Théorie de la disproportion

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Mikhaïl Tougane-Baranovski, connu comme défenseur de la théorie de la disproportion

La théorie de la disproportion est une explication des crises économiques développée par certains marxistes. Selon cette théorie, les crises sont principalement le fruit de problèmes de disproportions entre le secteur produisant les moyens de production et le secteur produisant les biens de consommation.

Chez certains, cette théorie est articulée à la notion de sous-consommation, chez d'autres elle est une théorie alternative au sous-consommationnisme.

1 Explication générale[modifier | modifier le wikicode]

Dans le Capital, Karl Marx propose des schémas de reproduction du capital pour modéliser et expliquer le fonctionnement de l'accumulation du capital. Il découpe la production capitaliste en deux secteurs :

D'après les hypothèses prises dans le livre II du Capital, les secteurs 1 et 2 doivent croître au même rythme, sans quoi il s'en suit une disproportion entravant la reproduction du capital.

C'est ce qui fait que de nombreux marxistes ont décrit les crises économiques du capitalisme comme des crises de disproportion.

2 Historique des débats[modifier | modifier le wikicode]

A la fin du 19e siècle, en Russie, le courant « populiste » (narodniks) théorisait une particularité du pays et donc une particularité du socialisme, qui devrait s'appuyer sur la paysannerie et non sur la classe ouvrière comme le disaient les marxistes. Ils défendaient que le capitalisme étant arrivé trop tardivement en Russie, ne pouvait que stagner, car il ne trouverait pas de débouchés suffisants dans le pays (ruine des artisans et paysans, débouchés internationaux déjà saturés...).

Les marxistes russes ont alors combattu ces thèses. Parmi eux, on peut citer Mikhaïl Tougane-Baranovski et Sergueï Boulgakov, qui faisaient partie d'un courant que l'on a appelé les marxistes légaux (ceux qui n'étaient pas dans la clandestinité). Mais également Lénine, qui écrit Le développement du capitalisme en Russie en 1896.[1]

Ils faisaient alors globalement front sur les mêmes idées face aux populistes. Ils défendaient l'idée qu'il n'y avait pas d'obstacle insurmontable au développement du capitalisme en Russie, et qu'empiriquement il se développait. Alors que les populistes pointaient un problème structurel au niveau de la réalisation (la capacité à trouver des débouchés), les marxistes russes niaient un tel problème structurel. Pour expliquer les crises, ils ont alors mis l'accent sur la question de la disproportionnalité.[2]

Il y a eu par la suite une évolution différente entre les marxistes, à la fois sur l'économie et les enjeux idéologiques :

  • Tougane-Baranovski et Boulgakov sont devenus les défenseurs d'une vision « néo-harmonique » du capitalisme, c'est-à-dire une vision d'un capitalisme n'ayant pas de crise insurmontable. Chez eux la crise de disproportionnalité n'est qu'une crise mineure, survenant lors d'un ajustement ponctuel entre les différents secteurs. Plus largement, leur courant du marxisme légal est devenu complètement apologétique du capitalisme, et est passé du marxisme au libéralisme du parti KD.
  • Pour Lénine et les membres restant au POSDR en général, il n'était pas question de nier la tendance du capitalisme, non seulement aux crises, mais même à l'effondrement (ce qui était considéré comme une base du marxisme dans la Deuxième internationale).

Cependant, selon certains marxistes comme Roman Rosdolsky, Lénine n'a jamais développé une théorie économique suffisamment étayée pour fonder cette déduction politique[2]. En particulier, il semble qu'il n'a jamais étudié le livre III du Capital, et qu'il a eu tendance à présenter les schémas de reproduction du capital présentés dans le livre II comme le point final de l'analyse marxiste. Or, dans les livres I et II, Marx établi des modèles délibérément simplifiés d'un fonctionnement abstrait du capitalisme, pour les besoins de l'analyse. Ce n'était que dans le livre III qu'il commençait à proposer un modèle abordant la dynamique du capitalisme - donc ses crises.

3 Disproportion et sous-consommation[modifier | modifier le wikicode]

Certains marxistes ont articulé la théorie de la disproportion avec une analyse en termes de surproduction / sous-consommation : les capitalistes auraient tendance à investir, augmentant le secteur 1, mais à baisser les salaires, comprimant donc le secteur 2. Il s'en suivrait donc une crise de réalisation.

D'autres marxistes (comme Lénine) s'opposent à cette interprétation, rappelant que dans les schémas de reproduction de Marx, les secteurs 1 et 2 peuvent croître à des rythmes différents. En pratique l'importance relative du secteur 1 augmente au court du développement du capitalisme.

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]