Impôt sur le revenu

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Involution du taux d'imposition sur les revenus dans la tranche la plus élevée, dans plusieurs pays

L'impôt sur le revenu est un impôt direct sur les revenus des individus ou des entreprises. Pour ces dernières, le plus souvent, un impôt à part (impôt sur les sociétés) a été créé, pour mieux l'adapter à leurs particularités, souvent pour mieux leur faire des "allègements".

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

L'impôt sur le revenu est une mesure relativement récente. De par sa nature, il nécessitait la généralisation du salariat pour qu'il y ait un ensemble assez défini à taxer, et une administration capable de le percevoir de façon systématique. Il fallait également que les sommes perçues soient assez élevées pour couvrir le coût de cette administration, autrement dit que le surproduit social soit déjà élevé. Globalement, on peut dire qu'il avait besoin du mode de production bourgeois pour émerger durablement. Avant, même si l'idée germa par endroits, il n'y eut que des tentatives éphémères.

1.1 Prémisses[modifier | modifier le wikicode]

Mais au début de la société capitaliste, la bourgeoisie était farouchement hostile à l'idée d'un impôt sur le revenu. Elle était ardemment en faveur du laissez-faire économique, à cette époque où elle se dégageait tout juste du carcan féodal.

En revanche, en temps de guerre, il lui paraissait raisonnable de consentir à une taxe exceptionnelle.

C'est ainsi qu'en Angleterre fut levé en 1798 un impôt sur le revenu (progressif), pour financer la guerre contre Napoléon[1]. Lorsque la taxe prit fin en 1816, de nombreux politiciens demandèrent à ce que toute trace de cette loi soit brûlée !

En 1861, en pleine Guerre civile, les États-Unis firent de même et levèrent un impôt sur le revenu.[2]

1.2 Généralisation[modifier | modifier le wikicode]

Affiche française de 1914

L'impôt sur le revenu en temps de paix fut pour la première fois instauré au Royaume-Uni en 1842 (même s'il est encore présenté comme temporaire[3]). C'était alors le pays le plus avancé dans la transformation sociale qu'engendre le capitalisme. Il devenait nécessaire aux gouvernements de disposer de revenus stables et suffisants, pour assurer les tâches lourdes d'un État bourgeois moderne (encadrement de l'économie, instruction des travailleurs, répression des travailleurs...). C'est ce que Marx remarque en 1875. Contrairement au Parti socialiste allemand qui « réclame comme base économique de l’État un impôt unique et progressif sur le revenu », Marx remarque que ce type d'impôt existe dans des États capitalistes modernes, et remarque plus généralement que c'est une mesure qui n'a rien de révolutionnaire :

« L'impôt sur le revenu suppose des sources de revenu différentes de classes sociales différentes, donc la société capitaliste. »[4]

Aux États-Unis, les démocrates passèrent une loi en 1894, mais la résistance fut telle, qu'une jurisprudence invalida l'impôt jusqu'en 1913.[2]

L'impôt sur le revenu, avec des formes différentes, va ensuite rapidement se généraliser.

En France, après plusieurs années de débat dans la bourgeoisie, l'impôt sur le revenu est instauré le 15 juillet 1914. Là encore, l'imminence de la Première guerre mondiale a joué un grand rôle[5], mais un palier avait été franchi, et l'impôt sur le revenu ne sera plus remis en cause.

1.3 Impôt progressif[modifier | modifier le wikicode]

Affiche anglaise de 1907 contre l'impôt progressif porté par le Labour Party

En revanche, le freinage des conservateurs bourgeois va désormais se focaliser sur la question de la progressivité de l'impôt. Les impôts sur le revenu qui ont été mis en place sont des impôts proportionnels : tout le monde paie un même pourcentage.

La poussée des mouvements ouvriers et socialistes va mettre sur la table l'idée de l'impôt progressif. En Prusse, l'impôt progressif est introduit en 1893. La Suède et le Danemark ont également un impôt progressif dès cette époque.

Au Royaume-Uni, celui-ci est adopté en 1909, en même temps qu'une augmentation de l'impôt sur l'héritage, par une alliance entre travaillistes et libéraux (qui dominent encore à gauche). Les Lords opposent leur véto mais ce droit de véto est alors aboli.[6]

En France à la même période de la Belle-Epoque, la situation est similaire : la proposition de l'impôt progressif est régulièrement portée par le parti radical et les premiers socialistes (SFIO créée en 1905). Il finit par être voté par l'Assemblée, mais rejeté par le Sénat.

En France par exemple, de 1917 à 1948, l'impôt progressif coexiste avec des impôts proportionnels. A la Libération, le poids des organisations ouvrières permet d'imposer un impôt progressif unique, plus transparent et plus juste.

1.3.1 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Aux États-Unis[7], le taux marginal de l'impôt sur le revenu redescend à 25% dans l'entre-deux-guerres, puis est remonté sous Roosevelt, qui met en place le New Deal pour amortir les effets dévastateur de la Grande dépression. En 1932 il passe à 63 % pour un seuil de 113 millions, puis en 1935 à 79% pour un seul de 5 millions.[8]

La fiscalité du New Deal donnait l'impression de s'en prendre aux riches, mais avec ce seuil, le taux supérieur ne touchait qu'un contribuable, John D. Rockefeller, Jr. Surtout, elle était au global fortement régressive à cause des taxes sur la consommation, qui rapportaient 2,5 fois plus que l'impôt sur le revenu en 1935.[8]

En 1936, le taux supérieur s'élève à 79 % pour les revenus au-delà de 410 millions. En 1942, il atteint 88 % au-delà de 8,8 millions de dollars. En 1944, il atteint un sommet, avec 94 % au-delà de 6,9 millions[9] (plus de 100 millions de dollars de 2020[10]). Franklin Roosevelt cherche à porter le taux supérieur à 100 % mais se voit opposer un refus du Congrès. En réalité, d'innombrables déductions et exceptions rendaient les taux effectivement payés beaucoup moins élevés (le 1 % des Américains les plus riches n'auraient été taxés qu'à hauteur de 60 % de leurs revenus).[8]

En 1939, le politicien Henry Morgenthau Jr. se lamentait sur l'échec du New Deal, et disait : « Nous n’avons jamais commencé à taxer les gens de ce pays comme ils devraient le faire… Je ne paie pas ce que je devrais. Les gens de ma classe ne le font pas. Les gens qui en ont devraient payer. »[11]

Après la Seconde Guerre mondiale, le taux supérieur se stabilise autour de 70 %, mais avec un seuil de revenus concernés qui ne cesse de baisser. En 1981, à la veille de l'investiture de Ronald Reagan, il est, pour un célibataire, de 70 % au-delà de 460 000 dollars.[9]

1.4 Tournant néolibéral[modifier | modifier le wikicode]

En revanche, depuis le tournant néolibéral des années 1980, on voit le retour d'impôts proportionnels (CSG, CRDS...) qui ponctionnent davantage le prolétariat.

Aux États-Unis, en 1982, le taux marginal de l'impôt sur le revenu descend à 50 % au-delà de 174 000 dollars, puis à 50 % au-delà de 290 000 dollars en 1986, puis à 28 % au-dessus de 51 700 dollars en 1988 (avec néanmoins un rattrapage de 33 % entre 43 000 et 90 000 dollars). Au début des années 1990, le taux supérieur remonte un peu pour atteindre, en 2013, 39,6 % pour la tranche de revenus supérieure à 480 000 dollars[12].

En 2006, Warren Buffett - seconde fortune des États-Unis - confiait qu'il trouvait choquant de devoir payer si peu d'impôts, comparativement à ses employés. Il sortait alors la célèbre phrase :

« Il y a une guerre de classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner.  »[13]

Dans les dernières décennies, la bourgeoisie a dans beaucoup de pays fait diminuer l'impôt sur le revenu (ce qui libère d'autant plus de sommes que l'on est riche), et surtout réduit sa progressivité le cas échéant. C'est un des facteurs qui alimente la dette publique.

En France, les baisses de l’impôt sur le revenu ont atteint de 32,9 à 41,6 milliards d’euros, le nombre de tranches est passé de 13 en 1986 à 5 tranches en 2007, et le taux marginal d’imposition (celui sur la tranche la plus élevée du revenu) est passé de 65% à 41%.

Taux marginal de l'impôt sur le revenu (en général, cela concerne uniquement les revenus du travail) :

Pays 1986 2002 2007
France 65% 50,1% 40%
Allemagne 53% 48,5% 47,5%
Belgique 72% 55% 50%
Espagne 66% 48% 43%
Italie 62% 45,5% 43%
Pays-Bas 72% 52% 52%
Royaume-Uni 60% 40% 40%

2 Revenu maximal[modifier | modifier le wikicode]

La notion de revenu maximal / salaire maximal peut être vue comme un cas particulier d'impôt sur le revenu : celui où le taux d'imposition de la tranche supérieure est de 100%.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. HM Revenue & Customs, A Tax to beat Napoleon
  2. 2,0 et 2,1 Wikipedia, History of taxation in the United States
  3. HM Revenue & Customs, Income tax is back
  4. Karl Marx, Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand, 1875
  5. http://www.alternatives-economiques.fr/aux-sources-de-l-impot-sur-le-revenu_fr_art_106_10448.html
  6. HM Revenue & Customs, World War I and a new approach
  7. Cf. Income tax in the United States, Wikipedia
  8. 8,0 8,1 et 8,2 « Fiscalité des plus riches : Roosevelt taxait peut-être à 92 % au-delà de 5 millions de dollars de revenus mais combien ça ferait en monnaie d'aujourd'hui ? », Atlantico, (consulté le 29 décembre 2019).
  9. 9,0 et 9,1 Luc Peillon, « Est-il vrai que les Etats-Unis ont taxé les riches à plus de 70% pendant trente ans ? », Libération, (consulté le 29 décembre 2019).
  10. (en) « U.S. Inflation Rate, $6,900,000 in 1944 to 2020 », CPI Inflation Calculator (consulté le 22 janvier 2020).
  11. Morgenthau, Henry Jr. (May 9, 1939). Henry Morgenthau Diary, Microfilm Roll #50f (PDF, 1.9 MB).
  12. Luc Peillon, « Est-il vrai que les Etats-Unis ont taxé les riches à plus de 70% pendant trente ans ? », Libération, (consulté le 29 décembre 2019).
  13. In Class Warfare, Guess Which Class Is Winning, New York Times, 26 novembre 2006