Communautés idéales

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New Harmony, projet de communauté du socialiste utopique Robert Owen

Beaucoup de personnes et de courants politiques ont théorisé et mis en place de petites expériences de communautés idéales, en marge de la société (communauté dominante)[1] : des courants religieux, des courants utopiques de toutes sortes, dont beaucoup de socialistes utopiques au 19e siècle, puis ce type de pratique est plutôt devenu au 20e siècle caractéristique de certains milieux libertaires / autonomes, et plus récemment de certains milieux écologistes.

Le phalanstère théorisé par Fourier, ou le familistère de Godin, sont des exemples types de communauté idéale.

La notion de « Cité idéale » est une notion proche, mais elle est souvent connotée comme étant un projet à plus grande échelle, donc plus politique.

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

Aquarelle de 1868 représentant un phalanstère rêvé

Certaines « communautés » se retrouvent de fait à s'organiser à petite échelle sans l'avoir anticipé, au milieux d'événements révolutionnaires. Ce peut être les anabaptistes radicaux de Münster en 1534, les communards à Paris en 1871... Dans ce cas l'expérience ne peut pas être mise sur le même plan que celle de courants ayant d'emblée une intention de former une communauté autarcique stable.

Cette démarche peut être une façon de tourner le dos à la société pour se concentrer sur soi ou son groupe, mais elle est parfois vue comme une façon de contribuer à faire tâche d'huile par son exemplarité. Cette stratégie politique est cependant considérée comme idéaliste par les marxistes.

Les expériences de ce type ont été innombrables dans l'histoire. L'immense majorité n'ont « résisté » que très peu de temps. Même celles qui ont été plus durables ont, dans tous les cas, échoué à démontrer qu'elles pouvaient avoir un pouvoir de faire tâche d'huile.

Les raisons des échecs sont diverses et nombreuses :

  • L'isolement créé une difficulté matérielle en se coupant des nombreux biens qui ne sont pas produits au sein de la communauté. Cette difficulté était sans doute moins marquée à l'époque des sociétés précapitalistes, beaucoup plus agricoles et avec une division du travail beaucoup moins développée.
  • L'idéal d'une répartition des terres en parcelles égales, le tout dans un cadre qui reste marchand, est inatteignable. Des terres ne sont jamais parfaitement identiques en termes de conditions géographiques, de fertilité, etc. et le travail des cultivateurs ne peut pas être identique (différences d'habiletés, d'infortunes diverses...), ce qui génère des différences de rendement et donc de richesse. Cette vision repose en général sur « 1 parcelle = 1 famille », or une famille n'a pas les mêmes besoins qu'une autre (plus ou moins nombreuse, avec des personnes malades...), ce qui peut créer des inégalités entre familles.
  • Dans un schéma collectiviste où la terre est cultivée en commun, il y a toujours le risque qu'il y ait des « passagers clandestins », faisant baisser le rendement global. La morale collectiviste et la culture de l'égalité doit être forte et en permanence être reconstruite lorsque des nouveaux membres sont intégrés depuis la société extérieure.
  • Dans le cas où la productivité est ou devient nettement supérieure à l'extérieur de la communauté (soit du fait d'une innovation technique hors d'accès, soit d'une surexploitation), la communauté doit soit renoncer à ces produits bon marché de l'extérieur, soit s'engager dans la voie d'une auto-exploitation accrue. Dans les deux cas, cela tend à produire des découragements.
  • Le fait de vivre et travailler en permanence avec les mêmes personnes en nombre restreint débouche souvent sur des tensions interpersonnelles, qui peuvent très vite faire éclater une petite communauté. D'autant plus si s'ajoutent les difficultés matérielles évoquées.

En revanche, il est certain que ces expériences ont eu des aspects positifs sur le long terme, en entretenant les réflexions sur les utopies, et à travers elles, au final, l'origine des idées socialistes.

2 Communautés religieuses[modifier | modifier le wikicode]

Les premières utopies ont été marquées par les idéologies dominantes de leurs époques (tout en les critiquant), et sont donc fortement empreintes d'idéalisme et/ou de religion. Les premières tentatives de communautés idéales ont été fondées par des religieux.

Les premiers chrétiens, fortement millénaristes, formaient souvent des groupes pratiquant la communauté des biens.

Les religions instituées ont eu tendance à former des clergés enrichis et conservateurs, repoussant les velléités d'égalitarisme radical. En revanche, elles ont très fréquemment organisé ou toléré des ordres monastiques qui consistent en des communautés vivant selon un idéal (soit en travaillant en commun, soit, le plus souvent, en étant financés par le reste de la société).

Dans les pays pratiquant le bouddhisme du Petit-Véhicule, il est vu comme un devoir sacré d'entretenir les moines afin qu'ils puissent former une communauté idéale arrachée à la vie de labeur.

Ces ordres ne sont cependant pas systématiquement repliés sur eux-mêmes. Les ordres mendiants sont tournés vers la charité, et certains d'entre eux se sont radicalisés, comme les franciscains fraticelles au 14e siècle.

A l'inverse, il est arrivé que des mouvements de contestation, plutôt que de s'affronter à l'ordre dominant, choisissent la voie d'une construction de communautés isolées. C'était le cas par exemple, parmi les hussites, de ceux qui se sont regroupés sous le nom de l'Unité des Frères.

La mission jésuite du Paraguay (1609-1768) a donné lieu à une expérience durable d'organisation d'une communauté chrétienne idéale, qui a beaucoup marqué les intellectuels utopistes de l'époque.

Aux États-Unis, où de nombreux courants issus de la réforme radicale (quakers, amish...) se sont exilés, de nombreux communautés agricoles ont été fondées, dont certaines existent encore aujourd'hui. Kautsky remarquait d'ailleurs que les « colonies » menées par des socialistes issus de milieux urbains (owenistes, fouriéristes...) se sont effondrées beaucoup plus vite que celles fondées par des religieux. Pour lui, la raison est que les aspirations à une vie moderne (plus forte chez celles et ceux qui ont connu une vie urbaine) sont incompatibles avec les contraintes d'une vie commune centrée sur la production agricole.[2]

3 Communautés paysannes[modifier | modifier le wikicode]

Dans certains pays et à certaines époques, des petits paysans ont mis en place des systèmes de solidarité communautaires. C'est le cas par exemple en Russie avec le « Mir » : les paysans se réunissaient régulièrement en assemblées dirigées par les anciens, et procédaient à des décisions pouvant aller jusqu'au repartage des terres en fonction des besoins des familles.

On peut aussi citer les communautés taisibles, par exemple en Auvergne à la fin du Moyen-Âge.

4 Communautés socialistes utopiques du 19e s.[modifier | modifier le wikicode]

Les socialistes utopiques du 19e siècle ont eu des doctrines diverses, mais qui donnaient la plupart du temps une grande importance à la mise en place de communautés devant montrer l'exemple.

4.1 Précurseurs[modifier | modifier le wikicode]

Franz Heinrich Ziegenhagen, auteur de l'utopie Les rapports exacts entre les œuvres de création et le bonheur de l’humanité, tenta de créer une communauté sur la base de « l'existence naturelle » à Steintal, près de Strasbourg.

4.2 La secte saint-simonienne de Ménilmontant[modifier | modifier le wikicode]

La secte de Ménilmontant (1829-1832), fondée par des disciples de Saint-Simon. Fermée par la police.

4.3 Robert Owen et les usines modèles (années 1820)[modifier | modifier le wikicode]

L'industriel philanthrope Robert Owen (1771-1858, britannique), par ailleurs fondateur des coopératives et des syndicats en Grande-Bretagne, a fondé deux communautés :

  • New Lanark en Grande-Bretagne (1813-1828). Usine modèle qui rencontre un grand succès et est visitée par de nombreux visiteurs internationaux.
  • New Harmony (Indiana) (États-Unis) (1824-1829) : domaine de 20 000 acres acheté à une secte. La communauté compte 900 membres en 1825. Elle attire beaucoup de personnalités et visiteurs. Mais échec car retour spontané à la vie privée. Donc New Harmony devient une ville comme les autres.

Les disciples de Robert Owen fonderont de nombreuses communautés en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

4.3.1 En Grande-Bretagne et Irlande[modifier | modifier le wikicode]

  • Communauté d'Orbiston (près de Glasgow, Écosse) (1827-1829). Créée par Abraham Combe (disciple de Robert Owen). Communauté de 300 ouvriers et artisans. Succès économique. Publication d’un journal.
  • Communauté d’Exeter (Downlands Devon, Grande-Bretagne) (1826).
  • Coopérative de Ralahine (Irlande) (1831)[3].
  • Communauté de Manca Fen (Grande-Bretagne) (1838).
  • Coopérative de Quennswood (Grande-Bretagne) (1839). Domaine de 500 arpents loués et immense édifice mégalomaniaque (inachevé) pour seulement 60 membres, donc trop coûteux.
  • Communauté de Pant Glas (Grande-Bretagne) (1840, mort-née).
  • Communauté de Garnwyd ou Leeds Redemption Society (Grande-Bretagne) (1847).

4.3.2 En Amérique du Nord[modifier | modifier le wikicode]

New Harmony (Indiana) suscite au moins deux dissidences sur le même site :

  • Macluria (1826) : scission de 80 méthodistes attachés à leur foi.
  • Feiba-Pelevi (1826).

Dans la foulée de New Harmony, plusieurs autres communautés utopiques owéniennes vont apparaître en Amérique du Nord dans la deuxième moitié des années 1820 :

  • Yellow Springs (Ohio) (1825). Environ 100 familles sur un domaine de 720 acres (Yellow Springs).
  • Blue Spring (Indiana) (1826). 27 familles sur un domaine de 320 acres.
  • Friendly association for mutual interest (FAMI)-Kendall (Ohio) (1826). 50 colons.
  • FAMI-Valley Forge (Pennsylvanie) (1826).
  • Franklin-Haverstraw (New-York) (1826).
  • Communauté de Nashoba (Tennessee) (1826-1830). Domaine de 2 000 acres acquis par les sœurs Wright (écossaises). Pour émanciper les femmes et les noirs (retours en Afrique).
  • Communauté Maxwell (Canada) (1828-1829). Communauté morte née à cause d’un incendie.

En 1843, trois nouvelles communautés utopiques vont apparaître dans cette même lignée (mais probablement stimulés par la vogue des phalanstères fouriéristes) :

  • Equality (Wisconsin) (1843). Communauté de Hunt.
  • Promisewell (Society of One-mentions) (Pennsylvanie) (1843).
  • Goose Pond (Pennsylvanie) (1843). Dissidence de Promisewell.

4.4 Charles Fourier et les phalanstères (années 1830-1840)[modifier | modifier le wikicode]

Le français Charles Fourier (1772-1837), théoricien des phalanges ou phalanstères, a inspiré de très nombreuses réalisations en Europe comme en Amérique, surtout dans les années 1840.

4.4.1 En France[modifier | modifier le wikicode]

Un des phalanstères les plus connus et les plus durables a été le familistère de Guise (Aisne), créé par l’industriel fouriériste Jean-Baptiste Godin en 1849. C’est le seul réel succès de phalanstère en France. Il compte 2 000 membres à la fin 19e siècle. Il ne fut fermé qu'en 1968, témoignant d'une longévité exceptionnelle.

En 1872, Friedrich Engels, dans La question du logement, évoque le Familistère de Guise : « Aucun capitaliste n'a intérêt à édifier de telles colonies, aussi bien il n'en existe nulle part au monde en dehors de Guise, en France ; et celle-ci a été construite par un fouriériste, non comme une affaire rentable, mais comme expérience socialiste. ». En 1886 à l'occasion d'une réédition de ce texte il précise cependant : « Et celle-ci est devenue finalement, elle aussi, un simple foyer d'exploitation ouvrière. »

4.4.2 En Belgique[modifier | modifier le wikicode]

4.4.3 Dans le reste de l'Europe[modifier | modifier le wikicode]

  • Phalanstère de Scâeni (Roumanie) (1834-1835). Fouriériste. Communauté de 400 familles sur des terres prêtées par un jeune boyard. Mais communauté réprimée par l’armée en 1835. Le jeune boyard est déporté.
  • Phalanstère de Petrachevski (près de Saint-Pétersbourg, Russie) (1845 ou 1847). Fondé par l’avocat Mikhaïl Petrachevski pour ses 40 serfs. Mais ceux-ci n’en veulent pas et détruisent le phalanstère. L'écrivain Fiodor Dostoïevski était membre du cercle Petrachevski.
  • Commune de Sleptsov (Russie) (1860). Fouriériste.

4.4.4 En Amérique latine[modifier | modifier le wikicode]

  • Phalanstère d’Oliveira (Palmitar, Brésil) (1841). Fouriériste. Fondé par le médecin français Benoït Jules Mure.
  • Union industrielle du Sahy ou Sahi actuel Sai (Palmitar, Baie de Babitonga, Brésil) (1841-1845). Créé par scission du phalanstère d’Oliveira.
  • Une expérience au Guatemala (1843), une expérience au Venezuela (1844).
  • Topolobampo-Pacific City (État de Sinaloa, Mexique) (1886-1895). Plan mégalomaniaque de construction d’une ville nouvelle fouriériste. En 1893, elle compte 464 habitants de 11 nationalités (mais beaucoup venant des États-Unis). Le gouvernement mexicain l’encourage d’abord, puis s’en méfie[6].

4.4.5 En Amérique du Nord[modifier | modifier le wikicode]

Victor Considérant — Description du phalanstère et considérations sociales sur l'architectonique

Une cinquantaine de phalanstères (ou phalanx en anglais) sont lancés aux États-Unis dans les années 1841-1858 (selon Michel Antony). Jean-Baptiste Godin en aurait compté une trentaine pour la période 1840-1853. Les trois plus connus sont :

  • Brook Farm (Massachusetts) (1841-1847). Fondée par le révérend unitarien George Ripley. Communauté de 115 membres. Style mixte « fouriéro-transcendantalistes » selon Michel Antony. Intense vie culturelle (les écrivains Nathaniel Hawthorne, Margaret Fuller et Marianne Dwight y vivent. L'écrivain Ralph Waldo Emerson aussi, ainsi que le colonel antiségrégationniste Robert Gould Shaw), très célèbre à son époque, mais détruite par un incendie. Plus tard, la communauté de Fruitlands (dates ?) se voudra la poursuite de Brook Farm.
  • North American Phalanx (New-Jersey) (1843-années 1930). Fondée par Albert Brisbane (le principal fouriériste américain, fondateur de la New York Fourier Society. Un record de longévité. En fait, il s’agit d’un véritable phalanstère de 1843 à 1855. De 1855 à la fin des années 1930, elle fonctionne à moitié comme un hôtel et à moitié comme une communauté (North American Phalanx).
  • La Réunion (phalanstère) (Texas). (1853-1875). Fondé, avec l'appui de Jean-Baptiste Godin, par le fouriériste français Victor Considerant. Grande ferme de 1 000 puis 5 000 hectares. Dissoute en 1875 et absorbée par la ville de Dallas (La Reunion (Dallas)).

Les principaux phalanstères nord-américains (avec une pointe en 1843-1844) répertoriés par les historiens sont :

  • État de New-York : Jefferson county industrial association (1843, 400 membres), Morehouse union (1843), North Bloomfield association (1843), Clarckson association-Port Richmond Phalanx (1844, 400 membres), Sodus (Bay) Phalanx (1844, 300 membres), Minxwill Association (1844), Skaneateles (1843-1846) (maximum de 150 membres), Unitary Household (ou Unitarian Home ou Unity Home) (1858-1860). Fouriériste et libertaire. Une centaine de membres dont Stephen Pearl Andrews, l’écrivain Marie Howland (née Stevens), l’avocat Lyman W. Case, la féministe Victoria Woodhull.
  • New Jersey : Raritan Bay Union (1853) (Raritan Bay Union).
  • Massachusetts :
  • Pennsylvania : Sylvania Phalanx (1843), Leraysville Phalanx (1844), Social reform unity (1842)
  • Ohio : Ohio Phalanx (ex-American phalanx) (1844), Clermont (ex-Cinicinnati) phalanx (1844), Trumbell phalanx (1844), Prairie Home (Ohio) (1844) (Fouriériste libertaire), Columbia phalanx (1845), Utopia ou Trialville (1847-vers 1860) (où sera présent le futur anarchiste Josiah Warren).
  • Michigan : Alphadelphia phalanx (et Wastenaw phalanx) (1844, 400 membres).
  • Indiana : La Grange phalanx (1844), Philadelphia industrial association (1845), Fourier phalanx (1858).
  • Illinois : Bureau county phalanx (1843), Canton phalanx (1845), Integral phalanx et Sangamon phalanx (1845).
  • Wisconsin : Wisconsin phalanx (1844-1850) (communauté de 32 familles. Équilibre réussi entre individualisme familial et esprit communautaire), Spring farm phalanx et Pigeon river Fourier colony (1846).
  • Iowa : Iowa pioneer phalanx (1844).
  • Ontario(?) : Ontario Union (ou Manchester Union) (1844).
  • Kansas Coopérative farm (Silkville, Kansas) (1869-1892). Financée par le riche fouriériste français Ernest Valeton de Boissière[7].

4.5 Étienne Cabet et les Icaries (1848-1855)[modifier | modifier le wikicode]

Icaria-speranza.jpg

Étienne Cabet (1788-1856, français) expose dans son livre Voyage en Icarie (1840) sa vision de la cité idéale, basée sur une forme de communisme chrétien. Huit « Icaries » seront ensuite créées aux États-Unis par les partisans de Cabet partis de France en 1848, dont :

  • Icarie, sur les bords de la rivière Rouge, au Texas, en 1848, créée par Étienne Cabet.
  • Icarie à Nauvoo, sur une rive du Missouri (Illinois) (1849). Les volontaires se succéderont par vagues pendant la seconde moitié du 19e siècle. On en recense 526 en (dont une centaine d’enfants), juste avant une première scission et le départ de Cabet.
  • Icarie de Corning (Iowa) (1852-1898). Le plus grand groupe de colons est arrivé en 1858 avec l'intention de vivre à la mode communautaire. C'est dans cette cité que les Icariens sont restés le plus longtemps aux États-Unis, demeurant jusqu'en 1898. Les Jeunes Icariens, rejettent l’aspect autoritaire de Cabet pour devenir libertaires.
  • Icaria-Speranza à Cloverdale, dans le comté de Sonoma, en Californie, de 1881 à 1886.

4.6 Autres premières expériences socialistes[modifier | modifier le wikicode]

Il est possible que ces expériences se soient inspirées de Robert Owen ou Charles Fourier, mais cela reste à confirmer.

4.6.1 Expériences en France[modifier | modifier le wikicode]

4.6.2 Expériences en Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

4.6.3 Expériences en Grande-Bretagne[modifier | modifier le wikicode]

  • The Concordium (Alcott House) (Grande-Bretagne) (1838).
  • Communitarium de Moreville (Grande-Bretagne) (1843).

4.6.4 Expériences en Amérique latine[modifier | modifier le wikicode]

  • New Australia / Nouvelle-Australie (Paraguay) (1893). Grande ferme créée par 250 australiens, soutenus par le gouvernement du Paraguay. Colonie dont la déclaration de principe disait : « Il est désirable et nécessaire que, par l'établissement d'une communauté dans laquelle tout travail soit en commun pour le bien commun, une preuve immédiate soit donnée de ce fait qu'hommes et femmes peuvent vivre dans l'aisance, le bonheur et l'intelligence, et dans un ordre inconnu à une société dans laquelle nul ne peut être sûr de ne pas mourir de faim le lendemain, lui et ses enfants »[10].
  • Colonie Cosme (Paraguay) (1894-1904). Créée par scission de New Australia. Communauté de 60 membres dissoute en 1904.
  • République universelle de l’harmonie (Mexique, 1869). Créée pendant les deux mois d’insurrection de Lopez Chavez, puis écrasée.

4.6.5 Expériences en Amérique du Nord[modifier | modifier le wikicode]

  • En 1851, Weitling se rendit dans la colonie Communia (Iowa), fondée en 1847, et en devint administrateur. Trois ans plus tard la colonie est ruinée.

5 Cités ouvrières[modifier | modifier le wikicode]

Les cités ouvrières sont des ensembles d'habitats ouvriers, généralement construits par un patron pour les familles ouvrières de son usine, ou par des pouvoirs publics (on peut y voir en un sens un précurseur des HLM).

En 1849, après être devenu président de la république, Louis-Napoléon Bonaparte fait construire la première cité ouvrière à Paris (Cité Napoléon).

Il y a un recoupement avec la notion de communauté idéale imaginée par les socialistes utopiques (qui est en grande partie un socialisme par en haut), mais contrairement à eux, les dirigeants paternalistes qui construisent ces cités ouvrières ne le voient pas comme un pas vers le socialisme, mais comme une façon de rendre supportable le capitalisme.

6 Coopératives[modifier | modifier le wikicode]

On peut voir les coopératives, qui se forment à partir du 19e siècle (voire même avant, les amicales) et qui sont soutenues par la plupart des socialistes, comme une forme qui ressemble en partie à une communauté idéale. En partie seulement, car une coopérative n'est pas coupée de la société, par ses échanges de marchandises et ses recrutements de nouveaux travailleur·ses. Il existe une grande variété de coopératives :

  • certaines sont réduites à un intérêt pratique de mutualisation pour faire des économies (beaucoup de coopératives agricoles et de coopératives de consommation) ;
  • certaines sont de vrais projets socialistes ou socialisants, notamment des coopératives ouvrières de production dans lesquelles les salaires sont égaux, et où les décisions sont prises réellement démocratiquement.

Les kibboutz sont des formes de coopératives agricoles fortement influencées par le socialisme.

7 Communautés libertaires[modifier | modifier le wikicode]

Une affiche de L’En-dehors pour les « milieux libres ».

Progressivement vers la fin du 19e siècle, des partis ouvriers socialistes de masse apparaissent, et le marxisme devient la pensée majoritaire dans ces partis, qui s'appuient notamment sur des succès électoraux croissants et des syndicats de masse centrés sur des revendications immédiates (« social-démocratie »).

De ce fait, le socialisme va être associé à l'idée d'une stratégie de militantisme de masse et de conquête de l'État. Par conséquent, à partir de ce moment, les petits groupes qui vont continuer dans la voie des communautés intentionnelles vont plutôt s'emparer de variantes d'anarchisme, et on formera alors plutôt des « communautés libertaires » (le terme « libertaire » est créé par Joseph Déjacque, issu du socialisme utopique).

Mais la religion continue par ailleurs à être une source idéologique pour ces milieux communautaires, parfois en combinaison (christianisme social, anarchisme chrétien...).

Sur le plan des idées, ces milieux connaissent deux évolutions majeures se produisent :

  • Certaines tendances « autoritaires » du socialisme utopique, consistant parfois à imposer des modes de fonctionnement très précis aux membres des communautés, disparaît définitivement au profit de l'idée de liberté individuelle. Il en résulte notamment des expérimentations en ce qui concerne les mœurs (amour libre...).
  • La foi dans le progrès matériel est souvent remise en cause au profit d'un retour à une vie jugée plus « naturelle ». D'où de premières tentatives de vie écologiste, de végétarisme, de naturisme. Ceci sous l'influence en particulier de l'américain Henry David Thoreau (1817-1862) aux États-Unis et de Lev Tolstoï (1828-1910) en Europe.

8 Communautés hippie (1966-1975)[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement hippie né en 1966 à San Francisco représente la dernière résurgence spectaculaire du socialisme utopique. Pour le hippie, il s'agit de fuir la société capitaliste pour bâtir une contre-société libertaire et communautaire basée sur l'égalité, la fraternité et la liberté. « Ronald Creagh, qui a travaillé sur ces « laboratoires de l’utopie » libertaires aux États-Unis, replace le mouvement communautaire dans une histoire bien plus longue qui commence avec les communautés d’inspiration owenistes ou fouriéristes. Pour lui, il y aurait eu deux phases de floraison des communautés, l’une avant 1860, l’autre après 1960 »[11].

Le mouvement hippie revendiquera sa filiation avec les socialisme utopiques : Patrick Rambaud, l'un des piliers d'Actuel, acteur et observateur du mouvement soixante-huitard français, le reconnaît : « Les communautés ne sont pas nées dans les années 1960 aux États-Unis en France et en 70 en France. Ça existait au 19e siècle avec Fourier, Cabet qui part en Floride fonder l'Icarie, et même les pirates du 16e siècle ! »[12]. Aux États-Unis, en 1967, la vie matérielle du quartier hippie de San Francisco (Haight-Ashbury) est assurée par un groupe baptisé les Diggers, en référence à un mouvement communiste utopique du 17e siècle. Les liens sont parfois même structurels entre communautés socialistes utopiques et hippies à l'exemple de Joan Baez, qui aurait été élevée dans la Ferrer Colony de Stelton (New Jersey)[13]. Les textes de Charles Fourier prônant la libération sexuelle sont réédités en 1967[14].

Pour certains spécialistes du mouvement hippie, « les communautés sont l'expression par excellence du mouvement : son infrastructure, l'ancrage social sans lequel il aurait vite été réduit à une simple mode aussi extravagante qu'éphémère. Les communautés sont sa signature au bas de l'histoire du 20e siècle »[15].

Le mouvement sera certes divers : « Dès le départ, aux États-Unis comme en France, dans les années 1971-1972, le mouvement communautaire part dans tous les sens, égarant ses propres observateurs et zélotes : communautés campagnardes (plus radicales) et communautés urbaines pour R.P. Droit et A. Galien ; communautés de combat (orientées vers le témoignage politique, façon Larzac) et communautés de ruptures (plus préoccupées de réinventer la vie, à l'indienne s'il le faut) pour Henri Gougaud ; communautés de travail (modèle médiéval des compagnons), communautés religieuses (Lanza del Vasto et sa communauté de l'Arche ont été un peu vite annexés par les freaks mystiques : eux ont disparu, l'Arche existe encore) »[16].

Le mouvement sera aussi spectaculaire qu'éphémère :

  • En France : « 1971, 1972 et 1973 seront les grandes années des communautés en France. Il y en aurait un demi-millier, avec des pointes jusqu'à 50 000 communards l'été pour une population permanente de 5 à 10 000 hippies, zonards, freaks et autres marginaux confirmés dans leur choix d'une autre société »[17].
  • La plus vaste expérience européenne sera celle de la commune libre de Christiania, à Copenhague (créée en et existant encore aujourd'hui).

9 Communautés aujourd'hui[modifier | modifier le wikicode]

Des formes de tentatives de communautés idéales perdurent aujourd'hui à travers :

10 Autres[modifier | modifier le wikicode]

Si l'on parle de communautés intentionnelles dans un sens très large (peu idéologisé, et très inséré dans la société), on peut aussi évoquer les coopérative d'habitation ou le cohabitat.

Parmi les curiosités, on peut aussi citer le mythe de la cité pirate de Libertalia (fin 17e s.) ou encore les rencontres du Contadour, de Jean Giono (1935-1939), centrées sur l'épanouissement personnel et le pacifisme.

11 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. En sociologie on parle de communautés intentionnelles.
  2. Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
  3. (en) « The Ralahine Commune », sur clarelibrary.ie
  4. Danielle et Philippe Duizabo, « Les débuts utopiques (1832-1836) », sur la.colonie.free.fr,
  5. Bernard Desmars, « Itinéraires de militants fouriéristes dans la seconde moitié du XIXe siècle (Note sur quelques travaux) », Cahiers Charles Fourier, no 15,‎ (lire en ligne)
  6. (es) « Topolobampo, historia de una utopía », sur monografias.com
  7. Avant cette expérience américaine il avait déjà mis en pratique certaines de ces idées dans son domaine de Certes à Audenge (Gironde)
  8. Chantal Guillaume, « Le commerce véridique et social de Michel Marie Derrion (1835-1838). Cahiers Charles Fourier n° 16 - décembre 2005 », sur ateliber.lautre.net
  9. Bernard Desmars & Daniel Chérouvrier, "La colonie agricole-industrielle de Saint-Just : un essai socialiste en 1850 dans la Marne", Cahiers Fourier, 2017, n°28, p.16-36.
  10. Charles Droulers. 'Socialisme et colonisation, une colonie socialiste au Paraguay, la Nouvelle-Australe
  11. L'En Dehors - « Communes », « Communautés », « Milieux libres »
  12. Patrick Rambaud, cité par Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'aventure hippie, Plon, 1992, page 124 et Bernard Thésée, les aventures communautaires de Wao le laid, 1974 cité p. 126-127.
  13. Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'aventure hippie, Plon, 1992, page 130
  14. Michel Bozon, Fourier, le Nouveau Monde Amoureux et mai 1968, Clio, numéro 22/2005 ([1])
  15. Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'aventure hippie, Plon, 1992, p. 112.
  16. Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'Aventure hippie, Plon, 1992, p. 133
  17. Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'Aventure hippie, Plon, 1992, page 112.