Classe progressiste
Les marxistes qualifient certaines classes, dans un contexte donné, de classe progressiste, ou de classe révolutionnaire, et inversement de classes réactionnaires.
1 Bourgeoisie[modifier | modifier le wikicode]
Les marxistes considèrent que la bourgeoisie a accompli un rôle progressiste et révolutionnaire à la fin du Moyen-Âge, contre la noblesse :
- la lutte contre la notion de « droits divins » et les privilèges aristocratiques, contre le servage et pour l'égalité des droits ;
- la lutte pour les libertés individuelles et la démocratie libérale,
- la rationalisation des outils de la vie en collectivité (fiscalité, enseignement, législation, poids et mesures...)
Après la théorisation des bolchéviks sur le « stade impérialiste », de nombreux marxistes considèrent que la bourgeoisie a été globalement progressiste jusqu'à la fin du 19e siècle, et qu'elle est devenue incapable de tout progrès depuis.
De nombreux autres marxistes nuancent cependant cette vision, et considèrent que la bourgeoisie peut encore véhiculer certains progrès, bien que de façon très partielle et contradictoire.
2 Petite-bourgeoisie[modifier | modifier le wikicode]
La petite-bourgeoisie a une tendance générale à être conservatrice, voire réactionnaire, mais peut être réceptive au programme communiste révolutionnaire. Marx et Engels écrivent dans le Manifeste communiste :
« Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat. »[1]
Évidemment la situation était différente dans les sociétés précapitalistes. Par exemple, Kautsky développait ainsi sur le rôle progressiste des marchands :
« Pendant mille ans, avant l'avènement du capitalisme industriel et avant que les conditions techniques modernes n'aient transformé la production, le marchand était l'un des facteurs de progrès les plus puissants. (...) Le marchand ne pouvait tirer son profit qu'en achetant des marchandises au-dessous de leur valeur et en les revendant au-dessus de leur valeur. Cela était difficile à réaliser lorsque l'achat et la vente avaient lieu sur le même marché. Le marchand était obligé de chercher des marchandises dans les localités où leur valeur était basse et de les écouler là où leur valeur était élevée. Cela le poussait à rechercher constamment de nouveaux marchés pour acheter et vendre, souvent au péril de sa vie. A une époque où la masse de la population, paysans comme artisans, était attachée à la terre, le marchand remplissait les fonctions d'explorateur et élargissait sans cesse les horizons de l'humanité. »[2]
3 Prolétariat[modifier | modifier le wikicode]
Pour les marxistes, le prolétariat mène des luttes progressistes de résistance sous le capitalisme (luttes syndicales, luttes contre la répression...), et plus largement c'est le sujet révolutionnaire dans la perspective communiste.
- Puisqu’il fait tourner la société en produisant toutes les richesses.
- Puisqu’il constitue la grande majorité de la population.
- Puisqu’il est concentré dans les villes ou dans une entreprise et que donc il est lié, qu’il discute de ses problèmes et se rend compte qu’il a les mêmes que ses collègues : il a par conséquent la capacité de s’organiser.
C'est cette notion centrale que Marx exprimait dans le Manifeste communiste :
« Tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l'immense majorité au profit de l'immense majorité. Le prolétariat, couche inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute la superstructure des couches qui constituent la société officielle. »[1]
Que le prolétariat soit le sujet révolutionnaire ne signifie pas qu'il est une "classe révolutionnaire" spontanément et en toute circonstance. On peut distinguer dans le mouvement ouvrier et socialiste deux tendances, l'une plus spontanéiste et ouvriériste, l'autre plus avant-gardiste et substitutiste. Les marxistes ont tenté de se positionner dialectiquement entre ces deux tendances.
En 1901, Karl Kautsky, alors théoricien influent du marxisme, écrivait :
« Le socialisme et la lutte de classe surgissent parallèlement et ne s’engendrent pas l’un l’autre ; ils surgissent de prémisses différentes. La conscience socialiste aujourd’hui ne peut surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique [...] Or le porteur de la science n’est pas le prolétariat mais les intellectuels bourgeois. Ainsi donc la conscience socialiste est un élément importé du dehors dans la lutte de classe du prolétariat et non quelque chose qui en surgit spontanément. »[3]
Cette idée générale sur le rôle d'intellectuels bourgeois formant de facto une avant-garde socialiste du mouvement ouvrier, a été reprise par Lénine dans son fameux Que faire. Pour Lénine, le prolétariat, en période de fonctionnement "normal" du capitalisme, a une conscience "syndicaliste" (trade-unioniste).[4]
4 Paysannerie[modifier | modifier le wikicode]
La paysannerie n'est pas une classe à proprement parler. Elle se décompose entre des riches propriétaires terriens, des paysans capables d'embaucher quelques autres travailleur-se-s, des petits paysans cultivant seulement leur terre, ou encore des ouvriers agricoles ne possédant pas de terre. La composition relative de ces différentes couches dépend beaucoup du développement capitaliste du pays considéré.
Néanmoins, le mouvement socialiste a beaucoup débattu et continue de débattre du rôle révolutionnaire ou non de la petite-paysannerie.
Historiquement, le marxisme orthodoxe affirmait que seule la classe ouvrière pouvait réaliser la révolution socialiste, et que les pays où la paysannerie était largement majoritaire n'étaient "pas encore assez développés". L'émergence d'une agitation socialiste révolutionnaire en Russie à partir de la fin du 19e siècle a relancé les débats sur cette question. Marx s'est beaucoup intéressé à la Russie, et semblait penser que les communautés paysannes pouvait constituer des forces révolutionnaires passant directement au communisme, si elles étaient englobées dans une alliance révolutionnaire avec le prolétariat industriel.[5]
Finalement, la politique qu'on suivie les bolchéviks pour parvenir à la révolution d'octobre a été d'instaurer une « dictature du prolétariat appuyée par la paysannerie ».
Le mouvement maoïste a donné une importance centrale à la paysannerie.
5 Nomenklatura[modifier | modifier le wikicode]
Ernest Mandel écrivait à propos de la bureaucratie soviétique :
« Les partisans de la notion de « classe bureaucratique » écument en maudissant la bureaucratie. Mais ils sont en même temps contraints d'admettre que ces « assassins, criminels, voleurs, tyrans » jouent un rôle partiellement progressif. Ce n'est pas accidentel : dans l'histoire, chaque classe dominante a en effet joué un rôle progressif à l'aube de sa domination. Pour les marxistes-révolutionnaires, les aspects partiellement progressifs incontestables du rôle intérieur et extérieur de l'État soviétique découlent précisément du fait qu'il s'agit encore d'un État ouvrier, même si c'est un État ouvrier bureaucratisé. La classe ouvrière est et reste aujourd'hui la seule force sociale progressive à l'échelle mondiale, la seule qui peut résoudre la crise de l'humanité, la crise du XX° siècle. Quant aux aspects non prolétariens de l'État ouvrier bureaucratisé, à tout ce qui se rapporte aux intérêts particuliers et à la nature spécifique de la bureaucratie en tant que couche sociale (son antagonisme envers la classe ouvrière, son appropriation d'une partie du surproduit social, son rôle conservateur dans l'arène internationale), ils sont profondément et totalement réactionnaires. »[6]
6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 et 1,1 Marx et Engels, Le manifeste du Parti communiste, 1847
- ↑ Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
- ↑ Kautsky, article paru dans Die Neue Zeit, 1901
- ↑ Henri Lefebvre, « La classe ouvrière est-elle révolutionnaire ? », revue L'Homme et la société, 1971
- ↑ Cf. Genèse de la Révolution permanente
- ↑ Ernest Mandel, Bureaucratie et Production Marchande, avril 1987