges, 9 juillet 2019
- ↑ Daniel De Leon, Que veut dire cette grève ?, 11 février 1898
- ↑ La classe ouvrière n'avait pas la parole. (Lutte Ouvrière)
- ↑ Lenin, In America, 7 December 1912