Économies d'échelle

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Chaîne de production automatisée d'échelles

Lorsque l'on passe à une production en plus grande quantité, en utilisant des forces productives plus puissantes, on produit généralement plus efficacement : on peut produire autant en dépensant moins de travail humain. On dit que l'on réalise des économies d'échelle.

Au d'une certaine taille, l'effet commence à s'inverser - sauf si d'autres investissements et innovations viennent changer la donne (déséconomies d'échelle).

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Facteur de progrès[modifier | modifier le wikicode]

Globalement, c'est dans l'industrie (secteur secondaire) que les économies d'échelle sont les plus marquées. Mais on trouve des économies d'échelle dans presque tous les domaines, leur ampleur dépendant de facteurs techniques concrets :

  • La grande industrie est favorisée par rapport à l'artisanat. En particulier, via le machinisme et l'automatisation.
  • La grande distribution est favorisée par rapport à la petite épicerie, parce qu'elle peut acheter en plus gros et obtenir de meilleurs prix auprès de ses fournisseurs, mais aussi parce qu'elle peut vendre de plus grandes quantités de marchandises pour un temps de travail plus réduit (de par le travail à la chaîne des caissier·ères, les caisses automatiques...). Elle peut se permettre de réaliser moins de marge par produit, tout en dégageant au total plus de marge.
  • L'agriculture sur des parcelles plus grandes offre souvent plus de rendements (même si beaucoup de facteurs et de contre-tendances de long terme sont à intégrer). Par exemple un tracteur a peu d'intérêt sur des micro parcelles, mais permet de réaliser des économies de temps sur de grandes parcelles.
  • Les économies d'échelle poussent à la mutualisation des services publics à une échelle intercommunale, voire nationale. C'est particulièrement le cas des services s'appuyant sur un réseau (transports, énergie, télécoms...) dans lesquels les économistes parlent de « monopole naturel ».
  • Dans le secteur des services, les économies d'échelle sont généralement beaucoup moins importantes. Par exemple, dans le nettoyage, à part dans de grands espaces « lisses » (aéroports, voirie...) il y a très peu de mécanisation possible. En revanche, l'externalisation des services de nettoyage repose en partie sur le fait qu'une entreprise de nettoyage peut faire travailler des employé·es sur plusieurs sites dans une journée, ce qui intensifie l'exploitation de leur force de travail par rapport à du personnel qui serait employé par le site.
  • La marchandisation ou la socialisation de certaines tâches domestiques repose en partie sur des économies d'échelle.

Les économies d'échelle sont une des raisons qui favorisent la centralisation du capital (de moins en moins d'entreprises de plus en plus profitables), et par là même qui ont indirectement contribué aux conditions matérielles du socialisme : une économie où les différents travaux sont interdépendants, et qui gagnerait à être socialisée.

1.2 Limites[modifier | modifier le wikicode]

Processus de remembrement de parcelles agricoles au Japon

Les économies d'échelle sont un facteur fondamental dans la forte productivité du travail atteinte par l'humanité, et donc doivent être intégrées à toute réflexion sérieuse sur une société socialiste. Cela ne signifie pas que ce soit le seul critère et qu'il faille l'appliquer mécaniquement.

Par exemple, la sous-traitance revient souvent à dégager des économies d'échelle au prix d'une intensification du travail pour les salarié·es de la sous-traitance. Une situation qui par ailleurs rend plus difficile la solidarité et les luttes ouvrières.

Ou encore, pour des raisons écologiques, il peut être nécessaire de faire certaines réorganisations quitte à perdre en économie d'échelle :

Autre exemple, du point de vue des économies d'échelles, il est « plus efficace » d'habiter avec un grand nombre de personnes (mutualisation de plus d'équipements...). Mais ce n'est pas forcément l'idéal du point de l'émancipation des individus, et la tendance est plutôt à la diminution du nombre de personne par foyer (malgré les colocations qui sont favorisées principalement là où les loyers sont très élevés). Les marxistes ne cherchent pas à combattre cette tendance par principe. Il n'est pas nécessaire d'habiter ensemble pour être solidaires.

Kautsky écrivait à ce sujet :

« Cette tendance, générale dans la société capitaliste, conduit à une plus grande indépendance de l'individu. Elle devient si forte qu'elle compense les inconvénients économiques que présentent les petits établissements par rapport aux grands, même dans les affaires domestiques.

Il est vrai qu'on essaie de conférer aux ménages les avantages d'un grand établissement, du moins dans les villes, mais cela ne se fait pas par la fusion de plusieurs ménages. On y parvient en retirant aux petits ménages leurs fonctions économiques les unes après les autres et en les remplaçant par des institutions générales qui allègent et simplifient les travaux domestiques. »[1]

2 Considérations économiques[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origine des économies d'échelle[modifier | modifier le wikicode]

2.1.1 Coûts fixes et coûts variables[modifier | modifier le wikicode]

Les économies d'échelles reposent souvent sur le fait qu'en augmentant la production, une entreprise peut répartir ses coûts fixes sur davantage de produits. En effet, si les coûts fixes et les coûts variables unitaires restent constants, les coûts unitaires d'un produit baissent.

Par exemple dans une usine de clous, le coût fixe est l'achat du bâtiment et le coût du contrat électricité, tandis que le coût variable unitaire inclut va par exemple être la quantité d'acier et de KWh dépensé pour une boîte de clous. Augmenter la production de clou, sous une certaine limite, peut se faire dans le même bâtiment et avec le même contrat.

Plus généralement, quasiment toutes les activités nécessitent des investissements initiaux (recherche, apprentissage, outillage, capacité de stockage, notoriété, etc.), qu'il faut faire indépendamment de la quantité produite. Ces investissements sont amortis par les quantités produites et, tant qu'ils restent adaptés, une unité supplémentaire est moins coûteuse que les précédentes : c'est pour cette raison que les rendements sont d'abord croissants.

2.1.2 Effets cumulatifs[modifier | modifier le wikicode]

Dégager des économies d'échelles dans une entreprise permet souvent d'en dégager aussi dans les entreprises qui sont en relation avec celle-ci. Globalement, cela tend à donner toujours plus de bonus aux grandes entreprises.

Par exemple, si l'usine de clou augmente sa production, elle va acheter une plus grande quantité d'acier à son entreprise fournisseur, qui elle-même va pouvoir réaliser des économies d'échelle dans son process de production. Le fournisseur pourra donc proposer des prix moins cher, soit en général, soit au moins pour les grosses commandes passées par ses clients comme l'usine de clous.

De même, si l'usine de clou, une fois devenue plus profitable, demande un plus gros prêt à une banque, elle pourra sans doute l'obtenir avec un taux d'intérêt plus faible.

2.2 Déséconomies d'échelle[modifier | modifier le wikicode]

D'une part, tout appareil productif a une certaine capacité maximale, et lorsque l'on s'approche de son taux d'utilisation maximal, il y a un effet de seuil : il faut réaliser un nouvel investissement (par exemple pour construire une deuxième ligne de production identique). Certes, le fait d'avoir deux lignes de production identiques peut aussi permettre de dégager des économies d'échelles en mutualisant certaines fonctions (maintenance...). Mais à la longue, le fait d'avoir plusieurs outils de production, dont certains sont anciens et moins inefficaces, tire la productivité vers le bas (on utilise prioritairement les facteurs les meilleurs, mais il faut les entretenir tous pour les cas de pics de production...).

D'autre problèmes apparaissent : stockage de produits intermédiaires ou de déchets qui deviennent encombrants et qui nécessitent des espaces supplémentaires, problèmes de circulation interne, etc. Certains phénomènes sont spécifiques aux grandes entreprises et peuvent être vues comme le revers de la position dominante, par exemple, le risque de « cannibalisation » entre produits : la Oldsmobile a été abandonnée par GM parce qu'elle faisait plus concurrence à Buick (appartenant à GM) qu'à d'autres compagnies.

Certains problèmes de lourdeurs bureaucratiques apparaissent presque toujours dans les grandes structures :

  • Communication interne : pour un grand nombre de travailleur·ses, il devient impossible de maintenir une communication de chacun·e entre eux (le nombre de canaux de communication bilatéraux augmente bien plus vite que le nombre de travailleur·ses). Des sous-services communiquant moins entre eux sont forcément mis en place. Or, cela créé un risque de duplication de l'effort : par exemple, ne sachant pas qu'une solution à un problème a été trouvé dans un service, un autre service créé une solution « doublon ». Deux divisions de General Motors ont par exemple développé chacune un système CFAO, qu'il a fallu ensuite à grand frais rendre compatibles.[2]
  • Multiplication des niveaux : pour contrôler une entreprise où la plupart ne se connaissent pas, il devient nécessaire de formaliser toujours plus les objectifs, ce qui donne lieu à des outils spécialisés (indicateurs, système qualité...). Comme ces outils sont toujours imparfaits et sujets à des détournements, ils sont cesse complexifiés, si bien que le nombre de cadres tend à augmenter par rapport aux travailleur·ses (ainsi que les bullshit jobs).
  • « Politique de bureau » : un chef de service/bureau peut avoir des intérêts contradictoires avec ceux de l'entreprise, comme promouvoir adjoint quelqu'un d'incompétent, qui ne risque pas de lui prendre sa place.

2.3 Mesures[modifier | modifier le wikicode]

Pour mesurer l'économie d'échelle de façon comptable, on peut mesurer la baisse du coût unitaire (coût de production/nombre de produits). On a donc un coût marginal décroissant.

On distingue parfois :

  • l'économie d'échelle : la baisse du coût unitaire d'un produit obtenue en accroissant la quantité produite.
  • le rendement d'échelle : l'accroissement de l'efficacité obtenu en accroissant les facteurs de production (c'est le même phénomène exprimé en unités physiques au lieu des prix).

Une fonction de production [math]\displaystyle{ F(K,L) \, }[/math] possède des rendements d'échelle :

  • constants si [math]\displaystyle{ F(aK,aL)=aF(K,L) \, }[/math]
  • croissants si [math]\displaystyle{ F(aK,aL)\gt aF(K,L) \, }[/math]
  • décroissants si [math]\displaystyle{ F(aK,aL)\lt aF(K,L) \, }[/math]

[math]\displaystyle{ K }[/math] et [math]\displaystyle{ L }[/math] représentent des facteurs de production (capital et travail selon les termes dominants), et [math]\displaystyle{ a\, }[/math] correspond au facteur d'échelle.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
  2. Wikipédia, Déséconomies d'échelle