Investissement

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L'investissement d'un capital est la dépense de celui ci dans la mise en place de forces productives, destinées à dégager en retour une plus-value.

1 Dynamique du capital[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque des débouchés existent, c'est à dire un marché solvable, il y a une tendance à ce que des capitalistes investissent pour en tirer profit. Lorsque cette tendance se réalise à suffisamment large échelle, on observe de la croissance économique, et des créations d'emplois. Mais le critère rendant des investissements intéressants ou non est le taux de profit. S'il existe des possibilités d'investissements plus rentables, même si cela mène à du capital fictif et à des bulles spéculatives, il est tout à fait possible que des investissements productifs soient délaissés.

Étant donné la tendance à la baisse du taux de profit dans l'industrie, de telles situation se produisent inévitablement. Nous sommes dans une période de stagnation de ce genre, et l'on peut clairement observer un décrochage entre le taux d'investissement et le taux de profit. C'est pourquoi on peut considérer que le niveau des investissements est un reflet de "l'état de santé" du capitalisme.

Les investissements sont aussi plus ou moins dissuadés par la volatilité des prix. Les financiers sont souvent réticents à investir dans un secteur où la volatilité des prix dépasse 100%. Par exemple, la volatilité moyenne des prix de l'électricité en Europe est 10 fois plus élevée que celle du pétrole (qui est de 40%), ce qui explique une partie des réticences capitalistes à investir dans la transition énergétique, et la nécessité pour les États (dans le cadre libéralisé qu'ils ont créé) de recourir à des incitations pour garantir au privé la rentabilité.[1]

2 Investissements à l'étranger[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Tendances générales[modifier | modifier le wikicode]

Vers la fin du 19e siècle, le capitalisme monopoliste (impérialiste) a engendré une "première mondialisation". Les investissements à l'étranger ont connu un pic, avant de chuter sous l'effet des guerres mondiales et du repli protectionniste.

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A partir des années 1970, l'investissement des impérialistes à l'étranger s'est fortement accru, sous l'effet de la baisse de rentabilité dans la Triade (Europe, États-Unis, Japon). Les investissements à l'étranger se font souvent par vagues, et focalisés sur quelques pays. Dans les années 1970, c'étaient surtout le Brésil et la Corée du Sud qui étaient les principaux destinataires. Dans les années 1990, les États-Unis captaient 38% des investissements, et la Chine 8%.

La Chine a réussi à concentrer d'importants investissements de multinationales japonaises et occidentales dans les années 1990 et 2000 (attirés par de faibles salaires combinés à une stabilité politique offerte par le régime dictatorial, ainsi que de faibles impôts dans les zones économiques spéciales). De nombreuses délocalisations de productions industrielles ont eu lieu vers la Chine, et la concentration de fournisseurs en un même lieu (par exemple l'électronique dans le Sud de la Chine, proche de Taïwan, Hong-Kong, et le Japon) ont créé un écosystème permettant des économies aux capitalistes. Tout cela a renforcé le rapport de force de la Chine, qui a pu négocier des conditions de plus en plus avantageuses, en particulier des transferts de technologie. Ces facteurs expliquent comment la Chine a pu connaître un boom économique majeur la propulsant au rang de 2e puissance impérialiste.

Depuis les années 2010 et 2020, une tendance au retour de mesures protectionnistes est perceptible. Aux États-Unis, des mesures pour empêcher des investissements étrangers (notamment en réaction aux avancées chinoises) ont été prises. De même en France.[2]

2.2 Asie du Sud-Est[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1970 et 1980, l'investissement (principalement des firmes transnationales) s'est concentré sur les pays de l'Asie du Sud-Est, dont d'abord les "4 dragons" (Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour). Le critère initial n'a sans doute pas été le faible niveau des salaires, car celui-ci était comparable en Afrique et en Asie. Les inconvénients de l'Afrique étaient notamment la surévaluation généralisée des taux de change suite au boom des matières premières des années 1970. D'autres pays comme l'Inde, la Chine, la Thaïlande... étaient trop protectionnistes pour attirer massivement les capitaux.

Même si une très grande partie des pays d'Afrique et d'Asie ont libéralisé leurs économies dans les années 1990, il n'y a pas eu d'investissements comparables. Le capital s'est plutôt étendu de proche en proche aux autres pays d'Asie, en premier lieu la Chine. Cela s'explique par une conjonction de facteurs :

  • l'effet pôles de compétitivité (clusters) favorise le développement des régions déjà desservies, balisées, politiquement défrichées...[3]
  • l'Afrique est prisonnière d'une forme extrême de néocolonialisme qui la cantonne aux matières premières à faible valeur ajoutée, nécessitant peu d'investissement
  • l'Afrique a un marché intérieur très faible, alors que l'Asie de l'Est a un marché croissant justifiant un rapprochement production-consommation

2.3 Ancien Bloc de l'Est[modifier | modifier le wikicode]

Peu après la Révolution d'Octobre 1917, dans une situation de guerre civile, les bolchéviks nationalisent toute l'industrie. Pendant cette période de « communisme de guerre », le contrôle de l'État était très étroit (avec notamment le monopole du commerce extérieur). Mais par ailleurs, en plein conflit militaire avec les puissances impérialistes, le capital étranger ne cherchait pas du tout à s'investir en Russie. Cependant à partir de 1921 (abandon de la guerre par les impérialistes et début de la NEP), certains capitalistes étrangers proposent à nouveau d'investir en Russie (dont un des premiers fut un magnat du secteur minier, Leslie Urquhart[4]).

Avec la restauration du capitalisme dans les pays du "Bloc de l'Est", certains capitalistes ont investi en espérant profiter de vastes marchés. Mais il n'y a pas eu de grand cycle d'accumulation, car ces pays se sont vite appauvris et ont regagné l'état économique des autres pays dominés. De plus, les industries héritées de l'économie étatique sont peu adaptées à la concurrence capitaliste et peu attirantes pour les investisseurs, et les secteurs rentables ont été aussitôt monopolisés par les anciens bureaucrates qui étaient aux premières loges pour devenir les néo-capitalistes de Russie.

2.4 Amérique du Sud[modifier | modifier le wikicode]

Dans le Mexique de Cárdenas (1934-1940), que Trotski considérait comme un régime bourgeois progressiste (bonapartisme sui generis), le gouvernement nationalise notamment le rail et le pétrole. En 1939, le gouvernement lance un plan de six ans fortement inspiré de l'URSS. Il demande l'avis de Trotski, qui critique l'illusion de planifier une économie qui n'a pas été socialisée par un État ouvrier issu d'une révolution socialiste, différente d'un capitalisme d'Etat. Trotski avertit que l'industrie du Mexique est très faible, et qu'il faudra nécessairement compter sur des investissements étrangers.

« D’où tirerait-on les moyens nécessaires ? Le pays est pauvre, il a besoin du capital étranger. Cet épineux problème est à peine abordé alors que le programme n’insiste pas sur l’annulation de la dette externe. (...) De considérables capitaux internationaux cherchent actuellement des zones où investir, ne serait-ce que pour une modeste (mais sûre) rétribution. Tourner le dos au capital étranger et parler de collectivisation et d’industrialisation, c’est tout simplement se gargariser de mots. Les réactionnaires se trompent lorsqu’ils disent que l’expropriation du pétrole a rendu impossible la venue de nouveaux capitaux. Le gouvernement défend les intérêts vitaux du pays, mais, en même temps il peut accorder des concessions industrielles, en particulier en créant des sociétés mixtes, des entreprises où l’État participera (en possédant 10, 25 ou 51 % des actions, selon les circonstances), et en stipulant dans les contrats l’option d’acquérir le reste des actions après un certain temps. »[5]

Trotski écrit même :« La situation internationale ne permet même pas l’annulation de la dette publique. Le pays, répétons-le, est pauvre. Dans de telles conditions, il serait presque suicidaire de fermer les portes au capital étranger. »

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Chaîne Heu?reka, Le capitalisme ferait-il de la 💩 avec les renouvelables ?, 28 juillet 2024
  2. Cf. réglementation et contrôle des investissements étrangers en France (IEF) par le ministère de l'économie
  3. C'est notamment ce qu'explique un document de l'UNIDO, Industrial Development Report 2009
  4. Trotski, La nouvelle politique économique des Soviets et la révolution mondiale, 14 novembre 1922
  5. Trotski, Sur le second Plan sexennal au Mexique, 14 mars 1939