Mouvement ouvrier et socialisme aux États-Unis

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Cette page vise à recenser les temps forts du mouvement ouvrier et du mouvement socialiste aux États-Unis.

1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Évidemment, le mouvement ouvrier et socialiste aux États-Unis a été d'emblée fortement influencé par les mouvements européens. En particulier les mouvements anglais et allemands.

2 Knights of Labor (1869-1949)[modifier | modifier le wikicode]

Le Noble and Holy Order of the Knights of Labor (« Noble et saint ordre des chevaliers du travail ») est une organisation de défense ouvrière pré-syndicale qui exista de 1869 à 1949 aux États-Unis. Elle s'inspirait du modèle maçonnique et des compagnonnages. Elle opéra de manière secrète jusqu'en 1878, puis connut un développement important jusqu'en 1886. Elle déclina les années suivantes victime de la concurrence de la Fédération américaine du travail (AFL) et de la répression patronale. Ses dernières loges disparurent après la Seconde Guerre mondiale, mais elle était marginale dès le début du 20e siècle.

2.1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

Symbole des Chevaliers du travail.

Fondé en 1868, cet ordre s'inspira de la tradition des loges opératives, véritable combinaison de corporations et de syndicats, qui, au Moyen Âge en particulier, avaient servi de cadre d'organisation à diverses professions, comme celles du bâtiment ou de la construction.

Cet Ordre rassemblait, au sein d'une localité (cependant, plus dans le Sud des États-Unis), tous les travailleurs, blancs et noirs (mais ni les Indiens, ni les Chinois), femmes et hommes, Américains de souche et immigrants : ouvriers qualifiés et non qualifiés, ouvriers agricoles, mais aussi artisans, petits commerçants, agriculteurs et travailleurs indépendants, à l'exception notoire des avocats, des banquiers ainsi que tous ceux qui vivaient, d'une façon ou d'une autre, du commerce de l'alcool.

Malgré une répression, autant légale que sauvage, immédiate, l'Ordre, sans doute à cause de son universalisme et de la probité de ses membres, restait très populaire et se développait rapidement. Un peu partout, il initia des Assemblées locales, instances d'organisation des membres et de gestion des grèves, et organisa la solidarité ouvrière dans les luttes, mais également le quotidien (logement, santé, secours, etc.) En outre, il développa des actions dites philanthropiques et, en particulier, de formation aussi bien générale que professionnelle. Les rites des cérémonies d'initiation, les signes, les mots de passe, les sceaux, les symboles, etc. étaient de facture maçonnique.

L'Ordre se développa rapidement, de façon foudroyante et, à son apogée, en 1886, regroupa plus de 700 000 adhérents.

L'idéologie de l'organisation syndicale différait de celle de l'American Federation of Labour (AFL). En ce sens, les Knights of Labor adoptaient un point de vue beaucoup plus engagé socialement et avaient pour principal but de défendre les intérêts humains des travailleurs.

À cette époque, la juridiction légale des syndicats n’existait pas. Il en demeurait donc à l'employeur et à sa bonne volonté, de reconnaître la légitimité du syndicat dans son organisation. Or, ceci diminuait beaucoup leurs moyens de pression.

Formé par Terence Powderly, les Chevaliers du Travail s’organisent. À leurs premiers balbutiements, les « Knights of Labor » représentent le nom d’une centrale syndicale sous forme de société secrète. Au Québec, ce type d’organisation est qualifié d'« union de cuisines », car les rencontres entre membres se faisaient souvent dans les cuisines.

La centrale syndicale dominatrice de l’époque, l’AFL n’aime pas beaucoup voir les K.O.L. gagner en popularité et s’installe, surtout dans les centres urbains importants, une rivalité inter-syndicale. Nullement souhaitable pour le mouvement à l’époque, ceci affectait de beaucoup la force des moyens de pression.

La rivalité inter-syndicale vient surtout du fait que les deux organisations avaient deux points de vue différents quant aux buts à poursuivre. L’AFL revendique les intérêts des travailleurs de métiers uniquement et non pas l’ensemble des travailleurs. Ainsi, il limite leurs actions aux revendications auprès de l’employeur seulement, rejetant l’idée de lobby politique, comme il était courant de le voir en Europe, excluant ainsi de leur mouvement les travailleurs industriels et les non syndiqués. Il ne faut pas oublier, que le fondateur de l’AFL, Samuel Gompers, est un tenant du capitalisme croyant en sa légitimité. Ainsi les intérêts des syndiqués sont uniquement économiques. Il s’agit d’une pratique d’un syndicalisme d’affaires.

Les revendications des K.O.L. sont larges, et se font à tous les niveaux des sphères sociétales. Ils combattent littéralement le capitalisme. Ils revendiquent une coopérative de travailleurs par l’instauration d’un système de redistribution plus équitable du fruit des travailleurs. Nous parlons alors d’un syndicalisme réformateur. Ils désirent une implication de l’État dans la résolution des conflits en impasse (arbitrage), une réforme de l'éducation afin de donner le libre accès à l’information aux travailleurs au sein de leur communauté ainsi qu’un accès à la syndicalisation pour tous les travailleurs et non pas seulement aux travailleurs de métier.

Les réalisations concrètes de cette organisation demeurent timides. Cependant des percées furent notables, entre autres, la semaine de 40 h/sem. 8 h/jour, la négociation collective, l’intervention étatique en conflit de travail, un régime de rémunération basé sur un système de coopération, l’interdiction du travail aux moins de 15 ans, etc.

C’est à la suite des événements de Haymarket Square à Chicago, le , que le mouvement perdit beaucoup en popularité et finit par disparaître.

2.2 Républicanisme[modifier | modifier le wikicode]

Alex Gourevitch défend l'idée selon laquelle les chevaliers du travail aurait défendu une forme de républicanisme dans leur discours, c'est-à-dire une théorie de l'émancipation des travailleurs et les ouvriers qui passait notamment par une critique du capitalisme et une volonté de fonder une sorte de fédération de coopératives[1].

3 American Federation of Labor (1886)[modifier | modifier le wikicode]

L’American Federation of Labor ou AFL (en français, Fédération américaine du travail) était un syndicat nord-américain fondé en 1886. Elle s'est réunifiée en 1955 avec le Congrès des organisations industrielles pour former l'AFL-CIO.

3.1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

Samuel Gompers (AFL) et John Mitchell (United Mine Workers).

3.1.1 La FOTLU avant l'AFL (1881-1886)[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1880, les États-Unis connaissent une période de croissance industrielle importante, et donc un accroissement de la population ouvrière que soutient une reprise de l'immigration. Les ouvriers anglais créent des syndicats inspirés du modèle du Trades Union Congress britanniques, voire implante des sections de leur fédération d'origine. En 1881, ses syndicats fondent la Federation of Organized Trades and Labour Unions (FOTLU), à l'exemple du TUC, elle développe aussi une action de lobbying auprès du Congrès des États-Unis. Comme le TUC, la FOTLU rassemble des fédérations de métier et pas des fédérations d'industrie. La FOTLU, doit cependant faire face à la concurrence des Knights of Labor ayant beaucoup plus d'adhérents qu'elle, et qui sont très attachés à l'idéal républicain américain et souhaitent l'intervention des États fédérés, ou même de l'Union dans la vie économique et sociale. Cette intervention de la puissance publique répugne particulièrement à Samuel Gompers, l'homme fort de la FOTLU, qui défend l'idée d'un syndicalisme puissant, parlant seul avec le patronat, sans interventionnisme de l'État. L'agitation pour la journée de 8 heures et qui culmine le , mais donne lieu au massacre de Haymarket Square à Chicago va inverser les rapports de puissance entre les Chevaliers du Travail et les Trades-Unions. Les dirigeants des principales fédérations de métier, membres de la FOTLU, décident de structurer davantage leur fédération, ils convoquent un congrès pour .

3.1.2 La présidence de Samuel Gompers (1886-1924)[modifier | modifier le wikicode]

En , les fédérations de métiers fondent l'American Federation of Labor et élisent à sa tête Samuel Gompers, ce dernier est ensuite perpétuellement réélu jusqu'à sa mort (à l'exception de l'année 1895).

3.1.2.1 Le développement syndical[modifier | modifier le wikicode]
AFL-label.jpg

La première décision de la nouvelle fédération est d'interdire la double appartenance pour briser les regroupements interprofessionnels des Chevaliers du travail et limiter ainsi l'influence des socialistes qui voyaient dans la Chevalerie du travail un outil de syndicalisation des ouvriers non qualifiés. l'AFL défend au contraire un syndicalisme de métiers, refusant toute influence politique. Après plusieurs années de progression lente, à cause de la répression anti-syndicale et de la crise économique, l'AFL lance en 1898 un vaste effort de syndicalisation qui lui permettent en 1910 de rassembler 120 unions de métiers organisant 2 millions d'adhérents, soit 10 % de la population active non agricole. Mais c'est dans le bâtiment et les biens de consommation courante (habillement), où les ouvriers qualifiés sont nombreux que les unions de métiers peuvent réellement agir. Elles organisent par le biais du monopole syndical à l'embauche, une solidarité sans failles des ouvriers de ces secteurs, leur permettant de défendre leurs droits, alors qu'il n'existe aucune législation sociale et que le patronat utilise les services de la police et de milices privées pour lutter contre les syndicats. Mais l'AFL développe aussi une hostilité puissante envers les agitateurs politiques, et les syndicats « politiques », comme la Socialist Trade and Labor Alliance que crée Daniel De Leon en 1896, qui divisent la classe ouvrière.

3.1.2.2 La mise au pas des syndicats canadiens[modifier | modifier le wikicode]

En parallèle à son développement aux États-Unis, l'AFL se développe au Canada, en même temps que l'industrie américaine y investit. John Flett est membre du syndicat des charpentiers est nommé comme organisateur pour tout le Canada en 1898. Il déploie une très grande activité et accorde près de 700 chartes d'affiliation, ce qui assure la domination complète de l'AFL au sein du Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC). En 1902, pour renforcer encore le poids de l'AFL, la conférence du CMTC à Berlin (aujourd'hui Kitchener (Ontario) décide d'interdire la double affiliation entre les organisations internationales (i.e. dominée par l'AFL) et les organisations, purement canadiennes, où les Chevaliers du Travail étaient majoritaires. Pour s'assurer la fidélité des canadiens, John Flett devient même président du CMTC, il le reste jusqu'en 1925.

3.1.2.3 L'infléchissement de l'apolitisme des origines[modifier | modifier le wikicode]

Avec le temps et un apaisement du climat politique et social, l'AFL abandonne peu à peu son apolitisme radical des origines. Cela se marque dès 1901, avec la participation de Samuel Gompers et d'autres leaders syndicaux aux travaux de la Fédération civique nationale (NCF - National Civic Federation), un organisme de dialogue entre le patronat et les syndicats, soutenu par le président Theodore Roosevelt. Elle renforce aussi sa capacité de lobbying auprès du Congrès des États-Unis et des partis démocrate et républicain. Le succès des Industrial Workers of the World, qui critiquent fortement le refus de tout intervention dans le champ politique, pousse l'AFL à s'engager davantage. En 1908, l'AFL fait même clairement campagne pour William Jennings Bryan le candidat démocrate à la présidence des États-Unis. Certains lui reprochent d'ailleurs de ne pas soutenir le candidat socialiste Eugene V. Debs, mais l'AFL préférait soutenir le candidat qui avait le plus de chance de faire aboutir ses revendications. L'AFL obtient d'ailleurs en 1917 l'obligation d'un test d'alphabétisation des nouveaux immigrants pour limiter la dégradation des conditions de travail par l'afflux d'une main d'œuvre peu qualifiée. Cependant, comme l'analyse l'historien Howard Zinn, « L'AFL, composée principalement de travailleurs qualifiés, défendait la philosophie du "syndicalisme de métier" [...] qui prétendait opposer au monopole de la production qu'instauraient les employeurs un monopole des travailleurs géré par le syndicat. C'est ainsi que l'AFL parvenait à améliorer les conditions de certains travailleurs tout en laissant de côté la majorité d'entre eux »[2].

3.1.2.4 La Première Guerre mondiale et ses conséquences[modifier | modifier le wikicode]
Certificat d'affiliation du CMIU à l'AFL

Dès 1914, Samuel Gompers prend position pour les Alliés, alors même que le président Woodrow Wilson est encore attentiste, et qu'une partie de sa base, d'origine germanique, est clairement favorable aux Empires centraux. Cette position permet à l'AFL de participer au National War Labor Board créé en 1918, qui reconnut le fait syndical, et poussait les employeurs à négocier avec les syndicats. Portée par l'idéal wilsonnien, l'AFL participe même à la refondation de la Fédération syndicale internationale en 1919 à Amsterdam. Cependant, très rapidement après la fin de la guerre, l'AFL est victime de la Red Scare (Peur des rouges) et lutte contre les communistes et leurs tentatives de noyautage, elle subit aussi la répression patronale qui essaye de revenir sur les avancées obtenues pendant le conflit. Enfin, elle se retire de la Fédération syndicale internationale sous la conduite de son nouveau président William Green qui remplace Samuel Gompers décédé en 1924.

3.1.3 La présidence de William Green (1924-1952)[modifier | modifier le wikicode]

3.1.3.1 Le repli sur la défense des intérêts ouvriers immédiats[modifier | modifier le wikicode]

Avec son nouveau président, William Green, l'AFL qui a obtenu le contingentement de l'immigration par des quotas en 1921, puis en 1924 se replie sur les services à ses adhérents, notamment les assurances dont elle refuse que l'État prenne une partie en charge. Obsédé par la crainte du communisme et se voulant un rempart du capitalisme, l'AFL adopte des positions très conservatrices. Cette position lui nuit considérablement au Canada, où les syndicats, notamment catholiques prennent alors leur essor. La crise économique de 1929 renforce l'AFL dans son conservatisme.

3.1.3.2 Le New-Deal syndical[modifier | modifier le wikicode]

L'élection de Franklin Delano Roosevelt pour lequel les ouvriers ont massivement voté change la donne au sein de l'AFL, ou l'organisation en fédérations de métier, et la timidité revendicative de William Green ne correspond plus à l'esprit du New Deal. L'État fédéral met en place les débuts d'un système d'assurance sociale publique et surtout la mise en place du National Labor Relations Board par la loi Wagner de juillet 1935 sécurise et reconnait davantage les organisations syndicales. Mais cela contrarie aussi paradoxalement les courants les plus traditionnels de l'AFL qui voit une mainmise de l'État sur la protection des intérêts ouvriers, les mettant à la merci d'un changement de majorité politique.

3.1.3.3 La naissance du CIO[modifier | modifier le wikicode]

Au congrès de 1935 de l'AFL, John L. Lewis, le leader de l'United Mine Workers of America, la fédération des mineurs, crée avec d'autres responsables syndicaux un Committee for Industrial Organization (CIO - Comité pour l'organisation industrielle) qui vise à élargir la base de l'AFL en organisant aussi les ouvriers non-qualifiés dans des fédérations d'industrie. Les campagnes de syndicalisation, soutenues financièrement par les mineurs et les ouvriers de l'habillement sont de réels succès, particulièrement parmi les ouvriers de l'industrie automobile. À l'automne 1937, les organisations se reconnaissant dans la démarche du CIO rassemblent près de 4 millions de travailleurs. La direction de l'AFL mène une guerre d'usure contre ses unions et ses syndicalistes qui bouleversaient son organisation interne. En , le CIO devient le Congress of Industrial Organizations (Congrès des organisations industrielles).

Sur les questions internationales, l'AFL se range derrière l'interventionnisme nord-américain. Elle défend en 1927 l'intervention militaire contre le Nicaragua[3].

En 1930, l'AFL provoque la disparition de la Confédération panaméricaine du Travail (rassemblant des syndicats plutôt conservateurs) en allant jusqu'à demander, à l’occasion du sixième congrès de l'organisation, que celle-ci avalise une intervention nord-américaine à Cuba[3].

3.1.3.4 L'AFL dans la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le wikicode]

Dès le déclenchement du conflit, avant même l'engagement des États-Unis à la suite de Pearl Harbor, l'AFL et le CIO s'engage à soutenir l'effort de soutien aux Alliés. D'autant qu'il s'accompagne d'une hausse de la production industrielle. Les syndicats à la base se renforcent et une vague de grèves fait céder les industriels, comme Ford qui finit par accepter l'entrée de l'United Steelworkers dans ses usines. Mais dès l'entrée en guerre, les deux syndicats acceptent de stopper toute action de grève pour ne pas nuire à l'effort de guerre, et siègent au National War Labor Board qui se met de nouveau en place. L'AFL qui était la première organisation syndicale grandit encore dans ce contexte favorable, et organise 10 millions de travailleurs en 1945. Cependant, alors que le CIO participent aux discussions qui vont mener à la création de la Fédération syndicale mondiale, l'AFL s'y refuse par anti-communisme.

3.1.3.5 L'entrée dans la Guerre froide[modifier | modifier le wikicode]

Dès 1945, et la Conférence de Londres préparant la Fédération syndicale mondiale l'AFL montre sa méfiance envers ce qu'elle perçoit comme une tentative de mainmise des soviétiques sur le mouvement syndical international. Sur le plan intérieur, les élections de 1946 amènent une majorité républicaine au Congrès qui décide de revenir sur la législation du New Deal, la loi Taft-Hartley limite considérablement les possibilités pour les syndicats de s'implanter dans les entreprises. Par ailleurs le début du maccarthisme renforce le repli de l'AFL sur les positions les plus conservatrices.

Enfin, au niveau international, l'AFL pousse à la création de la Confédération internationale des syndicats libres en 1949 à Londres, où Irving Brown, son envoyé pour l'Europe désigne le « totalitarisme soviétique » comme l'ennemi principal. Quand il meurt en 1952, William Green laisse une AFL plus forte que jamais par le nombre de ses adhérents, mais repliée sur la défense des fédérations de métiers qualifiés.

3.1.4 George Meany et la réunification syndicale (1952-1955)[modifier | modifier le wikicode]

C'est l'ancien trésorier de l'AFL, George Meany qui succède à William Green à la tête de la fédération. Comme ses prédécesseurs, il est violemment anti-communiste, mais il comprend aussi qu'il est nécessaire d'agir sur le plan politique, comme groupe de pression, et est partisan d'un syndicalisme de masse, plus adapté aux temps modernes qu'un syndicalisme élitiste de métier. L'évolution de la société américaine, où une partie grandissante de la classe ouvrière accède à la société de consommation, et le changement à la tête du CIOWalter Reuther a remplacé Philip Murray ouvrent de nouvelles perspectives de dialogue pour un syndicalisme américain rassemblé. En 1955, les deux centrales se réunifient au sein de l'American Federation of Labour - Congress of Industrial Organisations (AFL-CIO) dont George Meany prend la présidence.

4 Progressive Era[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Aux États-Unis la période des années 1890 aux années 1920 est appelée « ère progressiste ». Le développement très rapide du capitalisme industriel dans le monde et dans le pays produit des effets sociaux majeurs : paupérisation, tendances monopolistes, luttes de classes plus violentes, immigration massive (notamment d'Italiens, de Chinois, de Japonais...), risques sanitaires pour les consommateurs, dégâts écologiques...

The Jungle (1906) cover.jpg

Face à cela, un minimum de réglementations a dû être mis en place, en contradiction (modérée) avec le laissez-faire antérieur. Un courant social-libéral, dit « progressiste » émerge au sein de la petite-bourgeoisie.

Un roman comme La Jungle (1906) d'Upton Sinclair est symbolique de cette période. L'auteur y dénonce les conditions de vie difficile d'une famille ouvrière immigrée à Chicago, dans le quartier des abattoirs. L'opinion publique bourgeoise va être choquée par le manque d'hygiène dans les abattoirs, et cela va donner naissance à ce qui deviendra la Food and Drug Administration (FDA).

La condition ouvrière, elle, va peu évoluer. La Cour suprême continue à déclarer inconstitutionnelle toute tentative de réguler le droit du travail (y compris le travail des enfants). C'est aussi à cette époque (1908) que Jack London écrit Le Talon de Fer, un roman partant des luttes de classe de son époque et faisant de l'anticipation du durcissement autoritaire de l'État pour mater les révoltes, ce qui a été vu comme une remarquable anticipation du fascisme.

Vers 1896, le Parti républicain devient plus nettement le parti des capitalistes et du libéralisme économique (perdant momentanément du terrain face aux populistes, aux progressistes, et aux socialistes).

4.2 Parti socialiste (1901)[modifier | modifier le wikicode]

Le Parti socialiste d'Amérique (section de l'Internationale ouvrière) est fondé en 1901. Les socialistes dénoncent le fait que les deux principaux partis politique du pays (Républicain et Démocrate) sont des appareils au service du capitalisme[4], et cherchent à créer un parti de classe, sur le modèle du Parti social-démocrate allemand.

4.3 Industrial Workers of the World (1905)[modifier | modifier le wikicode]

Un syndicat révolutionnaire est fondé en 1905, les Industrial Workers of the World. Les IWW se rapprocheront des bolchéviks au lendemain de la Révolution russe, mais s'en éloigneront en dénonçant l'autoritarisme soviétique.

5 « Red thirties »[modifier | modifier le wikicode]

Les années 1930 aux États-Unis ont été appelées "Red thirties" en raison des importantes contestations sociales qui secouaient alors la classe dirigeante, dans le contexte de la Grande dépression économique.

Un des événements les plus intenses de la lutte de classe de cette période est la grande grève des camionneurs en 1934 à Minneapolis, notamment dirigée par des trotskistes.

Dans les années 1930, le Parti démocrate parvient à gagner une majorité des votes populaires autour d'un programme de protection sociale et d'interventionnisme social-libéral, le New Deal. Progressivement, le Parti démocrate se lie avec des franges importantes de la classe ouvrière à travers son alliance avec les centrales syndicales. Il est cependant concurrencé un temps sur sa gauche par le Parti communiste, mais celui-ci ne se remettra pas de la guerre froide et du maccarthysme.

5.1 Congress of Industrial Organizations (1935)[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, avec la crise économique de 1929 et les difficultés pour le mouvement syndical américain, et particulièrement pour la Fédération américaine du travail, des dirigeants syndicaux se posent la question d'une autre organisation du mouvement, favorisant le syndicat d'industrie, par rapport au syndicat de métier, traditionnel au sein de l'AFL. John L. Lewis, leader de l'United Mine Workers of America, Sidney Hillman, d'Amalgamated Clothing Workers of America, et David Dubinsky et de l'International Ladies' Garment Workers' Union, prennent la tête de ce mouvement lors de la fondation du Committee for Industrial Organization (CIO) au congrès de 1935 de l'AFL. Agnes Nestor s'oppose à ce mouvement et maintient l'International Glove Workers' Union of America (IGWU) au sein de l'AFL[5]. Soutenu financièrement par les syndicats du textile (ACWA et ILGWU), le mouvement remporte ses premières victoires en poussant la direction de General Motors à reconnaître le nouveau syndicat United Auto Workers lors de grèves à Flint (Michigan). De même U.S. Steel est obligé de reconnaître le nouveau Steel Workers Organizing Committee dirigé par Philip Murray. Mais ces succès tendent les relations avec la direction de l'AFL, qui n'admet pas ces nouveaux syndicats rompant avec les règles du syndicalisme de métier. La direction de l'AFL épure donc ses organisations des noyaux CIO existants. En 1937, le CIO compte quelque 3 718 000 membres[6].

Les divergences entre le nouveau CIO, rebaptisé Congress of Industrial Organizations, et la Fédération américaine du travail ne concernaient pas seulement l'organisation des travailleurs, mais aussi le rapport à l'État. Le CIO, s'éloignant de la stricte neutralité, apporte son soutien au Parti démocrate lors des élections. De plus, elle lance une campagne d'organisation des ouvriers noirs, que le patronat utilisait souvent comme briseurs de grève. Mais les succès initiaux du CIO connaissent un tassement vers la fin des années 1930. Des grandes entreprises, comme Ford, résistent à la syndicalisation, et, loin de dépérir, les syndicats affiliés à la Fédération américaine du travail continuent à croître. Par ailleurs, alors que la majorité des ouvriers américains soutiennent la cause des Alliés, John L. Lewis retire son soutien à Franklin Delano Roosevelt en qui il voit un fauteur de guerre, au point d'appeler à voter pour le candidat républicain en 1940. Sa base le pousse à démissionner.

Après la démission de John L. Lewis, c'est le leader de la fédération des ouvriers métallurgistes (Steel Workers Organizing Committee) Philip Murray, qui prend la tête du CIO en 1940. Il profite de la législation mise en place pendant la guerre pour améliorer le sort des travailleurs et augmente la force de son syndicat. Il renforce aussi son implantation au Canada en fusionnant sa branche canadienne avec le Congrès pancanadien du travail pour former le Congrès canadien du travail. De plus, et contrairement à la Fédération américaine du travail, il participe aussi aux contacts préparant la Fédération syndicale mondiale dès 1945. Mais le CIO reste toujours la deuxième fédération américaine, avec 4,5 millions d'adhérents en 1945, contre 10 millions pour l'AFL.

Les lendemains de la guerre sont une période difficile pour le mouvement syndical américain, et particulièrement pour le CIO. Dès 1947, la loi Taft-Hartley, outre la remise en cause des avancées obtenues pendant la guerre, interdit aux dirigeants syndicaux d'être membre du Parti communiste, ce qui est le cas d'un certain nombre de membres du CIO. La direction du CIO décide d'épurer ses organisations, mais cette campagne l'affaiblit aussi considérablement. Au même moment, le CIO quitte la Fédération syndicale mondiale et participe à la création de la Confédération internationale des syndicats libres, dominée par la Fédération américaine du travail. Quand Philip Murray démissionne en 1952, la CIO est donc considérablement affaibli.

Le nouveau chef de file du CIO, Walter Reuther, élu en 1952, vient de l'United Auto Workers, et bien que sincèrement à gauche, il se méfie beaucoup des communistes pour les avoir vus à l'œuvre au sein de la Fédération syndicale mondiale. De plus le départ des communistes des syndicats du CIO a considérablement recentré la confédération. Par ailleurs, la même année où Reuther prend la présidence du CIO, la Fédération américaine du travail change aussi de tête avec l'arrivée de George Meany à sa présidence. Les deux organisations entament alors des négociations qui aboutissent à la création de l'American Federation of Labour - Congress of Industrials Organisations en 1955.

6 AFL-CIO (1955)[modifier | modifier le wikicode]

Afl-cio.jpg

La Fédération américaine du travail - Congrès des organisations industrielles (en anglais : American Federation of Labor - Congress of Industrial Organizations, AFL-CIO) est le principal regroupement syndical des États-Unis. Il est membre de la Confédération syndicale internationale et de la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques.

Fondée en 1955, par la fusion de la Fédération américaine du travail (AFL) et du Congrès des organisations industrielles (CIO), l'organisation et le syndicalisme en général ont reculé depuis un demi-siècle dans le pays. Elle regroupait 56 syndicats représentant 11 millions de travailleurs. Un groupe de syndicats a fait scission en 2005, dont les emblématiques Teamsters.

Syndicat né en 1955 du regroupement des deux plus importants syndicats américains, l’American Federation of Labor (10,2 millions d'adhérents) créé en 1886 et le Congrès des organisations industrielles (5,2 millions d'adhérents) pour former l'AFL-CIO, dont George Meany prend la présidence. Ce syndicat représente alors 25 % des ouvriers américains et constitue le plus puissant des syndicats des pays occidentaux.

En 2005, le déclin de l'influence du mouvement syndical est patent. À peine 12,5 % des salariés (et même seulement 8 % dans le secteur des services) sont aujourd'hui syndiqués aux États-Unis, comparés à 19,5 % en 1984 et 35 % il y a 50 ans au moment de leur fusion. Certains secteurs d'activité et entreprises sont des déserts syndicaux, l'exemple-type étant la chaîne de distribution Wal-Mart, alors que la précarité au travail s'est renforcée.

Les quatre principaux membres, avec plus d'un million d'adhérents, étaient le « Service Employees International Union » (SEIU), le « United Food and Commercial Workers Union » (UFCW), l'« American Federation of State, County and Municipal Employees » (AFSCME), et les « Teamsters ».

Deux des principaux affiliés de l'AFL-CIO ont annoncé leur départ : les Teamsters, le syndicat des chauffeurs routiers et ses 1,4 million de membres, et le « Syndicat des employés des services » (Service Employees International Union, SEIU) avec 1,8 million d'adhérents, après d'autres organisations.

Les présidents successifs de l'AFL-CIO :

6.1 Histoire[modifier | modifier le wikicode]

A partir du milieu des années 1980, le SEIU tente de nouvelles méthodes d'organisation pour enrayer le déclin syndical. En 1995, son dirigeant John Sweeney a été élu à la direction de l’AFL-CIO en portant ce nouveau programme intitulé "Change to Organize"[7]. La nouvelle direction s'appuie sur des intellectuel(le)s et activistes comme Jane McAlevey recrutée en 1996 pour diriger une campagne expérimentale à Stamford Connecticut qui développe un modèle de syndicalisme de mouvement social s’appuyant sur les travailleurs de base[8].

6.1.1 La scission de 2005[modifier | modifier le wikicode]

Le déclin continu du syndicalisme américain a provoqué un débat interne, mené par les syndicats les plus dynamiques et le syndicat des services. Ils ont critiqué notamment le faible activisme syndical, relégué au second plan derrière le soutien financier et militant au Parti démocrate, dont il a attendu des mesures sociales, que ce parti a de plus en plus de réticences à promouvoir. L'échec de John Kerry aux élections présidentielles de 2004 a servi de détonateur. Les syndicats critiques (SEIU, Teamsters, LIUNA et UFW) ont formé la coalition « Change to win ». Assuré d'être réélu, soutenu par le syndicat des administrations publiques (American Federation of State, County and Municipal Employees, AFSCME) et de la métallurgie, le président sortant John Sweeney a ignoré leurs recommandations, conduisant à la crise de juillet 2005.

Les contestataires préconisent de choisir élection par élection quel candidat choisir, et non plus systématiquement le candidat démocrate. Le SEIU avait tenté de définir des champs syndicaux exclusifs, pour éviter une concurrence entre syndicats, alimentée en sous-main par le patronat ; ce projet a été rejeté par la direction de l'AFL-CIO. Les contestataires déplorent l'incapacité de la direction menée par John Sweeney, 71 ans et en poste depuis dix ans, à adapter son action dans un contexte mondialisé.

Un groupe de syndicats a fait scission en 2005, dont le plus important par le nombre et celui avec la plus forte croissance, le « Service Employees International Union » (SEIU), et les emblématiques Teamsters. Ces derniers ont annoncé le leur boycott de la convention de l'AFL-CIO, imités par l’United Food and Commercial Workers (UFCW) et "Unite here", un groupe d'employés du textile et de l'hôtellerie. Ces syndicats dissidents ont formé la nouvelle centrale Change to win et amputé l'AFL-CIO d'un quart de ses membres et d'un sixième de son budget.

Alimenté notamment par des adhésions dans la communauté hispanique, les partants ont annoncé une politique active de recrutement, au détriment du soutien au Parti Démocrate. Ils critiquent le libre-échangisme, mais appuient plus leurs revendications sur un certain recours au protectionnisme que sur la promotion de normes sociales mondiales.

6.2 Implications politiques[modifier | modifier le wikicode]

LAFL-CIO fait preuve tout au long de la guerre froide d'anticommunisme. Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l'influence maccarthyste conduit l’AFL et la CIO à exclure les syndicats dirigés par des communistes. Par la suite, l'organisation défend les intérets économiques et politiques des Etats-Unis à travers le monde, apportant, en relation avec la CIA, un soutien financier et organisationnel à des organisations de défense des travailleurs non communistes, comme la CGT-Force Ouvrière en France pour concurrencer la CGT. On retrouve ce même type de procédé dans divers pays, avec pour objectif de nuire aux organisations de travailleurs affiliées à la Fédération syndicale mondiale (FSM) ou de sensibilité marxiste. Ce positionnement n’est pas seulement anticommuniste : il résulte également d’une politique pragmatique qui lie les intérêts des entreprises américaines à l’étranger aux intérêts des travailleurs américains[9].

L'AFL-CIO est un relais traditionnel du Parti démocrate. Ses militants et ses finances sont fréquemment mis à disposition des démocrates dans le cadre des campagnes électorales. Toutefois, ces dernières années, ces liens ont été remis en cause par plusieurs responsables de la confédération et ont été évoqués comme prétexte à la scission de 2005.

En 2006, lors des élections américaines de mi-mandat, la centrale a investi 40 millions de dollars et chargé 100 000 de ses membres de la promotion du Parti démocrate. 5 millions d'appels téléphoniques et 3,5 millions de porte-à-porte ont été effectués en 3 jours[10].

7 Après guerre[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1960, une majorité du Parti démocrate se prononce pour la fin de la ségrégation raciale dans le Sud, perdant une partie de l'électorat blanc, que le Parti républicain attire à lui.

Suite au tournant néolibéral amorcé par les Républicains (Reagan) mais jamais remis en question depuis par les Démocrates, les bastions ouvriers connaissent un profond recul, qui impacte les deux partis mais surtout le parti Démocrate, qui perd le sur-vote des ouvriers.

Écart de vote des ouvriers pour la "gauche" (PS / Démocrates) par rapport au reste de la population, en France et aux États-Unis

8 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Gourevitch, Alexander,, From Slavery to the Cooperative Commonwealth : Labor and Republican Liberty in the Nineteenth Century, , 213 p. (ISBN 978-1-139-51943-4, OCLC 898138774, lire en ligne)
  2. Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone, 2002, p. 375.
  3. 3,0 et 3,1 Leslie Manigat, L’Amérique latine au XXe siècle,1889-1929, Points, , p. 319
  4. Daniel De Leon, Que veut dire cette grève ?, 11 février 1898
  5. (en-US) Edward T. James (dir.), Notable American Women 1607-1950, vol. 2 : G-O, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press (réimpr. 2014) (1re éd. 1971), 659 p. (ISBN 9780674288355, lire en ligne), p. 615-617
  6. Denise Artaud, L'Amérique en crise. Roosevelt et le New Deal, Paris, Armand Colin, 1987, (ISBN 2200371160), p. 149
  7. Rick Fantasia et Kim Voss, Des syndicats domestiqués. Répression patronale et résistance syndicale aux Etats-Unis, Editions Raisons d’agir,
  8. (en) Jane F. McAlevey, No Shortcuts, Organizing for power, New York, Oxford University Press, , 253 p.
  9. « Les syndicats «libres» au service de la guerre froide », sur Le Courrier,
  10. « Les prêteurs en Arménie tenus d’informer les emprunteurs sur le taux d’intérêt… », sur armenews.com (consulté le 20 avril 2023).