Presse ouvrière
La presse ouvrière est l'ensemble des média qui défendent les intérêts du mouvement ouvrier. On peut élargir cette notion à l'ensemble des média qui défendent les mouvements sociaux et les causes progressistes.
Historiquement, la presse ouvrière est surtout passée par des journaux ouvriers.
Un journal ouvrier est une publication périodique qui assure la liaison entre les militants et les sympathisants. Dans la conception de certains militants comme les léninistes, un journal doit servir d'organe central, c'est-à-dire de centre idéologique et organisateur d'un parti.
1 Enjeux[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Écrit par des ouvrier·ères ?[modifier | modifier le wikicode]
Le journal L'Écho de la fabrique est souvent considéré comme un des premiers journaux écrits par des ouvriers. Il émanait des canuts lyonnais (travailleurs de la soie). Cependant beaucoup de canuts étaient encore des petits artisans, même s'ils étaient dans une forte dépendance vis-à-vis des marchands (à l'image des auto-entrepreneurs ubérisés d'aujourd'hui).
Le journal L'Atelier (1840-1850) est probablement le premier journal en France écrit exclusivement par des ouvriers. Il défendait les idées de socialisme utopique et socialisme chrétien de Philippe Buchez.
Par la suite, la plupart du temps, les journaux se voulant des journaux ouvriers ont le plus souvent été largement écrits par des intellectuels socialistes. Lorsque ces socialistes ont sincèrement la préoccupation de faire partie du mouvement ouvrier, ils cherchent néanmoins au maximum à faire écrire les ouvrier·ères eux et elles-mêmes, ou au moins à recueillir leurs témoignages.
1.2 A quoi sert un journal ouvrier ?[modifier | modifier le wikicode]
Dans l’histoire du mouvement ouvrier, le journal a toujours joué un rôle de première importance. Vendu à la criée, passé de main en main, lu et commenté par de petits groupes de travailleurs ou d’étudiants parfois dans des conditions difficiles (censure, répression...), le journal a souvent été l’élément essentiel dans la formation de la conscience politique et la création de liens entre des militants et sympathisants dispersés.
« Étant données les ressources du capital, une presse grande et indépendante ne peut se former et se soutenir que par une puissante organisation politique du prolétariat. »[1]
Mais la presse n’a pas été qu’un moyen de populariser les idées révolutionnaires. Les idées signifient rien si elles ne conduisent pas à l’organisation et à l’action des masses.
« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde ; mais ce qui importe, c’est de le transformer. » [2]
C’est pourquoi les plus grands révolutionnaires, comme Lénine en Russie, ont conçu le journal pas simplement comme l’organe d’un courant politique – un moyen de faire passer des idées – mais comme un organisateur qui se met au service du mouvement au sens le plus large. La fonction de la presse ouvrière occupait l’attention de Lénine bien avant la création du POSDR. Il consacra plusieurs années de sa vie à étudier sa pertinence et son insertion dans la classe ouvrière émergente. Le journal devait tenir un langage clair mais qui permettait, à son tour, d’élever la conscience politique des travailleurs. Lénine tenait aussi particulièrement à ce que le journal paraisse régulièrement pour devenir un point de repère.
Même pendant les années noires de l’exil, quand les révolutionnaires marxistes étaient presque coupés de tout contact avec les travailleurs en Russie, et de ce fait passaient l’essentiel de leur temps à discuter entre eux, et à se diviser, Lénine insistait sur la nécessité de sortir régulièrement un journal et de le faire passer en Russie, malgré toutes les difficultés pratiques et politiques. C’était le seul moyen de lier les petits groupes de travailleurs combatifs et étudiants radicalisés entre eux, et pour la direction du parti en exil, de former une opinion sur l’état des mouvements d’opposition au régime tsariste et l’évolution de la conscience ouvrière.
2 Un journal au service des travailleur·ses[modifier | modifier le wikicode]
Un journal ouvrier doit publier des échos des luttes ou des problèmes rencontrés par les travailleurs dans leur vie quotidienne dans chaque numéro. C'est une des tâches des journaux auxquels participait Lénine : l'Iskra (L’Etincelle), Vperiod, le Proletarii, puis la Pravda (La Vérité). Ces échos étaient en grande partie écrits par les intéressés eux-mêmes. Ce fut « leur » journal autant que celui du parti ou de ses dirigeants. Au cours de son second exil (1907-1917), Lénine fondera aussi d’autres journaux comme Le Social-démocrate ou la revue Le Communiste.
Nous pourrions citer d’autres exemples plus proches de nous. Le Parti Communiste Français a longtemps été associé principalement avec son journal, L’Humanité, et sa vente sur les marchés et devant les portes des usines a été l’activité publique la plus connue de ses militants. Les révolutionnaires internationalistes (trotskistes) ont pu pendant cette période se maintenir en existence en tant que courant politique en publiant des journaux et des revues malgré tous les dangers auxquels ils étaient confrontés.
Aujourd’hui les deux principales organisations d’extrême gauche, LO et la NPA, sont connues pour leurs hebdomadaires, respectivement Lutte Ouvrière et L'Anticapitaliste. Le premier contact qu’ont les gens avec ces organisations est souvent l’achat d’un journal ou une discussion avec un de leurs militants lors d’une vente publique.
Face à l’influence des médias, le spectacle des militants qui vendent – ou essaient de vendre ! – leurs journaux sur les marchés ou dans les manifestations peut sembler dérisoire. Cette impression est malheureusement souvent renforcée quand, en ouvrant le journal, on découvre des articles qui semblent destinés plutôt à un petit cercle d’initiés qu’à un public plus vaste. Le contenu, le format et le langage utilisé sont souvent très éloignés de ce que les gens nouveaux à la politique ou même les militants de base attendent.
3 Populariser les luttes[modifier | modifier le wikicode]
Pourtant, même dans une situation où nos idées sont à contre-courant (ce qui est le cas aujourd’hui), la presse militante, malgré les défauts et le faible tirage des journaux existants, joue un rôle non-négligeable.
L’annonce d’une manifestation ou d’un meeting dans un journal (complétée de nos jours par l’utilisation d’Internet) est une aide indispensable à la mobilisation.
Lors d’une grève, de la fermeture d’une usine ou d’un mouvement comme celui des sans-papiers, la publication d’un article, surtout s’il s’appuie sur des faits réels et sur des entretiens avec les participants, permet aux lecteurs dispersés dans tout le pays de connaître les revendications et les motifs de la lutte. Ce public va à son tour influencer d’autres personnes qui ne sont pas des lecteurs réguliers, et ainsi de suite.
C’est ce qui explique en partie le fait que, très souvent, les luttes bénéficient d’un soutien de l’opinion publique malgré la supériorité apparente des médias bourgeois (c’est-à-dire contrôlés par des intérêts privés ou par l’État). L’opinion publique – la conscience des travailleurs, dirions-nous – n’est pas fabriquée uniquement par les grands médias.
C’est le rôle d’organisateur du mouvement qui donne son importance à la presse ouvrière, et qui la distingue de la presse bourgeoise avec laquelle les lecteurs ont des rapports essentiellement passifs et consommateurs.
4 Historique[modifier | modifier le wikicode]
Au moment de la Libération en France, le PCF est le premier parti en termes numérique, et sa presse a un tirage énorme. Son action dans la Résistance l'a auréolé d'une certaine gloire, qui a attiré de nombreux membres bien au delà de l'électorat communiste habituel. Entre 1951 et 1955 cependant, le tirage de la presse communiste est divisé par 3.
5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
Contretemps, Vladimir Ilitch Lénine : parti, presse, culture & révolution, mars 2015
- ↑ Karl Kautsky, Politique et Syndicats, 1900
- ↑ Karl Marx, 11e thèse sur Feuerbach, 1845