Tract

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Un flyer du mouvement Black Lives Matter

Un tract, un flyer, un prospectus, ou une feuille volante (le terme pamphlet et papillon[1] sont également utilisés au Canada, et le terme manifeste en Suisse francophone) est un texte ou une publicité sur support papier qui est distribué de la main à la main, ou déposé dans les boîtes aux lettres. Cela peut être à but publicitaire ou militant. Lorsque l'objet est purement commercial, on parle plutôt de prospectus.

Cette page traite surtout des tracts politiques.

L'action militante de diffuser des tracts est appelée « tracter », ou « differ » dans le jargon militant.

1 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Russie[modifier | modifier le wikicode]

En Russie dans les années 1880, des cercles ouvriers se formaient dans les villes industrielles, souvent éphémères en raison de la répression. Ils étaient souvent dirigés par des étudiants ou intellectuels parmi les premiers marxistes. Ces cercles se consacraient essentiellement à la lecture approfondie d'ouvrages politiques, et les ouvriers se coupaient souvent de leurs collègues, desquels ils finissaient par être très différents. Le tout favorisé par un contexte où il y avait très peu de grèves.

En 1891, suite à une terrible famine, Plékhanov proclama qu'il fallait développer une agitation à large échelle. Il définit les termes de propagande et agitation, et écrit : « Une secte peut se satisfaire de la propagande dans le sens étroit du mot, pas un parti politique. »[2] Son appel eut peu d'effet. Il y avait beaucoup de résistance, notamment de certains ouvriers formés dans les cercles qui jugeaient que « les tracts sont une perte de temps »[3].

Mais le tournant vers l'agitation a lieu. En 1895, Lénine, Martov, Krjijanovsky et quelques autres fondèrent à Saint-Pétersbourg la Ligue de Combat pour l’Emancipation de la Classe Ouvrière. Son activité principale était la distribution de tracts dans les usines, avec une grande aide de Kroupskaïa.[4] Exemple de tract : « L’ouvrier et l’ouvrière de l’usine Thornton ».

Dans Que Faire ? (1902), Lénine défend le changement d'échelle, avec la nécessité d'un parti à l'échelle de tout le pays, construit autour d'un organe central :

Les germes des idées social-démocrates sont d’ores et déjà semés à travers toute la Russie ; les tracts ouvriers – cette première forme de la presse social-démocrate – sont connus de tous les ouvriers russes, de Pétersbourg à Krasnoïarsk et du Caucase à l’Oural. Ce qu’il nous faut, à l’heure actuelle, c’est concentrer toutes les activités locales dans l’action d’un seul parti…Il importe d’en finir avec ces méthodes artisanales!

A Saint-Pétersbourg, les bolcheviks sortirent 55 tracts en 1903, et 11 tracts en 1904 (diminution due à la focalisation sur la lutte fractionnelle avec les menchéviks).[5] En janvier 1904, le Comité central bolchévik écrivait à Lénine :

« Nous implorons tous le Vieux (Lénine) de renoncer à sa querelle et de se mettre au travail. Nous attendons des tracts, des brochures et toutes sortes de conseils — la meilleure façon de se calmer les nerfs et de répondre aux calomnies. »

Mais c’était là une démarche que Lénine n’avait pas la moindre envie d’adopter. « Je ne suis pas une machine », répondit-il, « et je ne peux faire aucun travail dans le déplorable état de choses actuel. »[6]

Pendant la révolution de 1905, Lénine pressa le Comité central de sortir de ses habitudes de clandestinité et de se lancer dans une production régulière de tracts publics :

Pendant une révolution (...) il faut assurer la direction publiquement. Il faut subordonner toutes les autres formes de travail à celle-là, entièrement et sans exclusive. L’écrivain responsable du C.C. doit avant tout se soucier de rédiger (...) deux fois par semaine un tract sur des sujets concernant le parti et la politique (les libéraux, les socialistes-révolutionnaires, la minorité, la scission, la délégation des zemstvos, les syndicats, etc.), le rééditer de toutes les manières, le polycopier aussitôt (s’il n’y a pas d’imprimerie) en 50 exemplaires pour l’envoyer aux comités qui le reproduiront. Les articles de Proletarii pourraient peut-être quelquefois servir de base à ces tracts, après certains remaniements. Je ne puis comprendre pourquoi on ne le fait pas ! [7]

Il encourageait également l'initiative de sous-comités qui d'habitude n'avaient pas la prérogative d'écrire :

Donnez sans paperasserie à tout sous-comité le droit de rédiger et des tracts (il n’y aura pas grand mal si l’on commet des erreurs, Vpériod les corrigera « avec douceur »). Il faut grouper et mettre en mouvement avec la promptitude la plus grande tous ceux qui ont de l’initiative révolutionnaire. Ne craignez pas leur manque de préparation, ne tremblez pas devant leur inexpérience et leur manque de culture…[8]

Par rapport aux menchéviks, les bolchéviks manquaient souvent d'intellectuels et de journalistes, comme le raconta Badaïev pour 1913 : « Le comité est constitué entièrement d’ouvriers, il est difficile de trouver des intellectuels pour corriger un tract écrit par des ouvriers. »[9]

2 Techniques de diffusion[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Diffusion de main en main[modifier | modifier le wikicode]

La version la plus répandue consiste à se poster dans un lieu de passage (porte d'une entreprise, station de métro, marché...) et de distribuer les tracts aux passant·es.

Le tract peut aussi être disponible sur une table au cours de n'importe quel autre type d'événement (meeting, conférence, concert de soutien...).

Le tract sert généralement aussi de support dans les campagnes de porte-à-porte.

2.2 Dispersion dans les airs[modifier | modifier le wikicode]

Plus rarement, des tracts sont jetés en l'air, depuis par exemple une voiture, pour être diffusés largement.

Diffusion de tracts électoraux par le Volkspartei en 1924


2.3 Largage par avion[modifier | modifier le wikicode]

Parfois certaines organisations dotées de grands moyens larguent par avion des tracts pour diffuser largement un message à une population.

Les nazis ont par exemple été les premiers à utiliser cette technique.

C'est une technique beaucoup utilisée par les militaires lors de guerres, pour avoir un effet massif sur la guerre de l'information (annoncer la défaite imminente de l'armée adverse pour démoraliser ses arrières, etc.).

Largage de tracts par l'armée états-unienne en 2010 en Afghanistan


3 Sources de collections de tracts[modifier | modifier le wikicode]

  • Institut d’histoire du syndicalisme (Sorbonne)
  • Bibliothèque nationale de France, Département Philosophie/Histoire/Sciences de l'Homme
  • Institut pédagogique national
  • Bibliothèque de documentation internationale contemporaine
  • Blog tractothèque

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. « Papillon », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française
  2. Plekhanov, Les tâches des socialistes face à la famine en Russie, 1892
  3. Vladimir Akimov on the Dilemmas of Russian Marxism, 1895–1903, edited by J. Frankel, London 1969
  4. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 2, 1975
  5. Листовки петербургских большевиков, 1902-1917, vol.1, Leningrad 1939.
  6. Ленинский Сборник, vol.15, pp. 249–59, 351–53.
  7. Lénine, To the Central Committee of the RSDLP, 11 juillet 1905
  8. Lénine, Lettre à A. A. Bogdanov et S. I. Goussiev, 11 février 1905
  9. A. Badaev, Большевики в государственной Думе, Leningrad, 1930