Parti large

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L'idée de militer dans un « parti large » est celle de regrouper plus de membres en diluant le programme et les revendications. On utilise parfois l'expression « perdre en substance pour gagner en surface ».

Les motivations pour aller vers un parti large peuvent potentiellement être de deux ordres différents :

Le parti large en question est en général un parti ouvrier, dans le sens d'un parti à base ouvrière ou qui s'adresse à la classe ouvrière.

Ce parti peut être :

  • un parti large qui se forme suite à une dynamique populaire,
  • un parti large préexistant.

Des révolutionnaires peuvent aussi former des partis révolutionnaires regroupant plusieurs traditions historiques, dans l'optique de coaliser des forces (comme la coalition Antarsya en Grèce), voire de former une force moins sectaire, moins crispée sur son identité. Bien que ce se soit aussi une évolution vers un parti « plus large », le terme de parti large est plutôt réservé aux cas où le parti large n'est pas révolutionnaire.

1 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Russie[modifier | modifier le wikicode]

Au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), qui représentait le marxisme russe et qui était officiellement un parti révolutionnaire, certaines voix appelaient à fonder un parti large.

C'était par exemple le cas de Youri Larine, qui publia en 1906 une brochure intitulée Un large parti ouvrier et le congrès ouvrier. Cela consistait à fonder un parti socialiste large, un « parti sans-parti », sans « enseigne », qui regrouperait les social-démocrates et les socialistes-révolutionnaires. Ces derniers continueraient à jouer le rôle de « sociétés de propagande à l’intérieur d’un large parti. » Ce parti large pourrait ainsi selon lui grimper jusqu'à près de 900 000 membres sur les 9 millions de prolétaires russes.[1]

Beaucoup ont espéré qu'un tel type d'organisation pourrait naître d'un grand « congrès ouvrier », dans l'élan d'une dynamique syndicale. Ainsi le leader menchévik Axelrod écrivait :

Le congrès ouvrier complétera le processus de liquidation, en cours ces dernières années, du vieux régime de parti qui s’est construit sur la base historique dépassée de l’État féodal et du régime socio-politique de caste et marquera en même temps le commencement d’une époque complètement nouvelle dans la vie historique de la social-démocratie russe, une époque où elle se développera sur exactement les mêmes bases que les partis social-démocrates d’Occident.[2]

Lénine répondait que c'était illusoire :

Il est (…) clair que « les autorités » ne l’autoriseront pas (…) et ne permettront pas qu’elle « existe dans les faits ». Il faut être un libéral aveugle pour ne pas s’en rendre compte…

Organiser des syndicats légaux tout en comprenant qu’ils ne peuvent devenir ni larges, ni « politiques », ni solides, dans le moment présent, est une chose utile. Faire des discours libéraux sur une société politique ouvrière sans vouloir penser à la violence est vain est inutile.[3]

Il revint à plusieurs reprises sur ce point.[4]

Un autre menchevik, Rojkov, suggérait de fonder une organisation politique ouvrière au grand jour, une « société politique de défense des intérêts de la classe ouvrière ».

« Nous ne prônons aucune violence… Nous n’avons pas un mot, pas une pensée pour nécessité [sic] d’un coup d’État violent, étant donné que dans la réalité il se peut que cette nécessité ne se rencontre pas. Si quelqu’un, dans l’aveuglement de la folie réactionnaire, imaginait d’accuser les membres de cette « société’ »de vouloir un coup d’État violent, tout le poids de cette accusation insensée, dénuée de fondement, juridiquement insoutenable, retomberait sur la tête de l’accusateur ! »[5]

Les conséquences politiques de l’attitude consistant à tourner le dos à la clandestinité allaient loin. Il était, bien sûr, impossible de parler de renversement du tsarisme dans des publications qui passaient par les mains du censeur. Par conséquent, limiter le parti à des formes d’action légales équivalait virtuellement à abandonner le principe républicain. C'est principalement pour cette raison que les bolchéviks dénonçaient ces propositions comme du liquidationnisme.

1.2 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, Trotski discuta avec ses camarades du SWP états-unien de la possibilité d'impulser la création d'un « labour party » (parti ouvrier). Dans le contexte des États-Unis marqués par un bipartisme écrasant de deux partis bourgeois, l'émergence d'un parti des travailleurs aurait pu susciter un enthousiasme populaire et être un jalon essentiel vers un accroissement de la lutte des classes.

Toutefois pour Trotski il était clair que dans un tel cas, les militants du SWP auraient dû constituer une tendance ouvertement révolutionnaire à l'intérieur de ce parti, afin d'y défendre la stratégie révolutionnaire et de lutter contre la bureaucratie ouvrière qui ne manquerait pas de diriger le parti et de canaliser son orientation vers le réformisme.

1.3 France[modifier | modifier le wikicode]

En 1947, dans le Parti communiste internationaliste (trotskiste), un courant prône la constitution d’un regroupement « large » avec d’autres organisations. Elle scissionne pour entrer dans le Rassemblement Démocratique Révolutionnaire, dont fait partie également Jean Paul-Sartre.

Suite à l'effondrement du bloc de l'Est et au net recul des organisations du mouvement ouvrier et de la conscience de classe, des débats ont eu lieu à l'extrême gauche sur l'utilité de chercher à construire des organisations plus larges. Une des analyses le plus fréquemment faite est que dans la nouvelle situation, la tâche du moment n'était plus seulement de construire une direction révolutionnaire, mais aussi de reconstruire le mouvement ouvrier lui-même.

Suite au succès relatif de Lutte ouvrière (Arlette Laguillier) aux élections présidentielles de 1995, une tentative de constituer un regroupement plus large autour de LO a été entrepris.

Dans la Ligue communiste révolutionnaire, des débats ont eu lieu sur la question d'un parti large, en particulier après les succès relatifs d'Olivier Besancenot aux présidentielles de 2002 et 2007[6], et cela a débouché sur la fondation du Nouveau parti anticapitaliste.

2 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Lénine, Larin and Khrustalev, Trud, No. 1, April 15, 1907
  2. Живая жизнь, 25 juillet 1913 ; in Lénine, « Как В. Засулич убивает ликвидаторство », Полное собрание сочинений, vol. 24.
  3. Lenin, From the Camp of the Stolypin “Labour” Party, Sotsial-Demokrat, No. 25, December 8 (a.s), 1911
  4. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti Chapitre 17 — La rupture finale avec le menchevisme, 1975
  5. N. Rojkov, « Situation actuelle de la Russie et tâche essentielle du mouvement ouvrier dans la période présente », Наша Заря, nos.9-10, in Lénine, Œuvres, vol.17, p. 322.
  6. Daniel Bensaïd, Le retour des questions stratégiques, 17 juin 2006