Solidarité
La solidarité est une notion de sociologie et de politique.
1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Solidarité ouvrière[modifier | modifier le wikicode]
La solidarité des travailleur·ses a tendance à se manifester spontanément, en particulier sur des lieux de travail où illes partagent une exploitation commune. Mais l'échelle à laquelle cette solidarité peut ou non s'étendre est dépendant de l'action de militant·es du mouvement ouvrier et socialiste.
Des travailleur·ses ont parfois tendance à se grouper au niveau d'un atelier ou d'un service, et à se sentir indifférents, voire hostiles aux autres services. La même tendance se retrouve parfois au niveau d'une branche de métier, par rapport aux autres (corporatisme, « solidarité de guilde »[1]...). Ce n'est que lorsqu'il y a une solidarité au niveau de l'ensemble de la classe travailleuse que l'on peut parler de conscience de classe.
Cette conscience connaît d'importante variations selon les périodes. Ce n'est ni un hasard, ni le simple fait de la "nature humaine". Les travailleurs subissent bien plus la précarité matérielle, qui les pousse souvent à penser d'abord à des solutions individuelles, même s'ils y perdent globalement. Et puis ils baignent dans l'idéologie dominante, qui masque les classes, parle d'une seule et même entité qui regrouperait tous les individus derrière la même bannière (la République, le Reich...).
Malgré cela, les exemples concrets d'actions solidaires au sein des travailleurs ne manquent pas. Par exemple avec le soutien des ouvriers états-uniens de Ford à leurs camarades des maquiladoras mexicaines pour qu'ils créent des syndicats indépendants, et par là même diminuent le dumping social. Au stade supérieur, cette solidarité gagne la classe dans son ensemble, comme lorsque les ouvriers des usines collectivisées d'Argentine embauchent des chômeurs. Enfin, dans une phase aigüe de la lutte de classe, ce peut être l'ensemble du camp révolutionnaire qui se solidarise, comme lorsque des paysans organisent le ravitaillement des travailleurs urbains en grève (au début de la Révolution russe, en mai 68...). Le renforcement de la solidarité ouvrière est un combat permanent, celui des communistes révolutionnaires.
1.2 Solidarité bourgeoise[modifier | modifier le wikicode]
Dans la société capitaliste, la solidarité existe implicitement parmi la bourgeoisie. Celle-ci, qu'elle soit au sommet de l'Etat, aux commandes des grandes entreprises ou à la direction des grands médias, défend le statu quo et la défense de l'ordre établi. C'est la solidarité de classe qui fait que les puissances européennes et les États-Unis interviennent militairement contre la Révolution d'Octobre 1917. C'est encore la solidarité bourgeoise qui provoque l'indignation générale des dirigeants lorsqu'il arrive un malheur à l'un d'eux (séquestration d'un patron, humiliation d'un journaliste servile...).
1.3 Solidarité contre charité[modifier | modifier le wikicode]
La solidarité implique une certaine interdépendance entre les personnes, des intérêts communs ou liés. Les personnes solidaires, que ce soit au niveau d'un syndicat, d'une corporation ou de la société entière, se sentent appartenir à un ensemble, qui est menacé lorsque l'un d'eux est menacé. C'est assez clair avec l'étymologie venant de "solide".
A l'inverse, la charité connote plutôt la pitié pour quelqu'un d'extérieur à soi et à son propre groupe.
2 En sociologie[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Chez Durkheim[modifier | modifier le wikicode]
Emile Durkheim, un des pères de la sociologie holiste, a étudié la notion de solidarité. En effet elle est fondamentale car elle le ciment social, la condition nécessaire à l'existence d'une société. Il distinguait deux notions, liées à l'évolution historique.
- La "solidarité mécanique" désigne la solidarité fonctionnant immédiatement, à l'échelle des sociétés tribales, ou des familles. Elle est basée sur la relative homogénéité des personnes : même travail commun, mêmes cultes et rites, mêmes adversaires (bêtes sauvages ou clans rivaux...).
- La "solidarité organique" désigne la solidarité dans la société industrielle moderne. L'interdépendance y est plus avancée, puisqu'elle repose sur la complémentarité issue de la division du travail : le fabriquant de chaussures a besoin du fabriquant de lacets, le patron a besoin du travailleur...
2.2 Chez Marx[modifier | modifier le wikicode]
La pensée marxiste aide à discerner les classes dans la société, donc les intérêts différents et les solidarités qui en découlent. Cela ne s'oppose pas à la notion développée par Durkheim, mais y ajoute une dimension.
C'est par exemple une solidarité de classe qui poussait la noblesse européenne à dépasser ses incessants conflits internes pour s'unir contre les soulèvements bourgeois ou populaires (intervention contre la Révolution française...).
2.3 Différences entre couches sociales[modifier | modifier le wikicode]
Des études montrent que l'argent a un effet notable sur les rapports entre individus. Plus on est riche, plus on passe de temps avec des amis, et moins on passe de temps avec sa famille ou ses voisins.[2] Cela a forcément des conséquences complexes sur les liens de solidarité, et sur leur caractère plus ou moins "subi".
Des expériences de psychologie sociale ont aussi montré que les riches sont moins généreux que les pauvres.[3]
En ramenant les sommes des dons à la richesse des gens, un chercheur français montrait en 2008 que « les pauvres sont plus généreux que les riches : la moitié des pauvres consacrent plus de 0,23% de leurs revenus aux dons, alors que pour les riches, le chiffre est de 0,06%. »[4]
Des études sociologiques suggèrent que dans les années 1990 en France, le déclin relatif des milieux ouvriers traditionnels, touchés par le chômage ou la reconversion forcée vers des emplois de service peu qualifiés, ont eu tendance à éroder les liens de solidarité ouvrière, y compris au sein des familles[5].
3 Solidarité nationale et internationalisme[modifier | modifier le wikicode]
Le terme de « solidarité nationale » est très employé, même à droite et à l'extrême droite. Officiellement, tous sont supposés être d'accord pour des mécanismes de solidarité à l'échelle du pays.
Dans la pratique, des riches qui se prétendent « nationalistes » n'hésitent pas à faire de l'exil fiscal, méprisant totalement la solidarité nationale. Par exemple Frédéric Chatillon, ancien du GUD et proche de Marine Le Pen, cité dans les Panama Papers (2016)[6]. Ou encore le chef de « Vengeance patriote » qui a une société d'optimisation fiscale au Belize.[7]
Plus largement, par son soutien à des politiques de privatisation des services publics et de coupe dans les budgets, ou ses discours haineux contre « les assistés », le camp politique « libéral-conservateur » est contre la solidarité nationale.
La gauche défend les mécanismes de solidarité nationale, et tente, au moins dans le discours, d'étendre la solidarité à l'échelle internationale (internationalisme). Le mouvement ouvrier a par exemple longtemps été constructeur de puissantes internationales (1ère, 2e, 3e...).
4 Solidarisme[modifier | modifier le wikicode]
Parler de solidarité à l'échelle de la société peut aussi être un moyen de masquer les clivages de classe et de tenter de gagner la paix sociale en restant sous le capitalisme. C'était notamment le cas du solidarisme, un mouvement initié par Léon Bourgeois à la Belle Époque. Ce membre du parti radical, qui soutenait des principes de redistribution (impôts sur les successions, retraites ouvrières...) était certes parmi les progressistes. Mais son but était clairement de couper l'herbe sous les pieds du mouvement ouvrier socialiste. De nombreux courants d'extrême droite aujourd'hui se réclament du « solidarisme ».
5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
- ↑ The Washington Post, The social lives of rich people, explained, 2016
- ↑ Daily Geek Show, La science l’a démontré : les pauvres sont plus généreux que les riches, 8 juillet 2018
- ↑ Olivier Bouba-Olga, Qui sont les plus généreux : les riches ou les pauvres ?, 7 mai 2008
- ↑ Hugues Lagrange, L'épreuve des inégalités, Presses Universitaires de France, 2015
- ↑ Simon Piel et Anne Michel, « Panama papers » : comment des proches de Marine Le Pen ont sorti de l’argent de France, Le Monde, 5 avril 2016
- ↑ Pierre Plottu, Maxime Macé et Antoine Hasday, Lucas S., serial entrepreneur des « legal tech » et... militant de l'extrême droite radicale, Next INpact, 13 janvier 2021