Opportunisme
L'opportunisme désigne dans le mouvement socialiste les tendances à la collaboration de classe.
L'opportunisme est le plus souvent associé à une « dérive droitière ». Cependant, dans la pratique il peut arriver que des tendances opportunistes cohabitent avec de l'aventurisme ou du propagandisme, qui sont plus souvent associés au « gauchisme ».
Cette page ne traite pas des politiciens bourgeois du début de la IIIe République que l'on a appelé « les opportunistes ».
1 Manifestations[modifier | modifier le wikicode]
L'opportunisme consiste par exemple pour des dirigeants de partis ouvriers à s'appuyer sur des alliances avec des partis bourgeois, dans l'illusion d'en faire bénéficier le prolétariat, voire pour asseoir leur position personnelle.
Dans un parti aux bases théoriques marxistes, l'opportunisme étant en principe en contradiction avec l'orientation générale, il s'accompagne souvent d'un révisionnisme théorique, visant à justifier une orientation réformiste.
2 Racines[modifier | modifier le wikicode]
L'opportunisme n'est pas un phénomène à considérer comme une tendance qui planerait de façon intemporelle au dessus des socialistes. Elle s'ancre dans les forces sociales et change qualitativement selon la structure de la société.
On doit principalement distinguer :
- l'opportunisme avant 1890, qui est principalement porté par la petite-bourgeoisie
- l'opportunisme d'après les années 1890, qui repose principalement sur l'aristocratie ouvrière dont les intérêts divergent du prolétariat
3 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]
Marx et Engels ont connu la vague révolutionnaire de 1848, et puis ils ont observé certains de leurs camarades de la Ligue des communistes qui devenaient incapables d'admettre que la situation avaient changé, et qui s'enfermaient dans une attitude "révolutionnariste" contre-productive. Dans le même temps, leur aventurisme se mêlait avec de l'opportunisme, car puisque l'urgence était à déclencher des révolutions, ils allaient jusqu'à se rapprocher des démocrates bourgeois.[1]
Le socialiste Ferdinand Lassalle est un des premiers à avoir été qualifié d'opportuniste par les marxistes. Lassalle cherchait à négocier directement avec l'État prussien, dans l'espoir d'une unification progressiste de l'Allemagne.
La dégénérescence de la social-démocratie au début du 20e siècle est l'illustration de plus grande ampleur de la trahison que représente l'opportunisme dans le mouvement ouvrier.
Dans sa critique du programme d'Erfurt, en 1891, le vieil Engels s'inquiétait déjà d'une tendance à ne plus trop se préoccuper des buts du socialisme, mis au second plan derrière les succès immédiats :
« Cet oubli des grandes considérations essentielles devant les intérêts passagers du jour, cette course aux succès éphémères et la lutte qui se livre tout autour, sans se préoccuper des conséquences ultérieures, cet abandon de l'avenir du mouvement que l'on sacrifie au présent, tout cela a peut-être des mobiles honnêtes. Mais cela est et reste de l'opportunisme. Or, l'opportunisme « honnête » est peut-être le plus dangereux de tous. » [2]
Les bolchéviks qualifiaient les menchéviks d'opportunistes. En 1904, Trotski qui est menchévik critique vertement les conceptions de Lénine, et entre autre son emploi extensif du terme opportuniste :
« Comme notre intrépide polémiste [Lénine] ne se décide quand même pas à mettre Axelrod et Martov dans la catégorie des opportunistes en général (ce serait si attirant du point de vue de la clarté et de la simplicité !), il crée pour eux la rubrique « opportunisme en matière d'organisation ». Le concept d'opportunisme est privé alors de tout contenu politique. Cela devient le « croque mitaine », avec lequel on fait peur aux petits enfants. »[3]
Dans la période de recul qui suit la révolution russe de 1905, certains social-démocrates (« liquidateurs ») abaissaient drastiquement leurs principes pour se rapprocher de bourgeois libéraux. Trotski écrivait alors :
« On prendra peut‑être pour un paradoxe l'affirmation qui consisterait à dire que ce qui caractérise l'opportunisme, c'est qu'il ne sait pas attendre. Et c'est pourtant cela. Dans les périodes où les forces sociales alliées et adversaires, par leur antagonisme comme par leurs interactions, amènent en politique un calme plat ; quand le travail moléculaire du développement économique, renforçant encore les contradictions, au lieu de rompre l'équilibre politique, semble plutôt l'affermir provisoirement et lui assurer une sorte de pérennité, l'opportunisme, dévoré d'impatience, cherche autour de lui de “nouvelles” voies, de “nouveaux” moyens d'action. Il s'épuise en plaintes sur l'insuffisance et l'incertitude de ses propres forces et il recherche des “alliés”. Il se jette avidement sur le fumier du libéralisme. (...) L'opportunisme veut tenir compte d'une situation, de conditions sociales qui ne sont pas encore arrivées à maturité. Il veut un “succès” immédiat. Lorsque ses alliés de l'opposition ne peuvent le servir, il court au gouvernement : il persuade, il supplie, il menace... Enfin, il trouve lui‑même une place dans le gouvernement (ministérialisme), mais seulement pour démontrer que, si la théorie ne peut devancer l'histoire, la manière administrative ne réussit pas mieux. »[4]
Après cela, l'opportunisme n'a pas cessé d'exister au sein du "mouvement socialiste" (jusqu'à ce qu'il devienne la norme et que les "partis socialistes" dans la plupart des pays deviennent des partis purement bourgeois), et du "mouvement communiste" (Fronts populaires, participation aux "unions de la gauche"...).
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Friedrich Engels, Quelques mots sur l'histoire de la Ligue des communistes, 18 octobre 1885
- ↑ F. Engels, Critique du projet de programme social-démocrate de 1891
- ↑ Trotski, Nos tâches politiques, 1904
- ↑ Léon Trotski, 1905, 1905-1909