Question juive
La « question juive » est une expression qui désignait les débats sur la question nationale concernant les Juifs.
Cette expression n'est plus employée autant qu'auparavant, d'une part parce que la fondation de l'État d'Israël, a apporté de facto une réponse partielle à la question juive telle qu'elle s'était posée, et d'autre part parce que l'expression fait maintenant penser aux nazis qui répondaient à cette question par leur solution finale.
1 Historique[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Premières mentions[modifier | modifier le wikicode]
L'expression est apparue à l'époque des Lumières, en Allemagne, et faisait référence à l'aptitude des Juifs à s'intégrer en Europe occidentale.
La « question juive » est l'objet de questions de Napoléon Ier à l'Assemblée des notables. L'Empereur désirait savoir si l'intégration des Israélites dans la nation française posait ou non problème. La réponse en fut négative, ce qui ouvrit, entre autres, aux membres de cette communauté l'accès aux grades de commandement militaire.
1.2 Essor des nationalismes au 19e siècle[modifier | modifier le wikicode]
Au 19e siècle, dans le sillage de la Révolution industrielle, l'Europe voit un mouvement de consolidation des États-nations, qui créé parfois de profonds conflits autour de la délimitation (toujours plus ou moins arbitraire) des nationalités. La place des minorités juives d'Europe au sein des différents pays est alors posée, à la fois par les réactionnaires antisémites, et par des intellectuels juifs qui s'emparent eux aussi de la question nationale.
Grossièrement, trois grandes tendances vont alors exister, à la fois dans la pratique et dans les courants d'idées :
- L'assimilationnisme : La tendance à mettre au second plan les différences (religion, culture...) par rapport à l'appartenance nationale du pays dans lequel les différentes communautés juives vivent. Cela suppose que la conception de la Nation par le pays en question soit une conception ouverte, et non crispée sur un mythe de roman national, de « racines chrétiennes », voire de « pureté raciale ». L'assimilationnisme est rarement une revendication en tant que telle, mais plutôt une tendance objective qui tend à se produire lorsque le nationalisme est peu présent, les droits démocratiques assurés, et le développement économique relativement florissant (ce qui une base matérielle importante des deux autres facteurs).
- La revendication d'autonomie nationale-culturelle : Certaines minorités au sein d'un État, qui sont majoritaires dans une région, se sont mises à revendiquer une autonomie nationale-territoriale. Cette solution ne s'appliquant pas aux minorités juives, certains penseurs (comme une partie du Bund inspiré par l'austro-marxisme) ont revendiqué une autonomie non territoriale (des élections parmi la minorité juive à travers tout le pays, des écoles juives, etc.).
- Le sionisme : Pour appliquer le modèle dominant de l’État-nation (un État regroupant une population relativement homogène), certains se sont mis à revendiquer la création d'un État juif, et la migration des juifs de la diaspora vers ce nouvel État. Étant donné l'absence d'un lieu évident, ce projet est resté très hypothétique pendant des décennies, et plusieurs pays d'implantation étaient envisagés.
1.3 Mouvement ouvrier et question juive[modifier | modifier le wikicode]
Le mouvement ouvrier et socialiste mettant en avant la solidarité de classe et l'internationalisme, ce qui lui donnait une tendance à lutter contre l'antisémitisme comme tout autre racisme. Cependant l'antisémitisme s'est insinué dans le mouvement ouvrier dès le début, par exemple chez Proudhon et Bakounine.
Vu la proportion plus élevée qu'ailleurs de juives et juifs dans la population de l'Empire tsariste, la question juive a été importante pour les social-démocrates russes. Elle l'a également été en Roumanie.
1.4 Le choc du milieu du 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]
L'antisémitisme, qui s'était renforcé tendanciellement depuis la montée des nationalismes à la fin du 19e siècle, prend une ampleur rapidement croissante dans l'Allemagne en crise des années 1920 et plus largement pendant la Grande dépression des années 1930.
L'idéologie nazie va se bâtir sur une théorie conspirationniste faisant des juifs les bouc émissaires des problèmes de « la race aryenne », et surfant sur une forme primaire d'anticapitalisme (« national-socialisme ») en associant les juifs au Grand capital. L'arrivée au pouvoir de Hitler puis la Seconde guerre mondiale a entraîné une des plus grandes atrocités de l'histoire humaine, le génocide des Juifs d'Europe. La Shoah était pour les nazis la solution finale la question juive, reposée dans leurs termes à eux...
Par ailleurs pendant l'occupation de la France par l'Allemagne et le régime de Vichy, plusieurs organismes antisémites sont créés, dont le nom fait référence aux « questions juives » :
2 Ouvrages consacrés à la question juive[modifier | modifier le wikicode]
Plusieurs ouvrages y sont consacrés :
- La Question juive, un livre de Bruno Bauer publié en 1843 ;
- Sur la Question juive, un article de Karl Marx publié en 1844. C'est une réponse à l'ouvrage de Bruno Bauer ;
- La Conception matérialiste de la question juive, un livre d'Abraham Léon, qui est un ensemble de notes écrites entre 1940 et 1944 ;
- La Question juive, une revue publiée par les éditions Le Pont entre 1940 et 1944 ;
- Réflexions sur la question juive, un essai de Jean-Paul Sartre publié en 1946.
Si pour beaucoup, la question juive est en grande partie résolue avec la fondation de l'État d'Israël en 1948, elle continue d'alimenter la pensée contemporaine :
- La Condition réflexive de l'homme juif, un ouvrage de Robert Misrahi publié en 1963 ;
- La Libération du juif, un essai d'Albert Memmi publié en 1966 ;
- Le Monde moderne et la question juive, un livre d'Edgar Morin publié en 2006 ;
- Retour sur la question juive, d'Elisabeth Roudinesco, publié en 2009.