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Special pages :
XVIII. La protection du travail et l'assurance sociale
- Introduction
- I. Le régime capitaliste
- II. Développement du régime capitaliste
- III. Le communisme et la dictature du prolétariat
- IV. Comment le développement du capitalisme a conduit à la révolution communiste
- V. La deuxième et la troisième internationales
- VI. Le pouvoir soviétique
- XII. L'organisation de l'industrie
- XVIII. La protection du travail et l'assurance sociale
- XIX. La défense de la santé publique
[Chapitres XIII à XVII rédigés par Préobrajenski…]
127. Qu’est-ce que la protection du travail ?[modifier le wikicode]
La classe ouvrière lutte pour le régime communiste parce que ce régime l’affranchira des exploiteurs, lui permettra de développer ses forces productives et la dispensera de suer des journées entières pour la production des objets indispensables. C’est pourquoi toutes les conquêtes obtenues par la classe ouvrière dans l’acheminement vers le communisme concernent directement ou indirectement la protection du travail, car elles contribuent à l’amélioration du sort des ouvriers. Prenons, par exemple, la liberté politique de la classe ouvrière sous le régime soviétique et sa situation comme classe gouvernante. Il est clair que cette situation politique est un pas en avant sur le terrain de la protection du travail. On peut en dire autant de toutes les conquêtes de la classe ouvrière. Mais il faut distinguer entre cette large conception de la « protection du travail » et une conception toute spéciale. Il s’agit dans ce cas non de la situation de la classe ouvrière en général, mais de sa situation dans les fabriques, les usines, les mines, en un mot de sa situation pendant le travail seulement. En effet, le travail dans les usines et dans les fabriques, souvent au milieu d’émanations toxiques, présente un réel danger. Ce danger est encore accru par la longueur de la journée de travail qui fatigue l’ouvrier, lui enlève ses forces, affaiblit son attention et augmente la possibilité d’accidents. La longue journée de travail à elle seule épuise déjà terriblement son organisme.
Quelques exemples suffiront pour montrer clairement que la situation des travailleurs dépend des conditions du travail. Mais il est nécessaire de nous y arrêter un instant.
1) Voyons d’abord la question des « accidents du travail ». Voici quelques chiffres. Aux chantiers maritimes de la Néva, à Pétersbourg, les accidents du travail se dénombraient ainsi :
Accidents | Accidentés | 0/00 | |
---|---|---|---|
En 1914 | 4386 | 6186 | 709 |
En 1915 | 4689 | 7002 | 669 |
En 1916 | 2830 | 7602 | 371 |
En 1917 | 1269 | 6059 | 210 |
La baisse du nombre de ces accidents fut obtenue principalement par toute une série de mesures spéciales. Mais déjà 210 accidents du travail sur 1.000, c’est un chiffre énorme.
Les accidents du travail atteignent parfois 70 % des ouvriers. D’après les déclarations d’un médecin de campagne, les travaux des champs, dans le département d’Iekaterinoslav, faisaient ressembler les hôpitaux provinciaux aux ambulances du temps de la guerre. Les accidents du travail, naturellement, arrivaient non seulement en Russie, mais aussi partout. Au Parlement anglais, le socialiste Macdonald a prouvé une fois que sur 1.200 tués dans les mines. 1.100 avaient péri uniquement parce que les mesures de sécurité essentielles n’avaient pas été prises par les capitalistes.
Ce seul exemple nous permet d’établir qu’avec de la bonne volonté on peut diminuer énormément le nombre des accidents mortels. Mais les capitalistes ne veulent pas prendre les mesures indispensables, qui ne rapportent rien.
2) Les mauvaises conditions du travail, les maladies professionnelles qui en découlent, la mortalité, voilà le deuxième problème fondamental.
Prenons par exemple les usines de phosphore. Suivant les indications de Lazarev, cinq ans de travail dans ces usines démunies de tout appareil de sécurité suffisaient pour faire d’un homme un « cadavre vivant ». Dans les usines chimiques et dans les verreries, dans les mines, etc , la production est intimement liée à toute une série de maladies appelées professionnelles. Mais dans d’autres entreprises, on peut observer des phénomènes analogues : les varices aux jambes des ouvriers qui travaillent debout, l’affection des mâchoires chez les travailleurs du phosphore, l’empoisonnement par le mercure et par l’arsenic, la tuberculose dans beaucoup de branches, etc..
[Il mourait en Angleterre de la tuberculose (entre 1900-1902), sur 1.000 personnes par an :
Dans le clergé 55 sur 1.000
Parmi les agriculteurs et éleveurs de bétail. 76 —
Parmi les avocats et les notaires 92 —
Parmi les employés 129 —
Dans l’industrie verrière 283 —
Dans les usines de porcelaine et terre cuite. 285 —
Parmi les imprimeurs 300 —
Dans l’industrie des brosses 325 —
Dans la production des couteaux et fourchettes 533 —
Parmi les mineurs 579 à 816 sur 1.000
Suivant les données du docteur Baranov la mortalité par la tuberculose chez les prolétaires est :
Chez les cigariers, de 63,4 %
Chez les graveurs 58,3 —
Chez les imprimeurs 53,1 —
Chez les tailleurs 50,9 —
Chez les tailleurs de pierre 50,6 —
Chez les serruriers, les tourneurs, les cordonniers, les relieurs, et les ferblantiers 46 à 47. —
Chez les ouvriers des fabriques de boîtes et menuisiers 45 à 45,5 —
D’après une statistique allemande, la mortalité par la tuberculose chez les polisseurs en métaux à
Solingen était quatre fois plus grande que la mortalité moyenne.]
3) Les mauvaises conditions de travail en dehors des maladies reconnues provoquent aussi la dégénérescence de la classe ouvrière en général. Cela se manifeste par l’accroissement du nombre d’inaptes au service militaire. Chaque année augmente la proportion des faibles de poitrine, des jeunes gens de petite taille, etc.. Et parmi les prolétaires elle est plus grande que dans les autres classes de la population. En Suisse le nombre des inaptes parmi les ouvriers était de 39 1/2 % des recrues, le nombre des inaptes dans la population rurale de 25 % seulement. C’est la même chose dans les autres pays. Chez les femmes la dégénérescence générale s’accompagne souvent de stérilité.
Tout cela est lié, comme on le voit, aux conditions de la production. La caste des capitalistes n’avait aucun intérêt à défendre le travail et pratiquait à l’égard de la classe ouvrière une politique de rapine : pressurant l’homme et jetant l’écorce. C’est aussi la politique du capitalisme américain le plus «progressif)). Là, on n’embauche que les bien portants, on les examine minutieusement, on leur tâte les muscles. Les hommes faibles ne sont même pas admis dans le pays, on estime que c’est du mauvais bétail. Et néanmoins en Amérique les ouvriers atteignent très rarement l’âge de 45 ans. Avec sa manière « hautement progressive », Monsieur le Capital leur suce littéralement le sang.
La dictature du prolétariat a permis pour la première fois d’établir la protection du travail sur une base sérieuse. La classe ouvrière est intéressée directement à la conservation de la force de travail. Elle doit mettre en évidence la question du maniement scrupuleux de cette force, la plus précieuse et la plus importante. Le régime communiste s’appuie non sur le gaspillage criminel, insensé et nuisible des forces humaines, mais sur une technique supérieure dont le but est d’économiser ces forces. Voilà pourquoi la protection du travail a une importance si grande dans la période de transition. Ainsi la protection du travail n’est rien d’autre que la protection des travailleurs contre les conditions nuisibles du travail.
128. Les domaines principaux de la protection du travail[modifier le wikicode]
La condition la plus importante pour la conservation de la classe ouvrière et pour sa défense contre les maladies, la dégénérescence, l’augmentation de la mortalité, etc., c’est la journée normale de travail. Aussi n’est-il pas étonnant que la classe ouvrière ait toujours mis en tête de ses revendications la réduction de la journée de travail. La journée de travail détermine la dépense d’énergie humaine qui se transforme en produits dans le régime capitaliste et en bénéfices pour le capitaliste, intéressé fortement à cause de cela à la prolongation de la journée de travail. Pour une dépense excessive de ses forces, l’ouvrier compromet sa capacité de travail, « s’use » plus vite, son organisme s’affaiblit, il tombe plus facilement malade, il meurt plus vite. La longueur anormale de la journée de travail correspond à un brigandage, c’est un attentat concerté contre l’énergie humaine. La fixation d’une journée normale de travail est donc le premier objectif de la protection du travail.
Le deuxième objectif est la défense des éléments les plus faibles de la classe ouvrière. La classe ouvrière ne se compose pas uniquement d’hommes adultes, mais aussi de vieillards et d’enfants, d’adolescents et de femmes de tous les âges. La résistance aux mauvaises influences est différente suivant les catégories de la classe ouvrière. Ce que peut faire facilement et sans nuire à sa santé un homme adulte, peut être pernicieux pour une femme (le transport de fardeaux par exemple) et très dangereux pour l’adolescent.
Il faut d’autre part aux femmes des soins spéciaux à certaines périodes de leur existence (grossesse, couches, allaitement, etc.). Des mesures spéciales sont alors nécessaires. C’est la protection du travail des femmes et des enfants.
L’installation technique et sanitaire des fabriques et des usines est aussi très importante. Dans la lutte contre les accidents du travail, contre le caractère malsain de certaines industries, contre les mauvaises conditions du travail en général (les poussières, le manque de lumière, le froid, la saleté, les courants d’air, etc.), on peut et on doit faire énormément.
Voilà les trois domaines principaux dans lesquels peut s’exercer la protection du travail.
129. Qu’a-t-on fait en matière de protection du travail en Russie ?[modifier le wikicode]
La dictature du prolétariat a créé des conditions telles qu’on peut facilement satisfaire toutes les revendications formulées par tous les partis socialistes. Dans ce sens aucune législation au monde ne peut être supérieure à celle de la République soviétique. Les malheurs dont nous sommes comblés proviennent non des mauvaises lois, mais du fait que nous manquons de tout. Mais cette insuffisance dépend, nous l’avons dit plus haut, de la lutte que mène contre nous l’impérialisme mondial et du massacre impérialiste organisé par les ennemis de la classe ouvrière.
Si nous faisons le compte de ce qui a été légalisé dans le domaine de la protection du travail par la République soviétique, nous obtenons le tableau suivant : a) Limitation du temps de travail.
1° La journée de huit heures est établie et définitivement ratifiée par une loi (ce qu’évitaient soigneusement les gouvernements de conciliation), ainsi que celle de six heures, pour le travail intellectuel et celui des bureaux.
2° Les heures supplémentaires sont interdites. Elles ne sont admises que dans des cas exceptionnels et en petit nombre. Elles doivent être payées une fois et demie plus cher que les heures normales.
3° La journée de travail dans les productions particulièrement nuisibles est plus courte ; elle est, par exemple, de sept heures seulement dans les manufactures de tabac, de six heures dans les usines à gaz.
4° Un repos normal de 42 heures est établi par semaine (dans ce but, on ne travaille le samedi que six heures). Celui qui ne profite pas du repos du dimanche peut choisir n’importe quel autre jour de la semaine. 5° Chaque travailleur a droit à un congé annuel avec plein salaire (suivant le code du travail, le congé peut être d’un mois, pendant cette période difficile — automne 1919 — de 15 jours).
6° Dans les manufactures particulièrement insalubres et pour les adolescents travaillant en colonies, il est accordé un congé supplémentaire de 15 jours.
b) Protection du travail des femmes en des enfants.
1° La femme ne doit faire aucun travail de nuit, aucune heure supplémentaire et elle ne peut être occupée à la journée.
2° Il est interdit d’utiliser le travail des mineurs âgés de moins de seize ans. On les retire graduellement du travail (d’abord du travail nuisible à la santé) et, tout en assurant leur vie matérielle, on les place dans des écoles.
3° La journée de travail des enfants de moins de seize ans qui travaillent encore est réduite à quatre heures, puis à six heures pour les adolescents de 16 à 18 ans,
4° Les heures supplémentaires, les travaux journaliers et de nuit sont interdits à tous ceux qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans.
En particulier pour la défense de la maternité, on a établi les lois suivantes :
1° Une allocation spéciale, égale à leurs appointements, est payée à toutes les femmes enceintes, aux femmes en couches et cela non seulement aux ouvrières, mais également aux femmes d’ouvriers et pour tout le temps de leur inactivité.
2° Les femmes enceintes qui travaillent manuellement obtiennent un congé de huit semaines avant le terme; celles occupées à un travail intellectuel ou dans les bureaux, un congé de six semaines.
3° Après les couches, les femmes obtiennent un congé de huit ou six semaines.
4° Les mères allaitant ‘ leur bébé ont droit toutes les trois heures à un repos d’une demi-heure.
5° Chaque mère reçoit un subside supplémentaire de 720 roubles pour les soins à donner à son enfant, et de 24 roubles par jour pour son entretien pendant les 9 mois qui suivent la naissance du bébé.
Le Code du travail prévoit sur tous ces points quelques dérogations. Elles consistent dans l’autorisation exceptionnelle de faire des heures supplémentaires jusqu’à concurrence de 50 jours par an; de faire travailler les enfants (entre 14 et 16 ans) au maximum 4 heures par jour: les congés annuels sont provisoirement réduits à 15 jours et la durée du travail de nuit peut atteindre sept heures.
Toutes ces dérogations ont été imposées par la situation difficile où a été mise !a République des Soviets par suite des féroces attaques de toutes les puissances impérialistes.
c) Installation technique et sanitaire des usines :
1° Une série de décrets est établie dans le domaine de la sécurité technique, de la santé et de l’hygiène professionnelle, pour l’amélioration des conditions du travail dans les usines et dans les fabriques.
2° Dans les industries insalubres, distribution est faite de vêtements spéciaux pour protéger contre la poussière, les gaz, l’humidité, etc.
3° Tous les travailleurs reçoivent des vêtements qui appartiennent à l’entreprise et leur servent pendant le travail.
4° Pour l’exécution de toutes ces réformes sont nommés des inspecteurs du travail choisis par de grandes assemblées ouvrières. Dans les professions qui ont des conditions spéciales de travail ou qui sont caractérisées par la dispersion des travailleurs (transports, construction, agriculture), ce sont les syndicats intéressés qui choisissent, par district, les inspecteurs du travail.
Quel progrès a fait la participation des ouvriers sur ce terrain ? On s’en rend compte d’après les chiffres qui montrent la composition de cette nouvelle inspection. Ils montrent qu’au 1er août 1919, 53 1/2 % de ces inspecteurs étaient des ouvriers, Si l’on tient compte que la statistique n’indique pas la profession d’un certain nombre d’inspecteurs, cette proposition augmente jusqu’à 62 1/2 %; en comptant les employés, elle atteint 88 1/2 %.
[Voici des chiffres plus précis (au 1er août 1919).
Selon leurs professions, les inspecteurs se divisaient ainsi :
Suivant la manière de calculer expliquée plus haut | ||||
---|---|---|---|---|
Ouvriers | 112 | 54,5 % | ou… | 62,5% |
Contremaîtres, techniciens, dessinateurs | 21 | 10 % | ou… | 11,5 % |
Employés, commis | 28 | 13 % | ou… | 15,5 % |
Aides-Chirurgiens | 4 | 2 % | ou… | 2 % |
Pharmaciens | 1 | 0,5 % | ou… | 0,5 % |
Instituteurs | 5 | 2,5 % | ou… | 2,5 % |
Etudiants | 4 | 2 % | ou… | 2 % |
Médecins | 5 | 2,5 % | ou… | 2,5 % |
Ingénieurs | 1 | 0,5 % | ou… | 0,5 % |
Juristes | 1 | 0,5 % | ou… | 0,5 % |
Professions non déclarées | 28 | 13 % |
Par comparaison avec les 6 mois écoulés, le nombre d’ouvriers a augmenté légèrement (53 1/2 % contre 47 % ou 62 1/2 % déclarés contre 60 % précédemment) ; le pourcentage des contremaîtres et des techniciens est resté le même (10 % contre 11%). Le nombre d’employés a augmenté considérablement (de 8 % à 13 %). Le nombre d’étudiants a par contre diminué des deux tiers (6 % — 2 %)].
De cette manière, nous avons une inspection ouvrière véritable aussi bien par ses buts que par sa composition.
Il y a tout de même encore beaucoup à faire à l’usine dans le domaine de la protection du travail. Dans beaucoup de cas, nous avons encore les conditions de travail les plus défavorables, surtout dans les vieilles entreprises où les ouvriers sont mal organisés, peu conscients et peu cultivés. Dans ces tanières, tout ou presque tout est resté intact. Il est vrai qu’il est impossible souvent d’entreprendre les améliorations nécessaires qui exigent un nouvel outillage ou de nouvelles installations. Mais on arriverait quand même à faire beaucoup si on pouvait gagner à l’effort d’amélioration des conditions de travail des cercles de plus en plus larges.
130. Qu’est-ce que l’assurance sociale ?[modifier le wikicode]
Le régime capitaliste, comme nous l’avons vu, s’était fixé comme but de soutirer du profit de la classe ouvrière. Le prolétaire, le salarié n’était rien de plus qu’un moyen de s’enrichir pour le capitaliste. Et lorsque cet instrument de profit s’était détérioré ou était devenu impropre à l’usage, ou superflu, on s’en débarrassait sans pitié, comme d’un citron pressé. La misère du chômage, de la maladie, de la vieillesse, des infirmités, rien ne comptait pour le capital. Il jetait des foules énormes par-dessus bord sans la moindre volonté de leur venir en aide.
Dans la République soviétique, les travailleurs et les nécessiteux ne sont point l’objet d’exploitation. Mais cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas beaucoup de misère. Notre pays décimé par l’ennemi, bloqué de tous côtés, privé de charbon, de pétrole et de matières premières est dans une détresse extrême. Ce n’est plus le capitaliste qui jette l’ouvrier dehors, c’est le manque de charbon et de matières premières qui oblige à fermer l’usine — et c’est alors le chômage. Ce n’est pas le chômage d’autrefois, il a d’autres causes, mais il existe. Nous avons eu des infirmes et des invalides à la suite de la guerre impérialiste, nous avons eu des milliers de victimes de la contre- révolution. il y a des vieillards, des malades, des enfants : tout cela nécessite des soins et des dépenses. Le gouvernement ouvrier ne considère pas l’aide qu’il apporte à toutes ces personnes comme un don, une aumône ou de la bienfaisance. C’est un devoir primordial de l’Etat ouvrier de les soutenir, et surtout ceux qui durent quitter l’armée du travail ou l’armée rouge.
Notre but définitif est d’amener la société à être en situation d’assurer complètement tous les hommes ayant perdu la faculté de travailler pour n’importe quelle raison et ne pouvant plus travailler, de telle sorte que les vieillards aient une vieillesse tranquille et tout le confort possible; que les enfants aient tout ce qui est nécessaire à leur âge; que les infirmes et les malades soient dans les conditions les meilleures et les mieux appropriés à leur état; que les fatigués et les épuisés puissent être soignés comme autrefois les bourgeois très aisés, de façon que soit enlevé aux hommes le souci rongeur des « jours noirs ». Certes, nous sommes loin de cet idéal. Nous sommes à présent, grâce aux brigands du monde entier, un pays misérable. Nous manquons des choses les plus nécessaires, de médicaments par exemple : les impérialistes ne les laissent pas passer, ils nous imposent le blocus.. Mais une chose ne peut être reprochée au pouvoir soviétique : il n’épargne rien pour aider tant qu’il peut les inaptes au travail et pour leur fournir le nécessaire.
131. Les domaines principaux de l’assurance sociale[modifier le wikicode]
II y a deux domaines principaux de l’assurance sociale. C’est d’abord l’assurance pour ceux qui ont perdu leur capacité de travail pendant l’exercice de ce travail (manuel ou intellectuel). Il s’agit là des cas de chômage, d’incapacité de travail, ou temporaire (maladie, blessure, grossesse, couches) — ou définitive (infirmité, vieillesse, maladie chronique). C’est ensuite l’assurance des personnes ayant perdu leur capacité de travail en dehors du travail, ce sont les invalides de l’ancienne guerre, les gardes rouges blessés, leurs familles, les victimes de la contre-révolution ou de calamités naturelles telles que : incendie, inondation, épidémie, etc. Il nous faut aussi prendre en considération les autres cas d’inaptitude au travail, les victimes de l’ancien régime et des conditions exécrables de leur vie. A cette catégorie appartiennent tous les mendiants, tous les sans- logis, tous les dégénérés, faibles d’esprit, etc.
En outre, l’aide est nécessaire dans le cas de décès d’un des membres de la famille. Tous ces éléments à assurer forment une masse énorme. La première catégorie, celle qui a perdu sa capacité de travail d’une façon ou de l’autre au cours de la production, relève du commissariat du travail qui, en réalité, est entre les mains des syndicats professionnels ; la deuxième catégorie est du ressort du commissariat de l’assurance sociale.
132. Qu’a-t-on fait en matière d’assurance sociale en Russie ?[modifier le wikicode]
Le pouvoir soviétique a réalisé en général l’assurance des travailleurs dans tous les cas d’inaptitude au travail, ainsi que contre le chômage, et tout cela n’existe dans aucun pays du monde.
Voici les réformes réalisées pour la première catégorie :
1° Tous les salariés sont exemptés des dépenses pour l’assurance sociale.
2° Tous les entrepreneurs sont écartés de l’assurance sociale et son organisation est fondée sur la représentation des organisations ouvrières.
3° L’assurance est valable pour tous les cas d’inaptitude au travail et de chômage.
4° Tous les membres de la famille des travailleurs sont assurés en cas de mort de ces derniers.
5° Les secours versés atteignent la valeur des appointements en cas de maladie, infirmité, quarantaine, etc. 6° Une pension viagère de 1.800 roubles par mois est payée à Moscou à tous les invalides du travail sans distinction de causes (vieillesse, infirmité, maladie professionnelle, etc.) et indépendamment du nombre d’années de travail.
7° Le secours versé pour les frais d’enterrement d’un travailleur s’élève à 1.440 roubles, et pour les membres de la famille varie de 400 à 800 roubles, suivant l’âge.
8° En cas de mort d’un travailleur, la famille reçoit une pension mensuelle qui peut atteindre 1.200 roubles (à Moscou), suivant le nombre de ses membres.
9° Pour l’expédition pratique et la fixation des pensions et des secours, sont instituées des commissions spéciales ouvrières.
10° Des bureaux d’expertise qui établissent le degré d’invalidité sont fondés dans tous les gouvernements et sont présidés par des ouvriers.
11° Des commissions de contrôle sous la présidence d’ouvriers sont également constituées dans tous les districts pour le contrôle des médecins et des malades.
12° Pour rapprocher le service d’assurance des localités éloignées habitées par des ouvriers, on y a créé des bureaux où sont enregistrées les déclarations concernant les secours et les pensions; dans les grandes entreprises, la distribution de ces secours et de ces pensions est assurée dans les locaux industriels eux-mêmes 13° Il n’y a pas de limite au droit au secours. La subvention en cas de maladie est versée jusqu’à la guérison complète ; en cas d’infirmité, jusqu’à la mort.
14° L’assurance sociale est étendue à tous les salariés, artisans, travailleurs à domicile, paysans.
15° Pour les derniers six mois de 1919, la République a avancé 5 milliards de roubles pour l’assurance des travailleurs.
Dans la deuxième catégorie des assurés, l’assurance en faveur des gardes rouges et de leurs familles est d’une importance spéciale. Un garde rouge invalide reçoit en cas de perte totale de sa faculté de travail (au-dessus de 60 %), une pension correspondant au salaire moyen dans la localité; l’indemnité diminue suivant le degré d’inaptitude au travail (de 15 à 30 %, il reçoit un tiers du salaire) : la terre du garde rouge doit être labourée et sa ferme munie de semences; la famille a droit au ravitaillement pour tous ses membres ; elle est exemptée de tout loyer ou fermage et reçoit une carte supplémentaire d’alimentation. En cas de mort du garde rouge, les membres inaptes et mineurs de la famille reçoivent une pension qui s’élève à 60 % du gain moyen ouvrier dans la localité.
Les secours d’argent versés aux familles des gardes rouges, dans les six premiers mois de 1919, se sont élevés à un milliard deux cent millions de roubles. D’après les chiffres du camarade Vinokourov, en automne 1919, environ 4 millions 500.000 familles de gardes rouges ont reçu des secours en argent.
[En outre, du 4 juillet au 1er décembre 1919, ont été payés dans les provinces, plus de 2 milliards et demi de roubles :
Aux propriétaires ruraux 200 millions de roubles
Allocations pour termes de loyer 150 — —
Pensions des gardes rouges 100 — —
Pensions des invalides de guerre 168 — — ]
Un des plus grands défauts de l’assurance sociale est le mauvais fonctionnement de son appareil : mauvaise statistique des assurés, mauvaise livraison de l’argent dans les provinces, lenteurs dans le fonctionnement du commissariat de l’assurance sociale, etc. L’amélioration de l’appareil organisateur s’impose sans retard au Parti.
133. Autres réformes pour l’amélioration du sort du travailleur[modifier le wikicode]
En dehors de toutes les mesures précitées pour l’amélioration du sort de la classe ouvrière, d’autres réformes comprises dans le Code du travail ont une importance considérable. Ces réformes proviennent du fait que le prolétariat est la classe dirigeante et à cause de cela elles vont beaucoup plus loin que les revendications formulées par tous les partis socialistes. Il s’agit principalement des suivantes :
1° Participation des organisations ouvrières à l’embauchage et au renvoi des travailleurs. Cette question dépend des comités d’usines et des administrations ouvrières.
2° Attribution obligatoire de travail aux chômeurs par le moyen d’organes spéciaux des Soviets et des syndicats professionnels (les « sections pour la répartition et la statistique des forces ouvrières »).
3° La régularisation des salaires par l’Etat. Le plus intéressant est que les tarifs sont établis par les syndicats et passent par les commissariats du travail, composés en fait des représentants du mouvement syndical.
Toutes ces mesures sont étroitement liées à la situation dominante de toutes les organisations ouvrières et surtout des organisations professionnelles.
134. Les autres tâches du Parti[modifier le wikicode]
La tâche essentielle consiste surtout dans l’application la plus complète et la plus large de tous les décrets et résolutions du pouvoir soviétique. 11 arrive très souvent que la réalité est loin du décret, que le papier dit une chose et la vie une autre. L’application exacte, précise, complète de toutes les mesures sera assurée d’abord par un appareil bien organisé où le centre est relié aux extrémités et les extrémités au centre et où toute la machine fonctionnera régulièrement. Cela n’est possible que si on gagne les masses à ce travail. Pour cela, il faut :
1° S’attaquer plus énergiquement à l’organisation et au développement de l’inspection du travail, dans laquelle il faut verser continuellement de nouvelles forces prises dans le milieu ouvrier; personne autre que les ouvriers eux-mêmes, qui connaissent le mieux les conditions du travail, ne peut s’apercevoir de tous les défauts et prendre les mesures pratiques pour les faire disparaître.
2° Etendre l’inspection au travail à domicile et à la petite production. Celle-là restait toujours sacrifiée. Et c’est là surtout que fleurissent les pires conditions de travail. L’inspection ouvrière pourrait faire là beaucoup de choses.
3° Il est indispensable d’appliquer aussi la protection du travail à toutes ses modalités, entre autres à la construction, aux transports par terre et par eau, aux travaux domestiques et aux ouvriers agricoles. Il faut que ces branches de travail, dont la dispersion rend l’organisation difficile soient englobées dans le système général d’inspection.
4° Il faut aussi écarter absolument du travail les enfants et abréger encore la journée de travail pour les adolescents.
La journée de huit heures qui est le fondement de toute la protection du travail, n’est point la limite définitive au-dessous de laquelle on ne peut plus aller. Le point de vue de notre parti est qu’on ne peut fixer à l’avance une telle limite. Tout dépend de la capacité de rendement de notre production. En ce moment, avec la baisse extrême de notre production et la durée de la tourmente, le temps de travail ne peut, en principe, subir de réduction; quelquefois même, il faut le prolonger (suivant la situation militaire par exemple). Mais à la moindre possibilité, il nous faudra réaliser la journée de six heures de travail pour tous les travailleurs, comme elle existe déjà pour de nombreuses catégories d’employés.
D’un autre côté, pour arriver au relèvement de notre production et à l’amélioration constante de la qualité des forces ouvrières, il est utile d’introduire un système stimulant de salaires.
Les problèmes généraux de la protection du travail social ne sont point résolus par le Parti dans le sens de la bienfaisance ou de la fainéantise; aider celui qui en a besoin, voilà le devoir du pouvoir prolétarien, de même que son devoir est aussi de faciliter à ceux dont l’énergie fléchit le retour à la vie laborieuse.