Collaboration de classe

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La CFDT est un exemple de syndicat dominé par une vision de collaboration de classe.

On parle de collaboration de classe lorsque les représentants (chefs de syndicats, de partis politiques...) de classes sociales différentes collaborent entre eux, et donc abandonnent (ou mettent en veilleuse) la lutte des classes.

Dans le cas d'une collaboration entre la bourgeoisie et le prolétariat organisée par les représentants de ces derniers, on parle d'opportunisme politique. L'opposé est l'indépendance de classe.

1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Depuis l'apparition des sociétés de classe et donc de la lutte des classes, les classes sociales ont eu des rapports différentes entre elles, la ou les classes dominante(s) pouvant user de domination pure (Inquisition au Moyen-Âge, bonapartisme...) comme de subterfuges idéologiques pour maintenir leur opprobre sur la société. Lors de temps de paix sociale, certaines de ces classes, en particulier la bourgeoisie, cherchèrent à collaborer avec les classes dominantes d'antan en attendant de prendre leurs places au fil de l'évolution des rapports de production.

2 Formes[modifier | modifier le wikicode]

Cette collaboration a pris des formes très diverses et difficilement perceptibles si l'on rejette le modèle du matérialisme historique.

2.1 Collaboration entre la noblesse et le clergé[modifier | modifier le wikicode]

La collaboration entre la noblesse et le clergé (l'Eglise) est l'une des plus anciennes et documentées de collaborations de classe. En effet, cette collaboration permettait à la noblesse de disposer d'un corps religieux justifiant leur domination (droit divin...) ; en échange, la noblesse assurait la mainmise du clergé dans la société, si nécessaire au moyen de la force (extermination des cathares...).

2.2 Collaboration entre la bourgeoisie et la noblesse[modifier | modifier le wikicode]

Parce que le prolétariat représentait une menace à l'établissement et l'enrichissement des bourgeois et qu'il existait plus de liens entre la bourgeoisie et la noblesse qu'entre la bourgeoisie et le prolétariat, les bourgeois ont souvent collaboré avec les représentants de vieilles dynasties en échange de la mise en place du mode de production capitaliste. Ceci a deux intérêts : d'une part, les monarques usent le plus souvent d'un arsenal répressif pour se maintenir au pouvoir, que l'on ne retrouve pas dans les démocraties bourgeoises ; d'autre part, les futures révoltes cibleront en priorité la famille royale, dissimulant le rôle de la bourgeoisie et permettant la reconstruction d'un État bourgeois sur des bases plus saines, en attendant la future crise.

Cette collaboration, lorsqu'elle fonctionnait, finissait par prendre la forme d'une monarchie plus ou moins "constitutionnelle" (par opposition à celle de droit divin), que l'on retrouve dans de nombreux pays (Royaume-Uni, Belgique) ; mais il se peut que le monarque se maintenait à vie au pouvoir, invoquant l'origine divine, comme au Japon jusqu'à l'établissement de la Constitution de 1949. Elle persiste à l'heure actuelle : ainsi, les ressources pétrolifères d'Arabie sont au main d'entreprises privées quand le pays est dirigé d'une main de fer par la famille royale...

2.3 Collaboration entre le prolétariat et la bourgeoisie[modifier | modifier le wikicode]

Cette forme de collaboration, bien plus rare, a pourtant été le moteur des principaux évènements de l'histoire moderne. Le plus souvent, cette collaboration s'effectuait entre les représentants du prolétariat (Partis ouvriers, syndicats...) et ceux de la petite-bourgeoisie (radicaux...). Cet opportunisme a causé la défaite de nombreux mouvements ouvriers.

2.3.1 Révolution française[modifier | modifier le wikicode]

Lors de la Révolution française, c'est sur la sans-culotterie parisienne, une base sociale que l'on ne pouvait qualifier de classe à part entière mais qui comptait de nombreux membres que l'on pourrait qualifier de prolétaires, que la bourgeoisie ascendante s'est appuyée pour exiger ses revendications, notamment la mise en place d'une Assemblée démocratique et permanente. Alors qu'elle prétendait défendre les intérêts du peuple entier (le Tiers-Etat), elle utilisait en réalité les ficelles du pouvoir à son avantage : ainsi, l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen consacre la propriété privée, posant ici les bases du capitalisme moderne[1]. Mais les bourgeois s'aliénaient également la fraction extrémiste des sans-culottes (incarnés notamment par les Enragés), qui voulaient en finir une bonne fois pour toutes avec les accapareurs et la monarchie. C'est pour cette raison qu'au nom du salut public, ces derniers seront exterminés, tout comme les autres opposants et représentants de classes (notamment du clergé).

2.3.2 Marx et l'indépendance de classe[modifier | modifier le wikicode]

Karl Marx et Friedrich Engels, en particulier depuis leurs expériences dans les révolutions de 1848, ont insisté sur l'importance pour la classe ouvrière de s'organiser dans une force défendant ses propres intérêts, séparément des bourgeois de gauche.

En 1848, les forces et la conscience de la classe ouvrière était encore faibles, et il restait encore beaucoup d'acquis démocratiques à conquérir, ce qui nécessitait souvent des alliances plus ou moins étroites avec des forces bourgeoises. La politique préconisée par Marx et Engels était alors de démarrer la lutte avec ces forces, tout en se tenant prêts à la rupture lorsque celles-ci trahiraient ; ils parlaient de « révolution permanente ».

Dans les décennies qui suivent la question se pose encore. Par exemple, le premier véritable parti ouvrier (l'ADAV) est fondé en 1863 par Lassalle, qui est assez éloigné de la vision de Marx, tandis que Bebel et Liebknecht (partisans de Marx) co-dirigent entre 1866 et 1869 le Parti populaire saxon avec des bourgeois radicaux. Sur le plan organisationnel, l'ADAV a réalisé une indépendance de classe plus complète que les marxistes. Mais ces derniers reprochaient à Lassalle de s'être mis à la remorque du conservateur Bismarck, ce qui ruinait dans les faits cette indépendance de classe.

En 1869, suite à la montée en importance de la question de la classe, le Parti populaire saxon éclate, et le Parti ouvrier social-démocrate est créé. En 1875, il fusionnera avec les forces de l'ADAV pour renforcer et unifier le parti ouvrier en Allemagne, ce qui deviendra le puissant Parti social-démocrate (SPD).

« Partout l'expérience a démontré que le meilleur moyen de libérer les ouvriers de l'emprise des partis traditionnels consiste à créer dans chaque pays un parti du prolétariat ayant une politique propre, une politique qui se distingue clairement de celle de tous les autres partis parce qu'elle doit exprimer les conditions de l'émancipation de la classe ouvrière. »[2]

2.3.3 Révolution russe[modifier | modifier le wikicode]

Lors de la révolution russe, ce sont les menchéviks qui incarnaient cet opportunisme politique, en cherchant à favoriser le développement de la bourgeoisie et ainsi de suivre le schéma étapiste "féodalisme-capitalisme-communisme". Ils insistaient sur la conciliation avec les bourgeois libéraux du parti KD, la mise en veilleuse des revendications ouvrières par souci de "tact", voire pour une partie d'entre eux pour l'abandon d'un parti politique délimité. Les bolchéviks autour de Lénine étaient sur une ligne plus combative : même s'ils n'envisageaient pas possible de passer directement d'un mode de production féodal à un mode de production socialiste, ils estimaient que l'indépendance de classe du prolétariat, entraînant la paysannerie, était le meilleur de pousser en avant la révolution démocratique (malgré les hésitations bourgeoises).

2.3.4 Révolution espagnole[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930 en Espagne, cette collaboration s'est manifestée par le soutient des anarchistes mais aussi des communistes stalinisés au gouvernement bourgeois, qui était en lutte face aux hordes franquistes soutenues par la haute-bourgeoisie et la noblesse.

2.3.5 Grèves de juin 1936 en France[modifier | modifier le wikicode]

Lors des grèves de juin 1936 en France, les communistes (stalinisés), socialistes réformistes et radicaux petits-bourgeois se sont alliés au sein du Front Populaire pour tenir tête aux fascistes. Mais il ne s'agissait pas d'un front unique : l'Internationale Communiste, stalinisée, considérée qu'il valait mieux mettre en sourdine les revendications du mouvement ouvrier français plutôt que de le soutenir afin de lutter contre le spectre du fascisme, d'autant plus que le gouvernement soviétique était alors en bon terme avec le pays :

« Pour nous, le pacte était moins une fin qu’un commencement. Nous avions posé les bases de l’unité de la classe ouvrière ; il fallait élargir notre alliance, l’étendre aux classes moyennes afin d’assurer la défaite du fascisme. »  [Maurice Thorez, dirigeant du PCF]


Manifestations de soutient au Front Populaire

Abandonnant le mouvement ouvrier à lui-même, le Front Populaire a perdu le soutient de sa base et s'est dissout de ses contradictions internes. Il a laissé place à un gouvernement fantoche de droite, qui fût bien vite renversé par Pétain lors de l'invasion allemande.

2.4 Collaboration entre le prolétariat et la paysannerie[modifier | modifier le wikicode]

Cette forme d'alliance a été théorisée par Lénine sous le nom d'« alliance du prolétariat et de la paysannerie (russe) ». Mise en pratique dans les premiers temps de la révolution, les bolchéviks perdirent le soutient de la paysannerie après qu'ils durent réquisitionner les récoltes durant la guerre civile russe.

3 Paix sociale[modifier | modifier le wikicode]

On parle souvent de « paix sociale » lorsque la collaboration de classe instaure un climat dans lequel il n'y a pas de grands conflits entre les classes. Ce terme permet de valoriser la collaboration de classe comme quelque chose de « civilisé » et « raisonnable », et de masquer le fait qu'il s'agit l'immense majorité du temps de compromis avec certaines couches du salariat qui s'en sortent un peu mieux, tout en laissant de larges franges du prolétariat dans la précarité, le chômage ou la sur-exploitation.

En 1900, le marxiste Kautsky remarquait que la période était une période de relative paix sociale, tout en estimant que « notre vie politique ne sera pas toujours aussi calme qu’aujourd’hui »[3]. Cependant, dans les années qui ont suivi, il en est venu à théoriser un « ultra-impérialisme » amenant la paix, puis à défendre une politique de collaboration avec la bourgeoisie pour atteindre cette paix sociale, alors même que se déchaînait la première guerre mondiale.

Le « dialogue social » entre « partenaires sociaux » est un des principaux outils pour soi-disant parvenir à la paix sociale.

En Suisse, on parle de « paix du travail » pour désigner l’institutionnalisation de la collaboration entre syndicats et patronat.

4 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]