Service (économie)

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L'activité de coiffage est un service.

Les services sont des activités dans lesquelles un travail est effectué directement auprès d'un usager / client, par opposition à la production de marchandises manufacturées.

Par leur nature, les services sont plus difficiles à automatiser. Les gains de productivité ont explosé dans l'industrie, mais ont plutôt stagné dans les services, ce qui a de nombreuses conséquences.

Le secteur économique des services correspond au secteur tertiaire.

1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]

On peut distinguer les services des marchandises tangibles, dont la production peut être industrialisée et qui peuvent être transportées, stockées, etc.

Parmi les marchandises, on peut considérer qu'il y a un continuum entre deux cas extrêmes, le service pur et la marchandise pure (souvent appelée commodité).

Pur service Chirurgie Nécessairement à un instant t, sur une personne à la fois.
Enseignement Un service, mais qui peut bénéficier à de nombreuses personnes à la fois.
Nettoyage Un service, mais qui peut bénéficier à de nombreuses personnes à la fois.
Plomberie Essentiellement un service, mais une partie du paiement concerne du matériel.
Restaurant Essentiellement un service, mais les restes peuvent être emportés.
Émission TV Un service au moment de l'émission, mais qui peut être vu plus tard (dépend du type d'émission).
Nourriture Périssable. Le transport permanent vers les consommateurs est en partie un service.
Médicament Assez stable.
Livre Très stable.
Pure commodité Sel Stable

Le mot service à la même origine que le mot servitude.[1]

2 Considérations[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Prix croissants (loi de Baumol)[modifier | modifier le wikicode]

Évolution de l'indice des prix aux États-Unis : les coûts médicaux et universitaires ont fortement augmenté, ceux des vêtements et des automobiles sont restés bas.

Par leur nature, les services nécessitant du temps de travail humain incompressible. Quelques gains de productivité sont possibles, grâce à certains outils ou méthodes d'organisation du travail, mais beaucoup moins que dans l'industrie ou l'agriculture. Le coiffeur est un exemple classique : il utilise quasiment les mêmes outils qu'il y a 50 ans, et donc a quasiment la même productivité.

Or, les salaires tendent quand même à augmenter dans les services, en partie du fait des luttes (la norme sociale du revenu tend à s'aligner sur le reste de l'économie) et en partie parce qu'il deviendrait impossible de retenir de la main d’œuvre qualifiée en dessous d'un certain niveau de salaire.

Tout ceci engendre une tendance à rendre les services plus chers. Un constat qui a été appelé « maladie des coûts croissants » ou « loi de Baumol ».

2.2 Remplacement par des biens[modifier | modifier le wikicode]

Une des réponses du capital à la cherté relative des services est leur remplacement par des biens.

La généralisation des machines à laver, des cafetières électriques ou des home cinéma a une tendance à prendre la place de services marchands (ou collectifs dans le cas de certaines laveries).

2.3 Libre service[modifier | modifier le wikicode]

Une autre réponse est le développement du libre-service, c'est-à-dire du transfert d'une partie du service auparavant effectué par un·e employé·e, vers un·e client·e / usager·ère.

Par exemple, le libre service dans l'épicerie ou la grande distribution (qui ne s'est généralisé que depuis les années 1960), et plus récemment les caisses automatiques voire les dispositifs sans passage en caisse.

Ou encore le libre service dans certaines chaînes de restauration, dans des stations-service... Le développement d'objets ou de meubles en kits (Ikea...), ou encore la numérisation en remplacement de guichets, est aussi une façon de supprimer la part de « main d’œuvre » dans une transaction.

2.4 Services publics[modifier | modifier le wikicode]

Certains services sont des services publics, c'est-à-dire gérés par un État ou une collectivité. Il est d'ailleurs rare qu'une entreprise publique s'occupe de production industrielle, activité plus rentable donc laissée aux capitalistes.

Plusieurs raisons expliquent qu'une partie des services soient des services publics :

  • beaucoup de ces services seraient abandonnés s'ils n'étaient pas pris en charge par l'État, car pas assez rentables (gestion de la voirie, des secours...) ; ou en tout cas ils ne seraient assurés que dans certaines zones denses, ce qui accentuerait les inégalités et nuirait à l'économie dans son ensemble ;
  • certains ont un devoir d'impartialité, qui est toute relative sous le capitalisme, mais qui aurait encore moins de réalité s'ils étaient privatisés (police, justice...) ;
  • certains sont en situation de monopoles naturels, et ce monopole doit donc être public pour assurer l'impartialité et l'universalité (deux points précédents).

Mais le capital cherche en permanence à marchandiser et privatiser davantage de services. Cela dépend également de la période : depuis le tournant néolibéral, la pression vers les privatisations est plus forte, à la fois pour des raisons économiques (austérité budgétaire) et idéologiques. Le progrès technologique a probablement rendu un peu plus facile qu'au début du 20e siècle de libéraliser certains secteurs, comme les télécommunications, les transports ou l'énergie. Néanmoins, ces libéralisations ont de lourdes conséquences anti-écologiques, anti-sociales et anti-consommateurs.

2.5 Économie de services[modifier | modifier le wikicode]

Un exemple classique de l'économie de fonctionnalité est un fabricant ou loueur de pneus qui facture au kilomètre parcouru, et s'occupe de remplacer ou rechaper les pneus, dont il reste propriétaire.

Certains commentateurs parlent du passage à une économie de services, ou économie de la fonctionnalité.[2]

Il s'agit d'un modèle dans lequel, au lieu de vendre un produit, l'entreprise vend un service incluant le produit, mais en restant responsable de son entretien, remplacement, etc. Les promoteurs de ce modèle avancent qu'en restant propriétaire de ses produits, l'entreprise a un intérêt à ce qu'ils soient les plus durables possibles, contrairement au modèle de la vente de produits, qui peut favoriser l'obsolescence.[3][4]

Parmi les exemples :

  • Michelin a développé l'entretien de pneus (via Euromaster) plutôt que la vente.
  • Xerox est passé de la vente de photocopieurs à la mise à disposition avec facturation à la quantité imprimée.
  • Des fabricants de machines-outils se sont mis à vendre du temps d'utilisation de leurs machines, l'entretien étant inclus.[2]
🔍 Voir sur Wikipédia : Économie de fonctionnalité.

2.6 Aspects écologiques[modifier | modifier le wikicode]

Les services sont souvent vus comme immatériels, par opposition aux biens industriels. Certains s'appuient sur cela pour avancer que la tertiarisation de l'économie irait de pair avec une dématérialisation, et donc une baisse de l'impact écologique.

En réalité les services ont une empreinte écologique non négligeable.[5] L'essentiel est constitué des gaz à effets de serre émis pour le chauffage des bâtiments où travaillent les salarié·es du secteur ou dans lesquels le public est reçu.

Néanmoins il y a une part de réalité et une dématérialisation relative. D'une part parce que les consommations dans le secteur des services sont en grande partie des coûts fixes. Une fois qu'une salle de cinéma ou une salle de classe est chauffée et installée, son coût ne sera pas différent qu'elle soit à moitié remplie ou remplie. A l'inverse, produire une automobile ou un smartphone de plus ajoute à chaque fois un impact matériel (malgré les économies d'échelle).

Cependant sous le capitalisme, cette dématérialisation relative ne suffit pas à avoir un effet visible, parce que la consommation de bien matériels est toujours croissante, et même encouragée par ce service si particulier qu'est la publicité.

2.7 Capitalisme et services[modifier | modifier le wikicode]

Les rapports de production capitalistes ont une tendance réactionnaire vis-à-vis du potentiel de certains services :

  • la rapacité des capitalistes pousse à la libéralisation de nombreux services publics, nuisant à leurs objectifs sociaux, empêchant d'y décider une planification écologique, et nuisant souvent aux consommateurs ;
  • le cadre du capitalisme, surtout en période de stagnation, implique une pression au moins disant fiscal, et donc une austérité budgétaire, qui pousse à la dégradation des services publics ;
  • le consumérisme basé sur la multiplication de produits obsolescents est encouragé, par rapport à des solutions comme la systématisation de services de réparation, qui sont moins rentables ; le modèle de l'économie de la fonctionnalité ne semble pas connaître d'essor massif au delà de quelques cas d'école ;
  • la quête de la diminution de la masse salariale dégrade les services ; si la numérisation ou les caisses automatiques peuvent faciliter la vie de certains consommateurs, ils sont parfois imposés plus ou moins brutalement (aux personnes âgées notamment), et lors d'un dysfonctionnement, en l'absence de personnel le service est suspendu et l'interlocuteur lointain.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Félix Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, Paris, Hachette, 1934
  2. 2,0 et 2,1 BMA, Paiement à l'usage - l'utilisation remplace la propriété, Juillet 2021
  3. Cf. par exemple economiedefonctionnalite.fr, site créé par un cabinet de conseil aux entreprises.
  4. Ademe, Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale en 2050, juin 2017
  5. Commissariat général au développement durable, Les émissions des gaz à effet de serre du secteur tertiaire, 23 août 2019