Automatisation

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Un automate est un dispositif se comportant de manière automatique, c'est-à-dire sans l'intervention d'un humain. Ce comportement peut être figé, le système fera toujours la même chose.

L'automatisation (ou automation) est le fait de rendre un processus de production automatique.

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

Le machinisme et l'industrialisation reposent en général sur des séquences de travail automatisées, et l'automatisation repose en général sur une énergie apportée au système (énergie mécanique produite à partir d'énergie électrique ou fossile...).

Marx relevait d'ailleurs à plus propos de la machinerie : « plus elle est productive et plus le service qu'elle rend se rapproche de celui des forces naturelles »[1] (comme l'action de l'eau sur un moulin, du vent sur une éolienne...).

L'introduction de davantage d'automatisation a des impacts sur les rapports de production humains, ce qui a été perçu assez tôt dans l'histoire de la pensée. Aristote, qui légitimait l'esclavage, envisageait que la société pourrait s'en passer à condition de disposer d'automates :

« Il n’existe qu’une seule situation où l’on puisse imaginer que les responsables se passent de subordonnés, et les maîtres d’esclaves. Pour cela, il faudrait que chaque instrument puisse accomplir son propre travail, sur demande ou en l’anticipant de façon intelligente, comme les statues de Dédale ou les trépieds d’Héphaïstos dont Homère raconte qu’ils “pénétraient d’eux-mêmes dans le sanctuaire des dieux de l’Olympe”, comme si une navette tissait seule et comme si un plectre jouait de la harpe de lui-même. »[2]

2 Questions théoriques[modifier | modifier le wikicode]

La tendance à l’automatisation a toujours soulevé des débats, et y compris entre marxistes.

2.1 Automatisation et emplois[modifier | modifier le wikicode]

Les économistes sont très partagés, et depuis longtemps, sur la question de l'effet de la productivité (innovations, machinisme, automatisation...) sur l'emploi.

C'est la révolution industrielle qui a commencé à poser la question à grande échelle, parce que dans les secteurs où les premières machines à vapeur étaient introduites, le bond fait par la productivité ruinait un grand nombre d'artisans (engendrant des réactions comme le luddisme). Cependant la croissance qui est aussi née de la révolution industrielle a aussi créé de nouvelles industries, augmenté fortement la demande dans la plupart des secteurs économiques, et au final créé beaucoup de nouveaux emplois. Si bien que sur longue période, le chômage a connu de nombreuses variations, au lieu d'une baisse inexorable.

Dans tous les cas, même lorsque le nombre global d'emplois est stable, des salariés se retrouvent à la rue dans certains secteurs, au grès des décisions de leurs patrons (ou des concurrents de leurs patrons), retrouvant parfois un emploi équivalent ou dégradé (sous-emploi) après une période difficile, ou n'en retrouvant jamais.

Par ailleurs, même si sur le temps long et sous l'effet des luttes ouvrières, le temps de travail moyen a diminué, il est toujours plus rentable pour un patron de continuer à faire travailler autant ses salarié·es et de licencier ceux dont il n'a plus besoin.

L'utilisation capitaliste des gains de productivité fait donc peser une précarité permanente sur les travailleur·ses, alors que dans une société communiste, il serait possible d'utiliser les gains de productivité pour obtenir pour chacun·e un emploi utile, épanouissant, avec un temps de travail très réduit.

2.2 Automatisation et division du travail[modifier | modifier le wikicode]

Boukharine, tout en soulignant que les catégories professionnelles (issues de la division du travail) étaient des différences de second ordre par rapport à « la division du travail en travail dirigeant et travail subordonné », critiquaient ceux qui naturalisaient ces différences professionnelles. Pour lui ces divisions seraient dépassées sous le communisme, notamment via l'automatisation :

« Voilà pourquoi est fausse l'affirmation du professeur Solntsev à savoir que la profession est « une catégorie naturelle-technique » (souligné par l'auteur N. B.), qu'elle est innée dans les relations humaines même dans la période préhistorique, et dans tous les stades suivants, que« c'est une catégorie non historique, non d'ordre social » (op. cit., p. 21), bref, que c'est une catégo­rie éternelle. La profession devient profession, parce qu'une espèce déterminée de travail s'attache ordinairement à vie à l'homme : le cordonnier est pour toute sa vie attaché à son embauchoir. Mais rien ne prouve qu'il en a toujours été ainsi et qu'il en sera toujours ainsi. L'automatisme croissant de la technique libérera les hommes de cette nécessité et montrera combien cette catégorie comme les autres était simplement d'ordre historique. »[3]

2.3 Automatisation et remise en cause du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

Une des questions est de savoir jusqu’où peut se développer cette tendance, et si elle peut conduire à des changements qualitatifs au sein du capitalisme.

Dans certains de ses premiers écrits, Marx estime que la tendance au développement de l’automatisation par le capitalisme fait de plus en plus apparaître comme périmé les rapports d’exploitation capitalistes, en particulier dans le Fragment sur les machines, passage des Grundrisse :

« Mais dans la mesure où se développe la grande industrie, la création de la richesse véritable dépend moins du temps de travail et de la quantité de travail appliqué que de la force des agences qui sont mises en mouvement pendant le temps de travail, force qui à son tour est hors de proportion avec le temps de travail immédiat que coûte sa production, mais qui dépend plutôt du niveau général de la science et des progrès de la technologie, ou de l’application de cette science à la production (le développement de cette science, surtout des sciences naturelles, étant lui-même en rapport avec le développement de la production matérielle). Le travail n’apparaît plus tellement comme inclu dans le processus de production ; l’être humain se comporte plutôt comme surveillant et régulateur du processus de production. » (Grundrisse, Dietz-Verlag Berlin, 1953, p. 592).

Et encore :

« Le vol du temps de travail d’autrui, sur lequel se fonde la richesse actuelle, apparaît comme une base misérable comparé à cette base nouvelle, développée, créée par la grande industrie elle-même. Dès que le travail dans sa forme immédiate a cessé d’être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse et doit cesser d’être sa mesure, et la valeur d’échange doit cesser d’être la mesure de la valeur d’usage. Le surtravail de la masse a cessé d’être la pré-condition du développement de la richesse générale, de même que le non-travail de quelques-uns [cesse d’être la condition] du développement des forces générales de la tête humaine. De ce fait, la production fondée sur la valeur d’échange s’effondre. » (Grundrisse, ibidem, p. 593).

Dans le livre III du Capital, Marx écrit :

« Un développement des forces productives qui aurait pour effet de diminuer le nombre absolu des ouvriers et de permettre à la nation tout entière de produire en moins de temps tout ce dont elle a besoin, provoquerait une révolution, parce qu'il mettrait sur le pavé la plus grande partie de la population. Ici se manifeste de nouveau la limite qui est assignée à la production capitaliste et se montre une fois de plus que celle-ci, loin d'être la forme absolue du développement des forces productives, doit nécessairement entrer en conflit avec lui à un moment donné.  »[4]

C'est ce qui fait dire à Ernest Mandel que l'automatisation ne peut pas aller jusqu'au bout :

« De façon évidente, ce développement ne peut être achevé sous le capitalisme précisément parce que sous le capitalisme, la croissance économique, les investissements, le développement du machinisme (y compris celui des robots) demeurent subordonnés à l’accumulation du capital, c’est-à-dire à la production et à la réalisation de la plus-value, c’est-à-dire à la recherche des profits des entreprises prises individuellement, à la fois profits attendus et profits réalisés. Nous avions déjà indiqué dans notre livre le « Capitalisme du troisième âge » que sous le capitalisme, l’automation complète, l’introduction de robots sur grande échelle sont impossibles car elles impliqueraient la disparition de l’économie de marché, de l’argent, du capital et des profits. »[5]

Il pense que le phénomène, sous le capitalisme, ne peut être que partiel et risque de faire sentir ses effets négatifs :

« La variante la plus probable sous le capitalisme, c’est précisément la longue durée de la dépression actuelle, avec seulement le développement d’une automation partielle et d’une robotisation marginale, les deux étant accompagnées par une surcapacité de surproduction sur grande échelle (une surproduction de marchandises), un chômage sur grande échelle, une pression sur grande échelle pour extraire de plus en plus de plus-value d’un nombre de jours de travail et d’ouvriers productifs tendant à stagner et à décliner lentement. Cela équivaudrait à une augmentation de la pression à la surexploitation de la classe ouvrière (en faisant baisser les salaires réels et les prestations de Sécurité sociale), en affaiblissant ou détruisant le mouvement ouvrier organisé et en sapant les libertés démocratiques et les droits de l’homme. »

A l'inverse, il fait du socialisme une condition nécessaire pour profiter de la robotisation :

« Dans une économie socialisée, la robotique serait un merveilleux instrument d’émancipation humaine. Elle rendrait possible la semaine du travail de 10 heures. Elle donnerait aux hommes et aux femmes tout le temps nécessaire à l’autogestion de l’économie et de la société, au développement d’une individualité sociale riche pour tous et toutes. Elle permettrait la disparition de la division sociale du travail entre administrateurs et administrés, le dépérissement rapide de l’Etat, de toute coercition ou violence entre les êtres humains. »

Le Fragment sur les machines a inspiré toute une littérature, notamment dans l'opéraïsme italien[6]. D'autres auteurs comme George Caffentzis en font d'autres lectures.

2.4 Automatisation totale et loi de la valeur[modifier | modifier le wikicode]

Certains marxistes soulignent alors que si le capitalisme évoluait vers une « production automatique totalitaire », cela impliquerait l’effondrement de la loi selon laquelle la valeur dérive du travail.

Ce à quoi Bordiga répond : « Bon débarras ! Avec la loi de la valeur, de l’échange d’équivalents et de la plus-value, c’est la forme de production bourgeoise elle-même qui s’effondre ! »[7]

Pour Bordiga, il s’agit de déduire directement la nécessité du communisme du capitalisme, sans transition socialiste.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Rudi Supek, Karl Marx et l'époque de l'automation, 1967

  1. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XV : Machinisme et grande industrie, 1867
  2. Aristote, Politique, 335 à 323 av. J.-C
  3. Nikolaï Boukharine, La théorie du matérialisme historique, 1921
  4. Karl Marx, Le Capital - Livre III - Chapitre 15, 1865
  5. Ernest Mandel, Marx, la crise actuelle et l’avenir du travail humain, Revue Quatrième Internationale n°20, mai 1986
  6. Riccardo Bellofiore et Massimiliano Tomba, Marx et les limites du capitalisme : relire le « fragment sur les machines », Revue Période, 2015
  7. A. Bordiga, « Traiettoria e catastrofe della forma capitalistica nella classica monolitica costruzione teorica del marxismo », il programma comunista, 19-20 (1957), in A. Bordiga, Economia marxista ed economia controrivoluzionaria, Milan, 1976