Mouvement des non-alignés

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1er sommet des non-alignés à Belgrade (1961)

Le mouvement des non-alignés[1] est un regroupement de pays fondé pendant la guerre froide, par des États récemment affranchis de la colonisation, et souhaitant créer un rapport de force pour se développer, en se faisant les porte-voix du Tiers-Monde.

Idéologiquement ces pays étaient très divers (Cuba, l'Arabie saoudite...) mais avaient en commun des politiques interventionnistes tournées vers le développement et le compromis entre paysannerie, classe ouvrière et petite-bourgeoisie.

Ce mouvement va se disloquer dans les années 1980, même s'il existe toujours formellement.[2]

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'après seconde guerre mondiale, de nombreux pays arrachent leur indépendance par rapport aux puissances colonisatrices. Mais ces pays qui seront bientôt appelés « Tiers-Monde » continuent à subir la domination économique des impérialistes et les ingérences politiques.

Le « mouvement des non-alignés » sera dans le contexte d'alors la principale voie parlant pour le Tiers-Monde, même si bien évidemment, les grandes puissances, en particulier les soviétiques, vont également prétendre œuvrer pour leur développement.

Les pays qui impulseront et dirigeront le mouvement étaient souvent de fait ceux parmi les plus développés des pays du Tiers-Monde, et qui étaient auréolés de victoires des masses populaires : l'indépendance indienne, la révolution yougoslave, l'indépendance de l’Égypte...

Ces pays avaient pour la plupart deux caractéristiques communes : une base sociale large (l'alliance paysannerie -classe ouvrière - petite-bourgeoisie qui avait permis les mouvements indépendantistes) et des politiques développementistes[3][4] (pour contenter cette base sociale large). Ces politiques passaient notamment par un interventionnisme d'État assez fort (permis par des gouvernements relativement au dessus des intérêts de classe immédiats - ce que des marxistes ont caractérisé comme bonapartisme sui generis) et du protectionnisme vis-à-vis de la concurrence des puissances impérialistes.

1.2 Fondation[modifier | modifier le wikicode]

Les leaders réunis à Brioni

Le terme de « non-alignement » a été inventé par le Premier ministre indien Nehru lors d'un discours en 1954 à Colombo. Dans ce discours, Nehru a décrit les cinq piliers à utiliser pour les relations sino-indiennes, qui ont été pour la première fois mises en avant par le Premier ministre chinois Zhou Enlai. Appelés Panchsheel (les « cinq principes »), ces principes servent plus tard de base au mouvement des non-alignés.

La conférence de Bandung, tenue en 1955 en Indonésie (Java), qui avait réuni une trentaine de pays d'Afrique et d'Asie, fut une étape importante pour le mouvement des non-alignés.

La déclaration de Brioni du , proposée par Gamal Abdel Nasser (Égypte), Josip Broz Tito (Yougoslavie), Soekarno (Indonésie) et Jawaharlal Nehru (Inde), marque l'origine du mouvement, qui vise alors, dans le contexte de la guerre froide, à se protéger de l'influence des États-Unis et de l'URSS.

1.3 Dissensions internes[modifier | modifier le wikicode]

Le monde en 1980, polarisé entre les deux superpuissances.

Alors que l'organisation avait à l'origine pour but d'être aussi solide et unie que l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) ou le Pacte de Varsovie, elle a dans les faits peu de cohésion, et plusieurs de ses membres ont été à un moment ou à un autre étroitement liés avec une grande puissance. Par exemple, Cuba était très proche de l'URSS lors de la guerre froide. L'Inde s'est aussi rapprochée de l'URSS durant quelques années pour combattre la Chine.

Le mouvement a également fait face à des dissensions internes quand l'URSS a envahi l'Afghanistan en 1979. D'un côté les États clients de l'URSS approuvaient l'invasion de l'Afghanistan, et de l'autre, certains membres (surtout les États à majorité musulmane) la condamnaient.

Lors de la conférence d'Alger (5-), le mouvement initie un programme intitulé le « Nouvel ordre économique mondial » (NOEI), qui est adopté par consensus lors de l'Assemblée générale des Nations unies le [5],[6],[7]. Ce programme propose des mesures concernant les matières premières, le financement du développement, l'industrialisation, les transferts de technologie et le contrôle des firmes multinationales. Cette initiative sera mise en échec par le contexte de crise sévissant alors et l'opposition de fait des pays développés. Dans l'esprit du NOEI, se développe, à partir de 1973, la coopération arabo-africaine entre deux organisations internationales (l'OUA et la Ligue arabe) qui toutes deux souscrivent aux principes du non-alignement[8].

1.4 Poids à l'ONU[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'Assemblée générale de l'ONU, qui se réunit tous les ans, chaque pays dispose d'une voie. La plus petite des nations peut s'y retrouver formellement à égalité avec les États-Unis d'Amérique. Il faut rappeler que les résolutions votées par l'Assemblée générale n'ont aucune force contraignante pour les puissances impérialistes, qui d'ailleurs ont leur Conseil de sécurité à 5 membres pour discuter les « questions sérieuses » entre elles.

Malgré cela, l'Assemblée a été pour la première fois dans l'histoire une tribune permettant à de nombreux pays pauvres d'avoir un petit espace pour des déclarations pouvant au moins avoir un effet médiatique, et donc un petit impact idéologique. En se regroupant, les non-alignés se sont souvent assurés une large majorité.

En 1979, la « déclaration de La Havane » définit la mission des non-alignés comme d'assurer « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » et de promouvoir la solidarité entre les peuples du tiers monde.

1.5 Tournant néolibéral et désagrégation[modifier | modifier le wikicode]

Un mouvement de dislocation va travailler le mouvement dans les années 1970-1980, sous l'effet de deux facteurs principaux :

  • Les vieux pays impérialistes vont plus agressivement chercher à pénétrer les marchés de ces pays. Les institutions mondiales dominées par les impérialistes, comme la Banque mondiale et le FMI, vont conditionner leurs prêts à des réformes de libéralisation. L'OMC va quant à elle combattre les droits de douane partout dans le monde. Cela va être justifié par l'idéologie néolibérale qui devient alors hégémonique. En dernière instance la raison est le ralentissement économique du capitalisme (lié à la baisse des taux de profit).
  • Le développement relatif de ces pays a parallèlement fait émerger des classes bourgeoises plus fortes, qui ont pris le dessus et profité du tournant néolibéral pour tourner le dos à la politique « interclassiste », et entreprendre une liquidation des mesures sociales et économiques qui entravaient son enrichissement. Elles ont alors souvent repris le rôle typique de bourgeoisies compradore.

Même si les déclarations officielles des conférences des non-alignés se sont mises à dénoncer le consensus de Washington (la doctrine néolibérale mise en œuvre par la Banque mondiale, le FMI, et l'OMC), dans la pratique la plupart des pays ont libéralisé, plus ou moins poussés par la pression externe ou par l'intérêt des compradores intérieurs.

1.6 Évolutions post-guerre froide[modifier | modifier le wikicode]

L'effondrement de l'Union soviétique en 1991 accentue encore la perte de sens du regroupement.

De plus, les États issus de l'éclatement de la Yougoslavie (l'un des membres fondateurs) ont montré peu d'intérêt pour l'organisation depuis la dissolution du pays. Enfin en 2004, Malte et Chypre se sont retirés lors de leur entrée dans l'Union européenne.

1.7 Essor de nouvelles puissances[modifier | modifier le wikicode]

Enfin, ces dernières décennies, des États qui sont formellement membres des non-alignés sont devenues des puissances économiques relativement importantes. En particulier l'Inde et l'Afrique du Sud, qui depuis 2009 se réunissent au sein des BRICS avec d'autres puissances comme la Russie et le Brésil.

2 Pays observateurs[modifier | modifier le wikicode]

La Russie et la Chine ont voulu se faire passer pour des amis du mouvement, et ont été admis comme observateurs uniquement.

Le Brésil n'a jamais été un membre officiel du mouvement, mais il partage plusieurs de ses vues et envoie régulièrement des observateurs à ses sommets.

3 Évolution du nationalisme[modifier | modifier le wikicode]

A l'origine, le mouvement des non-alignés se targuait de véhiculer un nationalisme (ou patriotisme) progressiste par rapport aux nationalistes meurtriers de l'Europe (dans le contexte post Seconde guerre mondiale). Il est vrai que pour beaucoup de ces nouveaux États, il s'agissait de constituer des nations, souvent à partir de populations aux langues et ethnies très différentes (résultat de l'histoire pré-coloniale mais surtout des découpages coloniaux). Les idéologies nationalistes des années 1950 et 1960 ne pouvaient donc pas être trop étroites. Cela correspondait également au poids qu'avaient les mouvements ouvriers et paysans, qui tendaient à faire passer l'unité de ces conditions d'exploités avant les divisions culturelles et religieuses. Sur la scène diplomatique, les leaders des pays non-alignés affirmaient que leurs nationalismes étaient internationalistes.

En revanche l'évolution vers la droite des nationalismes va être spectaculaire, en parallèle de la libéralisation de ces pays. En Inde par exemple, ces dernières décennies ont vu la montée en puissance du suprématisme hindou et des pogroms anti-musulmans.

4 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

Textes

  1. en anglais NAM, Non-Aligned Movement ; en espagnol MNOAL, Movimiento de países No Alineados.
  2. csst.org - Non-Aligned Movement Centre for South-South Technical Cooperation
  3. Wikipedia, Developmental State
  4. Projet BaSES, L’Etat développementiste
  5. « Résolution 3201 (S-VI) », sur www.un.org, (consulté le 10 mars 2019)
  6. « Résolution 3202 (S-VI) », sur www.un.org, (consulté le 10 mars 2019)
  7. « Résolution 67/217 », sur www.un.org, (consulté le 10 mars 2019)
  8. Boutros Boutros-Ghali, « Les relations entre la Ligue arabe et l'OUA », Annuaire français de droit international, vol. 23,‎ , p. 175-186 (DOI https://doi.org/10.3406/afdi.1977.2035, www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1977_num_23_1_2035).