Unité des Frères
L'Unité des Frères est le nom que se donnaient des hussites qui ont formé des communautés idéalistes en Bohême (dans l'actuelle Tchéquie) au 15e siècle.
1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
Au 15e siècle en Bohême eut lieu une révolte paysanne et religieuse inspirée par Jan Hus, contestant le clergé catholique et les féodaux (croisades contre les hussites - 1420 à 1434).
2 L'Unité des Frères[modifier | modifier le wikicode]
Le mouvement hussite était très divers. Une partie modérée fit un accord avec Rome, les utraquistes. Une partie radicale choisit la violence, les taborites. Le courant qui sera nommé Unité des Frères choisit plutôt un repli sur la vie en communautés idéales, résistant seulement passivement.
Un certain nombre de groupes ont commencé à affirmer leurs tendances autour de Petr Chelčický, dont l’œuvre se situe entre 1420 et 1440 et qui a hérité des conceptions vaudoises la condamnation d’un monde dans lequel les descendants dégénérés du Christ croient pouvoir fonder une société de chrétiens. Simple laïque, cet ascète tonnait contre les mauvais prêtres et menait une existence retirée, directeur d’un grand nombre d’âmes inquiètes et mystiques qui venaient se retremper dans la solitude de Kunwald (Bohême orientale). Ses sectateurs voulaient une cité excluant la propriété individuelle, tout en pratiquant la non-résistance au mal et la non-coopération avec les autorités instituées.
Sous la direction du frère Rehor (Grégoire), ces solitaires furent groupés au sein de l’« Unité des Frères ». Fortement établies en Bohême, ces communautés d’artisans et d’agriculteurs mènent une vie séparée des autres chrétiens. Elles résisteront aux persécutions ; le nombre de leurs adhérents pourra s’élever jusqu’à 100 000 ; mais les intérêts matériels sont rapidement devenus trop considérables pour que l’Unité des Frères puisse s’isoler du monde et refuser à la longue de participer aux fonctions séculières. A la fin du 15e siècle, le caractère communiste des premières fondations a disparu, ce qui n’empêchera pas l’Unité de continuer à jouer un rôle important dans la vie culturelle tchèque jusqu’à sa disparition après la Montagne blanche.
L’on voit refleurir l’esprit primitif de l’Evangile dans les communautés allemandes établies en Moravie dans les propriétés des Lichtenstein à Nikolsburg ou des Kaunitz à Austerlitz dans les premières décennies du 16e siècle. Il s’agit d’anabaptistes, qui pratiquent la fraternité communiste, ne possèdent rien en propre et prennent leurs repas en commun sous la direction des anciens. Ils se livrent à des joutes idéologiques, trouvant dans l’Ancien Testament des arguments contre les riches, l’État et l’obligation du service militaire ; ils renoncent au port de l’épée, qu’ils remplacent par un sabre de bois, d’où le nom de Stäbler qui leur a été donné. Vers 1530 ces « Frères moraves » reçoivent leur organisation des mains du chapelier tyrolien Jakob Hutter, sur la base de la séparation complète avec le monde des infidèles et d’un communisme intégral, mais sous la direction disciplinaire des « ministres de la parole ». Ces communautés réussirent vers le milieu du siècle à essaimer en Pologne, grâce à l’action de Pierre de Goniadz, qui prit également comme emblème l’épée de bois ; mais à l’idéologie socialiste et pacifiste se mêlèrent ici des conceptions antitrinitaires. D’autre part, les Frères polonais n’acceptèrent pas la différenciation sociale entre les ministres de la parole, maîtres absolus de la foi, de la loi et du travail, et la masse soumise à un labeur forcé. Les Polonais eurent aussi leur « Jérusalem nouvelle » dans la cité de Rakow, basée sur la parole de l’Evangile, mais qui ne put s’entendre avec le « communisme » morave.
Le conflit surgit également entre ceux qui, sans se fondre dans la masse des fidèles, pratiquent la soumission aux autorités, et ceux qui condamnent le droit du glaive. Il fut impossible de maintenir longtemps un compromis entre les tendances anarchiques et les nécessités communautaires : là où les groupes purent atteindre une certaine stabilité, ce fut au prix d’un étouffement de la spéculation intellectuelle ; là où ils essayèrent de se mêler au monde, ils durent abandonner leur pureté doctrinale.
3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Jacques Droz, Histoire générale du socialisme - Tome I, 1972