Différences entre les versions de « Matérialisme historique »

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'''Le matérialisme historique''' est un outil essentiel du [[Marxisme|marxisme]]. Malgré son nom, il ne s'agit pas seulement, à travers cet outil, de comprendre le passé, le pourquoi et le comment de l'enchaînement des différents types de sociétés qu'a connu l'humanité. Le matérialisme historique permet également de comprendre quelles sont les forces sociales à l'oeuvre aujourd'hui, ce qu'elles représentent, et finalement, où il est le plus utile de concentrer l'action révolutionnaire.  
 
'''Le matérialisme historique''' est un outil essentiel du [[Marxisme|marxisme]]. Malgré son nom, il ne s'agit pas seulement, à travers cet outil, de comprendre le passé, le pourquoi et le comment de l'enchaînement des différents types de sociétés qu'a connu l'humanité. Le matérialisme historique permet également de comprendre quelles sont les forces sociales à l'oeuvre aujourd'hui, ce qu'elles représentent, et finalement, où il est le plus utile de concentrer l'action révolutionnaire.  
 
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== L'élaboration du matérialisme historique  ==
 
== L'élaboration du matérialisme historique  ==
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=== Les conceptions antérieures de l'histoire  ===
 
=== Les conceptions antérieures de l'histoire  ===
  
Avant [[Karl Marx|Marx]] et à son époque, il existait quatre grandes conceptions de l'histoire : la [[Conception théologique de l'histoire|conception théologique de l'histoire]], la [[Idéalisme historique|conception idéaliste de l'histoire]], la [[Conception téléologique de l'histoire|conception téléologique de l'histoire]] (Hegel) et la conception matérialiste de l'histoire. C'est cette dernière qui va être revisitée et approfondie par Marx.  
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Jusqu'au XIX<sup>ème</sup> siècle, il existait quatre grandes conceptions de l'histoire&nbsp;: la [[Conception théologique de l'histoire|conception théologique de l'histoire]], la [[Idéalisme historique|conception idéaliste de l'histoire]], la [[Conception téléologique de l'histoire|conception téléologique de l'histoire]] (Hegel) et la conception matérialiste de l'histoire. C'est cette dernière qui va être revisitée et approfondie par [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]].  
  
 
=== Synthèse du matérialisme et de la dialectique  ===
 
=== Synthèse du matérialisme et de la dialectique  ===
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La [[Conception téléologique de l'histoire|conception hégélienne]] commençait déjà à être rejetée en tant que théorie [[Idéaliste|idéaliste]], notamment par le matérialiste [[Ludwig Feuerbach|Ludwig Feueurbach]]. Marx et Engels sont eux-aussi convaincus que c'est la réalité concrète qui prédomine et qu'il n'y a pas d'arrière-monde où planeraient les Idées. Cependant, ils considèrent que la méthode dialectique de Hegel décrit à merveille les grands mouvements de l'histoire. C'est ce qui les conduira à utiliser les deux outils théoriques dans leur conception de l'histoire.  
 
La [[Conception téléologique de l'histoire|conception hégélienne]] commençait déjà à être rejetée en tant que théorie [[Idéaliste|idéaliste]], notamment par le matérialiste [[Ludwig Feuerbach|Ludwig Feueurbach]]. Marx et Engels sont eux-aussi convaincus que c'est la réalité concrète qui prédomine et qu'il n'y a pas d'arrière-monde où planeraient les Idées. Cependant, ils considèrent que la méthode dialectique de Hegel décrit à merveille les grands mouvements de l'histoire. C'est ce qui les conduira à utiliser les deux outils théoriques dans leur conception de l'histoire.  
  
Vers la fin du XIXème siècle, après mûrissement de leurs idées et confirmation par la réalité, ils en viendront à la conclusion que le nouveau paradigme est le [[Matérialisme dialectique|matérialisme dialectique]], dont le matérialisme historique est un corollaire.<br>
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Vers la fin du XIX<sup>ème</sup> siècle, après mûrissement de leurs idées et confirmation par la réalité, ils en viendront à la conclusion que le nouveau paradigme est le [[Matérialisme dialectique|matérialisme dialectique]], dont le matérialisme historique est un corollaire.<br>  
 
 
= La conception marxiste de l'histoire: exposé du matérialisme historique  =
 
 
 
== Travail et Forces productives  ==
 
 
 
Marx va élaborer sa conception matérialiste de l'histoire en partant d'une double constatation. Premièrement, la caractéristique essentielle de l'homme, ce qui le différencie avant toute chose des animaux, est qu'il est le seul à produire ses moyens de subsistance. Le fait historique fondamental de l'homme, ce qui permet de comprendre son histoire, c'est sa production de moyens de subsistance: " lacondition première de toute histoire humaine est naturellement l'existence d'êtreshumains " et ce fait historique premier inclut que la satisfaction des besoins humainsélémentaires est une donnée préalable de toute existence humaine: " à savoir queles hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir " faire l'histoire "! " Le premierfait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire cesbesoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c'est là un fait historique,une condition fondamentale de toute histoire que l'on doit, aujourd'hui encore commeil y a des milliers d'années, remplir jour après jour (...) simplement pour maintenir leshommes en vie " <ref name="ideoall" />  
 
  
Deuxièmement, dans ce cadre, Marx part du fait que le rapport premier etfondamental qui exprime cette nécessité de maintenir les hommes en vie est celui del'homme avec la nature puisque l'homme tire de cette dernière ces moyens desubsistance. Et ce rapport fondamental entre l'homme et la nature s'effectue par leTRAVAIL qui est l'activité qui lui permet de produire ces moyens. Ainsi, dans cetteproduction, dans cette activité fondamentale qu'est le travail, trois éléments sedégagent:
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== Étude de l'infrastructure ==
  
1) LA FORCE DE TRAVAIL, qui est constituée par l'énergie humaine dépenséedans le travail, par la force musculaire et intellectuelle de l'homme;2) L'INSTRUMENT DE TRAVAIL, qui est constitué par les outils, les instruments etl'infrastructure nécessaires à l'homme pour produire ses moyens de subsistance;3) L'OBJET DU TRAVAIL, qui est la nature elle-même (matière brute ou matièrepremière qui a déjà subi une modification).  
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Le premier travail nécessaire à la compréhension de l'histoire est l'étude approfondie de "l'[[infrastructure|infrastructure]]", c'est-à-dire l'organisation économique concrète de la société, par opposition à la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des conventions politiques, juridiques et idéologiques.
  
L'instrument de travail et l'objet de travail constituent eux-mêmes un autre élément:les MOYENS DE PRODUCTION.
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=== Travail et Forces productives  ===
  
Enfin, Marx désigne l'ensemble de ces éléments fondamentaux de la relationhomme-nature via le travail sous le nom de FORCES PRODUCTIVES
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Premièrement, la caractéristique essentielle de l'homme, ce qui le différencie avant toute chose des animaux, est qu'il est le seul à produire ses moyens de subsistance. Le fait historique fondamental de l'homme, ce qui permet de comprendre son histoire, c'est sa production de moyens de subsistance: " la condition première de toute histoire humaine est naturellement l'existence d'êtres humains " et ce fait historique premier inclut que la satisfaction des besoins humains élémentaires est une donnée préalable de toute existence humaine: " à savoir que les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir " faire l'histoire "! " Le premier fait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c'est là un fait historique, une condition fondamentale de toute histoire que l'on doit, aujourd'hui encore comme il y a des milliers d'années, remplir jour après jour (...) simplement pour maintenir les hommes en vie " <ref name="ideoall">L'idéologie allemande, [[Karl Marx]] et [[Friedrich Engels]]</ref>
  
== Rapports sociaux de production et classes sociales  ==
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Deuxièmement, le rapport premier et fondamental qui exprime cette nécessité de maintenir les hommes en vie est celui de l'homme avec la nature puisque l'homme tire de cette dernière ses moyens de subsistance. Et ce rapport fondamental entre l'homme et la nature s'effectue par le travail qui est l'activité qui lui permet de produire ces moyens. Ainsi, dans cette production, dans cette activité fondamentale qu'est le travail, trois éléments se dégagent:
  
Mais le rapport entre l'homme et la nature n'est pas un rapport uniquement individuel,il est également un RAPPORT SOCIAL car "l'homme ne peut survivreindividuellement, ni assurer sa subsistance en dehors de la coopération avecd'autres membres de son espèce. Ses organes physiques trop peu développé ne luipermettent pas de s'approprier directement les vivres. Il doit produire ceux-cicollectivement (...) " <ref name="mandel">Ernest Mandel, " Introduction au marxisme " 1983.</ref> L'homme est donc un animal social.  
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#La [[force de travail|force de travail]], qui est constituée par l'énergie humaine dépensée dans le travail, par la force musculaire et intellectuelle de l'homme;
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#L'instrument de travail, qui est constitué par les outils, les instruments et l'infrastructure nécessaires à l'homme pour produire ses moyens de subsistance;
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#L'objet du travail, qui est la nature elle-même (matière brute ou matière première qui a déjà subi une modification).
  
La façon dont les hommes tirent leurs moyens de subsistance de la nature (Forces productives) et la façon dont les hommes s'organisent entre eux pour mener à bien cette activité (Rapports sociaux), Marx la désigne sous le nom de RAPPORTS SOCIAUX DE PRODUCTION. Les Rapports sociaux de production sont fondamentalement constitués par le type de propriété des Moyens de production qui existent à telle ou telle époque (propriété terrienne sous la féodalité, propriété privé des entreprises sous le capitalisme)
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L'instrument de travail et l'objet du travail forment les [[moyens de production|moyens de production]].<br>
  
Les rapports sociaux de production sont avant tout déterminés par la manière dont les hommes produisent, donc par les Forces productives: " Produire la vie, aussi bien la sienne propre par le travail que la vie d'autrui en procréant, nous apparaît donc dès maintenant comme un rapport double: d'une part comme un rapport naturel, d'autre part comme un rapport social (via l'action conjuguée de plusieurs individus) ". Le travail est donc le lien qui unit l'homme aussi bien à la nature qu'aux autres hommes, d'où son importance fondamentale. C'est pourquoi l'ensemble des éléments qui constituent l'activité du travail, c'est à dire les Forces productives, sont l'élément essentiel qui détermine les rapports sociaux de production: " Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de produire, de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux (...). Suivant le caractère des moyens de production, ces rapports sociaux (...) seront tout naturellement différents " <ref name="miserephilo">[[Karl Marx]], [http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615.htm "Misère de la philosophie", 1847]</ref>.
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Enfin, l'ensemble de ces éléments fondamentaux de la relation homme-nature via le travail sont nommés [[forces productives|forces productives]].<br>
  
L'origine des CLASSES SOCIALES démontre cette relation entre Forces productiveset Rapports sociaux de production. L'apparition de classes sociales, c'est-à-dire degroupes d'hommes qui se distinguent au niveau des richesses, est historiquementdéterminé. Lorsqu'il y a 8.000 ans d'ici, les hommes ont découvert l'agriculture etl'élevage, la production de leur moyen d'existence a été bouleversé. Lorsqu'ilscommencèrent à développer des outils capables d'accroître le rendement agricole,pour la première fois, un surplus social (capacité de produire plus que ce qui estdirectement consommé) est apparu. Certains groupes d'hommes, par la religion, parla force ou la persuasion, se sont alors accaparé de manière permanente cesurproduit ainsi que les moyens de production. Le pouvoir économique étant ainsiacquis, ces groupes d'hommes s'approprièrent également (et par là même) unpouvoir politique, militaire et spirituel sur ceux qui furent dépossédés de tout moyensde production et qui, pour survivre, sont obligé de travailler pour le compte despropriétaires de ces moyens de production. Une DIVISION SOCIALE DU TRAVAILva donc apparaître et accentuer la différenciation entre les hommes. Avec lesclasses sociales, c'est l'exploitation systématique de l'homme par l'homme qui vaapparaître. Les relations qu'entretiennent les hommes entre eux pour produiredeviennent, à partir de ce moment-là, non plus des relations entre individus, maisdes relations entre classes sociales.Ainsi, la base sur laquelle les classes sociales ont pu apparaître est donc celle d'uneévolution de la production matérielle des moyens de subsistance, autrement dit d'unchangement au niveau des Forces productive. Ce changement à déterminé la façondont les hommes se sont organisés (leurs rapports sociaux) pour exploiter leursmoyens de subsistance.Les classes sociales sont donc fondamentalement déterminées par la place qu'ellesoccupent dans le système de production sociale, "par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont elles disposent. Les classes sont donc des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de la place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale" <ref name="lenine">[[Lénine]], [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/06/vil19190628.htm "La grande initiative", 1919]</ref>
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=== Rapports sociaux de production ===
  
== Infrastructure et superstructure  ==
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Mais le rapport entre l'homme et la nature n'est pas un rapport uniquement individuel, il est également un rapport social car "l'homme ne peut survivre individuellement, ni assurer sa subsistance en dehors de la coopération avec d'autres membres de son espèce. Ses organes physiques trop peu développé ne lui permettent pas de s'approprier directement les vivres. Il doit produire ceux-ci collectivement (...) " <ref name="mandel">Ernest Mandel, " Introduction au marxisme " 1983.</ref> L'homme est donc un animal social.
  
L'ensemble des éléments cité ci-dessus constituent l'organisation économique de lasociété que Marx désigne sous le terme d'INFRASTRUCTURE (ou baseéconomique).Sur cette " base ", que comprend toute société humaine, s'élève des formespolitiques, juridiques et idéologiques de la société, ces trois éléments constituant ceque Marx dénomme être la SUPERSTRUCTURE de la société. Cette dernièrecomprend donc trois éléments:1) INSTANCE POLITIQUE, ou formes d'État. La méthode d'analyse de Marx permetde comprendre que l'État n'a pas toujours existé, qu'il est apparu dans des conditionshistoriquement déterminées par l'apparition des classes sociales. Cet État, à toutesles époques, a pour fonction principale de gérer et de perpétuer (à travers sesinstitutions) le mode de production existant à son époque. L'État est l'expression dupouvoir politique de la classe dominante qui possède les moyens de production. Ilfait en sorte que cette classe maintienne cette possession: il est donc l'outil quipermet l'exploitation de l'homme par l'homme. Tout État, quel que soit sa forme, estdonc un instrument de domination d'une classe sur une autre.2) INSTANCE JURIDIQUE, l'instance juridique exprime et codifie au travers des loisle type d'appropriation des moyens de production par une classe sociale déterminéeà une époque déterminée. Elle est la garantie juridique qui fonde l'exploitation del'homme par l'homme. Ainsi, dans le mode de production capitaliste, c'est la propriétéprivée qui est la base de toute l'instance juridique.3) INSTANCE IDEOLOGIQUE La manière dont les hommes nouent entre eux desrelations pour produire leur moyens de subsistance ainsi que la manière dontcertains s'approprient ces moyens déterminent les idéologies qui dominent telle outelle époque. Ainsi, pour Marx, " Les idées de la classe dominante sont, à touteépoque, les idées dominantes; en d'autres termes, la classe détentrice de lapuissance matérielle dominante de la société représente en même temps lapuissance spirituelle qui prédomine dans cette société. La classe qui dispose desmoyens de la production matérielle dispose en même temps, et par là même, desmoyens de la production spirituelle (...). Les idées dominantes ne sont rien d'autresque l'expression idéologique des conditions matérielles dominantes, celles-ci ayantpris la forme d'idées ". <ref name="ideoall" />
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La façon dont les hommes tirent leurs moyens de subsistance de la nature (forces productives) et la façon dont les hommes s'organisent entre eux pour mener à bien cette activité (rapports sociaux), Marx la désigne sous le nom de [[rapports sociaux de production|rapports sociaux de production]]. Les rapports sociaux de production sont fondamentalement constitués par le type de propriété des moyens de production qui existent à telle ou telle époque (propriété terrienne sous le [[féodalisme|féodalisme]], propriété privé des entreprises sous le [[capitalisme|capitalisme]]...).  
  
Ces trois instances déterminées; types d'État, lois et idéologie dominante,déterminent à leur tour les FORMES DE CONSCIENCE qui prévalent à une époquedéterminée
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Les rapports sociaux de production sont avant tout déterminés par la manière dont les hommes produisent, donc par les forces productives: " Produire la vie, aussi bien la sienne propre par le travail que la vie d'autrui en procréant, nous apparaît donc dès maintenant comme un rapport double: d'une part comme un rapport naturel, d'autre part comme un rapport social (via l'action conjuguée de plusieurs individus) ". Le travail est donc le lien qui unit l'homme aussi bien à la nature qu'aux autres hommes, d'où son importance fondamentale. C'est pourquoi l'ensemble des éléments qui constituent l'activité du travail, c'est à dire les forces productives, sont l'élément essentiel qui détermine les rapports sociaux de production: " Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de produire, de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux (...). Suivant le caractère des moyens de production, ces rapports sociaux (...) seront tout naturellement différents " <ref name="miserephilo">[[Karl Marx]], [http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615.htm "Misère de la philosophie", 1847]</ref>.
  
Les différents types d'Infrastructure et de Superstructure de la société humainedéterminent les différents types de ce que Marx appelle MODE DE PRODUCTION.Dans l'histoire de l'humanité, Marx distingue ainsi plusieurs Mode de production:communiste primitif, antique, asiatique, féodal et capitaliste. La société communisteelle-même, celle pour laquelle nous luttons, est également un Mode de production. Ilfaut ici faire remarquer deux choses essentielles: plusieurs Modes de productionpeuvent coexister en même temps, non seulement dans le temps et dans desrégions ou pays différents, mais également au sein d'un même pays (ce qui donneainsi naissance à des Formation sociales et économiques hybrides, avec desdominantes de tel ou tel Mode de production, ex: société capitaliste semi-féodale,etc.). Enfin, l'enchaînement entre les différents Mode de production n'est pasmécanique, ni linéaire. A chaque étape de la transition, l'évolution peut suivre telle outelle voie. (ex. l'URSS: ni pleinement capitaliste, ni pleinement socialiste car adégénéré durant sa phase de transition de l'un à l'autre)Le Mode de production est donc un concept théorique, abstrait, qui permet dedésigner dans leur globalité les traits caractéristiques essentiels des différents typesde sociétés qu'à connu et que peut connaître l'humanité dans son histoire. Lorsqu'ils'agit d'analyser une société concrète, à une époque déterminée, par exemple laBelgique en 1997 ou l'Angleterre en 1780, Marx emploie le terme de FORMATIONSOCIALE ET ECONOMIQUE, qui comprend donc une complexité plus grande, uneplus grande diversité, que le schéma général de Mode de production.Résumons: " Le matérialisme historique pose que la manière dont les hommesorganisent leur production matérielle constitue la base de toute leur organisationsociale. Cette base détermine, à son tour toutes les autres activités sociales, àsavoir, l'administration des rapports entre groupes humains (...). Le matérialismehistorique n'affirme pas que la production matérielle (le " facteur économique")détermine directement et immédiatement le contenu et la forme de toutes lesactivités dites de la superstructure. La base sociale, ce n'est d'ailleurs pas l'activitéproductive en tant que telle, et encore moins la " production matérielle " priseisolément; ce sont les rapports sociaux que les hommes nouent dans la productionde leur vie matérielle (et qui sont déterminé par cette dernière, mais pas de manièremécanique). Le matérialisme historique n'est donc pas un déterminisme économiquemais bien un déterminisme socio-économique ". <ref name="mandel" />
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=== Classes sociales ===
  
Les Rapports sociaux de production sont donc le lien, le lieu de détermination etd'influence entre la Superstructure et l'Infrastructure. Les Forces productives, àchaque moment de leur croissance, fournissent la base sur laquelle s'établissent lesRapports de production qui eux-mêmes déterminent la Superstructure. Mais endernière instance, lorsque l'on démonte le fil des causalités, on retombe toujours surune cause matérielle. En remontant ainsi jusqu'à l'origine de l'humanité, ce sont lesinfrastructures qui sont déterminantes puisque c'est à partir du moment où leshommes ont crée leurs propres moyens d'existence qu'ils sont sortis du stade "d'animalité ".  
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L'origine des [[classes sociales|classes sociales]] démontre cette relation entre forces productives et rapports sociaux de production. L'apparition de classes sociales, c'est-à-dire de groupes d'hommes qui se distinguent au niveau des richesses, est historiquement déterminé. Lorsqu'il y a 8 000 ans d'ici, les hommes ont découvert l'agriculture et l'élevage, la production de leur moyen d'existence a été bouleversé. Lorsqu'ils commencèrent à développer des outils capables d'accroître le rendement agricole, pour la première fois, un surplus social (capacité de produire plus que ce qui est directement consommé) est apparu. Certains groupes d'hommes, par la religion, par la force ou la persuasion, se sont alors accaparé de manière permanente ce surproduit ainsi que les moyens de production. Le pouvoir économique étant ainsi acquis, ces groupes d'hommes s'approprièrent également (et par là même) un pouvoir politique, militaire et spirituel sur ceux qui furent dépossédés de tout moyens de production et qui, pour survivre, sont obligé de travailler pour le compte des propriétaires de ces moyens de production. Une [[division sociale du travail|division sociale du travail]] va donc apparaître et accentuer la différenciation entre les hommes.  
  
Ce schéma, et l'application de la méthode dialectique (voir ci-dessous), permet decomprendre que si les idées ont une place importantes et peuvent agir sur les basesmatérielles, elles n'en sont pas moins déterminées par l'infrastructure: " Le courshistorique est fait du processus engendré par les contradictions des rapportséconomiques qui se reflètent dans les superstructures par des conflits entre leshommes (entre classes sociales). Ces conflits sont eux-mêmes transposés dans lesesprits par des oppositions d'idées, lesquelles, en modifiant les actions humaines,réagissent sur les rapports économiques. L'erreur idéaliste consiste à prendre cettedernière réaction pour un commencement absolu. "<ref>Jean Gorren, " Sociologie et Socialisme ", Université Ouvrière de Bruxelles,fckLR1951.</ref>  
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Avec les classes sociales, c'est l'[[exploitation|exploitation]] systémique de l'homme par l'homme qui va apparaître. Les relations qu'entretiennent les hommes entre eux pour produire deviennent, à partir de ce moment-là, non plus des relations entre individus, mais des relations entre classes sociales. Ainsi, la base sur laquelle les classes sociales ont pu apparaître est donc celle d'une évolution de la production matérielle des moyens de subsistance, autrement dit d'un changement au niveau des forces productives. Ce changement a déterminé la façon dont les hommes se sont organisés (leurs rapports sociaux) pour exploiter leurs moyens de subsistance. Les classes sociales sont donc fondamentalement déterminées par la place qu'elles occupent dans le système de production sociale, "par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont elles disposent. Les classes sont donc des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de la place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale" <ref name="lenine">[[Lénine]], [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/06/vil19190628.htm "La grande initiative", 1919]</ref>  
  
== Mouvement, dialectique et contradictions: ou comment les sociétés se transforment  ==
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== Évolution et liens avec la superstructure<br> ==
  
Le schéma développé ci-dessus est loin d'être immobile: tous les éléments cités sonten constante interactions qui entraînent des transformations. Si les éléments del'Infrastructure constituent la base de toute compréhension des phénomèneshistoriques, car ils déterminent " en dernière instance " les autres éléments, laSuperstructure à son tour peut influer sur l'Infrastructure. Autrement dit, si laSuperstructure est, au départ, le reflet de l'infrastructure, si elle est déterminée parcelle-ci, elle a aussi une vie active propre, une certaine autonomie. Elle devient uneforce active qui peut, à son tour, exercer une influence sur l'infrastructureéconomique de la société. On peut même observer que la superstructure agénéralement une capacité de résistance plus grande que l'infrastructure.Un trait fondamental de toute société est donc que tout est MOUVEMENT, toutes lesformes de relations sociales, à tous les niveaux, sont caractérisées par cemouvement constitué de toutes les interactions entre les différents élémentsconstitutifs de la société. Et c'est de ce mouvement que naît le changement. " Lasociété antique a donné naissance à la féodalité qui, elle-même, à donné naissanceau capitalisme (nous verrons ci-dessous comment et pourquoi). L'analyse doit doncrendre compte de ce mouvement, passé, présent et futur, comprendre que tout esten DEVENIR. Les interactions sont des conditionnements réciproques: il n'y a passimplement action de l'élément " a " sur un élément " b ", mais il y a en retourréaction de " b " sur " a ". Cette façon de considérer les choses et les phénomènesdans leur mouvements et leurs transformations, dans leur enchaînement et leuraction réciproque est ce que l'on appelle la METHODE DIALECTIQUE " (14).Méthode d'analyse et de pensée utilisée par Marx pour comprendre la dynamique del'histoire (ainsi, l'ancienne superstructure idéologique - les mentalités, lesconsciences et les coutumes - persiste encore pendant de longues années après ladestruction de ses " bases matérielles " et constitue donc un obstacle à l'édificationde la nouvelle société.)
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Ces catégories économiques ne servent pas seulement à décrire l'état d'une société donnée, mais aussi et surtout à appréhender la dynamique de son évolution. Celle-ci ne se fait pas suivant un schéma linéaire, mais est la résultante d'un ensemble de tendances que l'on peut essayer d'estimer. Par ailleurs, le même type de causalité relie l'infrastructure et la [[superstructure|superstructure]]. La description de ces liens suit une logique [[dialectique|dialectique]] (par opposition à une vision mécaniste).<br>
  
= Les contradictions  =
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=== Dialectique<br> ===
  
La dialectique permet de comprendre un autre trait fondamental de la société: lesCONTRADICTIONS. Ainsi, si le matérialisme historique démontre que ce sont les HOMMES QUI FONT LEUR PROPRE HISTOIRE. Puisque ce sont eux qui, à la base, à travers la satisfaction de leurs besoins produisent leur propre vie matérielle qui elle-même détermine toute leur organisation sociale, la dialectique permet de saisir qu "'ils ne la font pas d'une façon arbitraire, ni dans des circonstances librement choisies; ils la font dans des conditions qu'ils ont trouvées devant eux, qui leur ont été léguées par le passé, bref, dans des circonstances données " <ref>[[Karl Marx]], [http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm "Le Dix-huit Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte", 1851]</ref>.
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Si les éléments de l'infrastructure constituent la base de toute compréhension des phénomènes historiques, car ils déterminent " en dernière instance " les autres éléments, la superstructure à son tour peut influer sur l'infrastructure. Autrement dit, si la superstructure est, au départ, le reflet de l'infrastructure, si elle est déterminée par celle-ci, elle a aussi une vie active propre, une certaine autonomie. Elle devient une force active qui peut, à son tour, exercer une influence sur l'infrastructure économique de la société. On peut même observer que la superstructure a généralement une capacité de résistance plus grande que l'infrastructure<ref>Les mentalités, lesconsciences et les coutumes - persiste encore pendant de longues années après la destruction de ses " bases matérielles " et constitue donc un obstacle à l'édification de la nouvelle société.</ref>. Un trait fondamental de toute société est donc que tout est mouvement, toutes les formes de relations sociales, à tous les niveaux, sont caractérisées par ce mouvement constitué de toutes les interactions entre les différents éléments constitutifs de la société. Et c'est de ce mouvement que naît le changement. " La société antique a donné naissance au féodalisme qui, lui-même, à donné naissance au capitalisme. L'analyse doit donc rendre compte de ce mouvement, passé, présent et futur, comprendre que tout est en devenir. Les interactions sont des conditionnements réciproques: il n'y a pas simplement action de A sur B, mais il y a en retour réaction de B sur A. Cette façon de considérer les choses et les phénomènes dans leur mouvements et leurs transformations, dans leur enchaînement et leur action réciproque est ce que l'on appelle la méthode [[dialectique|dialectique]]. <br>
  
Puisque les rapports sociaux " sont transmis à chaque génération par sa devancière sous la forme d'une masse de forces productives, de capitaux et de conditions, (qui) sont modifiés par la nouvelle génération (qui prescrit à ces rapports sociaux) ses propres conditions d'existence " ont peut dialectiquement conclure que " les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances " <ref name="ideoall" />.
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=== Les contradictions<br> ===
  
Il n'y a donc pas de fatalité historique! Toute réalité est faite de contradictions, sans ces dernières, il ne peut y avoir de progrès possible. Ce sont les contradictions qui expliquent le mouvement, les enchaînements entre les différents Mode de production car à chaque Mode de production déterminé correspondent des types de contradictions déterminées. Mais il existe une contradiction fondamentale pour comprendre le passage d'un Mode de production à un autre. Elle réside dans le fait qu'à un moment déterminé de leur évolution historique, les Forces productives entrent en contradiction avec les Rapports sociaux de production. Car les premières sont, normalement, en constante évolution et développement tandis que les Rapports sociaux de production ont, quant à eux, tendance à se figer, à s'immobiliser. Nous avions dit que les Forces productives déterminaient les Rapports sociaux de production. Mais cette unité est dialectique, c'est à dire conflictuelle, ce qui provoque, à un moment donné, une contradiction entre les deux éléments. Cette contradiction produit donc, à travers le mouvement, le changement entre deux types de Mode production.  
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Puisque les rapports sociaux " sont transmis à chaque génération par sa devancière sous la forme d'une masse de forces productives, de capitaux et de conditions, (qui) sont modifiés par la nouvelle génération (qui prescrit à ces rapports sociaux) ses propres conditions d'existence " on peut dialectiquement conclure que " les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances " <ref name="ideoall" />.  
  
Mais il faut distinguer ici les changements QUANTITATIFS des changements QUALITATIFS. Par exemple, l'eau chauffée à 99 degrés subit des transformations considérables, mais elle reste de l'eau. C'est un changement quantitatif. Par contre, à 100 degrés, l'eau se transforme en vapeur et ce changement total d'état est un changement qualitatif. En ce qui nous concerne, lorsque les Forces productives connaissent un développement important, on peut parler de changement quantitatif. Mais, lorsque ces changements atteignent un degré déterminé, les Rapports sociaux de production traditionnels peuvent disparaître et être remplacé par des nouveaux Rapports, qui correspondent parfaitement au nouvel état des Forces productives. Il s'agit donc alors d'un changement qualitatif. Ce changement n'est pas toujours graduel, ni pacifique car dans les sociétés humaines, il s'opère via des révolutions,des guerres ou des bouleversements sociaux importants.  
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Il n'y a donc pas de [[fatalisme|fatalité]] historique ! Toute réalité est faite de contradictions, sans ces dernières, il ne peut y avoir de progrès possible. Ce sont les contradictions qui expliquent le mouvement, les enchaînements entre les différents [[modes de production|modes de production]] car à chaque mode de production déterminé correspondent des types de contradictions déterminées. Mais il existe une contradiction fondamentale expliquant l'évolution des modes de production. Elle réside dans le fait qu'à un moment déterminé de leur évolution historique, les [[forces productives|forces productives]] entrent en contradiction avec les [[rapports sociaux de production|rapports sociaux de production]]. Car les premières ont tendance à se développer, tandis que les rapports de production ont tendance à être figés par la [[classe dominante|classe dominante]] qui en profite. Lorsque la contradiction devient trop criante entre forces productives et rapports de production, le [[mode de production|mode de production]] est menacé, et les conditions objectives d'une [[révolution sociale|révolution sociale]] sont en place. Les contradictions dans la [[idéologie|sphère idéologique]] accompagnent généralement de près cette évolution matérielle...<br>
  
La Révolution sociale, telle que nous la comprenons, est donc un changement qualitatif précédés de " sauts qualitatifs ". Par exemple, on peut citer le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste. La révolution française en est l'exemple classique: au sein de la société féodale, les Forces de production se développaient sans cesse, prenant un caractère capitaliste (développement de la manufacture, des machines, etc.). Mais ces Forces de production, de plus en plus capitalistes, entraient en contradiction avec les Rapports sociaux de production féodaux car ces derniers, non-adaptés, restreignaient les nouvelles capacités de développement. La classe bourgeoise, bénéficiaire de cette évolution, devait donc rompre et abolir les Rapports sociaux féodaux (servage, etc.) pour pouvoir pleinement développer sa richesse. Il fallait donc renverser le pouvoir politique de l'aristocratie pour que le pouvoir économique de la bourgeoisie se développe pleinement. D'où la fameuse révolution de 1789. Dans la société capitaliste elle-même, il existe deux contradictions dont la première est fondamentale:
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=== Évolution et Révolution ===
  
== Contradiction entre la socialisation des forces productives et le caractère privé des moyens de production ==
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Mais il faut distinguer ici les changements quantitatifs des changements qualitatifs. Par exemple, l'eau chauffée à 99°C subit des transformations considérables, mais elle reste de l'eau. C'est un changement quantitatif. Par contre, à 100°C, l'eau se transforme en vapeur et ce changement d'état est un changement qualitatif. En ce qui nous concerne, lorsque les forces productives connaissent un développement important, on peut parler de changement quantitatif. Mais, lorsque ces changements atteignent un degré tel qu'ils renversent les rapports de production établis, on doit parler de saut qualitatif. Ce changement n'est pas toujours graduel, ni pacifique car dans les sociétés humaines, il s'opère via des révolutions, des guerres ou des bouleversements sociaux importants.
  
Dans le système capitaliste, la contradiction entre Forces productives et Rapports sociaux de production existe également et prend une forme particulière et propre à ce mode deproduction. Comme nous l'avons vu, les Moyens de production ne peuvent être mis en oeuvre que par un ensemble de travailleurs, dans le capitalisme, ce fait est sans cesse accru: chaque branche de production fait appel à des moyens de production ayant des origines de plus en plus diverses et auxquelles participent de manière dépendante de plus en plus d'individus (ex: la chimie, au départ, n'était qu'un " ingrédient " au sein de la production industrielle. Les produits chimiques n'étaient alors pas produits pour être vendu sur le marché, mais étaient directement intégrés dans la production sans passer par le circuit de circulation des marchandises. Mais avec le développement industriel est apparue, parallèlement, toute une industrie chimique " autonome " employant des milliers de travailleurs pour produire un produit qui ne sera qu'ultérieurement, à travers l'échange, intégré au reste de la production industrielle). Cette interdépendance plus grande ne s'effectue pas seulement entre différentes branches d'industrie, mais également au niveau national et international.  
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La révolution sociale, telle que nous la comprenons, est donc un changement qualitatif. Par exemple, on peut citer le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste. La révolution française en est l'exemple classique: au sein de la société féodale, les forces de production se développaient sans cesse, prenant un caractère capitaliste (développement de la manufacture, des machines, etc.). Mais ces forces de production, de plus en plus capitalistes, entraient en contradiction avec les rapports sociaux de production féodaux car ces derniers, non-adaptés, restreignaient les nouvelles capacités de développement. La classe bourgeoise, bénéficiaire de cette évolution, devait donc rompre et abolir les rapports sociaux féodaux (servage, etc.) pour pouvoir pleinement développer sa richesse. Il fallait donc renverser le pouvoir politique de l'aristocratie pour que le pouvoir économique de la bourgeoisie se développe pleinement. D'où la fameuse révolution de 1789.  
  
Cette " socialisation " des Forces productives entre en contradiction avec le caractèrede plus en privé des moyens de productions puisque ces derniers sont aux mainsd'une minorité croissante de la population. Le caractère privé des moyens de production constitue ainsi un frein au développement des Forces productives. Aujourd'hui, cette contradiction se manifeste notamment par le fait, aberrant que, malgré que l'humanité bénéficie de ressources suffisantes et de capacités scientifiques et techniques immenses pouvant satisfaire les besoins sociaux élémentaires de toute la population de la planète, c'est tout le contraire qui se produit... Puisque cette minorité, détentrice des moyens deproduction fonde sa richesse sur l'exploitation de la majorité, c-à-d sur la dépossession de ces mêmes moyens de production, son intérêt est donc opposé à la satisfaction des besoins de tous. Car pour répondre à cette nécessité de satisfaction, les Rapports sociaux capitalistes doivent être abolis (ainsi que le Mode de production capitaliste) pour permettre le développement harmonieux et entier des Forces productives actuelles. C'est ce qui explique que cette contradiction fondamentale est sans solution possible dans le cadre du Mode de production capitaliste.  
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La société capitaliste n'est pas moins instable que celles qui l'ont précédé, mais certainement davantage. Les [[contradictions du capitalisme|contradictions du capitalisme]] sont la base objective de la nécessité du [[communisme|communisme]].<br>
  
== Contradiction au sein des rapports de producton eux-même entre le capital et le travail  ==
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== Quelques idées reçues ==
  
Comme on l'aura vu, dans tout mode de production où existent des rapports d'exploitation, on trouve deux groupes sociaux antagoniques, les exploiteurs et les exploités, ces groupes pouvant se diviser euxmêmes en plusieurs classes sociales. La lutte de classe entre travailleurs et capitalistes est l'expression politique et idéologique de la contradiction entre les Forces productives (dont les principaux acteurs sont les producteurs, les travailleursau sens large en tant que Force de travail, principale composante des Forcesproductives) et les Rapports sociaux de production (dont les principaux garants etdéfenseurs sont les ou la classe dominante(s), en l'occurrence bourgeoise pour leMode de production capitaliste), elle est l'expression de la lutte entre les détenteursdes Moyens de production et ceux qui en son dépossédés.Ainsi, la lutte de classe, entre le prolétariat et ses alliés, d'une part, les capitalistes etleurs soutiens, d'autres part, n'est pas un choix politique ou idéologique comme leprétendent les réactionnaires, elle est une nécessité objective et inéluctable quidécoule de la nature même du capitalisme.Et c'est grâce à la lutte de classe que le changement qualitatif entre deux Mode deproduction, le passage à travers une révolution, est possible. C'est ce qui fait dire àMarx, au début du " Manifeste du parti communiste ": " L'histoire de toute sociétéjusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la luttes de classes ". La lutte de classe estdonc le MOTEUR DE L'HISTOIRE.
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=== Déterminisme économique ? ===
  
= Conclusion  =
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Le matérialisme historique n'est pas un vulgaire [[économisme|déterminisme économique]] qui prétendrait que tel état des forces productives implique mécaniquement tel état de conscience sociale. Il doit plutôt être considéré comme un déterminisme socio-économique, car il considère que l'[[infrastructure et superstructure|infrastructure et la superstructure]] sont en intéraction permanente et [[dialectique|dialectique]]. En revanche il est clair que nous rejetons comme [[idéaliste|idéaliste]] -à double titre- l'idée de [[libre-arbitre|libre-arbitre]] total.<br>
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"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants."<ref>[http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm Le 18 brumaire de L. Bonaparte], [[Karl Marx]], 1851</ref>
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=== Historicisme ?<br> ===
  
La réalité, qu'elle soit sociale, économique, culturelle ou historique, est d'une complexité quasi-infinie. Pour saisir cette réalité si mouvante et complexe, on ne peut commencer que par la simplifier à travers des schémas. Mais si ces derniers ne peuvent entièrement rendre compte de cette réalité, ils doivent au moins saisir, avec toutes les nuances nécessaires, la dynamique qui anime la réalité. C'est ce qufait Marx à travers sa théorie du matérialisme historique: rendre perceptible et compréhensible le développement historique de l'humanité sans tomber dans le simplisme. La méthode de Marx n'est donc, comme lui-même l'a défini, qu'un outil permettant de mieux comprendre. Elle n'est donc en rien un dogme à apprendre par coeur et à appliquer sans adaptation à toutes les occasions. Marx (et après lui Lénine) a insisté sur l'importance de l'analyse concrète des situations concrètes et des conditions spécifiques de tel ou tel pays et à telle époque déterminée, ainsi que sur l'importance de l'innovation et de l'enrichissement de sa méthode. " Il est malheureusement fréquent, chez ceux même qui se réclament de Marx, de considérer l'oeuvre de ce penseur comme une sorte de révélation dont il suffirait de réciter ou de citer les passages importants pour faire s'évanouir les difficultés de la recherche. A chaque problème, il semblerait que Marx nous ait donné la solution, à la manière dont certaines sectes protestantes utilisent les textes bibliques. Cette appropriation me paraît de type religieux ou fétichiste. Ce n'est pas ainsi que la lecture de Marx peut encore être intéressante aujourd'hui. " <ref name="ideoall" /> Ce qu'il faut, ce n'est pas de s'affirmer " pour Marx " mais bien de " se comporter comme Marx ". C'est s'appuyer sur sa théorie pour fonder de nouvelles théories, c'est utiliser sa méthode comme un instrument visant à découvrir, à analyser et à expliquer des phénomènes nouveaux, inconnus du temps de Marx.  
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Le matérialisme historique est régulièrement accusé d'être un affreux [[historicisme|historicisme]], c'est-dire un discours consistant pour les [[marxisme|marxistes]] à faire dire à l'[[histoire|histoire]] ce qui les arrange. Les mêmes considèrent souvent que l'on ne doit pas être "militant" si l'on veut contribuer objectivement à une science. L'ennui dans cette thèse est que si "l'histoire est écrite par les vainqueurs", se contenter de reprendre ce qui a été dit revient à se mouler dans l'[[idéologie dominante|idéologie dominante]].<br>
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"Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de boule­ver­se­ment sur sa conscience de soi; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle"<ref>[http://www.marxists.org/francais/marx/works/1859/01/km18590100b.htm Critique de l'économie politique, Préface] [[Karl Marx]], 1859</ref>
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Cela ne signifie pas que le matérialisme historique puisse affirmer tout et n'importe quoi. En tant que modèle scientifique, il propose des explications qui ont dores et déjà montré une cohérence remarquable pour une science qui s'intéresse à un sujet aussi complexe que l'histoire des sociétés humaines. Un modèle peut être critiqué sur ses hypothèses et peut toujours être affiné, mais c'est rejeter en bloc l'idée de modèle sans rentrer des les détails qui est réactionnaire en science, pas son étude.
  
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== Notes et sources  ==
  
 
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Version du 5 septembre 2010 à 21:57

Le matérialisme historique est un outil essentiel du marxisme. Malgré son nom, il ne s'agit pas seulement, à travers cet outil, de comprendre le passé, le pourquoi et le comment de l'enchaînement des différents types de sociétés qu'a connu l'humanité. Le matérialisme historique permet également de comprendre quelles sont les forces sociales à l'oeuvre aujourd'hui, ce qu'elles représentent, et finalement, où il est le plus utile de concentrer l'action révolutionnaire.

1 L'élaboration du matérialisme historique

Article détaillé : La formation du matérialisme historique chez Marx et Engels

1.1 Les conceptions antérieures de l'histoire

Jusqu'au XIXème siècle, il existait quatre grandes conceptions de l'histoire : la conception théologique de l'histoire, la conception idéaliste de l'histoire, la conception téléologique de l'histoire (Hegel) et la conception matérialiste de l'histoire. C'est cette dernière qui va être revisitée et approfondie par Marx et Engels.

1.2 Synthèse du matérialisme et de la dialectique

La conception hégélienne commençait déjà à être rejetée en tant que théorie idéaliste, notamment par le matérialiste Ludwig Feueurbach. Marx et Engels sont eux-aussi convaincus que c'est la réalité concrète qui prédomine et qu'il n'y a pas d'arrière-monde où planeraient les Idées. Cependant, ils considèrent que la méthode dialectique de Hegel décrit à merveille les grands mouvements de l'histoire. C'est ce qui les conduira à utiliser les deux outils théoriques dans leur conception de l'histoire.

Vers la fin du XIXème siècle, après mûrissement de leurs idées et confirmation par la réalité, ils en viendront à la conclusion que le nouveau paradigme est le matérialisme dialectique, dont le matérialisme historique est un corollaire.

2 Étude de l'infrastructure

Le premier travail nécessaire à la compréhension de l'histoire est l'étude approfondie de "l'infrastructure", c'est-à-dire l'organisation économique concrète de la société, par opposition à la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des conventions politiques, juridiques et idéologiques.

2.1 Travail et Forces productives

Premièrement, la caractéristique essentielle de l'homme, ce qui le différencie avant toute chose des animaux, est qu'il est le seul à produire ses moyens de subsistance. Le fait historique fondamental de l'homme, ce qui permet de comprendre son histoire, c'est sa production de moyens de subsistance: " la condition première de toute histoire humaine est naturellement l'existence d'êtres humains " et ce fait historique premier inclut que la satisfaction des besoins humains élémentaires est une donnée préalable de toute existence humaine: " à savoir que les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir " faire l'histoire "! " Le premier fait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c'est là un fait historique, une condition fondamentale de toute histoire que l'on doit, aujourd'hui encore comme il y a des milliers d'années, remplir jour après jour (...) simplement pour maintenir les hommes en vie " [1]

Deuxièmement, le rapport premier et fondamental qui exprime cette nécessité de maintenir les hommes en vie est celui de l'homme avec la nature puisque l'homme tire de cette dernière ses moyens de subsistance. Et ce rapport fondamental entre l'homme et la nature s'effectue par le travail qui est l'activité qui lui permet de produire ces moyens. Ainsi, dans cette production, dans cette activité fondamentale qu'est le travail, trois éléments se dégagent:

  1. La force de travail, qui est constituée par l'énergie humaine dépensée dans le travail, par la force musculaire et intellectuelle de l'homme;
  2. L'instrument de travail, qui est constitué par les outils, les instruments et l'infrastructure nécessaires à l'homme pour produire ses moyens de subsistance;
  3. L'objet du travail, qui est la nature elle-même (matière brute ou matière première qui a déjà subi une modification).

L'instrument de travail et l'objet du travail forment les moyens de production.

Enfin, l'ensemble de ces éléments fondamentaux de la relation homme-nature via le travail sont nommés forces productives.

2.2 Rapports sociaux de production

Mais le rapport entre l'homme et la nature n'est pas un rapport uniquement individuel, il est également un rapport social car "l'homme ne peut survivre individuellement, ni assurer sa subsistance en dehors de la coopération avec d'autres membres de son espèce. Ses organes physiques trop peu développé ne lui permettent pas de s'approprier directement les vivres. Il doit produire ceux-ci collectivement (...) " [2] L'homme est donc un animal social.

La façon dont les hommes tirent leurs moyens de subsistance de la nature (forces productives) et la façon dont les hommes s'organisent entre eux pour mener à bien cette activité (rapports sociaux), Marx la désigne sous le nom de rapports sociaux de production. Les rapports sociaux de production sont fondamentalement constitués par le type de propriété des moyens de production qui existent à telle ou telle époque (propriété terrienne sous le féodalisme, propriété privé des entreprises sous le capitalisme...).

Les rapports sociaux de production sont avant tout déterminés par la manière dont les hommes produisent, donc par les forces productives: " Produire la vie, aussi bien la sienne propre par le travail que la vie d'autrui en procréant, nous apparaît donc dès maintenant comme un rapport double: d'une part comme un rapport naturel, d'autre part comme un rapport social (via l'action conjuguée de plusieurs individus) ". Le travail est donc le lien qui unit l'homme aussi bien à la nature qu'aux autres hommes, d'où son importance fondamentale. C'est pourquoi l'ensemble des éléments qui constituent l'activité du travail, c'est à dire les forces productives, sont l'élément essentiel qui détermine les rapports sociaux de production: " Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de produire, de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux (...). Suivant le caractère des moyens de production, ces rapports sociaux (...) seront tout naturellement différents " [3].

2.3 Classes sociales

L'origine des classes sociales démontre cette relation entre forces productives et rapports sociaux de production. L'apparition de classes sociales, c'est-à-dire de groupes d'hommes qui se distinguent au niveau des richesses, est historiquement déterminé. Lorsqu'il y a 8 000 ans d'ici, les hommes ont découvert l'agriculture et l'élevage, la production de leur moyen d'existence a été bouleversé. Lorsqu'ils commencèrent à développer des outils capables d'accroître le rendement agricole, pour la première fois, un surplus social (capacité de produire plus que ce qui est directement consommé) est apparu. Certains groupes d'hommes, par la religion, par la force ou la persuasion, se sont alors accaparé de manière permanente ce surproduit ainsi que les moyens de production. Le pouvoir économique étant ainsi acquis, ces groupes d'hommes s'approprièrent également (et par là même) un pouvoir politique, militaire et spirituel sur ceux qui furent dépossédés de tout moyens de production et qui, pour survivre, sont obligé de travailler pour le compte des propriétaires de ces moyens de production. Une division sociale du travail va donc apparaître et accentuer la différenciation entre les hommes.

Avec les classes sociales, c'est l'exploitation systémique de l'homme par l'homme qui va apparaître. Les relations qu'entretiennent les hommes entre eux pour produire deviennent, à partir de ce moment-là, non plus des relations entre individus, mais des relations entre classes sociales. Ainsi, la base sur laquelle les classes sociales ont pu apparaître est donc celle d'une évolution de la production matérielle des moyens de subsistance, autrement dit d'un changement au niveau des forces productives. Ce changement a déterminé la façon dont les hommes se sont organisés (leurs rapports sociaux) pour exploiter leurs moyens de subsistance. Les classes sociales sont donc fondamentalement déterminées par la place qu'elles occupent dans le système de production sociale, "par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont elles disposent. Les classes sont donc des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de la place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale" [4]

3 Évolution et liens avec la superstructure

Ces catégories économiques ne servent pas seulement à décrire l'état d'une société donnée, mais aussi et surtout à appréhender la dynamique de son évolution. Celle-ci ne se fait pas suivant un schéma linéaire, mais est la résultante d'un ensemble de tendances que l'on peut essayer d'estimer. Par ailleurs, le même type de causalité relie l'infrastructure et la superstructure. La description de ces liens suit une logique dialectique (par opposition à une vision mécaniste).

3.1 Dialectique

Si les éléments de l'infrastructure constituent la base de toute compréhension des phénomènes historiques, car ils déterminent " en dernière instance " les autres éléments, la superstructure à son tour peut influer sur l'infrastructure. Autrement dit, si la superstructure est, au départ, le reflet de l'infrastructure, si elle est déterminée par celle-ci, elle a aussi une vie active propre, une certaine autonomie. Elle devient une force active qui peut, à son tour, exercer une influence sur l'infrastructure économique de la société. On peut même observer que la superstructure a généralement une capacité de résistance plus grande que l'infrastructure[5]. Un trait fondamental de toute société est donc que tout est mouvement, toutes les formes de relations sociales, à tous les niveaux, sont caractérisées par ce mouvement constitué de toutes les interactions entre les différents éléments constitutifs de la société. Et c'est de ce mouvement que naît le changement. " La société antique a donné naissance au féodalisme qui, lui-même, à donné naissance au capitalisme. L'analyse doit donc rendre compte de ce mouvement, passé, présent et futur, comprendre que tout est en devenir. Les interactions sont des conditionnements réciproques: il n'y a pas simplement action de A sur B, mais il y a en retour réaction de B sur A. Cette façon de considérer les choses et les phénomènes dans leur mouvements et leurs transformations, dans leur enchaînement et leur action réciproque est ce que l'on appelle la méthode dialectique.

3.2 Les contradictions

Puisque les rapports sociaux " sont transmis à chaque génération par sa devancière sous la forme d'une masse de forces productives, de capitaux et de conditions, (qui) sont modifiés par la nouvelle génération (qui prescrit à ces rapports sociaux) ses propres conditions d'existence " on peut dialectiquement conclure que " les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances " [1].

Il n'y a donc pas de fatalité historique ! Toute réalité est faite de contradictions, sans ces dernières, il ne peut y avoir de progrès possible. Ce sont les contradictions qui expliquent le mouvement, les enchaînements entre les différents modes de production car à chaque mode de production déterminé correspondent des types de contradictions déterminées. Mais il existe une contradiction fondamentale expliquant l'évolution des modes de production. Elle réside dans le fait qu'à un moment déterminé de leur évolution historique, les forces productives entrent en contradiction avec les rapports sociaux de production. Car les premières ont tendance à se développer, tandis que les rapports de production ont tendance à être figés par la classe dominante qui en profite. Lorsque la contradiction devient trop criante entre forces productives et rapports de production, le mode de production est menacé, et les conditions objectives d'une révolution sociale sont en place. Les contradictions dans la sphère idéologique accompagnent généralement de près cette évolution matérielle...

3.3 Évolution et Révolution

Mais il faut distinguer ici les changements quantitatifs des changements qualitatifs. Par exemple, l'eau chauffée à 99°C subit des transformations considérables, mais elle reste de l'eau. C'est un changement quantitatif. Par contre, à 100°C, l'eau se transforme en vapeur et ce changement d'état est un changement qualitatif. En ce qui nous concerne, lorsque les forces productives connaissent un développement important, on peut parler de changement quantitatif. Mais, lorsque ces changements atteignent un degré tel qu'ils renversent les rapports de production établis, on doit parler de saut qualitatif. Ce changement n'est pas toujours graduel, ni pacifique car dans les sociétés humaines, il s'opère via des révolutions, des guerres ou des bouleversements sociaux importants.

La révolution sociale, telle que nous la comprenons, est donc un changement qualitatif. Par exemple, on peut citer le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste. La révolution française en est l'exemple classique: au sein de la société féodale, les forces de production se développaient sans cesse, prenant un caractère capitaliste (développement de la manufacture, des machines, etc.). Mais ces forces de production, de plus en plus capitalistes, entraient en contradiction avec les rapports sociaux de production féodaux car ces derniers, non-adaptés, restreignaient les nouvelles capacités de développement. La classe bourgeoise, bénéficiaire de cette évolution, devait donc rompre et abolir les rapports sociaux féodaux (servage, etc.) pour pouvoir pleinement développer sa richesse. Il fallait donc renverser le pouvoir politique de l'aristocratie pour que le pouvoir économique de la bourgeoisie se développe pleinement. D'où la fameuse révolution de 1789.

La société capitaliste n'est pas moins instable que celles qui l'ont précédé, mais certainement davantage. Les contradictions du capitalisme sont la base objective de la nécessité du communisme.

4 Quelques idées reçues

4.1 Déterminisme économique ?

Le matérialisme historique n'est pas un vulgaire déterminisme économique qui prétendrait que tel état des forces productives implique mécaniquement tel état de conscience sociale. Il doit plutôt être considéré comme un déterminisme socio-économique, car il considère que l'infrastructure et la superstructure sont en intéraction permanente et dialectique. En revanche il est clair que nous rejetons comme idéaliste -à double titre- l'idée de libre-arbitre total.

"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants."[6]

4.2 Historicisme ?

Le matérialisme historique est régulièrement accusé d'être un affreux historicisme, c'est-à-dire un discours consistant pour les marxistes à faire dire à l'histoire ce qui les arrange. Les mêmes considèrent souvent que l'on ne doit pas être "militant" si l'on veut contribuer objectivement à une science. L'ennui dans cette thèse est que si "l'histoire est écrite par les vainqueurs", se contenter de reprendre ce qui a été dit revient à se mouler dans l'idéologie dominante.

"Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de boule­ver­se­ment sur sa conscience de soi; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle"[7]

Cela ne signifie pas que le matérialisme historique puisse affirmer tout et n'importe quoi. En tant que modèle scientifique, il propose des explications qui ont dores et déjà montré une cohérence remarquable pour une science qui s'intéresse à un sujet aussi complexe que l'histoire des sociétés humaines. Un modèle peut être critiqué sur ses hypothèses et peut toujours être affiné, mais c'est rejeter en bloc l'idée de modèle sans rentrer des les détails qui est réactionnaire en science, pas son étude.

5 Notes et sources

  1. 1,0 et 1,1 L'idéologie allemande, Karl Marx et Friedrich Engels
  2. Ernest Mandel, " Introduction au marxisme " 1983.
  3. Karl Marx, "Misère de la philosophie", 1847
  4. Lénine, "La grande initiative", 1919
  5. Les mentalités, lesconsciences et les coutumes - persiste encore pendant de longues années après la destruction de ses " bases matérielles " et constitue donc un obstacle à l'édification de la nouvelle société.
  6. Le 18 brumaire de L. Bonaparte, Karl Marx, 1851
  7. Critique de l'économie politique, Préface Karl Marx, 1859