Pays impérialistes et pays dominés
Les pays impérialistes sont des pays industrialisés où la bourgeoisie est suffisamment puissante pour jouer un rôle impérialiste dans le monde (domination sur d'autres bourgeoisies, accaparement de matières premières, néocolonialisme...).
Les pays dominés sont à l'inverse les pays où la bourgeoisie est moins développée - avec subsistance de caractères plus ou moins pré-capitalistes - et subordonnée plus ou moins fortement aux pays impérialistes, ou aux multinationales de ces pays, l'industrialisation étant relativement freinée.
Les médias bourgeois utilisent quasi-exclusivement les notions de pays riches / pays pauvres / pays en développement, ce qui a bien sûr l'intérêt de masquer les rapports de domination.
1 Critères et définitions[modifier | modifier le wikicode]
La question des critères pour distinguer un pays impérialiste d'un pays dominé est un sujet de débat entre communistes révolutionnaires.
2 Pays impérialistes[modifier | modifier le wikicode]
Le caractère impérialiste ne s'acquiert pas "librement", mais en fonction des rapports de force et des espaces qu'ils peuvent laisser. Ainsi, au 19e siècle, les puissances d'Europe et les États-Unis ont mis le monde en coupe réglée, que ce soit par la colonisation directe ou la "semi-colonisation", et cette domination bloque ensuite l'industrialisation auto-centrée et freine le développement économique et social de ces pays. Le Japon est la dernière puissance extra-européenne à avoir réussi à acquérir une place dans le concert des nations impérialistes grâce à sa révolution Meiji. C'est notamment pour cela que dans la deuxième partie du 20e siècle, on parlait couramment de la Triade pour désigner les États-Unis, l'Union Européenne et le Japon.
2.1 La triade[modifier | modifier le wikicode]
L'ensemble États-Unis + Europe occidentale + Japon, que l'on appelle "triade", regroupe les puissances impérialistes historiques du 20e siècle. La triade détient 80 % du commerce mondial, 70 % de la production mondiale, 90 % des opérations financières et 80 % des nouvelles connaissances scientifiques. La triade c'est 70 % des 1 145 milliards de dollars de dépenses en 2006 du budget militaire mondial. La triade regroupe la plupart des sièges des organisations internationales, et donc du pouvoir diplomatique : l'ONU et la Banque mondiale à New York, le FMI à Washington, l'OMC à Genève... Au conseil de sécurité permanent à l'ONU (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine), la majorité est constituée de membres de la triade. D'après le classement de Shanghai, la Triade occupe les 100 premières places des meilleures universités (dont 56% sont aux États-Unis en 2008). Elle détient aussi les trois principales monnaies (¥€$) et les trois principales bourses (NYSE Euronext, Bourse de Londres et Bourse de Tokyo).
En dehors de ces pays, la question de savoir si tel ou tel pays est impérialiste ou dominé fait débat parmi les communistes.
2.1.1 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]
Les États-Unis se sont développés progressivement depuis leur indépendance du Royaume-Uni, et au cours du 19e siècle ils sont montés en puissance jusqu'à être de sérieux concurrents des européens. Leur atout est notamment d'avoir un grand marché unifié et contenant beaucoup de pétrole, contrairement à l'Europe morcelée et dépendante de ses colonies.
La Première guerre mondiale a renforcé les États-Unis relativement à l'Europe, et la Deuxième guerre mondiale l'a véritablement consacrée comme super-puissance impérialiste.
2.1.2 Europe de l'Ouest[modifier | modifier le wikicode]
Les pays impérialistes historiques sont les puissances d'Europe de l'Ouest.
Le capitalisme industriel puis financier s'est d'abord développé au Royaume-Uni, qui était la puissance hégémonique à partir du milieu du 19e siècle.
La Belgique a été un des premiers pays à développer un capitalisme dynamique. Cela lui a donné une puissance disproportionnée par rapport à sa taille.
La France s'est développée peu après l'Angleterre, mais assez lentement, restant en grande partie rurale jusqu'au milieu du 20e siècle.
Les Pays-Bas, qui étaient depuis longtemps une puissance commerciale et coloniale, ont naturellement trouvé une place parmi les pays impérialistes (souvent en alliances avec d'autres).
L'Allemagne s'est industrialisée puissamment et rapidement à la fin du 19e siècle, jusqu'à menacer sérieusement certains marchés anglais. C'est ce renforcement de l'Allemagne qui a conduit à la Première guerre mondiale, dont l'enjeu principal était le redécoupage du monde.
Enfin, d'autres pays européens se sont taillés une place plus tardivement :
- l'Italie
- les pays comme la Suisse, le Luxembourg et le Liechtenstein peuvent être considérés comme des coffre-fort du capital financier international
- les pays scandinaves, Danemark, Suède, Norvège, Finlande
- l'Autriche
L'Espagne et le Portugal ont pu s'appuyer sur leurs colonies héritées de l'époque du capitalisme commercial, et sur leurs liens avec l'Amérique du Sud. Néanmoins, ils sont passés des premières puissances européennes aux dernières. En particulier le statut du Portugal est intermédiaire :
« Le Portugal nous offre l'exemple d'une forme quelque peu différente, associée à l'indépendance politique, de la dépendance financière et diplomatique. Le Portugal est un État souverain, indépendant, mais il est en fait, depuis plus de deux cents ans, depuis la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1714), sous protectorat britannique. L'Angleterre a défendu le Portugal et ses possessions coloniales pour fortifier ses propres positions dans la lutte contre ses adversaires, l'Espagne et la France. Elle a reçu, en échange, des avantages commerciaux, des privilèges pour ses exportations de marchandises et surtout de capitaux vers le Portugal et ses colonies, le droit d'user des ports et des îles du Portugal, de ses câbles télégraphiques, etc., etc. De tels rapports ont toujours existé entre petits et grands États, mais à l'époque de l'impérialisme capitaliste, ils deviennent un système général, ils font partie intégrante de l'ensemble des rapports régissant le "partage du monde", ils forment les maillons de la chaîne des opérations du capital financier mondial. »[1]
Pour d'autres pays, comme la la Grèce, le statut de puissance impérialiste est assez controversé parmi les marxistes. Suite à la crise actuelle et à la façon brutale de "négocier" de la Troïka, plusieurs militant-e-s parlent de semi-colonisation de la Grèce.
Au moment des accords de Munich, Trotski écrit que « la Tchécoslovaquie est un État totalement impérialiste. »[2]
2.1.3 Japon[modifier | modifier le wikicode]
Le Japon est parvenu à se protéger de la semi-colonisation occidentale à partir de sa révolution de 1868. Aussitôt, il a mené à son tour une politique impérialiste, en particulier en Asie. Lors de la Seconde guerre mondiale, il a défié les États-Unis, qui ont lourdement répliqué, avec deux bombes nucléaires puis l'occupation militaire. L'autonomie politique et militaire du Japon par rapport aux États-Unis a été fortement réduite depuis, mais il a su se hisser au rang des premières puissances économiques.
2.2 Canada[modifier | modifier le wikicode]
L'Internationale communiste considérait le Canada comme un pays impérialiste.[3]
Certains marxistes ou marxisants ont cependant écrit sur la domination financière des États-Unis sur le Canada.[4]
Leo Panitch et Sam Gindin considèrent le Canada comme l'exemple d'un pays où le capital états-unien a profondément pénétré le marché local, sans pour autant détruire l'intégrité territoriale du pays. Selon eux, l’interpénétration du capital a à la fois réduit l’intérêt des capitalistes d’agir comme « bourgeoisie nationale » opposée à la suprématie des États-Unis, et réduit les moyens de le faire. Ils parlent même de « canadianisation » du monde pour décrire le fait que ce phénomène se reproduit avec d'autres pays capitalistes avancés. Selon eux la nouvelle forme d’impérialisme ne peut plus être comprise comme l’ancienne « logique de puissance territoriale ».
2.3 Australie[modifier | modifier le wikicode]
L'Internationale communiste considérait l'Australie comme un pays impérialiste.[3]
3 Les pays dominés[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Afrique[modifier | modifier le wikicode]
Malgré la vague de décolonisation qui a aboutit à la constitution de dizaines d’États "libres", la plupart de ces États sont restés économiquement (multinationales implantées) et politiquement (castes de dictateurs au service des Occidentaux) dépendants de leurs anciens colons. On emploie le terme de "néo-colonialisme" pour désigner la politique des Européens à leur encontre.
3.2 Amérique du Sud[modifier | modifier le wikicode]
Dans son ouvrage sur l'impérialisme[1], Lénine estime que : « L'Amérique du Sud et, notamment l'Argentine (...) est dans une telle dépendance financière vis-à-vis de Londres qu'on pourrait presque l'appeler une colonie commerciale de l'Angleterre. (...) Ou se représente sans peine quelles solides relations cela assure au capital financier - et à sa fidèle "amie" la diplomatie - de l'Angleterre avec la bourgeoisie d'Argentine, avec les milieux dirigeants de toute la vie économique et politique de ces pays. »
3.3 Europe de l'Est[modifier | modifier le wikicode]
La plupart des pays d'Europe centrale et orientale sont peu développés. Les anciens pays du Bloc soviétique avaient été relativement industrialisés, mais la dissolution de l'URSS et l'entrée brutale dans le marché capitaliste mondial les a ramené loin en arrière. Ces pays sont la plupart du temps dominés par l'Allemagne ou des pays scandinaves. Ainsi la plupart des banques de l'Estonie sont contrôlées par des banques suédoises.
3.4 Asie[modifier | modifier le wikicode]
De nombreux pays d'Asie centrale (dont d'anciennes Républiques soviétiques) sont dominées par la Russie, les Américains ou encore la Chine.
4 Mouvement des non-alignés[modifier | modifier le wikicode]
Le mouvement des non-alignés est un regroupement de pays fondé pendant la guerre froide, par des États récemment affranchis de la colonisation, et souhaitant créer un rapport de force pour se développer, en se faisant les porte-voix du Tiers-Monde.
Idéologiquement ces pays étaient très divers (Cuba, l'Arabie saoudite...) mais avaient en commun des politiques interventionnistes tournées vers le développement et le compromis entre paysannerie, classe ouvrière et petite-bourgeoisie.
Ce mouvement va se disloquer dans les années 1980, même s'il existe toujours formellement.[5]
Des pays qui étaient en son sein sont clairement devenus des grandes puissances, comme l'Inde, l'Iran ou l'Arabie saoudite, tandis que beaucoup sont encore des pays dominés.
5 Les pays émergents (BRICS)[modifier | modifier le wikicode]
La caractérisation des dits "pays émergent", ceux généralement regroupés sous l'acronyme de BRICS pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, soulève des questions.
La LIT considère que les BRICS sont des "sous-métropoles" : des pays non-impérialistes mais ayant un rôle d'intermédiaires pour les pays impérialistes.
5.1 Russie[modifier | modifier le wikicode]
Le statut impérialiste ou dominé de la Russie contemporaine (et d'avant 1917) fait l'objet de débats parmi les marxistes. Les débats sur la Russie entre 1917 et 1991 sont encore différents, puisque pour la plupart des marxistes l'URSS était un État ouvrier auquel on ne pourrait pas appliquer la catégorie « d'impérialisme ».
La Revolutionary Communist International Tendency (RCIT) a élaboré une analyse concluant sur le fait que la Russie est devenue dans les années 2000 une puissance impérialiste[6].
5.2 Chine[modifier | modifier le wikicode]
Pour certains, la Chine par exemple est une puissance impérialiste triomphante tandis que les États-Unis déclinent[7]. Pour Lutte Ouvrière[8] et pour la Ligue Internationale des Travailleurs, il s'agit au contraire d'un pays qui reste dominé. Bruno Astarian relativise la puissance de la Chine[9].
La Chine est considérée comme une puissance impérialiste à partir des années 2000 pour la RCIT[10] ou pour certains militants du NPA.[11][12]
6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 et 1,1 Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916
- ↑ Léon Trotski, Après Munich, une leçon toute fraîche, 3 octobre 1938
- ↑ 3,0 et 3,1 Internationale communiste, 4e congrès, Thèses générales sur la question d’Orient, 1922
- ↑ Jorge Eduardo Niosi, Le contrôle financier du capitalisme canadien, 1980, 2ème édition en 1981
- ↑ csst.org - Non-Aligned Movement Centre for South-South Technical Cooperation
- ↑ http://www.thecommunists.net/theory/imperialist-russia/
- ↑ http://www.centpapiers.com/la-chine-puissance-imperialiste-triomphante/94782
- ↑ La Chine : nouvelle superpuissance économique ou développement du sous-développement ?
- ↑ http://www.hicsalta-communisation.com/bibliotheque/luttes-de-classes-en-chine-dans-lere-des-reformes-1978-2009
- ↑ http://www.thecommunists.net/theory/why-china-is-imperialist/
- ↑ https://npa2009.org/idees/international/le-deploiement-international-du-nouvel-imperialisme-chinois
- ↑ https://npa2009.org/idees/reconnaitre-que-la-chine-est-une-puissance-imperialiste