Ligue des communistes

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Marx et Engels.jpg

La Ligue des communistes (en allemand : Bund der Kommunisten) fut la première organisation internationale dont les idées peuvent être considérées comme « marxistes ». Elle a existé sous ce nom de 1847 à 1852.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Au cours de la décennie 1840, le mot « communiste » devient courant pour décrire ceux qui se revendiquaient de l'aile gauche du club des Jacobins de la Révolution française. Cette tendance politique se considérait comme héritière de la Conjuration des Egaux (1795) de Gracchus Babeuf. Les sans-culottes parisiens qui avaient été des décennies plus tôt la base sociale de Babeuf - artisans, ouvriers et les chômeurs urbains - était considérée comme une base potentielle pour un nouveau système social basé sur la production mécanisée moderne.

Le penseur français Étienne Cabet inspirait l'imaginaire avec son roman Voyage en Icarie (1839) qui parlait d'une société utopique basée sur un machinisme communiste. Le révolutionnaire Louis Auguste Blanqui plaidait pour qu'une élite s'empare du gouvernement par un coup d'État et instaure un nouvel ordre économique égalitaire. Wilhelm Weitling. développait l'idée que les intérêts des travailleurs et ceux des capitalistes étaient incompatibles. Les idées dominantes du groupe relevaient du socialisme utopique.

Un groupe d'Allemands à Paris, dirigé par Karl Schapper, s'était organisé en 1836 sous la forme d'une société secrète connue sous le nom de la Ligue des Justes et avait participé à une rébellion en mai 1839 à Paris, visant à établir une « République sociale ». Après son échec, l'organisation avait déménagé à Londres, tout en maintenant des organisations locales à Zürich et à Paris.

La Ligue des Justes dans le film Le jeune Karl Marx (2016)

Un parfum de révolution flottait sur les monarchies d'Europe.

En 1846, Karl Marx et son ami Friedrich Engels, qui se trouvent à Bruxelles, établissent un petit cercle politique d'émigrés allemands radicaux appelé le Comité de correspondance communiste, et écrivent pour le journal germanophone Deutsche Brüsseler Zeitung. Un autre membre important du cercle à cette époque est Wilhelm Wolff, un écrivain radical et de talent originaire de la paysannerie silésienne, qui avait été contraint d'émigrer en raison de son agitation contre l'autocratie prussienne.

Le Comité de correspondance communiste de Bruxelles avait des petits groupes homologues situés à Londres et à Paris, composés d'une poignée d'expatriés allemands radicaux. Les relations entre ces petits groupes n'étaient pas idylliques, les jalousies mesquines et les désaccords idéologiques empêchaient les participants de fonctionner ensemble.

1.2 Création de la Ligue communiste (juin 1847)[modifier | modifier le wikicode]

Quoi qu'il en soit, vers la fin janvier 1847, les groupes disparates du jeune communisme allemand commencent à se regrouper lorsque la section de Londres de la Ligue des Justes lance l'idée d'une union avec le Comité de correspondance communiste.

Dans une lettre du 20 janvier 1847, Schapper propose à Marx de se joindre à la Ligue des Justes en prévision de son congrès de Londres au cours duquel un nouvel ensemble de principes allait être adopté, inspiré des idées exprimées par Marx et Engels. Marx et Engels sont convaincus par l'appel et ils rejoignent la Ligue des Justes peu après, suivis par d'autres membres du Comité de correspondance communiste.

En juin 1847 se tient le congrès de Londres, qui décide de changer son nom en Ligue des communistes, d'adopter le slogan de Marx « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! » et adopte une nouvelle charte. Ce congrès est alors considéré comme le premier de la nouvelle organisation refondée.

La Ligue communiste était structurée en petites unité appelées « communes », composées d'au moins 3 et de pas plus de 10 membres. Celles-ci sont combinés en unités plus grandes appelées « cercles » et « cercles dirigeants », régis par une autorité centrale élue par les congrès. Marx pousse aussi la Ligue à se débarrasser des rituels propres aux sociétés secrètes, qu'il appelait de « l'autoritarisme superstitieux ».

Le programme de la Ligue appelle au renversement de la bourgeoisie et à la dictature du prolétariat pour construire une nouvelle société libérée à la fois de la propriété privée et des classes sociales. Le communisme n'est plus vu comme une construction théorique, mais comme une résultat objectif devant émerger de la lutte du mouvement ouvrier. En particulier, Engels pousse les militants de Londres à prendre en considération le mouvement chartiste, qui était considéré comme un mouvement limité à l'Angleterre et non révolutionnaire.

A Bruxelles, les émigrés politiques allemands avaient fondé en janvier 1847 un journal, le Deutsche Brüsseler-Zeitung. Marx et Engels y écrivent, et en deviennent de fait les dirigeants à partir de septembre 1847, Marx et Engels devinrent ses collaborateurs permanents et influèrent directement sur son orientation. Le journal devient une sorte d'organe de la Ligue des communistes.

A Londres, la Ligue des communistes dirige également l'Association éducative des ouvriers allemands.

Fin août 1847, Marx et Engels fondent à Bruxelles une Association ouvrière allemande pour propager les idées communistes parmi les ouvriers allemands résidant en Belgique. Les meilleurs éléments de l’Association faisaient partie de la section de Bruxelles de la Ligue des communistes. L’Association cessa ses activités après la révolution de février 1848 en France, après que ses membres aient été arrêtés et déportés par la police belge.

La Ligue communiste tient son second congrès à Londres en novembre-décembre 1847. Marx et Engels sont chargés de rédiger un manifeste pour l'organisation, celui qui deviendra le Manifeste du Parti communiste et qui sera publié en février 1848 après des discussions collectives.

1.3 Front avec les démocrates bourgeois[modifier | modifier le wikicode]

Comme ils l'écrivaient dans le Manifeste, Marx et Engels pensaient alors qu'en Allemagne et dans tous les pays où la révolution bourgeoise restait à accomplir, il fallait faire front avec les démocrates bourgeois. C'est pour cela qu'ils font « une espèce de cartel avec les démocrates de Bruxelles »[1].

Marx contribue activement à la Société démocratique, dès sa fondation à Bruxelles en automne 1847. Elle groupait des révolutionnaires prolétariens (essentiellement des émigrés allemands) et des démocrates bourgeois et petits bourgeois belges avancés. Le 15 novembre 1847, Marx en fut élu vice-président, et le démocrate belge, L. Jottrand, son président. La Société démocratique devint un important centre du mouvement démocratique international. Après l'éclatement de la révolution de 1848, les pouvoirs belges s'en prennent à ses membres les plus révolutionnaires, et la Société réduisit sensiblement son activité et devint une organisation d’envergure locale. En 1849, elle cessa pratiquement toute activité.

1.4 Les révolutions de 1848[modifier | modifier le wikicode]

« Quand éclata la révolution de février, le « parti communiste » allemand — comme nous l'appelions — ne formait qu'un tout petit noyau [d'une petite centaine de membres]. En dehors des sociétés ouvrières à l'étranger — son terrain de recrutement essentiel —, elle avait dans le pays même quelque trente communes, ou sections, et quelques membres dispersés dans de nombreuses localités. »[2]

Marx et Engels éditant la Nouvelle gazette rhénane

La Révolution de Mars 1848 permet à des militants de la Ligue de rentrer d'exil, et de participer à la révolution en Allemagne. Par exemple à Paris se forme un Club communiste allemand, qui organise le rapatriement de 300 à 400 ouvriers. Mais Marx et Engels refusent la ligne de former des légions prenant les armes en France pour marcher sur l'Allemagne.

Marx est expulsé de Bruxelles début mars 1848. Il passe par Paris puis rejoint l'Allemagne en avril 1848. Avec les nombreux mouvements de militants, l'organisation de la Ligue en société secrète n'est plus possible ni souhaitable, et les mots d'ordre sont désormais diffusés par la presse, en particulier la Neue Rheinische Zeitung.

« Sur les bords du Rhin, où la Neue Rheinische Zeitung constituait un point de ralliement solide, dans le Nassau, dans la Hesse rhénane, etc., le mouvement démocratique extrémiste était partout dirigé par des membres de la Ligue. De même à Hambourg. Dans l’Allemagne du Sud, la prépondérance de la petite bourgeoisie démocratique barrait la route. À Breslau, Wilhelm Wolff déploya jusqu’en été 1848 une activité très fructueuse ; il fut élu par la Silésie représentant suppléant au Parlement de Francfort. »[1]

A Berlin, des membres de la Ligue, autour de Stephan Born, créent la Fraternité des travailleurs, qui devient l'organisation ouvrière la plus importante du moment. Marx et Engels lui reprocheront cependant d'avoir joué un rôle trop effacé et conciliateur sur le plan politique, et trop replié sur les revendications économiques.

Le 10 mai 1848, Marx et Engels partent de Cologne pour observer les événements dans le Bade et le Palatinat.

Fin 1848, Marx et Engels étaient en relation avec Karl Ludwig Johann D'Ester, alors membre du gouvernement provisoire dans le Bade et le Palatinat. C'était un médecin démocrate et socialiste qui avait été membre du groupe de Cologne de la Ligue des communistes.

D'Ester avait été élu député à l'Assemblée nationale prussienne en 1848, et par ailleurs élu au Comité central des Démocrates allemands, avec Reichenbach et Hexamer, au Second congrès démocratique tenu à Berlin les 26-30 octobre 1848. A cause de ses engagements pour le gouvernement provisoire, D'Ester n'étaient pas en mesure de participer à une importante réunion du Comité central allemand à Paris. Il rencontra Marx et Engels dans la ville de Kaiserlautern, et donna à Marx mandat pour le représenter. Marx se mit en route pour Paris.

La Neue Rheinische Zeitung sera interdite le 19 mai 1849 par les autorités prussiennes.

Engels combat contre les Prussiens dans la campagne de Baden (Juin et Juillet 1849), en tant qu'aide-de-camp d'August Willich.

Mais la Ligue ne fut pas en mesure de fonctionner efficacement pendant les révolutions, malgré l'abandon temporaire de sa nature clandestine. La défaite du mouvement révolutionnaire entraîne des arrestations, des procès, et de nouveaux exils.

1.5 Affaiblissement, répression et dissolution[modifier | modifier le wikicode]

La Ligue se reforme fin 1849, et en 1850 elle reprend la publication de la Neue Rheinische Zeitung. Mais les dirigeants de la Ligue, qui se retrouvent principalement à Londres, subissent comme l'ensemble du milieu des émigrés révolutionnaires les effets démoralisateurs et désagrégateurs de la défaite.

A Londres, beaucoup de républicains bourgeois vaincus (Ledru-Rollin, Louis Blanc, Mazzini, Kossuth, Ruge) s'enfermaient dans des appels à de nouvelles révolutions et des préparatifs de chimériques futurs gouvernements provisoires.

Une tentative de rapprochement entre les révolutionnaires les plus avancés eut lieu en avril 1850 avec la proclamation d'une « Société Universelle des Communistes Révolutionnaires »[3], signée par Marx, Engels et Willich pour la Ligue, par un chartiste socialiste (Harney), et par deux blanquistes (Vidil et Adam).

Comme tout cela restait sans écho, les tensions internes montaient et les querelles étaient sans fin.

Cela affectait aussi la Ligue des communistes. Une minorité autour de Karl Schapper et August Willich veut préparer de nouvelles insurrections, sur le modèle blanquiste connu depuis les années 1830. La minorité fonde alors son propre groupe, le Comité central communiste. Celui-ci ne connaîtra que l'échec, et Willich émigre aux États-Unis. La majorité est avec Marx et Engels, et souhaite bâtir patiemment un mouvement ouvrier de masse :

« La minorité remplace la critique par le dogmatisme. Pour elle la force motrice de la révolution n'est pas les conditions existantes réelles, mais la simple volonté. Alors que nous disons aux travailleurs : vous devez passer par 15, 20, 50 ans de luttes et de guerres civiles, non seulement pour changer les conditions, mais pour vous transformer et pour vous rendre vous-mêmes capables de suprématie politique, vous, au contraire, déclarez : Nous devons conquérir le pouvoir d'un coup, ou nous pouvons aller nous coucher. Alors que nous expliquons, en particulier pour les ouvriers allemands, à quel point le prolétariat est peu développé en Allemagne, vous flattez de la manière la plus grossière le sentiment national et les préjugés corporatistes des artisans allemands - une méthode qui, c'est vrai, est plus populaire. Tout comme les démocrates l'ont fait avec le mot peuple, vous faites du mot prolétariat un fétiche. Tout comme les démocrates, vous substituez la phraséologie révolutionnaire à l'évolution révolutionnaire. »[4]

La minorité est à la fois aventuriste et opportuniste. Puisque l'urgence est à déclencher des révolutions, elle va jusqu'à se rapprocher des démocrates bourgeois. Marx et Engels estiment que leur ligne les éloigne des positions du Manifeste :

« Ces gens sont encore des communistes de par leur conviction, bien que les conceptions qu'ils expriment en ce moment soient anticommunistes et peuvent, à la rigueur, être appelées social-démocrates. »[5]

Les tensions finissant par être insurmontables, Marx propose que la minorité et la majorité forment deux comités se réunissant séparément, tout en continuant à collaborer.[6] La minorité refuse et scissionne le 18 septembre 1850.

A ce moment-là, Willich provoque Marx en duel, que ce dernier refuse de mener.[7]

A la fin de l'année 1850, la publication de la Neue Rheinische Zeitung cesse.

En 1850, le maître espion Wilhelm Stieber s'introduit en bluffant dans la maison de Marx, et vole le registre des membres de la Ligue, qu'il transmet à la France et à plusieurs États allemands. Cela causera l'arrestation de nombreux militants.

En 1852, après le procès des communistes de Cologne, l'organisation est formellement dissoute sur proposition de Marx.

Une décennie plus tard, de nombreux ex-militants adhèrent à l'Association internationale des travailleurs lors de sa création en 1864.

2 Membres[modifier | modifier le wikicode]

3 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Articles d'époque[modifier | modifier le wikicode]

3.2 Autres articles[modifier | modifier le wikicode]

4 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Friedrich Engels, Quelques mots sur l'histoire de la Ligue des communistes, 18 octobre 1885
  2. Friedrich Engels, Marx and the Neue Rheinische Zeitung (1848-49), February 1884
  3. Statuts de la Société Universelle des Communistes Révolutionnaires, avril 1850
  4. Minutes of Central Committee Meeting, 15 September 1850, in Karl Marx, The Revolutions of 1848 (Harmondsworth, 1978), p 341.
  5. Karl Marx, Réunion du Conseil central de la Ligue des communistes, 17 septembre 1850 (in Marx-Engels, Werke, 8)
  6. Procès-verbal du Conseil central de Londres, séance du 17 septembre 1850
  7. (en) Liebknecht, « Karl Marx: Biographical memoirs », (consulté le 4 janvier 2015)