Égalitarisme

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Estampe représentant l'égalité

L'égalitarisme est un courant politique prônant l'égalité des citoyens. Selon les visions politiques, l'égalité en question peut être très différente, ce qui fait que le terme d'égalitarisme a une signification très variable.[1] Généralement il a une connotation plus forte que la simple égalité en droit, et évoque plutôt l'égalité sociale.

1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]

Selon la Stanford Encyclopedia of Philosophy, les doctrines égalitaires soutiennent que tous les êtres humains sont égaux en valeur fondamentale et en statut social[2].

Selon le dictionnaire Merriam-Webster, l'égalitarisme s'applique à deux concepts de l'égalité. Dans sa conception politique, l'égalitarisme prône un traitement égal entre individus. Ces derniers doivent posséder les mêmes droits politiques, économiques, sociaux et civils[3]. Dans sa conception idéologique, l'égalitarisme sera l'élimination totale des inégalités économiques entre les individus.

Certaines sources définissent l'égalitarisme comme l'idée selon laquelle l'égalité reflète l'état naturel de l'humanité[4],[5],[6].

1.1 Définition libérale[modifier | modifier le wikicode]

Pour certains, l'égalitarisme signifie la recherche de l'égalité en droit, c'est-à-dire le fait de considérer que chaque être humain doit être traité de la même façon par la loi, qu'importe sa religion, son sexe, son orientation sexuelle… Il s'agit de reconnaître les différences qui existent chez l'autre sans faire de discrimination. Ainsi, chaque être humain doit avoir les mêmes droits et devoirs au sein de la société.

Selon cette perspective, les distinctions ne doivent être fondées que sur l'utilité sociale (article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Par exemple, une personne âgée de moins de 18, 19, ou 21 ans ne détient pas le droit de vote (selon son pays d'origine).

C'est par exemple cette définition libérale qu'utilise Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis (1945), « l’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel… »[7].

1.2 Définition sociale[modifier | modifier le wikicode]

Mais le mot « égalitariste » a surtout désigné, et de plus en plus, des partisans de l'égalisation des richesses. C'est ce sens que Marx et Engels utilisent dans ce passage du Manifeste, et sur un ton plutôt péjoratif :

« La littérature révolutionnaire qui accompagnait ces premiers mouvements du prolétariat [à l'époque du renversement du féodalisme] a forcément un contenu réactionnaire. Elle préconise un ascétisme universel et un égalitarisme grossier. »[8]

En effet Marx et Engels voulaient se différencier des socialismes utopiques et de leurs tendances à vouloir partager subitement toutes les richesses selon des plans décidés en chambre par quelques esprits généreux. Au lieu de la question du partage des biens, ils mettaient au centre la question du contrôle en commun des moyens de produire ces biens. Pour eux c'était le pivot central qui permettait d'entrer dans un mode de production socialiste, quel que soit le mode de répartition (qui serait probablement encore corrélé au temps de travail dans un premier temps, mais qui aurait toutes les raisons d'évoluer spontanément vers de plus en plus d'égalité matérielle).

Karl Kautsky, principal théoricien de la social-démocratie allemande et donc de la Deuxième internationale, reprenait cette argumentation et répondait aux clichés prétendant que les socialistes voulaient instaurer du jour au lendemain une égalité stricte de tous les revenus.[9] Se basant sur ces mêmes idées, Lénine parlera de « première phrase du communisme, le socialisme » et de deuxième phase, le communisme à proprement parler.

Le terme d'égalitarisme a globalement plutôt été employé par des détracteurs du socialisme. Par exemple en 1866 un bon bourgeois suisse écrivait :

« L'égalitarisme veut l'égalité dans le ciel et sur la terre, l'égalité matérielle, quelque usage qu'on ait fait de sa volonté et de ses forces. Il ne s'aperçoit pas qu'il devient injuste par sensiblerie, et immoral par affection de bonté. » [10]

2 Anti-égalitarisme[modifier | modifier le wikicode]

Les monarchistes se sont opposés à l'égalitarisme au sens libéral, en défendant notamment les privilèges héréditaires de la noblesse.

Certains possédants se sont aussi d'emblée méfiés de l'égalité en droit, qui pouvait mener à la remise en cause de la propriété. Ainsi le réactionnaire Rivarol pestait contre les révolutionnaires qui mettaient en avant le « droit naturel » et l'égalité :

« Les nègres dans nos colonies et les domestiques dans nos maisons peuvent la Déclaration des droits à la main nous chasser de nos héritages. Comment une assemblée de législateurs a-t-elle feint d’ignorer que le droit de nature ne peut exister un instant à côté de la propriété ? »[11]

Certains philosophes comme Stirner[12] ou Nietzsche[13] se sont opposés à l'égalitarisme (y rejetant à la fois la vision libérale et socialiste), au nom d'une défense de l'individu, que les égalitaristes voudraient soit-disant dissoudre dans « la masse ». On retrouve cette critique chez des « anarchistes de droite ».

« A l’égalitarisme affiché de la république, à l’égalitarisme militant des partis de gauche, les nouveaux convertis opposent la hiérarchie vitale, la survie des plus forts, la nécessité d’une maîtrise. »[14]

Les partisans les plus fermes du libéralisme économique ont souvent dénoncé l'égalitarisme vu comme synonyme de socialisme. Ils s'opposent à ce que l'État intervienne dans l'économie pour limiter les inégalités sociales. Dans leur discours, la liberté (d'entreprendre, d'exploiter...) est opposée à l'égalité (sociale).

Les régimes élitistes combattent l'égalitarisme, au nom de diverses hiérarchies de valeurs qu'ils font entre les êtres humains (racialisme en particulier). L'extrême droite, en tant que rejet frontal à la fois de la démocratie libérale et du communisme, est en opposition frontale avec l'égalitarisme. Les totalitarismes du 20e siècle, dont le nazisme[15], se sont violemment opposés à « l'égalitarisme ».

3 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

Notes

  1. (en) « Definition of egalitarian | Dictionary.com », sur www.dictionary.com (consulté le 24 avril 2022)
  2. Arneson Richard, "Egalitarianism", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (2002.) Web: http://plato.stanford.edu/entries/egalitarianism
  3. The American Heritage Dictionary, « egalitarianism »,
  4. John Gowdy, Limited Wants, Unlimited Means : A reader on Hunter-Gatherer Economics and the Environment, St Louis, Island Press, , 342 p. (ISBN 1-55963-555-X, lire en ligne), p. 342
  5. Dahlberg, Frances., Woman the Gatherer, Londres, Yale university press, (ISBN 0-300-02989-6, lire en ligne)
  6. Erdal, D. & Whiten, A. (1996) "Egalitarianism and Machiavellian Intelligence in Human Evolution" in Mellars, P. & Gibson, K. (eds) Modeling the Early Human Mind. Cambridge MacDonald Monograph Series
  7. Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis, Tome un (page 86 de l'édition?)
  8. Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1847
  9. Karl Kautsky, Le programme socialiste. IV. La Société future, 1892
  10. Henri-Frédéric Amiel, Journal, 1866, p. 218
  11. Rivarol, Journal politique national, août 1789
  12. « Max Stirner:A. Ma puissance », sur librairal.org
  13. « Nietzsche : Mon idée de la liberté », sur gaucheliberale.org
  14. Pascal Ory, L’anarchisme de droite, 1985
  15. « L'idéologie de Hitler », sur encyclopedie.bseditions.fr (consulté le 21 août 2021)

Autres références

  • Christian Arnsperger et Philippe Van Parijs, Éthique économique et sociale, La Découverte, , 122 p. (ISBN 978-2-7071-3944-3)
  • Rodrigue Bélanger (dir.), L'égalitarisme en question, Éditions Fides, , 238 p. (ISBN 978-2-7621-1733-2, lire en ligne)
  • Jean-Pierre Gross, Égalitarisme jacobin et droits de l'homme, 1793-1794 : la grande famille et la terreur, Arcantères Histoires, coll. « Histoires et émancipations », , 554 p. (ISBN 978-2-84342-013-9)
  • Elizabeth Anderson “What Is the Point of Equality?”, Ethics, 1999