Émulation
L'émulation désigne une situation qui favorise la comparaison entre individus ou groupes pour s'améliorer et se surpasser.[1]
Sous le capitalisme, l'émulation a pris une place centrale dans l'économie, sous la forme de la concurrence entre entreprises, de la mise en concurrence des salarié·es, des primes d’intéressement...
Le mouvement ouvrier et socialiste se bat depuis l'origine du salariat pour que cette émulation ne se fasse pas en laissant constamment les travailleur·ses dans la précarité. A l'inverse, les partisans du libéralisme économique soutiennent que lorsque la rémunération est fixe (comme dans beaucoup de cas dans la fonction publique), l'émulation disparaîtrait.
Mais il y a bien d'autres formes d'émulation que l'émulation par la rémunération. Cela se voit notamment dans l'art, le sport ou la recherche (même si les espoirs de retombées financières existent, la motivation va bien au delà), mais plus largement : beaucoup de travailleur·ses, lorsqu'illes ne se sentent pas aliéné·es dans leur travail, développent un goût du travail bien fait. Rien n'empêche donc de concevoir une société communiste, sans précarité, dans laquelle une forme d'émulation positive existe. On parle parfois d'émulation socialiste.[2][3]
1 Dans les sociétés précapitalistes[modifier | modifier le wikicode]
2 Sous le capitalisme[modifier | modifier le wikicode]
Dans l'économie capitaliste, les entreprises sont en concurrence pour le profit, et celles qui ne sont pas assez rentables sont menacées de faillite. Cette pression du marché, les patrons la font redescendre sur les salarié·es, en leur fixant des objectifs d'augmentation de la productivité, et souvent en les mettant en compétition entre elleux.
3 Émulation socialiste[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Social-démocratie[modifier | modifier le wikicode]
Karl Kautsky, considéré comme le principal théoricien marxiste au début du 20e siècle, considérait que des méthodes de management permettant une certaine émulation devraient être conservées dans la phase de transition vers le socialisme.
« Même si le travail de management deviendra de plus en plus superflu à mesure que la socialisation progressera, il faut toujours veiller à ce que la production continue avec succès, si l'on veut que la production socialiste accomplisse plus que la production capitaliste et soit à la hauteur de ses grandes tâches.
Par conséquent, il faut que le management ait la plus grande liberté possible, qu'il n'hésite pas à verser des rémunérations extraordinaires si c'est le seul moyen de s'assurer les services d'organisateurs compétents.
Les travailleurs et la direction de chaque entreprise doivent avoir une part du surproduit qui résulte de leurs efforts particuliers, et non de facteurs naturels ou sociaux. »[4]
3.2 Union soviétique[modifier | modifier le wikicode]
Après la révolution bolchévique en Russie, de nombreuses discussions ont eu lieu sur les méthodes de travail et de management. La guerre puis la révolution et la guerre civile mettait l'appareil productif dans un état catastrophique. Un des dilemmes était qu'il fallait relancer la production pour répondre aux besoins de la population (et de l'Armée rouge), tout en ne reproduisant pas l'oppression du management capitaliste.
Cela conduisit très vite la direction bolchévique à réintroduire la plupart des outils du management capitaliste, qui étaient auparavant dénoncés comme tels, comme le salaire aux pièces et l’intéressement. Cela posa de nombreux débats dans les syndicats.
Trotski écrivait en 1920 :
« L'émulation repose sur un instinct vital - la lutte pour l'existence - qui, sous le régime bourgeois, prend le caractère de la concurrence. L'émulation ne disparaîtra pas, même dans une société socialiste développée, mais elle revêtira, au fur et à mesure que sera plus largement assuré le bien-être nécessaire à tous, un caractère de plus en plus désintéressé et purement idéaliste. Elle se traduira par une tendance à rendre les plus grands services possibles au village, au district, à la ville et à toute la société, pour être récompensé par la popularité, la reconnaissance, la sympathie, ou, enfin, tout simplement, par la satisfaction intérieure résultant du sentiment d'une tâche bien remplie. »[5]
Le régime soviétique a de plus en plus formalisé des compétitions et autres incitations. L'éloge du stakhanovisme est un exemple type.
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ « Émulation » sur le site du CNRTL et sur Wiktionary
- ↑ Bernard Stiegler, Contre la concurrence, l’émulation, Le Monde Diplomatique, Juin 2005
- ↑ Wikipedia (en), Socialist emulation
- ↑ Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
- ↑ Léon Trotski, Terrorisme et communisme, 1920