Profit
Le profit est le moteur du système capitaliste. L'étudier a donc un grand intérêt, pour comprendre le fonctionnement du système ainsi que sa dynamique (crises, attaques de la bourgeoisie...).
1 Définition du profit[modifier | modifier le wikicode]
Le profit est la somme concrète d'argent qui est empochée par le capitaliste à l'issue d'un cycle de production. Il s'obtient donc en soustrayant les coûts de production au prix de vente des marchandises, ce qui donne la marge brute, puis en soustrayant les impôts et les cotisations sociales.
C'est la survaleur[1] qui est à l'origine du profit dans l'analyse marxiste. Les capitalistes investissent dans la production en achetant des moyens de production (capital constant) et de la force de travail (capital variable). Cette production génère des marchandises qui ont valeur A' supérieure à la valeur investie A, grâce à la force de travail qui a pour caractéristique de créer de la valeur (d'où le nom de capital variable).
s = A' - A
Si les prix correspondaient à la valeur, la survaleur correspondrait à la marge brute, une fois réalisée. En effet, la valeur contenue dans les marchandises ne se transforme en argent qu'à condition que les marchandises soient vendues. Ce qui arrive la plupart du temps, mais pas toujours, en particulier en cas de crise.
Mais les prix ne correspondent pas à la valeur pour deux raisons :
- la loi de l'offre et de la demande fait fluctuer les prix autour d'un prix moyen,
- ce prix moyen des marchandises n'est lui-même qu'indirectement lié à leur valeur, car certains secteurs de l'économie captent une part de la valeur produite dans d'autres secteurs (la marge brute est égale à la survaleur si l'on raisonne globalement). C'est le problème de la transformation des valeurs en prix.
2 Réalisation de la valeur et profit[modifier | modifier le wikicode]
C'est dans la sphère de la production que se dégage la valeur ajoutée, qui est le profit potentiel, mais c'est au moment de la vente, sur le marché, que le capitaliste empoche un profit réel.
2.1 Ajustement entre offre et demande par le marché[modifier | modifier le wikicode]
Les marchandises produites doivent être acquises par d'autres comme valeurs d’usages pour pouvoir restituer la valeur d’échange attendue par l’investisseur. Et sous le capitalisme, rien ne garantit une harmonieuse adéquation entre la production et la consommation, donc ce n’est qu’après coup que le capitaliste individuel sait s’il a fait le bon investissement.
S’il ne produit pas assez de valeurs d’usages, d’autres concurrents prendront sa place. S’il en produit trop, il ne réalisera pas leur valeur, faute d'acheteur, d’où une crise pour ce capitaliste individuel. Parce que chaque capitaliste individuel investit et produit avec l’objectif de faire son profit à lui. Ces ajustements conduisent à des pertes de profit pour le capitaliste individuel, mais également et surtout à des licenciements pour les salarié·es.
2.2 Crises économiques[modifier | modifier le wikicode]
Lors des crises économiques, ce ne sont pas juste des capitalistes individuels qui subissent des pertes, ni même un secteur économique particulier, mais la grande majorité des capitalistes simultanément.
3 Transformation de la valeur en prix[modifier | modifier le wikicode]
Pour calculer concrètement un profit, il faut se baser sur les prix (prix de vente des marchandises, coûts de productions). Or, quel est le lien entre valeur et prix ? Dans le livre I du Capital, Marx n'aborde que la valeur, dans un schéma général abstrait, dans laquelle elle coïncide avec le prix. Mais dans le livre III, il reconnaît la difficulté de cette question dans l'économie réellement existante, avec ses différentes branches.
« La différence quantitative qui existe en réalité dans chaque industrie entre le profit et la plus-value (et non plus seulement entre leurs taux) finit par dissimuler complètement la nature et l'origine du profit, non seulement au capitaliste qui a un intérêt à s'y tromper, mais aussi à l'ouvrier. La transformation de la valeur en coût de production cache la base de la détermination de la valeur. (...) Le capitaliste individuel (ou même l'ensemble des capitalistes dans chaque secteur de la production particulier), dont l'horizon est borné, pense avec raison que son profit ne provient pas seulement du travail exploité par lui ou dans sa branche d'industrie. Dans quelle mesure ce profit est issu de l'exploitation globale du travail par le capital total, c'est-à-dire par tous ses confrères capitalistes, tout ce rapport est pour lui un mystère complet ; d'autant plus complet que même les économistes, ces théoriciens bourgeois, se sont abstenus jusqu'à présent de le révéler. »[2]
Cette question de la transformation des valeurs en prix a suscité d'importants débats dans et contre le marxisme.
4 Mesures empiriques du profit[modifier | modifier le wikicode]
5 Surprofit[modifier | modifier le wikicode]
On parle de surprofit lorsque l'on veut désigner un supplément de profit par rapport à une situation standard. Par exemple :
- le surprofit d'un industriel qui dispose de moyens de production avec une plus forte productivité que ses concurrents ;
- le surprofit d'un industriel qui dispose d'un accès privilégié à des matières premières à bas coût ou à de la main d’œuvre surexploitée ;
- le surprofit d'un industriel en situation de monopole, ou d'un groupe d'industriels ayant réalisé une entente ;
- le surprofit d'un industriel qui fraude en vendant un produit moins cher au prix d'un produit plus cher.
Généralement, on analyse le surprofit comme équivalent à une rente (aussi bien dans l'économie dominante que dans l'économie marxiste). Cependant la rente a une connotation de revenu régulier et permanent, alors que certaines formes de surprofit peuvent être plus temporaires et volatiles, comme celles résultant d'une avance technologique. Les brevets et autres formes de propriété industrielle (marques...) sont destinés à apporter une rente de situation temporaire ou permanente au créateur en le protégeant notamment des contrefaçons.
En France, les fournisseurs alternatifs d'électricité peuvent obtenir des surprofits en arbitrant sur le tarif réglementé. Celui-ci étant fixe sur une année, les fournisseurs alternatifs peuvent voler des clients à EDF quand le prix de marché passe en dessous, et quand il passe au dessus, vendre le KWh plus cher, quitte à renvoyer les clients vers EDF (qui est alors obligé pour répondre à la demande de racheter des KWh à prix élevés).[3]
6 Socialisme et profit[modifier | modifier le wikicode]
Certains socialistes ont eu ou ont tendance à dire que dans une entreprise socialiste il n'y aurait pas de profit. C'est notamment ce que laisse penser un slogan traditionnel exigeant que « le travailleur reçoive l'intégralité du produit de son travail ».[4]
En réalité, si ce slogan devait être pris au pied de la lettre, cela poserait toute une série de problèmes : les employé·es d'un secteur à forte valeur ajoutée auraient des revenus beaucoup élevés que d'autres, les entreprises seraient incapables de réaliser des investissements...
En réalité, il faut bien entendu qu'une partie de la survaleur soit socialisée (gérée collectivement pour les investissements utiles, pour la protection sociale en tant que salaire socialisé...). Ce qu'évoquait déjà Marx en passant en 1875.[5]
On peut cependant considérer que cette survaleur socialisée ne serait plus appelée profit, car ce dernier est connoté pour son appropriation privée.
7 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Aussi appelée plus-value. Cependant la traduction de survaleur semble mieux correspondre au mot allemand employé par Marx. Voir la page « Survaleur ».
- ↑ Karl Marx, Le Capital, Livre III, Ch. 9 : Formation d’un taux général (moyen) du profit et transformation de la valeur des marchandises en coût de production
- ↑ Chaîne Heu?reka, ⚡ Les super-profits des fournisseurs alternatifs & Erratum épisode 1, 22 oct. 2022
- ↑ Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
- ↑ Karl Marx, Critique du programme de Gotha, avril 1875