Cogestion

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Bulletin d'information d'un comité d'entreprise allemand

La cogestion désigne la mise en place de formes de gestion (d'entreprises, de caisses de sécurité sociale...) avec des représentants du patronat et des syndicats de salarié·es. On parle aussi de paritarisme.[1]

C'est une forme de gestion qui, en mettant en avant l'idée de gestion raisonnable entre « partenaires sociaux », remplace la lutte de classe par la collaboration de classe, et fait accepter comme horizon indépassable le capitalisme.

1 Cogestion de fonds de protection sociale[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Tendances[modifier | modifier le wikicode]

Pour se prémunir des risques de pertes de revenus (maladie, chômage, vieillesse...), les travailleur·ses ont historiquement compté d'abord sur des formes corporatives (sociétés amicales, corporations d'Ancien régime...).

La révolution industrielle a mis à mal le monde artisanal et ces formes corporatives, et développé un prolétariat moderne. Dès lors, en fonction des différentes situations historiques, plusieurs formes de protection ont peu être mises en place :

  1. des nouvelles formes de solidarité ouvrière (Bourses du travail...) ;
  2. des fonds en cogestion patronat-syndicats ;
  3. des systèmes gérés par l'État.

Ces systèmes peuvent être instaurés dans des secteurs particuliers (bâtiment, métallurgie...), ou à l'échelle nationale.

Il y a eu une tendance historique à l'évolution entre ces trois formes (1->2->3), au grès du renforcement de la lutte des classes, pour plusieurs raisons :

  • Le renforcement des mouvements ouvriers et socialistes a favorisé la solidarité ouvrière en même temps qu'il a rendu inacceptable la précarité des travailleur·ses ; le renforcement de la solidarité ouvrière favorisait tendanciellement le rapport de force dans la lutte des classes ;
  • Les concessions par le patronat, en acceptant de cofinancer la protection sociale, ont été un moyen de désamorcer cette lutte des classes ou de canaliser les dirigeants syndicaux dans les organes de cogestion ;
  • La prise en charge par l'État est un moyen à la fois de rationaliser les coûts (en mutualisant sur une plus large échelle), et de désamorcer encore davantage la lutte des classes en le faisant apparaître comme le garant de l'intérêt général.

Toute cette évolution favorise la bureaucratisation des syndicats.

1.2 Système bismarckien[modifier | modifier le wikicode]

Cette transition peut prendre des formes hybrides. Ainsi, formellement, la loi peut obliger les représentants du patronat et des syndicats à mettre en place des systèmes de cogestion, sans que l'État soit formellement l'organisateur. Le premier exemple est le modèle bismarckien, en Allemagne.

La France a suivi, avec par exemple la loi du sur les retraites ouvrières et paysannes, qui prévoit des versements paritaires.[1]

1.3 Évolutions de la Sécurité sociale française[modifier | modifier le wikicode]

A la Libération, le rapport de force ouvrier est tel que la Sécurité sociale est gérée par les représentants syndicaux. La caisse de la Sécurité sociale est alors nettement distincte du budget de l'État.[2]

Puis, en 1967, la parité est introduite dans la gestion de la Sécurité sociale. Dès lors, le patronat pourra toujours avoir le dernier mot, car il suffit d'une seule défection d'un syndicat pour avoir une majorité. Dans un article, Nicole Questiaux, ex-ministre des affaires sociales, soulignait que le régime du paritarisme a peu à peu contribué à « responsabiliser » les syndicats français, en particulier les plus modérés (CFDT, CGC et CFTC)[3].

Puis progressivement, l'État a renforcé son contrôle sur la Sécurité sociale, ce qui est une façon de sortir de la cogestion (on parle de « tripartisme »).[4]

Pierre Guillen, qui fut successivement délégué général de l’UIMM[5], puis vice-président du Medef, était un défenseur du paritarisme, qui était selon lui plus efficace que la gestion par l'État.

1.4 Situation actuelle[modifier | modifier le wikicode]

Les institutions paritaires de protection sociale sont très présentes en Europe et plus particulièrement en Europe de l’Ouest et en Scandinavie. On estime le capital combiné de toutes ces institutions à 1300 milliards d’euros et à 80 millions le nombre de citoyens européens bénéficiant des avantages offerts. Elles se sont regroupées en 1996 dans l’Association européenne des Institutions paritaires de protection sociale (AEIP)[6].

On trouve aussi des institutions paritaires en Amérique du Nord[7],[8],en Amérique du Sud, en Inde et au Japon.

En France, outre les différents organismes de la sécu, on peut citer :

2 Cogestion d'entreprises[modifier | modifier le wikicode]

Dans la plus pure logique bourgeoise, il découle du droit de propriété que seuls les patrons - et les actionnaires dans les grandes entreprises cotées en bourse - peuvent décider dans une entreprise.

2.1 Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

En Allemagne, la cogestion a été instituée en 1951 dans les industries minières[13] : la moitié des sièges et des droits de vote au conseil d'administration doivent être alloués aux représentants syndicaux. En 1952, dans toutes les grandes entreprises, le tiers des sièges doivent revenir aux représentants syndicaux.

En 1976, le principe de la cogestion paritaire (moitié des sièges) est acté dans toutes les entreprises de plus de 2000 salarié·es.[14].

En réalité cependant, il y a deux instances dirigeantes :

  • le Conseil de surveillance, dans lequel siègent les syndicalistes (et le président, lié aux actionnaires, a le dernier mot en cas de vote ex æquo),
  • au sommet, le Directoire, sans syndicalistes.

La cogestion est considérée comme un pilier de « l'économie sociale de marché » allemande. C'est-à-dire d'un système qui a réussi efficacement à neutraliser le potentiel de lutte des classes du mouvement ouvrier allemand, longtemps le plus puissant du monde. Les syndicats allemands, très puissants en termes d'adhérents, font très peu grève.

Certes, il y a quelques effets progressistes. Par exemple, en Allemagne, les Conseils d'administration peuvent moins librement voter des rémunérations pharaoniques pour les PDG que dans d'autres pays capitalistes.

2.2 France[modifier | modifier le wikicode]

En France, la cogestion est beaucoup moins répandue, en raison d'une culture de l'antagonisme des intérêts patronat-salariat qui s'est maintenue plus forte.

Le paritarisme a été introduit dans la fonction publique par la loi du 19 octobre 1946, avec la mise en place d'instances paritaires de concertation (consultatives et non décisionnelles).

En 2013, une loi oblige les grandes entreprises à attribuer 1 siège sur 12 aux représentants syndicaux dans les conseils d'administration.

3 Autres structures[modifier | modifier le wikicode]

Des États ont mis en place d'autres structures dans lesquelles des représentants du patronat et des syndicats siègent de façon paritaire, par exemple le Conseil économique, social et environnemental et les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

4 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Julien Damon, « Le paritarisme : définitions et délimitations », Regards,‎ (lire en ligne)
  2. Julien Damon, « Le paritarisme : définitions et délimitations », Regards,‎ (lire en ligne)
  3. Traité du social: situations, luttes, politiques, institutions", par Jacques Fournier, Nicole Questiaux, Jean-Marie Delarue (1999) Dalloz, page 537
  4. Gilles Nezosi, « Quelle gouvernance au sein de la Sécurité sociale ? », Regards,‎ (lire en ligne)
  5. « Le Point – Actualité Politique, Monde, France, Économie, High-Tech, Culture », sur Le Point.fr (consulté le 15 octobre 2020).
  6. Association européenne des Institutions paritaires
  7. National Coordinating Committee for Multiemployer Plan (NCCMP)
  8. Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada (MEBCO)
  9. « Notre gouvernance », sur https://corporate.apec.fr/notre-gouvernance (consulté le 4 décembre 2020)
  10. Article L1421-1 du code du travail
  11. Julien Damon, « Le paritarisme : définitions et délimitations », Regards,‎ (lire en ligne)
  12. Ministère du Travail et du Plein emploi et de l'Insertion, « Transmission à la DGT de l'adresse de la commission permanente paritaire de négociation et d'interprétation », sur Ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion,
  13. Liens sur Wikipédia : Mitbestimmung (de), Codetermination in Germany (en)
  14. BOURGEOIS, Isabelle et LASSERRE, René, La République fédérale d'Allemagne, Cergy-Pontoise, CIRAC, , 118 p.