Parti ouvrier français
Le Parti ouvrier, plus tard renommé Parti ouvrier français (POF), est un parti politique français de la Troisième République, le premier parti à se réclamer du marxisme en France, qui a existé de 1882 à 1902.
Parti révolutionnaire, son but était d'abolir le capitalisme et de fonder une société socialiste, puis communiste.
1 Histoire du Parti ouvrier[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Origine[modifier | modifier le wikicode]
En 1878, le Congrès ouvrier de Lyon envisage la constitution d'un parti ouvrier, en fédérant les différentes forces locales.
En 1879, le Congrès ouvrier de Marseille acte la création de ce nouveau parti. Différents courants socialistes se disputent la majorité, et cela va conduire à des scissions avant même qu'un parti unifié n'ait été construit.
Le congrès suivant a lui au Havre en 1880.
Une première scission intervient dès 1881, lorsqu'Édouard Vaillant, d'inspiration blanquiste, fonde le Comité révolutionnaire central (CRC).
En 1882, lors du congrès ouvrier de Saint-Étienne, un clivage oppose les « possibilistes » et les guesdistes (se revendiquant alors « marxistes »).
Les deux courants se séparent alors et se cristallisent deux partis différents :
- les possibilistes (socialistes réformistes d'inspiration proudhonienne) forment ce qui deviendra la Fédération du parti des travailleurs socialistes de France (FPTSF),
- les guesdistes forment ce qui deviendra le Parti ouvrier.
Les dénominations n'étaient cependant pas ancrées initialement, et les deux se dénommaient usuellement comme « le parti ouvrier ».
Entre le 1879 et 1882, le mouvement était encore très peu structuré. Cela explique que différents partis se sont par la suite réclamés du congrès de 1879 et ont présenté les autres partis comme des scissions. Les possibilistes présentent 1882 comme une scission puis les 23 délégués guesdistes, minoritaires, se sont retirent du congrès de Saint-Étienne pour se réunir à Roanne en septembre 1882. Les guesdistes mettent en avant qu'ils étaient majoritaires lors du congrès de 1879.
Le Nord, le Pas-de-Calais, la Loire et l'Allier sont les principaux bastions du POF. Sa base est surtout composée d'ouvriers d'industrie, peu de mineurs, peu de ruraux. En revanche des dirigeants sont plutôt issus de la petite bourgeoisie.
1.2 Historique[modifier | modifier le wikicode]
- 1882, Jules Guesde fonde le Parti ouvrier avec Paul Lafargue.
- 1889 : Le Parti ouvrier est aux côtés de la social-démocratie allemande et d'autres lors du congrès considéré comme le congrès fondateur de la Deuxième internationale
- 1892-1893 : Lorsqu'éclate l'affaire de Panama, Lafargue est plutôt pour une prise de position du parti, tandis que Guesde est abstentionniste. Cela commence à marquer une distance entre eux.
- 1893, le Parti ouvrier devient le Parti ouvrier français.
- Le POF connaît des succès électoraux aux élections municipales de 1892 (victoire à Roubaix, Montluçon, Commentry, Narbonne, ..) et aux législatives de 1893 (Jules Guesde élu député). Certains membres du POF, oubliant momentanément l'objectif de la révolution, en viennent à penser que le socialisme est possible par la voie électorale (voir le banquet et le programme de Saint-Mandé le 30 mai 1896).
1.3 Affaire Dreyfus[modifier | modifier le wikicode]
Au moment de l’affaire Dreyfus (1894-1906), Guesde pousse le parti sur une position d'indifférence, au nom d'un certain ouvriérisme. « Les problèmes bourgeois aux bourgeois ».
S'il croit le capitaine Dreyfus innocent et s'affirme publiquement dreyfusard, il refuse de s'associer activement aux campagnes dreyfusardes. Il indique en novembre 1900 : « Voilà comment j'ai été dreyfusard, c'est-à-dire dans la limite de la lutte contre le militarisme débordé, allant jusqu'à menacer, sous le couvert d'un gouvernement complice, d'un véritable coup d'État. ».
Il ajoute ensuite qu'il « ne s'agissait pas surtout d'imposer au prolétariat le salut d'un homme à opérer, lorsque le prolétariat a sa classe à sauver, a l'humanité entière à sauver ! ». Il conclut qu'il « y a une victime particulière qui a droit à une campagne spéciale et à une délivrance isolée ; cette victime-là, c'est un des membres de la classe dirigeante, c'est un capitaine d'état-major — c'est l'homme qui, en pleine jeunesse, fort d'une richesse produit du vol opéré sur les ouvriers exploités par sa famille et libre de devenir un homme utile, libre de faire servir la science qu'il doit à ses millions au bénéfice de l'humanité, a choisi ce qu'il appelle la carrière militaire ».[1]
L'affaire va briser le rapport de confiance entre Jules Guesde et Paul Lafargue, ce dernier voulant effectivement s'impliquer : « Le Parti ouvrier, qui est un parti politique, ne peut se désintéresser des questions politiques qui agitent le pays… »[2].
1.4 Repli après l'affaire Millerand[modifier | modifier le wikicode]
- 1899, la crise au sein du socialisme provoquée par la participation d'Alexandre Millerand au Gouvernement Waldeck-Rousseau pousse le POF à retourner à sa pureté doctrinale révolutionnaire (manifeste de l'été 1899). Selon certains, le parti aurait alors perdu de son influence. Ainsi en 1902 (12 députés pour le PSdF héritier du POF) il ne retrouve nationalement que les deux tiers de ses voix de 1898[3].
1.5 Regroupement socialiste[modifier | modifier le wikicode]
- 1902, fusion du parti avec le Parti socialiste révolutionnaire blanquiste et l'Alliance communiste révolutionnaire pour former le Parti socialiste de France, initié en 1901 sous le nom d'Unité socialiste révolutionnaire.
- 1905, le Parti socialiste de France fusionne avec le Parti socialiste français de Jean Jaurès pour former la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO).
2 Programme[modifier | modifier le wikicode]
Le programme adopté officiellement à Roanne en 1882 indique les origines suivantes :
« Programme élaboré en conformité des décisions du Congrès, tenu à Marseille du 20 au 31 octobre 1879, adopté au Congrès régional de la Fédération du Centre tenu à Paris du 18 au 25 juillet 1880, confirmé par le Congrès national tenu au Havre du 16 au 22 novembre 1880, ratifié par le Congrès régional de la Fédération du Nord tenu à Roubaix en octobre 1881, maintenu en vigueur par le Congrès national tenu à Reims du 30 octobre au 6 novembre 1881 et complété par le Congrès national tenu à Roanne du 26 septembre au 1er octobre 1882. »
Il a été élaboré d'abord en mai 1880, quand Jules Guesde rend visite à Marx à Londres.
Le programme s'ouvre sur des considérants qui indiquent que l'émancipation des travailleurs nécessitera l'appropriation collective des moyens de production, et que « cette appropriation collective ne peut sortir que de l'action révolutionnaire de la classe productive - ou prolétariat - organisée en parti politique distinct. » Ces considérants ont été dictés par Marx en personne.
Le programme qui est exposé par la suite est un programme électoral de « revendications immédiates » (programme minimum), comprenant des éléments concernant les conditions de travail, des renationalisations et du contrôle ouvrier. Il est séparé en deux parties (« politique » et « économique »), écrites par Marx et Guesde, avec l'aide de Engels et Lafargue. Quelques amendements sont faits lors du congrès du Havre en novembre 1880.
Marx écrivait : « Ce document très bref contient dans sa partie économique seulement des revendications qui ont effectivement émergé spontanément du mouvement ouvrier lui-même. Il y a en supplément un passage introductif où l'objectif communiste est défini en quelques lignes. » Engels admirait la clarté et la concision du programme maximum, et plus tard, il recommanda aux socialistes allemands la partie économique[4].
Un conflit éclata entre Marx et Guesde par la suite. Alors que Marx voyait le programme minimum comme des mesures atteignables dans le cadre du capitalisme, utiles pour l'agitation, Guesde affirmait qu'elles était impossibles à atteindre, et qu'en proposant ainsi aux ouvriers de les revendiquer, ils se rendraient compte qu'il était nécessaire de rompre avec les républicains radicaux. Guesde estimait qu'ainsi, cette lutte allait « libérer le prolétariat de ses dernières illusions réformistes et le convaincre de la nécessité d'un 1789 ouvrier ».
Marx accusa Guesde et Lafargue de faire de la « phraséologie révolutionnaire », et dit à Guesde que si sa politique était marxiste, « ce qu'il y a de certain c'est que moi, je ne suis pas Marxiste. »[5]
3 Effectifs[modifier | modifier le wikicode]
Moins de 1 % des ouvriers étaient membres du POF.
Le poids des militants des partis de gauche reste très inférieur aux effectifs des syndicats qui comptent alors plus de 200 000 membres (à comparer toutefois au près de 2 millions de syndiqués britanniques en 1910).
4 Résultats électoraux[modifier | modifier le wikicode]
- 1893 : 300 000 voix
- 1898 : 186 000 voix (3,5 %)
- 1902 : 176 000 voix (malgré la fusion avec les Blanquistes d'Edouard Vaillant)
5 Principaux membres[modifier | modifier le wikicode]
- Jules Guesde (1845-1922), membre fondateur, député.
- Paul Lafargue (1842-1911), gendre de Karl Marx, député.
- Edmé Charles Chabert (1818-1890), membre fondateur, ouvrier graveur.
- Marcel Cachin (1869-1958), membre dès 1891, scissionnaire de Tours en 1920, futur directeur de L'Humanité.
- Alexandre Bracke-Desrousseaux (1861-1955), universitaire (philosophie grecque), futur député SFIO.
- Albert Bedouce (1869-1947), membre dès 1891, premier maire socialiste de Toulouse, député socialiste de la Haute-Garonne, et Ministre des Travaux Publics du Front Populaire, dans le Gouvernement Léon Blum.
- Alexandre Zévaès (1873-1953), député de l'Isère (1898-1910).
- Bernard Cadenat (1853-1930), cordonnier, député des Bouches-du-Rhône (1898-1919 et 1924-1930), maire de Marseille (1910-1912).
- Ulysse Pastre (1864-1930), instituteur, député de Gard (1898-1910).
- Jean-Baptiste Bénézech (1852-1909), ouvrier typographe, député de l'Hérault (1898-1909), président de la chambre syndicale des ouvriers typographes.
- René Chauvin (1860-1936), coiffeur, député de la Seine (1893-1898), fondateur de la chambre syndicale des ouvriers coiffeurs. En 1914, il quitte la SFIO pour fonder un petit parti ouvrier prônant le retour à la lutte des classes.
- Hubert Lagardelle (1875-1968), syndicaliste révolutionnaire.
- Prosper Ferrero, député de Marseille en 1898-1910, maire de Toulon (1893), vice-président du conseil général (1914-1915).
- Jean Bertrand (député élu à Corbeil ?)
- Autres députés : Philippe Krauss (1864-1904), Bernard, Dufour, etc.
- Pierre Mélin (1863-1929) Luthier, vice-président des Prud'hommes de Valenciennes, Député.
- Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) anthropologue antisémite et eugéniste, procureur de la République et universitaire.
- Ramond Lavigne (1851-1930), syndicaliste, secrétaire de la Fédération girondine.
- Ernest Montusès (1880-1927), journaliste.
- Gabriel Deville
6 Postérité symbolique[modifier | modifier le wikicode]
7 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Guesde-Jaurès, Les deux méthodes, 1900
- ↑ in Jacques Macé, Paul et Laura Lafargue. Du droit à la paresse au droit de choisir sa mort., éd. L'Harmattan, 220 p., p. 152-3, 2001.
- ↑ http://lcr51.chez-alice.fr/histoire/parti%20ouvrier/memoire%20maitrise%20sauvegarde/MEMOIRE/memoire.doc
- ↑ Friedrich Engels, Critique du projet de programme social-démocrate de 1891, 1891
- ↑ Friedrich Engels, Lettre à E. Bernstein, 2 novembre 1882
8 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]
8.1 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- La naissance du Parti ouvrier français : correspondance inédite de Paul Lafargue, Jules Guesde, José Mesa, Paul Brousse, Benoît Malon, Gabriel Deville, Victor Jaclard, Léon Camescasse et Friedrich Engels, réunie par Emile Bottigelli, Paris : Ed. Sociales, 1981
- WILLARD C., Le Mouvement socialiste en France, 1893-1905. Les guesdistes, Ed. sociales, 1965.
- VERLHAC J., La formation de l’unité socialiste (1898-1905), L’Harmattan, 1997 (réed. d'un mémoire paru en 1947).