Oppression des Irlandais

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Ruines après le bombardement de Cork par l'armée anglaise (1920)

Le peuple irlandais a été un peuple historiquement opprimé par l'Angleterre, suite à sa conquête, et les Irlandais·es contraint·es d'émigrer en Angleterre y ont été longtemps victimes d'un racisme structurel.

1 La domination anglaise de l'Irlande[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Capitales iles britanniques et Irlande du Nord.svg

La domination anglaise de l'Irlande a ses origines dans l'invasion anglaise du 12e siècle.

Des colons anglais vont progressivement s'installer en Irlande, les ressources terriennes étant alors de plus en plus contrôlées depuis l'Angleterre. Cette longue implantation anglaise va avoir plusieurs effets de long terme :

1541

Henri VIII, roi d’Angleterre, se proclame roi d’Irlande et le nouveau statut impérial stipule que « le roi et ses successeurs seront souverains impériaux du royaume d’Irlande en tant qu’uni et rattaché à la Couronne impériale d’Angleterre ». Cet évènement n’est rien d’autre que le début de la longue domination impérialiste anglaise sur l’Irlande.

Des milliers d'irlandais voient s'installer des colons anglais et sont expulsés de leur propre terre, ou deviennent des fermiers révocables aux services des grands propriétaires qui sont tous basés en Angleterre.

1.2 Révolution anglaise (1641-1651)[modifier | modifier le wikicode]

En 1641, la petite noblesse irlandaise se révolte. Elle voit ses intérêts menacés par l'implantation anglaise et demande et demande à être un sujet à part entière.

Tout cela coïncide avec la révolution anglaise (1641-1651). Dans le camp révolutionnaire anglais (appuyé sur le puritanisme protestant), il y a beaucoup d'hostilité aux Irlandais catholiques, d'autant plus lorsque la nouvelle parvient qu'ils ont tué des protestants dans leur révolte. Les révolutionnaires craignent par ailleurs que les troupes du roi d'Angleterre stationnées en Irlande ne s'appuient sur ces révoltés irlandais pour venir réprimer en Angleterre. En 1649, après la victoire militaire de Cromwell, celui-ci entreprend une expédition punitive en Irlande, pour affermir son régime militairement mais aussi idéologiquement, en détournant les tensions de classes vers une lutte impérialiste. En effet, de nombreux révolutionnaires comme les Niveleurs voulaient approfondir la révolution, et certains étaient bien conscients du danger, et protestent contre l’oppression des Irlandais.

Troublé par les protestations des niveleurs, le Conseil de l’Armée vote le 25 mars que l’armée ne doit pas exproprier les Irlandais. Le 26 mars, Lilburne, Walwyn et Overton sont arrêtés. Le 25 avril, un régiment en attente de partir pour l’Irlande se mutine, refuse de partir, revendique l’application de l’Accord du Peuple. La mutinerie est réprimée. Quinze “meneurs” passent en cour martiale. Cinq sont condamnés à mort. Quatre sont graciés par Cromwell, Robert Lockyer est fusillé. Son enterrement à Londres le 29 fut la plus grande manifestation populaire de la révolution anglaise. Le 10 mai, quatre régiments stationnés près de Salisbury refusent de partir en Irlande et se mutinent au nom de l’Accord du Peuple. Un de ces régiments mutinés, fait mouvement le 12 mai pour rejoindre les autres. Avec deux mille hommes sûrs, Cromwell les poursuit, les poussant de ci et de là tout en négociant avec eux, et les surprend finalement à minuit au bivouac, et les défait. C’est la bataille de Burford, qui marque la défaite des niveleurs. Quatre prisonniers sont condamnés à mort et fusillés.

1.3 Répression des Jacobites (1690)[modifier | modifier le wikicode]

Guillaume d'Orange à la bataille de la Boyne

Suite à la « Glorieuse révolution » de 1688, le trône d'Angleterre passe sous l'influence du prince néerlandais Guillaume d’Orange. L’Irlande se divise alors entre Orangistes (favorables au protestant Guillaume) et Jacobites (favorable au retour du roi catholique Jacques II) menés par Richard Talbot. Comme en Ecosse, les Jacobites trouvent du soutien en Irlande davantage par sentiment de rébellion anti-anglais que par adhésion aux aspects réactionnaires que véhiculait le camp catholique-absolutiste.

Le 12 juillet 1690, une armée de 36000 orangistes écrase 22000 catholiques sur les rives de la Boyne. En 1698, c’est le début du terrorisme religieux. Les évêques ne peuvent résider en Irlande, pas plus que les prêtres, à moins qu’ils ne prêtent serment d’allégeance à la Couronne ; et ceux qui se convertissent au protestantisme touchent une rente de l’État. Le terrorisme économique, quant à lui se développe allègrement et en 1740, une famine fait 400 000 morts.

1.4 Société des Irlandais unis (1791-1798)[modifier | modifier le wikicode]

Drapeau irlandais à la bataille d'Arklow.

A partir de 1778, l'Angleterre avait enrôlé des Volontaires irlandais pour se défendre face à la menace que faisait peser la Révolution états-unienne soutenue militairement par la France. Cela donna un certain rapport de force aux Irlandais, et lorsque la révolution française éclate, cela leur donne des idées.

En 1791, on assiste à la naissance de la société des Irlandais unis, sous la houlette d’un jeune avocat, Wolfe Tone. Ce mouvement est ouvert indifféremment aux deux confessions. Selon Tone, la lutte pour l’émancipation sociale, économique et politique du peuple irlandais ne pouvait être séparée de la lutte pour l’indépendance nationale. L’Angleterre céda du terrain. Les catholiques retrouvèrent le droit d’enseignement et le droit de vote. Ils demandèrent alors l’égalité complète avec les protestants. Ces derniers réagirent alors violemment, et face à l’inertie britannique, ils créèrent en 1795 l’Ordre d’Orange, société secrète, destinée à défendre les privilèges anglicans en Irlande et plus spécialement en Ulster. La revendication des Irlandais unis n’était autre que la séparation totale de l’Irlande et de l’Angleterre. Sur l’impulsion de Londres, les protestants créent une milice bourgeoise (yeomanry), qui parcourt les campagnes perpétrant des massacres sanguinaires.

Une insurrection irlandaise éclate en 1798. Il s’agit d’un soulèvement populaire, « le peuple en armes » face à la tyrannie. La répression fut sanglante et sans retenue (plus de 30000 victimes) mettant un coup d’arrêt à la résistance irlandaise pour plusieurs décennies.

« L'acquisition de la langue anglaise était généralement perçue comme la victoire de la sophistication urbaine sur l'arriération rurale, des habitants des villes sur les cul-terreux de la campagne, des riches terres sur les tourbières et les collines rocailleuses, de l'économie commerciale des ports de l'Est sur les villages de pêcheurs de l'Ouest. » [1]

1.5 Grande famine (1845-1852)[modifier | modifier le wikicode]

Population of Ireland and Europe 1750 to 2005.svg

En 1845, le mildiou arrive du continent et ravage les récoltes de pommes de pommes de terre, qui étaient devenues la base de l'alimentation du pays. Mais c'est bien la combinaison de ce facteur avec la domination des Anglais (qui détenaient 95% des terres), qui causa la tristement célèbre famine de 1845-1852.

A Dublin, on a coutume de dire que si le ciel envoya la pomme de terre, l’Angleterre elle envoya la famine. Durant cette période, 3 millions de personnes meurent. Une vague migratoire prend la direction des États-Unis.

🔍 Voir sur Wikipédia : Grande famine irlandaise.

1.6 1860-1880[modifier | modifier le wikicode]

A cette époque, 3 organisations émergent sur la scène politique :

  • une organisation portant une stratégie d'insurrection armée ;
  • un parti parlementaire irlandais pour l'autonomie du pays ;
  • une ligue agraire qui prône la guerre paysanne pour l'indépendance, 3 revendications : des loyers fixes, le libre droits de vendre des terres, des taux fixes.

Cette dernière organisation va avoir le rapport de force pour faire voté une seconde loi agraire sous ses revendications.

Une troisième loi agraire verra le jour. Elle permet l'achat de terre à partir de prix fixé par le gouvernement.

1.7 Positions de Marx et Engels[modifier | modifier le wikicode]

Marx a changé d'avis deux fois sur la question irlandaise, dans un souci constant de lier l'auto-détermination des peuples et émancipation prolétarienne internationaliste. Il était d'abord favorable à une indépendance de l'Irlande dans une Union. Puis il a considéré que l'émancipation de l'Irlande ne pourrait venir que du mouvement ouvrier anglais, le mouvement chartiste (années 1840). Puis enfin, il défendra fermement l'indépendance irlandaise qu'il voit comme un moyen pour faire entrer en révolte la classe ouvrière anglaise qui se liera ensuite avec l'Irlande dans la révolution. L'une des conclusions que Marx tire est que l'oppression d'un peuple par un autre aide à faire gagner les masses du peuple dominant à l'idéologie de la classe dominante.

En 1856, Friedrich Engels visita l'Irlande en compagnie de sa femme, Mary Burns, d'origine irlandaise. Le caractère colonial de la situation irlandaise l'avait choqué. Dans une lettre à Marx en 1856, il écrivait :

« On peut regarder l'Irlande comme la première colonie anglaise, comme une colonie qui, à cause de sa proximité, est encore gouvernée selon l'ancien système; et l'on s'y rend compte que la prétendue liberté des citoyens anglais a pour fondement l'oppression des colonies. Dans aucun pays je n'ai vu autant de gendarmes, et le gendarme prussien à mine patibulaire a trouvé son expression la plus parfaite dans cette police armée de carabines, de baïonnettes et de menottes. » [2]

Dans les années 1860, Marx s’intéresse particulièrement au mouvement de libération nationale des Fenians parce que c’était un mouvement agraire, indépendant de l’Eglise, qui attaquait aussi les propriétaires irlandais et catholiques.

Quelques années plus tard, Marx écrira à Engels: « En aucun autre pays d'Europe, la domination étrangère n'a pris cette forme directe de l'expropriation des indigènes. » D'ailleurs, cette constatation allait devenir le point central de la pensée de Marx sur l'Irlande: l'asservissement impérialiste de l'Irlande permet celui du prolétariat anglais, et l'émancipation de ce dernier n'est pas possible avant la libération de l'Irlande.

« Le rapide développement de l’industrie anglaise n’aurait pas été possible si l’Angleterre n’avait disposé d’une réserve : la population nombreuse et misérable de l’Irlande. L’Angleterre, pays de production capitaliste développée, et pays industriel avant tout, serait morte d’une saignée de population telle que l’a subie l’Irlande. Mais l’Irlande n’est plus aujourd’hui qu’un district agricole de l’Angleterre, séparé d’elle par un large canal, et qui lui fournit du blé, de la laine, du bétail, des recrues pour son industrie et son armée. La famine de 1846 tua en Irlande plus d’un million d’individus, mais ce n’était que des pauvres diables. Elle ne porta aucune atteinte directe à la richesse du pays. L’exode qui s’ensuivit, lequel dure depuis vingt années et grandit toujours, décima les hommes, mais non - comme l’avait fait en Allemagne, par exemple, la guerre de Trente Ans, - leurs moyens de production. » K. Marx, Le Capital Livre Premier Chapitre 25.

L'Association internationale des travailleurs dénonce les limitations des droits politiques des paysans irlandais, ainsi que les taxes.

Marx et Engels apportaient un soutien aux organisations irlandaises mais un soutien critique. Ils considéraient qu'elles pouvaient servir le combat pour avancer vers le socialisme, avec un premier pas qui passe par la réappropriation des terres, mais ils doutaient qu'avec leur direction petite-bourgeoise elles puissent aller plus loin.

1.8 1900-1918[modifier | modifier le wikicode]

Au cours de cette période, plusieurs mouvements vont s’illustrer au sein de la résistance irlandaise :

  • The Ancient Order of Hibernians constitué d’une poignée de fanatiques catholiques.
  • Les Socialistes Républicains de James Connolly qui fut le premier à penser une idéologie socialiste dans l’Irlande des années 1915.
  • The Irish Republican Brotherhood regroupe plusieurs mouvements de lutte armée. C’est l’organisation secrète ancêtre de l’IRA. Seule véritable héritière des révoltes passées, elle est liée au Sinn Fein (Nous seuls) d’Arthur Griffith qui n’est autre en fait que la couverture idéologique et politique de l’IRB.

Face à ces mouvements de résistance, les Britanniques, plutôt que d’intervenir directement, favorisent les milices anglicanes. A Dublin, en 1913, une grande grève donne naissance à la Citizen Army, organisation paramilitaire des socialistes de Connolly. C’est alors que le coup de force fut prévu pour Pâques 1916. The Irish Volunteers est un groupement comprenant la Citizen Army de Connolly et contrôlé par l’Irish Republican Brotherhood (IRB) mis en place en vue d’organiser le coup de force. Le Conseil suprême de l’IRB fixe alors le jour de l’insurrection au 23 avril 1916.

Barricade à Dublin en 1916

Ce lundi de Pâques, les insurgés, sous la direction de Connolly (Commandant général des forces d’insurrection), prirent la grande poste de Dublin. L’armée socialiste y installe son quartier général. Mais, la réaction des habitants ne sera que très limitée et les insurgés ne tiendront que 5 jours. Ce fut toutefois assez pour écrire une page de l’histoire en proclamant pour la première fois la République d’Irlande. La répression fut sévère à l’égard des leaders de l’insurrection. Seize dirigeants furent fusillés dont Connolly, nouveau martyr de la cause irlandaise. Les élections qui suivirent furent un succès sans précédent pour le Sinn Fein. Les parlementaires élus refusèrent alors de se rendre à Londres et décrétèrent la formation d’une Assemblée Nationale représentative, à Dublin sous le nom de Dail Eireann. Eamon de Valera fut élu président de cette République d’Irlande que venait de proclamer aussitôt réunie, l’Assemblée irlandaise, le Dail Eireann. Par ailleurs, à partir des structures des Irish Volunteers, et sous la direction de Michael Collins et Cathal Bruggha, venait de naître l’Irish Republican Army (IRA), et désormais le sort de l’Irlande fut lié à ces trois lettres.

L'insurrection soulève des débats dans le mouvement socialiste international, qui est déjà brisé depuis la trahison de 1914. La majorité des social-démocrates méprisent le soulèvement comme n'ayant rien à voir avec le mouvement ouvrier. Lénine au contraire reste fidèle à la position de soutien aux luttes de libération nationale. Il soutient qu'il ne s'agit pas que de revendications démocratiques, mais de mouvements qui peuvent être des alliés naturels du socialisme.

2 L'indépendance partielle (1919)[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Guerre d'indépendance (1919-1921)[modifier | modifier le wikicode]

En 1918, le parti nationaliste Sinn Féin remporte les 3/4 des sièges aux élections (organisées dans le cadre britannique), un succès sans précédent. Les parlementaires élus refusèrent alors de se rendre à Londres et décrétèrent la formation d’une Assemblée d'Irlande (Dáil Éireann) à Dublin. Ce parlement décrète aussitôt l'indépendance de l'Irlande, et nomme président Eamon de Valera.

Par ailleurs, à partir des structures des Irish Volunteers, et sous la direction de Michael Collins et Cathal Bruggha, venait de naître l’Irish Republican Army (IRA), et désormais le sort de l’Irlande fut lié à ces trois lettres.

Les britanniques réagissent aussitôt en envoyant des troupes, des combattants tout juste démobilisés de la guerre de 1914-1918. Ce qui déclenche une guerre d'indépendance qui fera 1400 mort·es.

L’IRA mène dans toute l’Irlande une lutte de guérilla. Elle attaque partout les forces d’occupation, auxquelles Londres avait adjoint deux corps spéciaux paramilitaires composés de volontaires protestants encadrés par des officiers britanniques : les Black and Tans et les Auxis. Durant ces heures sanglantes, on put voir la 3e brigade de l’IRA de Cork s’illustrer courageusement.

La guerre n'est pas seulement un conflit national, car l'énergie révolutionnaire que libère la population irlandaise engendre une profonde lutte de classes. Dans plusieurs endroits, des soviets sont même constitués.

🔍 Voir sur Wikipédia : Guerre d'indépendance irlandaise.

2.2 Guerre civile (1922-1923)[modifier | modifier le wikicode]

Les troupes irlandaises remportent des victoires, qui conduisent les britanniques à faire des concessions (tout en menaçant en cas de refus de mener une « guerre immédiate et terrible » selon les mots de Lloyd George), et le mouvement national irlandais va se diviser sur ces concessions.

Un traité anglo-irlandais est signé en décembre 1921 avec une courte majorité, et établit « l'État Libre d'Irlande », une monarchie constitutionnelle faisant partie du Commonwealth britannique. L'aile radicale refuse ce qu'elle voit à la fois comme une indépendance trop partielle et un reniement du républicanisme. La gauche républicaine est par ailleurs fortement socialisante.

La guerre d'indépendance irlandaise va alors évoluer en guerre civile, d'autant plus que la minorité dispose d'une majorité dans l'Irish Republican Army.

La guerre civile, qui dure moins d'un an, coûte la vie à environ 4 000 Irlandais·es. Vaincus, les républicains déposent les armes en mai 1923.

🔍 Voir sur Wikipédia : Guerre civile irlandaise.

2.3 La partition et les « Troubles »[modifier | modifier le wikicode]

C'est aussi lors de ce traité de 1921 qu'a lieu la partition de l'Irlande, l'Irlande du Nord se séparant. Le Nord de l'Irlande était devenu au fil du temps majoritairement unioniste (pro-anglais) et protestant (contre une majorité catholique en Irlande).

Depuis lors, l'Irlande du Nord vit toujours un conflit qui explose périodiquement entre les unionistes et les partisans de la réunification de l'Irlande.

3 Prolétaires irlandais·es en Angleterre[modifier | modifier le wikicode]

Étant donné le sous-développement de l'Irlande comparativement à l'Angleterre (évidemment accentué par la domination impérialiste), de nombreux travailleurs étaient contraint·es d'immigrer en Angleterre. Cela donnait lieu à un déversement de haine raciste de la part des réactionnaires. Le journal Punch disait des Irlandais qu'ils étaient le « chaînon manquant entre le singe et le Nègre ».

Même s'il n'employait pas ce terme, alors quasi inexistant, Marx aborde la question du racisme des Britanniques envers les Irlandais. Il perçoit que même les ouvriers anglais considèrent les Irlandais comme un sous-prolétariat qui menace de tirer vers le bas leurs conditions de travail (la pauvreté les poussait à accepter des conditions plus misérables) voire leurs emplois.

« Chaque centre industriel et commercial d'Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L'ouvrier anglais moyen déteste l'ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l'ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l'Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L'Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l'ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande. »[3]

Marx ajoute :

«  Cet antagonisme est artificiellement entretenu et développé par la presse, le clergé et les revues satiriques, bref par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l'impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C'est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente.  »

La question irlandaise avait des répercussions au sein même de l'Association internationale des travailleurs (Première internationale). Lorsque les membres Irlandais d'Angleterre ont voulu s'organiser, Marx et Engels ont soutenu leur volonté d'être rattachés à la section irlandaise, et non de dépendre des Anglais. Mais parmi ces derniers, beaucoup étaient hostiles à cette idée, et déguisaient leurs réflexes nationalistes sous couvert d'anti-nationalisme.[4]

Pour Marx, la position d'un socialiste envers une nation opprimée par son propre pays était un révélateur politique. Par exemple, après avoir fait la connaissance de Lopatine, Marx écrit à Engels le 5 juillet 1870 une appréciation flatteuse au plus haut point pour le jeune socialiste russe, mais il ajoute : « Un point faible : la Pologne. Sur ce point, Lopatine parle absolument comme un Anglais — disons un chartiste anglais de la vieille école — à propos de l’Irlande. »

4 Émigration aux États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

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Pendant la grande famine de 1845-1853 cause une vague de morts mais aussi d'émigration. Durant cette période, 3 millions de personnes meurent. Une vague migratoire prend la direction des États-Unis.

Dans la circulaire du 1er janvier 1870 du Conseil général au conseil fédéral de la Suisse romande, Marx écrit :

« Cet antagonisme se reproduit au-delà de l'Atlantique. Les Irlandais, chassés de leur sol natal par des bœufs et des moutons, se retrouvent en Amérique du Nord où ils constituent une fraction formidable et toujours croissante de la population. Leur seule pensée, leur seule passion, c'est la haine de l'Angleterre. Le gouvernement anglais et le gouvernement américain (c'est-à-dire les classes qu'ils représentent) alimentent ces passions pour éterniser la lutte souterraine entre les États-Unis et l'Angleterre ; c'est ainsi qu'ils empêchent l'alliance sincère et sérieuse, par conséquent toute émancipation, des classes ouvrières des deux côtés de l'Atlantique.

« De plus, l'Irlande est le seul prétexte du gouvernement anglais pour entretenir une grande armée permanente qui, en cas de besoin, comme cela s'est vu, est lancée sur les ouvriers anglais, après avoir fait ses études soldatesques en Irlande. » (Cf. Documents of the First International, vol. III, p. 359-360.)[5]

5 Note et références[modifier | modifier le wikicode]

Témoignages

Analyses

Notes

  1. The Dawning of Democracy: Ireland 1800-1870, Donal McCartney
  2. Lettre d'Engels à Marx, 23 mai 1856
  3. Lettre de Marx à Siegfried Mayer et August Vogt, 9 avril 1870.
  4. Sur les relations entre les sections irlandaises et le Conseil général de l'AIT, séance du Conseil général du 14 mai 1872
  5. Karl Marx, First International, The General Council to the Federal Council of Romance Switzerland, 1 January 1870