Gerrard Winstanley

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
Gerrard Winstanley.png

Gerrard Winstanley, né le 19 octobre 1609 et mort le , est un réformiste protestant anglais, leader du groupe des Bêcheux pendant la révolution anglaise.

Il défendait une sorte de communisme chrétien[1],[2],[3].

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Winstanley, né près de Manchester, a été marchand drapier à Londres avant de faire faillite lors de la guerre civile anglaise et de se lancer dans l'écriture de pamphlets[4].

Les leaders de la révolution autour de Cromwell n'avaient aucune intention de menacer les propriétaires, bien au contraire, ils représentaient l'essor de la bourgeoisie, qui désirait garantir le pouvoir (via la représentation parlementaire) des propriétaires face à l'arbitraire royal. L'opposition à la monarchie (et à sa religion anglicane dans laquelle subsistait des éléments du catholicisme) s'exprimait par le puritanisme calviniste.

Les puritains de gauche, appelés les Niveleurs (Levellers), veulent l'égalité en droit, notamment le suffrage universel (ce qui était déjà trop pour Cromwell).

Winstanley anime un groupe plus radical, les Bêcheux (Diggers), qui se revendiquaient aussi « Vrais niveleurs », et voulaient l'égalité réelle, sociale, et s'attaquaient donc à la propriété privée.

1.2 Saisie et collectivisation de terres (1649)[modifier | modifier le wikicode]

Ainsi, en Winstanley fonda une communauté, avec d'anciens soldats et des chômeurs, et commença à cultiver des terres dans le Surrey, et il annonce son intention, avec quelques compagnons, de s’en prendre aux parcs et d’abattre des enclosures à St George’s Hill. L’action s’inscrivait dans la vague des mouvements paysans contre les enclôtures que les niveleurs vont animer un peu partout dans le bassin de Londres entre 1646 et 1651.

Winstanley dénonçait l'expropriation des pauvres qui menait certains au vol et à la peine de mort : « [le pouvoir] enferme les faibles hors des terres, et soit il les affame, soit il les oblige par la misère à prendre à d'autres, et alors il les pend pour avoir agi ainsi. »[5]

L'expérience durera moins d'un an du fait de la pression des yeomen, et plus largement de toute la gentry de la région[4]. Les colonies de Diggers étaient protégées par la New Model Army, l'armée révolutionnaire, dans les rangs desquels les radicaux avaient des sympathies.

Le général Fairfax se rend alors sur les lieux contestés, et ouvre une série d’enquêtes et de procès.

Et en avril 1650, l’armée disperse les Diggers, sans trop de violence.

1.3 Théorisation proto-communiste[modifier | modifier le wikicode]

Ce qui en fait l’originalité, c’est que Winstanley est un théoricien de l’abolition de la propriété privée qui veut fonder une expérience modèle de communisme agraire. Et Winstanley et ses camarades veulent fonder leur expérience sur le dernier cri de la technique agricole et les nouvelles cultures (carottes, panais, haricots, laitues, trèfle) qui vont permettre la révolution fourragère. Leur projet est donc rien moins que de proposer une autre voie, communiste, à la révolution agricole naissante, que la voie capitaliste des grands propriétaires “améliorateurs”.

Le mouvement avait été précédé de la publication d’un pamphlet : La lumière brillant dans le Buckinghamshire, remplie de citations bibliques :

« Pleurez donc, hurlez, vous autres, riches. Dieu viendra vous punir de toutes vos oppressions ; vous vivez du travail des autres hommes, mais ne leur donnez que du son à manger, extorquant à vos frères loyers et impôts énormes. Mais qu’allez-vous faire désormais ? Car le peuple ne sera plus soumis à votre esclavage, puisque la connaissance du Seigneur l’éclairera. »

En 1648, dans le Paradis des fidèles, Winstanley a dénoncé l’inégalité dans un style qui annonce Rousseau :

« Aussi longtemps que les gouvernements diront que la terre leur appartient, en soutenant ce principe d’une propriété particulière, du « mien » et du « tien », jamais les gens du commun n’auront leur liberté... Ainsi certains se sont élevés sur le trône de la tyrannie, tandis que d’autres sont écrasés par le tabouret de la misère. Qu’on cesse d’enclore et clôturer quoi que ce soit sur terre, en disant : ceci est à moi. »

De nombreuses brochures établissent le lien entre mysticisme et christianisme :

« Ils vivent de richesse, d’honneur, de plaisirs, de clergé, d’hommes de loi, d’épouses et d’enfants, et toute forme culturelle extérieure... Ils n’osent pas vivre en une vie d’amour universel. »

La religion enseignée par les pasteurs n’apparaît à Winstanley que comme un moyen de maintenir le petit peuple dans la pauvreté, « puisque le ciel, ils l’auront ultérieurement ».

Winstanley attribue aussi l’inégalité des conditions à la conquête normande : Guillaume le Conquérant aurait divisé le pays entre ses hommes et créé pour les protéger la loi, les légistes et le clergé : la loi a été écrite en français pour ne pouvoir être lue, les légistes pour la rendre inintelligible, le clergé (qui reçoit la dîme) pour enseigner le respect à son égard.

Aux Niveleurs qui cherchent à se dédouaner auprès de Cromwell de l’accusation de communisme, Winstanley répond dans l’Etendard dressé des vrais Niveleurs que la guerre qui ravage le pays est liée aux conditions actuelles de la propriété, dont l’immense majorité se trouve exclue :

« Pourquoi les hommes sont-ils si déments qu’ils se détruisent entre eux ? Pour nulle autre raison, sinon pour maintenir la propriété civile, faite d’honneurs, de puissance et de richesses. C’est là la malédiction sous laquelle gémit la Création, dans l’attente de la délivrance. »

Au moment où le mouvement était en plein reflux, en 1652, Winstanley avait adressé à Cromwell, dans l’espoir qu’il appliquerait ses idées, son livre La Loi de la liberté ou la vraie magistrature restaurée, largement inspiré de l’Utopie de More, dans lequel il montrait que la transformation morale de l’Angleterre dépendait pour une grande part de son économie. Il prévoyait dans cette optique la création de deux secteurs dans l’économie, l’un collectivisé, l’autre privé, mais où l’État fournira outils et équipements. Dans les deux cas il n’y aura ni argent ni transactions : chacun apportera le produit du travail dans des magasins généraux et en tirera ce qui est nécessaire pour sa subsistance et son travail. Le système tout entier reposera sur le principe : A chacun selon ses besoins. L’économie restaurée, l’instruction généralisée, le rôle du clergé ramené à celui d’un instituteur des lois de la nature (dans une vision spinoziste : « connaître les lois de la nature, c’est connaître Dieu lui-même »).

En une année environ dix colonies se rattachent au mouvement dit des “creuseurs” ou “vrais niveleurs”. Ils revendiquent que les terres confisquées soient mises dans un fonds de la République pour les paysans pauvres.

Publié en 1652, la Loi de la Liberté (son dernier texte), appelle à l'instauration d'une démocratie égalitaire dans laquelle le partage et le troc permettraient le bonheur de tous[4]. Il rédigea également, parmi d'autres ouvrages, une ballade aux paroles engagées, Diggers Song.

1.4 Fin de vie[modifier | modifier le wikicode]

A la fin de sa vie, Winstanley fait partie des quakers.

1.5 Postérité[modifier | modifier le wikicode]

Son nom a figuré sur l'obélisque des Romanov transformé en 1918 par les bolchéviks en obélisque des penseurs socialistes, avant sa restauration en l'état initial en 2013.

2 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Nicolas Walter, Anarchism and Religion, 1991, in Robert Graham, Anarchism : A Documentary History of Libertarian Ideas - Volume II - The Emergence of the New Anarchism (1939 to 1977), Montréal/New-York/London, Black Rose Book, 2009, page 43.
  2. Gaetano Manfredonia, L'Anarchisme en Europe, Presses Universitaires de France, 2001, page 12.
  3. Gaetano Manfredonia, Anarchisme et changement social : insurrectionnalisme, syndicalisme, éducationnisme-réalisateur, Atelier de création libertaire, 2007, lire en ligne
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Elisabeth Tuttle, Les Îles Britanniques à l'âge moderne, Hachette Éducation, , 255 p., p. 111
  5. George H. Sabine (dir.), The Works of Gerrard Winstanley, New York, Russell and Russell, 1965, p. 492

3 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Jean-Guillaume Lanuque, Georges Ubbiali, Gerrard Winstanley, La Loi de liberté, Dissidences, , lire en ligne.
  • (en) Gerrard Winstanley, The New Law of Righteousness, 1649, in Robert Graham, Anarchism : A Documentary History of Libertarian Ideas - Volume I - From Anarchy to Anarchism (300 CE to 1939), Montréal/New-York/London, Black Rose Book, 2005, page 7.

3.1 Fil sur Winstanley[modifier | modifier le wikicode]

  • Winstanley, film britannique réalisé par Kevin Brownlow et Andrew Mollo en 1975.

3.2 Ouvrages sur Winstanley[modifier | modifier le wikicode]

  • fr Olivier Lutaud, Winstanley. Socialisme et christianisme sous Cromwel, Klincksieck,

3.3 Ouvrages de Winstanley traduits en français[modifier | modifier le wikicode]

  • fr Gerrard Winstanley, L'étendard déployé des vrais niveleurs ou L'état de communisme exposé et offert aux fils des hommes, Allia, , 60 p.
  • fr Gerrard Winstanley, La Loi de liberté : Une législation communiste paysanne dans la Révolution anglaise (Londres 1652), Nuits Rouges, , 188 p.

4 Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Publications sur Internet[modifier | modifier le wikicode]