Production

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Chaîne de production de voitures en Chine

La production est un acte consistant à transformer la matière afin d'apporter une valeur ajoutée.

Cet acte est fondamental car c'est lui qui pourvoit aux besoins sociaux, des plus élémentaires (se nourrir, se vêtir...) aux plus élaborés (pouvoir se déplacer rapidement, accéder à des connaissances...). En plus de cela, la façon dont une société organise la production pose les questions essentielles : comment travaille-t-on ? pour quoi ? L'histoire des sociétés divisées en classes sociales ajoute la question « pour qui ? ». Dans la production résident donc des questions politiques de première importance. Ces dernières décennies s'est ajoutée la question : « en prenant en compte ses impacts écologiques, la production est-elle durable ? ».

1 Définitions et mesures de la production[modifier | modifier le wikicode]

La production, en elle-même, est un ensemble d'activités de transformations (physico-chimiques) de la matière. Il est donc difficile de trouver des indicateurs globaux pour agréger toutes ces transformations. La principale façon de le faire, du fait de la domination de la production marchande, est de « traduire » la production en valeur.

1.1 Valeur ajoutée[modifier | modifier le wikicode]

Selon l'INSEE, la valeur ajoutée se définit ainsi : « Solde du compte de production. Elle [la valeur ajoutée] est égale à la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire. »[1]

Cette notion se conçoit plus intuitivement dans l'industrie, où est plus perceptible le processus de transformation de produits intermédiaires en produits finis, de marchandises en marchandises ayant une valeur supérieure. C'est pourquoi elle est devenue la base de l'analyse économique à partir de la révolution industrielle, l'industrie étant devenue le cœur de la production. La notion est cependant utilisée par extension également pour les entreprises financières, les entreprises publiques ou même des associations, même si cela pose de nombreuses difficultés.

1.2 PIB[modifier | modifier le wikicode]

Le Produit intérieur brut (PIB) est la somme des valeurs ajoutées dans toutes les entreprises présentes dans un pays. C'est le principal indicateur servant à mesurer la croissance, donnée fondamentale pour le fonctionnement d'une société capitaliste.

2 La production, point clé du marxisme[modifier | modifier le wikicode]

La pensée de Karl Marx donne une grande importance à la production.

2.1 Importance ontologique[modifier | modifier le wikicode]

D'une part, il en fait la base de la compréhension de l'homme : les hommes « commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils commencent à produire leurs moyens d'existence, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle »[2]. La production n'est donc pas seulement une action économique; elle a un sens plus profond car elle est « la façon dont les individus manifestent leur vie. (...) Ce qu'ils sont coïncide donc avec leur production (ibid.) ». À la question philosophique : « qu'est-ce que l'homme ? », Marx répond donc : « l'homme c'est le monde de l'homme, l'État, la société[3] ». Il faut donc dire que l'homme se produit lui-même dans l'histoire : « par son activité historique, l'homme se donne une valeur humaine, il produit ses propriétés d'homme », il se met en valeur[4]. Marx écrivait : « Tout ce qu'on appelle l'histoire universelle n'est rien d'autre que l'engendrement de l'homme par le travail humain[5]. »

2.2 Importance politique[modifier | modifier le wikicode]

D'autre part, l'étude de la production fournit la base scientifique qui permet de comprendre la structure et l'évolution des sociétés humaines. C'est la théorie du matérialisme historique selon laquelle les rapports de production (relations entre les classes sociales) sont liés aux forces productives (techniques, outillage et machines): « les rapports sociaux sont intimement liés aux forces de production. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production et en changeant leur mode de production, ils changent la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux ».

Dans un fameux raccourci, il écrit : « Prenez le moulin à bras et vous aurez la société féodale avec le suzerain; prenez le moulin à vapeur et vous aurez la société avec le capitaliste industriel[6]». Les rapports de production sont d'abord en accord avec l'état de développement des forces productives, mais l'évolution de ces dernières finit par créer le besoin de nouveaux rapports de production, "alors commence une ère de révolution sociale"[7] qui se conclut par l'apparition d'un nouveau mode de production et donc d'un nouveau type de société. L'histoire de l'humanité se définit par celle des modes de production. Sans livrer de modèle définitif d'une succession rigide, il distingue les suivants : asiatique, antique, féodal et capitaliste auxquels devrait succéder le mode de production communiste débarrassé de la lutte entre les classes sociales qui a caractérisé les précédents.

3 Évolution historique[modifier | modifier le wikicode]

L'histoire de la production est marquée par deux grandes ruptures, la révolution néolithique (passage à une société sédentaire agricole) et la révolution industrielle.

3.1 Révolution néolithique[modifier | modifier le wikicode]

A l'origine, et pendant 95% du temps passé depuis son apparition, notre espèce a vécu en tribus de chasseurs-cueilleurs, qui se contentaient globalement de prendre ce que la nature leur offrait directement, en ayant un impact mineur sur l'environnement (comparable à celui des animaux), et en migrant en permanence (nomadisme). La « production » se limitait à la cueillette, la chasse, la production d'abris éphémères, de quelques habits, éventuellement de mégalithes. Dans ces conditions, au paléolithique, cette production était globalement plafonnée. Cette production était essentiellement communautaire (« communisme primitif »).

La révolution néolithique fut la transition de ces tribus de chasseurs-cueilleurs vers des communautés d'agriculteurs. La première émergence eut lieu au Proche-Orient, il y a 8000 ans environ, où les hommes passèrent graduellement de la cueillette de céréales sauvages, à la production de plantes et d'animaux domestiqués.

Cette transformation dans la façon de produire les moyens de subsistance élémentaires engendra des transformations majeures de toute la société. Elle entraîna rapidement une sédentarisation. Il devenait possible d'accumuler un surproduit (céréales stockés en quantité supérieure aux besoins immédiats), et rapidement celui-ci fut accaparé par une classe dominante. Ces techniques agricoles nouvelles ont aussi signifié un début de modification radicale de l'environnement par l'humanité.

La révolution néolithique a entamé un processus d'accroissement de la division du travail : spécialisation des individus en différents métiers, à commencer par agriculteur (l'essentiel de la force de travail), artisan (au fur et à mesure de la sophistication des besoins en outils), marchand, soldat, scribe... Cette division du travail est étroitement liée à la hausse de la productivité du travail. Cette dernière a progressivement augmenté la production globale de l'humanité, et sa capacité à produire un volume supérieur avec une même dépense de travail. Dans les conditions des sociétés précapitalistes, elle était cependant globalement plafonnée.

3.2 Essor des marchés[modifier | modifier le wikicode]

Dans les sociétés de classe précapitalistes, il existait déjà des marchands (vente d'esclaves, d'outils, d'épices, de bijoux...). Cependant les marchés représentaient une part réduite de la circulation des biens. La très grande majorité des biens étaient des biens agricoles contrôlés dans le cadre d'une exploitation non marchande (esclavage, servage...).

Il arrivait que l'importance des marchés prenne de l'ampleur, notamment lorsque des États puissants et des aristocraties stimulaient l'échange de biens de luxe, mais ceux-ci pouvaient aussi brusquement se contracter jusqu'à la quasi-disparition.

En Europe, après le Moyen-Âge, les rapports marchands se sont développés progressivement, jusqu'à ce que l'on puisse parler de développement d'un capitalisme marchand au sein du mode de production féodal.

3.3 Révolution industrielle et production marchande[modifier | modifier le wikicode]

Mais c'est la révolution industrielle du 19e siècle qui provoque le passage définitif dans un nouveau mode de production. Elle transforme une société à dominante agraire et artisanale en une société commerciale et industrielle. Le caractère dominant de cette mutation est le passage de l'outil (prolongement de la force musculaire de l'ouvrier) à la machine (dispositif autonome mû par une énergie naturelle), ce qui permet la mise en place de la production en série, c'est-à-dire d'une production en masse d'objets identiques à grande échelle.

Dans le cadre du capitalisme, la production est généralement conçue comme l'activité destinée à satisfaire non plus les besoins du producteur (autoconsommation), mais à être vendue sur le marché[8]. Cette dernière est appelée « production marchande »[9]. De plus, la vente n'est pas effectuée pour satisfaire les besoins jugés nécessaires ou urgents. Ceux-ci doivent être armés d'un pouvoir d'achat ; autrement dit, la production est destinée aux consommateurs qui sont capables de payer[8].

3.4 Socialisation de la production[modifier | modifier le wikicode]

De fait, le capitalisme industriel engendre la base matérielle de la socialisation de la production. Bien que les moyens de production soient privés et opposés chaotiquement par la concurrence, de même que les travailleurs, le travail est de plus en plus interdépendant, et ce à l'échelle internationale. Cela se manifeste tant par les immenses usines, où travaillent déjà "ensemble" les salariés, que dans les moyens de production tels que l'informatique, qui permettent des échanges productifs réguliers et "instantanés". Cela a pour conséquence une augmentation phénoménale des forces productives, qui parce qu'elle a lieu dans les rapports bourgeois de production (propriété privée) génère une contradiction insurmontable entre les besoins sociaux, et l'intérêt de la minorité possédante.

Il n'y a qu'un passage révolutionnaire vers une production réellement sociale qui puisse dépasser ce frein que représente aujourd'hui le capitalisme. La production sera pleinement sociale lorsque tous les producteurs (travailleurs) seront librement associés, et poseront ainsi le travail directement comme travail social, avec participation équivalente à la consommation du surproduit créé.

« Il faut naturellement une médiation. Dans le premier cas, on part de la production autonome des individus particuliers, qui est déterminée et modifiée post festum par des rapports complexes : la médiation s'effectue par l'échange des marchandises, la valeur et l'argent, autant d'expressions d'un seul et même rapport. Dans le second cas, c'est la présupposition elle-même qui sert de médiation ; autrement dit, la présupposition c'est une production collective, la communauté étant le fondement de la production. D'emblée, le travail est posé comme travail social. Quelle que soit donc la forme matérielle et particulière du produit qu'il créé ou contribue à créer, ce qu'il achète avec son travail, ce n'est pas tel ou tel produit, mais une participation déterminée à la production collective. Il n'a donc pas à échanger ici de produit particulier : son produit n'est pas une valeur d'échange. Dans le premier cas, le caractère social de la production n'est obtenu -post festum- qu'en érigeant les produits en valeurs et en les échangeant. Dans le second, le caractère social de la production est directement assuré. »[10]

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. « Définition - Valeur ajoutée | Insee », sur insee.fr, (consulté le 27 novembre 2020)
  2. Marx et Engels, L'Idéologie allemande, p.13 uqac
  3. K. Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel [1]
  4. Emmanuel Hérichon, Le Concept de propriété dans la pensée de Karl Marx, [2]
  5. Karl Marx, Les Manuscrits de 1844, p.99.
  6. K. Marx Misère de la philosophie [3]
  7. K. Marx, Contribution à la critique de l'économie politique, p. 23[4]
  8. 8,0 et 8,1 Jean-Pierre Delas, Économie contemporaine : faits, concepts, théories, Paris, Ellipses, , 751 p. (ISBN 978-2-7298--3611-5), p. 14 et 15.
  9. Jean-Marie Albertini, Les rouages de l'économie nationale, Paris, Les Éditions Ouvrières, ooctobre 1982, 317 p. (ISBN 2-7082-0663-X), p. 226.
  10. Manuscrits de 1857-1858 ("Grundrisse"), Chapitre de l'argent, Karl Marx