XII. L'organisation de l'industrie

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93. L’expropriation de la bourgeoisie et la nationalisation prolétarienne de la grande industrie[modifier le wikicode]

Le pouvoir soviétique, comme organe de la dictature prolétarienne, avait pour premier devoir d’enlever à la bourgeoisie les moyens de production, c’est-à-dire d’exproprier la bourgeoisie. Il est bien entendu qu’il ne s’agissait pas d’exproprier le petit producteur, l’artisan, mais d’enlever les moyens de production à la haute bourgeoisie et d’organiser la grande industrie sur une base nouvelle.

Nous avons dit dans la première partie de ce livre que le prolétariat ne veut ni le partage ni le pillage des usines, mais l’organisation de la production en commun, c’est-à-dire le transfert de tous les moyens de production à l’Etat prolétarien qui est la plus grande et la plus forte organisation de la classe ouvrière. Il faut bien se garder de confondre la nationalisation de la production sous la domination bourgeoise avec celle accomplie sous la domination du prolétariat. Nationalisation signifie transfert à l’Etat. Mais celui qui parle de la nationalisation par l’Etat sans s’occuper de la forme de ce dernier ne comprend rien à l’essentiel de la question. Quand c’est la bourgeoisie qui est la classe dominante de la société et que c’est elle qui nationalise les trusts et les syndicats, il n’y a aucune expropriation de la bourgeoisie. Dans ce cas, elle ne fait que sortir ses biens d’une poche pour les remettre dans l’autre. Elle remet tout à son Etat à elle. C’est toujours elle, la bourgeoisie, qui reste l’exploiteur de la classe ouvrière et celle-ci continue comme auparavant à travailler non pas pour elle-même mais pour son ennemie de classe. Cette nationalisation aboutit à une organisation dont nous avons parlé dans la première partie de ce livre, c’est le capitalisme d’Etat.

Un tout autre résultat est obtenu quand la nationalisation se produit sous la domination du prolétariat. Alors les usines, les ateliers, les moyens de transport, etc. passent au pouvoir prolétarien, c’est-à-dire à l’organisation des ouvriers et non pas des capitalistes. Dans ce cas l’expropriation de la bourgeoisie est réalisée efficacement, la bourgeoisie est alors réellement privée de ses richesses, de sa domination, de sa force et de sa puissance. Du coup, les bases mêmes de l’exploitation sont détruites. L’Etat prolétarien, organisation du prolétariat, ne saurait exploiter la classe ouvrière : on ne peut pas s’exploiter soi-même. Sous la domination du capitalisme d’Etat, la bourgeoisie ne perd rien à ce que certaines entreprises privées cessent d’exister isolément, puisque en s’associant elles exploitent ensemble le public aussi bien qu’auparavant. De même, par la nationalisation prolétarienne, les travailleurs ne perdent rien du fait qu’ils ne sont pas possesseurs individuels de leurs usines, car les usines appartiennent à la classe ouvrière qui s’appelle l’Etat soviétique. L’expropriation de la bourgeoisie, commencée immédiatement après la Révolution d’octobre 1917, est terminée pour ce qui était l’essentiel. Dans les limites de la Russie soviétique sont nationalisés toute l’industrie des transports (chemins de fer, transports fluviaux) et les 80-90 % de la grosse industrie. D’après les bureaux de la statistique industrielle du Soviet supérieur de l’Economie nationale, on comptait en septembre 1919, dans 30 gouvernements, 3 330 entreprises socialisées occupant 1 012 000 ouvriers et 27 000 employés. Ces chiffres sont plutôt au-dessous de la réalité et nous avons des raisons de croire que le nombre des industries socialisées atteint actuellement 4 000. Les entreprises les plus considérables parmi les 3 330 citées continuent à fonctionner. En septembre 1919, 1 375 entreprises fonctionnaient, dont 1 258 occupaient 782 000 ouvriers et 26 000 employés. Sur ce chiffre d’un million d’ouvriers, 800 000 continuent à être occupés régulièrement, malgré les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles notre industrie est obligée de travailler. On compte 631 entreprises fermées qui occupaient 170 000 ouvriers, la situation de 1 278 entreprises avec 57 000 ouvriers n’est pas actuellement établie (il s’agit, on le voit, de très petites entreprises). [Les entreprises nationalisées en marche jusqu’en automne 1919 appartenaient aux branches indiquées ci-dessous; elles étaient unies par leurs organes centraux de direction (directions principales et centrales).

I. — INDUSTRIE MINIERE (dirigée par le Soviet Minier).

1) Direction principale des charbons.

2) — des minerais.

3) — du pétrole.

4) — de la tourbe.

5) — du schiste.

6) — du sel.

7) — de l’or.

II. — METALLURGIE (dirigée par le département métallurgique du Soviet supérieur de l’Economie Nationale).

1) Direction principale de l’industrie mécanique.

2) — de l’aviation.

3) Direction centrale du cuivre.

4) Direction principale du fer.

5) — de l’automobile.

6) — du groupe des usines Maltzev.

7) — des usines Kalouga-Riazan.

8) — des usines de Podolie.

III. — INDUSTRIE ELECTRO-TECHNIQUE (Entreprises électriques unifiées sous la direction de l’industrie d’Etat).

IV. — INDUSTRIE TEXTILE (dirigée par la direction principale de l’industrie textile).

V. — INDUSTRIE DES PRODUITS CHIMIQUES (dirigée par le département chimique du Soviet supérieur de l’Economie Nationale).

1) Direction principale de la chimie organique.

2) — de l’aniline.

3) Direction centrale des vernis.

4) Direction principale des produits pharmaceutiques.

5) — des allumettes.

6) — du verre à vitres.

7) — du verre à bouteilles.

8) Direction centrale du ciment.

9) - — —

10) ) - — —

11) Direction principale des cuirs.

12) — des fourrures.

13) Direction centrale des soies de porc.

14) Direction principale des os.

15) Direction centrale des graisses.

16) Direction principale du papier.

17) — des résines.

18) — des bois.

19) — des huiles.

20) Direction centrale des alcools.

21) Direction principale des tabacs.

22) — de l’amidon.

23) — du sucre.

VI. — INDUSTRIE DES PRODUITS ALIMENTAIRES (dirigée par le département des produits alimentaires du Soviet supérieur de l’Economie Nationale).

1) Direction principale des farines.

2) — de la confiserie.

3) Direction centrale de l’industrie du thé.

4) — — du lait.

5) Direction principale des conserves alimentaires.

6) Direction centrale de l’industrie frigorifique.

VII. — INDUSTRIE FORESTIERE ET PREPARATION INDUSTRIELLE DES BOIS (dirigée par le Comité forestier principal).

VIII. — INDUSTRIE DE L’IMPRIMERIE (dirigée par le département typographique du Soviet supérieur de l’Economie nationale).

IX. — « SECTION AUTOMOBILE CENTRALE » (montage et réparation des automobiles).

X. — PETITS ATELIERS DE COUTURE (direction centrale de la couture).

XI. — UTILISATION DES DECHETS (direction centrale de l’utilisation des déchets).

XII. — TRANSPORTS PAR EAU (direction principale des transports par eau).

XIII. — INDUSTRIE DU BATIMENT ET DE LA CONSTRUCTION INDUSTRIELLE (Comité d’architecture).

XIV. — INDUSTRIE DE GUERRE (département de l’industrie de guerre).

XV. — TRANSPORT ET MANUTENTION DES DENREES (département du transport et de la manutention des denrées du Soviet supérieur de l’Economie nationale).]

L’expropriation de la bourgeoisie exécutée dans sa partie essentielle doit être terminée complètement; c’est un des principaux devoirs de notre Parti. Nous devons toutefois rappeler que nous n’exproprions pas la petite industrie dont la «nationalisation » est absolument inadmissible pour les raisons suivantes : Nous- mêmes nous ne pourrions pas organiser la petite industrie dispersée et, d’autre part, le Parti communiste ne veut pas et ne doit pas léser les millions de petits propriétaires. Leur passage au socialisme se fera volontairement sans expropriation forcée. C’est surtout sur les rayons de petite production qu’il faut porter notre attention. Ainsi notre première tâche, c’est l’achèvement de la nationalisation.

94. Notre but est le développement des forces productives[modifier le wikicode]

Le développement par tous les moyens des forces productives, telle est la base de notre politique. La ruine est si grande, la pénurie de tous les produits par suite de la guerre est si sensible que ce but doit actuellement primer tous les autres. Il nous faut plus de produits, plus de chaussures, de faucilles, de tonneaux, d’étoffes, de sel, de vêtements, de blé, etc. et c’est le principal. On ne peut y arriver qu’en relevant la production, il n’est pas d’autres remèdes. Nous rencontrons dans l’exécution de notre plan des difficultés inouïes dont les principales sont les attaques et le boycottage dirigés contre nous par la contre-révolution mondiale qui nous oblige à nous défendre et nous enlève nos meilleurs ouvriers. Il nous faut en premier lieu reconquérir le pétrole et le charbon enlevés par les capitalistes et les gros propriétaires fonciers, et puis aussi organiser la production sur de justes bases. Tout cela nous est absolument indispensable.

Tant que la classe ouvrière n’était pas maîtresse du pays, elle n’avait pas à s’occuper de l’organisation de la production. Maintenant c’est elle qui est au pouvoir. C’est elle qui est responsable du sort et de l’avenir du pays et c’est sur ses épaules que pèse la lourde tâche de faire sortir la République des Soviets du gouffre actuel de la faim, du froid et de la ruine. Avant la prise du pouvoir, la classe ouvrière avait pour but de détruire l’ordre ancien, actuellement son but est d’édifier un ordre nouveau. Avant, c’était à la bourgeoisie qu’incombait la tâche d’organiser l’industrie, maintenant c’est au prolétariat. Aussi en cette période de ruine extrême, toutes les pensées du prolétariat doivent être concentrées sur l’organisation de l’industrie et le relèvement de la production. Relever la production, c’est augmenter les rendements, c’est créer plus de produits, c’est améliorer le travail dans toutes les institutions et obtenir de meilleurs résultats dans le travail quotidien. L’époque des belles paroles est passée, celle du dur labeur est venue. Nous n’avons plus à lutter pour des droits quelconques à Moscou ou à Pétrograd, la classe ouvrière les a tous et elle les défend sur tous les fronts. Notre but actuel est d’augmenter le nombre de clous, de fers à cheval, de charrues, de machines, de manteaux, etc., etc.. Voilà ce qu’il nous faut actuellement pour ne pas mourir de faim, nous habiller, recouvrer des forces et avancer plus rapidement dans la voie de la création de la vie nouvelle.

Le relèvement de l’industrie exige les mesures suivantes : augmentation des moyens de production (machines, charbon, matières premières), organisation systématique des plans de production, liaison des différentes productions, répartition rationnelle des matières premières et des forces ouvrières, etc., obtention d’un meilleur rendement en tant que cela dépend des ouvriers mêmes (discipline ouvrière fraternelle, lutte contre la négligence, la malpropreté, etc.), application de la science et collaboration avec les spécialistes. Toutes ces questions sont d’importance capitale. Il faut les résoudre pratiquement non pas seulement pour une usine, mais pour un pays immense où les prolétaires se comptent par millions. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue surtout, c’est le relèvement des forces productives du pays entier afin d’établir sa production sur les bases nouvelles du travail communiste.

[Nos adversaires socialistes-révolutionnaires, menchéviks bourgeois, etc., nous reprochent de ne pas être marxistes et d’avoir un communisme de consommation, de partage. Ils prétendent que les bolcheviks enlèvent aux bourgeois leurs fourrures, les chassent de leurs maisons, etc., c’est-à-dire qu’ils partagent les produits existants, mais n’organisent nullement la production. Ces objections n’ont aucune valeur. Les forces productives de la société humaine se composent des moyens de production (machines et outils) et des forces vivantes (les ouvriers). La classe ouvrière est la principale force productive. La destruction des machines et des outils est perte réparable, parce que des ouvriers expérimentés peuvent toujours, bien que difficilement, les reconstruire. C’est tout à fait différent lorsque la force productive vivante se détruit, quand les ouvriers se dispersent et retournent à la campagne, chassés des villes par la faim et le froid et quand la classe ouvrière est menacée même de disparaître. Il faut alors la conserver à tout prix. L’expropriation organisée des moyens de consommation est dans ce cas une condition de salut pour la force ouvrière. Le communisme de consommation devient ainsi une condition préalable de l’organisation de la production, qui est notre but réel. La bourgeoisie de tous les pays veut charger le prolétariat de toutes les dépenses occasionnées par la guerre, de toutes les calamités et de toutes les souffrances qui en sont les conséquences. Pour sauvegarder son avenir, il faut que le prolétariat rejette sur la bourgeoisie tout le fardeau de l’après-guerre. Mais notre pensée directrice, c’est naturellement l’organisation de la production et le développement des forces productives. ]

95. L’organisation rationnelle de la production[modifier le wikicode]

L’époque de la décomposition du capitalisme laissa en héritage au prolétariat non seulement une quantité minime de moyens de production, mais encore un désordre indescriptible. La Russie s’est scindée en plusieurs régions dont les liens furent rompus et dont les communications entre elles devinrent extrêmement difficiles. Sous l’influence de la Révolution, les industriels abandonnèrent les rênes de la direction et, les premiers temps, beaucoup d’usines restèrent sans maîtres. Puis les ouvriers commencèrent à s’emparer des usines d’une façon désordonnée; ils ne pouvaient plus attendre et cette « nationalisation » locale commença même quelque peu avant la Révolution d’Octobre. Il est clair que cette prise de possession des entreprises par les ouvriers qui y travaillaient n’était pas une nationalisation. Elle ne se transforma en nationalisation que bien plus tard. Même après la Révolution d’Octobre, on procéda à la nationalisation d’une façon désordonnée. Il eût fallu évidemment commencer par les entreprises les plus vastes et les mieux organisées, mais on n’y réussissait pas toujours. On nationalisait souvent des entreprises abandonnées par leurs propriétaires et qu’on ne pouvait laisser sans surveillance ou celles dont les propriétaires manifestaient violemment leur haine des ouvriers. Pendant la guerre civile, il y eut évidemment beaucoup d’entreprises de ce genre; parmi elles, plus d’une était naturellement en très mauvais état, inutilisable. Il s’agissait surtout de celles qui s’étaient développées démesurément pendant la guerre, qui travaillaient « pour la défense nationale » et qui, construites hâtivement, sombrèrent vite pendant la Révolution. Toutes ces circonstances amenèrent les premiers temps un désordre encore bien plus grand.

Au début le pouvoir soviétique et ses organes n’avaient même pas la connaissance exacte de ce qui existait; ils n’avaient pas la comptabilité des entreprises, des réserves de charbon, des moyens de chauffage, des marchandises, pas plus d’ailleurs qu’ils ne possédaient aucun renseignement sur les possibilités de rendement, c’est-à-dire sur la nature et la quantité des produits que pouvaient créer les entreprises nationalisées.

La bourgeoisie se mourait, mais sans laisser de testament détaillé de ses biens au prolétariat qui « héritait » de ses richesses en s’en emparant dans une guerre civile acharnée. Dans ces circonstances, il ne pouvait évidemment pas être question, surtout au début, d’un plan général de production. L’ancienne organisation capitaliste se décomposait et la nouvelle organisation socialiste n’était pas encore créée.

Cependant une des tâches principales du pouvoir soviétique était et est encore l’unification de toute l’activité économique d’après un plan systématique applicable dans tout l’Etat. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra maintenir la productivité à un niveau suffisant pour pouvoir la faire progresser ensuite. Nous savons déjà, par la première partie de ce livre, que l’avantage du régime communiste, c’est précisément de supprimer le désordre et 1’ « anarchie » capitaliste. C’est le fondement du régime communiste. Certes, il serait ridicule de croire qu’on puisse arriver à des résultats merveilleux à bref délai, parmi le froid, la faim, le manque de combustibles et de matières premières. Mais personne, n’est-ce pas ? ne vit dans les fondations de la maison tant que sa construction n’est pas terminée et que les échafaudages ne sont pas enlevés, et cependant il faut bien faire ces fondations. Il en est de même pour cette maison qu’est la société communiste. Ses fondations, c’est l’organisation de l’industrie et en première ligne son unification d’après un plan étatiste. La réalisation de ce plan commença par le recensement de tout ce qui était à la disposition du pouvoir prolétarien : quantité des stocks, nombre des entreprises, etc.. Peu à peu s’établirent des liens entre les entreprises auparavant indépendantes, des organes d’approvisionnement se formèrent pour la fourniture des matières premières, du combustible et autres accessoires; on créa un réseau d’organes de direction centrale et locale de l’industrie capables d’élaborer et de faire appliquer un plan commun dans tout le pays. L’appareil de direction de l’industrie, si on l’examine de la base au sommet, est formé de la manière suivante : à la tête de chaque usine se trouve la direction ouvrière de l’usine, composée généralement de deux tiers d’ouvriers, membres de leur syndicat respectif, et d’un tiers d’ingénieurs désignés d’accord avec le comité central du syndicat. Pour certaines branches d’industrie peu développées, on a établi des directions régionales (de rayons) reliées aux soviets locaux de l’Economie nationale, qui à leur tour sont en relations avec les soviets locaux. Les branches plus développées de l’industrie sont contrôlées directement par les directions principales et centrales. C’est ainsi que la direction centrale du Textile s’occupe de toute l’industrie textile et que la direction principale des clous contrôle la production des clous, etc.. (Voir leur liste au premier paragraphe de cet article). Ces directions principales et centrales constituent chez nous ce qu’étaient sous le régime du capitalisme d’Etat, les trusts d’Etat de certaines branches d’industrie. La composition de ces directions est fixée par le présidium du Soviet supérieur de l’Economie Nationale (nous en parlerons plus tard) d’accord avec le Comité Central du syndicat intéressé ; en cas de différend, ce dernier est remplacé par la Centrale du Soviet panrusse des syndicats qui règle, d’accord avec le présidium du Soviet supérieur de l’Economie nationale, la composition de cette direction principale ou centrale. Les Soviets locaux de l’Economie nationale organisent ordinairement les entreprises de moindre importance.

Les directions principales et les Centrales sont à leur tour unifiées par groupes d’industries de même ordre. C’est ainsi qu’il existe la direction commune des usines mécaniques de l’Etat, la direction centrale de l’industrie du cuivre, la direction principale de l’industrie de l’or, etc.

[Pour illustrer ce que nous venons dire, nous allons indiquer les groupes faisant partie de l’industrie métallurgique[1] :

I er Groupe. — Usines de Sormovo-Kolomna (« Gomza ») 17 usines Groupes de :

1. Sormovo

2. Kolomna.

IIe Groupe. — Central des Hauts-Fournaux et Forges 3 usines
IIIe Groupe. — Fonderies de Kalouga-Riazan 9 usines 3. Vyksa.
IVe Groupe. — Usine Maitsev 6 usines 5. Vilki.
V e Groupe. — Central du Cuivre 10 usines 6. Filières (Provoloka).
VIe Groupe. — Automobiles Etc ; 3 usines 7. Bouchouévo.

Dans l’industrie à la tête de laquelle est la direction centrale de l’industrie textile se trouvent encore des « Kousty » (surtout dans l’industrie du coton), c’est-à-dire de petites entreprises qui font des produits manufacturés à un certain degré seulement aussi bien que des produits finis.

Il faut ajouter que généralement les formes actuelles de groupement et de direction sont encore loin d’être définitives : continuellement des formes nouvelles apparaissent et les anciennes se meurent.

C’est inévitable dans la période d’édification fiévreuse, au milieu de conditions si difficiles, alors que les fluctuations de la guerre civile nous feront demain perdre l’Oural que nous possédons aujourd’hui, et reconquérir l’Ukraine après en avoir été dépossédés.]

Ces groupes ne sont pas composés de quelques branches indépendantes, mais toutes les branches sont étroitement liées entre elles et forment un tout inséparable. Il est évident que ce sont les branches ayant des points communs qui sont liées entre elles les premières. Ainsi la production des clous, des machines, du cuivre et de ses produits appartient au groupe qui travaille les métaux. Les directions principales de ce groupe sont unifiées par le département des métaux (section des métaux) du Soviet supérieur de l’Economie nationale. Il y a plusieurs de ces départements industriels : le département des métaux, celui de l’industrie chimique, des produits alimentaires, de l’imprimerie, etc. En automne 1919, ces départements étaient composés d’une façon différente pour chacun d’eux. Dans le département des métaux, c’est le Comité Central de la Fédération panrusse des ouvriers métallurgistes qui exerçait principalement son influence ; les ouvriers métallurgistes sont avancés, instruits et très bons travailleurs, aussi ont-ils réussi à faire vraiment bien les choses dans les branches différentes de leur industrie. La situation n’est pas aussi brillante dans d’autres départements industriels. Par exemple, les ouvriers de l’industrie chimique ne pouvaient pas encore être représentés en 1919 dans leur département, n’étant à cette époque pas même encore groupés en syndicats.

Tous les départements dépendent du Soviet (Conseil) supérieur de l’Economie nationale. Il est composé des représentants du Soviet de l’Union des Syndicats, du Comité Central Exécutif panrusse des Soviets et des commissaires du peuple et possède un présidium chargé d’appliquer ses décisions. C’est à cette institution qu’incombe l’élaboration et l’application d’un plan unique national.

[L’activité des usines mécaniques de l’Etat où le syndicat des métallurgistes a une influence décisive nous montre que les ouvriers peuvent, grâce à une bonne organisation, élever considérablement la productivité des entreprises. Voici quelques chiffres[2].

Il fut produit :

Pièces de rechange pour wagons et locomotives

En 2 mois

Nov.-Dêc.

1918

24.250

En 6 mois

Janv.-Jutn

1919

94.419

Trains blindés, locomotives 2 10
Plates-formes 4 19
Wagons-citernes, plates-formes, etc. :

Nouveaux

477 1.191
Réparés _ 1.040
Wagonnets 148 522
Aiguilles de rails 0 754

La seconde période est trois fois plus étendue que la première, mais sa production en a bien plus que triplé].

Lorsque fut atteint un certain degré d’organisation et que cette organisation commença à donner certains résultats, on a pu procéder à l’approvisionnement par le moyen des directions principales des différentes industries et à la centralisation de la production dans les entreprises les mieux organisées. Ceci fut la conséquence du plan commun. Il est évident qu’il est plus avantageux de travailler dans les meilleures entreprises, de concentrer sur elles toute notre attention que de nous échiner inutilement sur celles qui n’en valent pas la peine. Certes, là encore, il faut tenir compte du manque général de combustible et de matières premières. C’est ce qui explique que l’on fut obligé de fermer à plusieurs reprises des entreprises même considérables (dans le Textile, par exemple). C’est aussi pourquoi l’on peut observer que se poursuit encore aujourd’hui la destruction partielle de l’industrie. En tous cas, cela ne dépend plus tant de l’absence d’organisation que de la pénurie des matières nécessaires à la production.

La centralisation de la production se poursuit néanmoins. C’est ainsi que la direction principale des usines de constructions mécaniques de l’Etat « Gomza » a fermé beaucoup d’entreprises sans valeur et concentré son attention sur les seize usines les meilleures. L’industrie électrotechnique qui, en régime capitaliste, était séparée en entreprises indépendantes est actuellement unie dans un seul organisme ; la même fusion a eu lieu dans d’autres branches de production (pâtes alimentaires, tabac, textile, etc.).

Le plus important, c’est l’usage approprié et économique des réserves existantes en forces et en matières. Nous avons vu que, dans la première période, on ne savait même pas le compte exact de ce que l’on possédait. Beaucoup d’objets disparaissaient, les réserves étaient pillées. Quant à l’utilisation rationnelle de quoi que ce soit, il ne pouvait même pas en être question. Mais, là encore, on commence à s’organiser, quoique difficilement. Du moins, à l’heure actuelle, sait-on plus ou moins bien le compte de ce que l’on possède[3].

Il est bien entendu que ce travail de réglementation et d’organisation de la production est très loin de la perfection. Dans bien des institutions le désordre et la confusion règnent encore. L’appareil de direction est loin d’être au point, mais son ossature existe déjà. Notre tâche est d’étendre notre travail de construction dans toutes les directions et de viser toujours davantage à l’unification de toute l’activité productrice du pays, à la systématisation et à la centralisation de la productivité, à l’utilisation rationnelle des matières premières et de toutes les réserves du pays.

[Voici un tableau comparatif concernant l’approvisionnement en combustibles et en matières premières. Il indique en même temps les progrès dans la comptabilité des stocks existants et dans la mise au point de notre appareil de direction, ainsi que dans l’utilisation judicieuse de toutes les réserves du pays.

A. —Combustibles :
En 1918 En 1919
1) Charbon de la région de Moscou et de Borovitch. 30.000.000 environ de pouds[4] 30.000.000 environ de pouds
2) Bois (extraction courante et réserves)

3) Tourbe

4.000.000 de sagènes cubes[5]

58.000.000 de pouds

5.000.000 de sagènes cubes

60.000.000 de pouds

4) Pétrole 93.000.000 — 00 (Bakou occupé par les Anglais)
B. — Matières premières en réserve dans les dépôts du Soviet supérieur de l’Economie nationale :
En 1918 En 1919
1) Lin inconnu 5 1/2 millions de pouds
2) Coton 6 1/2 millions de pouds (y compris le coton du Turkestan)
3) Laine 2.000.000 de pouds
4) Chanvre 2.000.000 —
5) Métaux 30.000.000 de pouds 40.000.000 (y compris ceux qui viennent de l’Oural)
6) Fourrures inconnu inconnu

On voit d’après cette table que l’organisation est en train. On voit également que notre principale difficulté provient de la perte du combustible liquide (pétrole).]

96. Extension de la collaboration économique avec les autres pays[modifier le wikicode]

Au problème de l’organisation de la grosse industrie est lié celui de nos relations avec l’étranger. La Russie des Soviets est encerclée par un blocus qui lui cause un dommage énorme. Quelle influence eut sur notre industrie et notre rendement l’interruption de nos relations économiques avec d’autres pays, les chiffres de nos importations de 1909 à 1913 vont nous le montrer :

Produits alimentaires Matières premières et produits a demi fabriqués Animaux Produits manufacturés Totaux
Milliers de roubles % Milliers de roubles % Milliers de roubles % Milliers de roubles % Milliers de roubles %
1909 182.872 100,0 442.556 100,0 7.972 100,0 272.937 100,0 906.336 100,0
1910 191.462 104,7 554.386 125,3 10.791 135,4 327.807 120,1 1.084.446 119,7
1911 206.909 113,1 553.143 125,0 10.997 137,9 390.633 143, 1.161.682 128,2
1912 209.647 114,6 555.516 125,5 11.979 150,3 394.630 144,6 1.171.772 129,3
1913 273.898 130,1 667.989 150,9 17.615 221,0 450.532 165,1 1.374.034 151,6

On importait surtout en Russie des produits manufacturés; leur importation augmenta en quatre années (1909-1913), de 65 % ; celle des matières premières et des produits à demi manufacturés augmenta de 50 % dans le même laps de temps. L’importation prenait donc rapidement de l’importance. On introduisait surtout des machines, des appareils, des produits manufacturés de fer et d’acier, des machines agricoles, des produits chimiques, des appareils électriques et d’autres moyens de production; même des objets de consommation (étoffes, produits manufacturés en cuir) étaient importés en quantités de plus en plus grandes.

La guerre supprima toutes nos relations commerciales avec l’Allemagne, puis vint le blocus de la Russie des Soviets qui interrompit aussi tout trafic avec nos anciens alliés. Nous recevions annuellement de l’étranger avant la guerre des marchandises pour environ 1 milliard 1/2 de roubles (taux d’avant- guerre). On voit par là le tort que nous causa le blocus. Aussi, la politique de notre parti doit-elle s’efforcer d’obtenir la reprise de nos relations économiques avec d’autres pays dans la mesure où cela est compatible avec nos buts généraux. Sous ce rapport la meilleure garantie serait une victoire décisive sur la contre- révolution.

Notre autre devoir concerne nos relations économiques avec les pays où le prolétariat est déjà victorieux. Avec ces pays, non seulement nous devons établir des relations d’échange, mais encore un plan économique commun. Une fois le prolétariat d’Allemagne victorieux, il faudra créer un organe commun qui dirigera la politique économique commune aux deux Républiques soviétiques. Cet organe calculerait la quantité de produits manufacturés par l’Allemagne, pourrait envoyer en Russie soviétique le nombre d’ouvriers qualifiés nécessaires, par exemple, aux usines russes de construction de locomotives et, réciproquement, établirait la quantité de matières premières ou de blé à faire parvenir en Allemagne. Nous savons déjà que pour sortir du chaos et de la ruine, l’Europe a besoin de l’union de tous ses Etats. Il est évident que nous ne pouvons fusionner avec un pays capitaliste. Par contre, nous pouvons et nous devons conclure une étroite alliance économique et créer une organisation économique avec les autres Républiques soviétiques. Notre but est la centralisation de la production sur une échelle internationale.

97. Organisation de la petite industrie, des métiers et du travail à domicile[modifier le wikicode]

Nous avons vu qu’une des principales difficultés de l’édification du communisme en Russie vient de ce que la Russie est en général un pays de petite production, comme d’ailleurs tous les pays arriérés ou peu développés. Cela concerne surtout l’agriculture. Mais dans l’industrie également il existe encore des vestiges de la production primitive : les travailleurs à domicile, les artisans, et les petits industriels atteignent un nombre assez considérable.

[D’après les statistiques d’avant-guerre, le nombre des travailleurs à domicile dans 34 gouvernements atteignait environ 1.200.000.

Ils étaient répartis dans les différentes industries d’après les chiffres suivants :

I. — Minéraux : 66.400.

Poterie et Vaisselle; Briques et Tuiles; Meules, Pierres à faux; Cuivre; Chaux.

II. — Bois : 467.900.

Nattes, Tonneaux, Cuves en bois; Menuiserie, Ebénisterie; Sabots; Traîneaux, Voitures; Paniers,

Cannage de meubles; Roues, Jantes; Charbon de bois et Goudron; Vaisselle et Cuillers en bois;

Industrie batelière et Charpente; en tout, 18 industries.

III. — Métaux : 130.500.

Forges, Clous, Haches; Serrures, Crampons, Couteaux; Joaillerie, Horlogerie ; Fonte ; Ferrures pour portes et fenêtres ; Seaux et Tuyaux.

IV. — Tissus : 65.200.

Filature; Feutre; Tissage; Fil; Dentelles; Fichus; Filets et Cordes; Draps, Tapis; Casquettes et

Chapeaux; Brosses, etc.; en tout, 11 industries.

V. — Cuirs 208.300.

Cordonnerie; Fourrures de peaux de mouton; Cuirs et Peaux; Harnais; Fourrures et Gants; Peignes.

VI. — Divers ; 185.400.

Tailleurs, 104.900; Productions diverses, 73.800; Images saintes, 3.600; Harmonicas, 3.100.

Au cours de la guerre, le nombre de ces travailleurs à domicile diminua considérablement, jusqu’à 1.000.000, à en croire certains recensements, bien que de nombreux ouvriers se fussent tournés vers le travail à domicile, par suite de la ruine de l’industrie. Cela s’explique par l’émigration des petits artisans vers les régions riches en céréales. En général, dans les départements affamés, comme dans ceux de Vologda ou de Novgorod, le nombre des petits artisans diminua de 20 à 25 %. Par contre, dans les départements de Koursk, d’Orel, de Tambov, de Simbirsk, leur nombre est en accroissement de 15 à 20%].

Le pouvoir prolétarien a à résoudre ce problème : comment incorporer cette masse de petits producteurs au système général de l’économie socialiste en voie de réalisation ?

Tout d’abord, il est évident que l’expropriation par la violence est dans ce cas inadmissible. On ne peut pas pousser de force le petit producteur vers la félicité socialiste. Mais il faut faire tout le possible pour faciliter cette transition et lui en faire comprendre la nécessité. On peut y arriver sous certaines conditions.

Premièrement, par l’introduction de l’industrie à domicile dans le plan général d’approvisionnement en matières premières et en combustibles.

En effet, le travailleur à domicile, recevant de l’organisation de l’Etat prolétarien ce qui est le plus nécessaire à sa production, tombe dans la dépendance de l’Etat. En régime capitaliste, les matières premières lui étaient souvent fournies par le fabricant ou par le négociant et il était en leur dépendance. Il est clair que le fabricant ou l’acheteur ne l’approvisionnait que pour l’exploiter. Le petit artisan n’était rien autre qu’un ouvrier à domicile travaillant pour le capitaliste. Il en est tout à fait autrement si le travailleur à domicile est dans la dépendance de l’Etat prolétarien. Ce dernier ne veut pas et ne peut pas exploiter l’ouvrier à domicile; il ne veut que l’aider à s’organiser, d’accord avec tous les autres ouvriers. Il ne prélèvera pas de bénéfices sur son travail (cela n’est pas dans ses principes), mais il s’efforcera de l’amener à l’organisation ouvrière générale de l’industrie. Le petit artisan dépendant du fabricant ou de l’acheteur travaillait pour eux. Il était leur bête de somme. Le petit artisan dépendant de l’Etat prolétarien est un ouvrier de la collectivité. Aussi est-il tout d’abord nécessaire de le comprendre dans le système général d’approvisionnement.

Deuxièmement, il est nécessaire que l’Etat apporte aux petits artisans une aide financière. Auparavant, en régime capitaliste, c’était l’acheteur, l’usurier, qui le soutenait financièrement. Mais il le soutenait comme la corde soutient le pendu, c’est-à-dire en l’étranglant. Il l’asservissait de la façon la plus barbare, pour le sucer, comme l’araignée suce la mouche tombée dans ses filets. L’Etat prolétarien peut l’assister pécuniairement, en lui donnant des avances sur les commandes sans aucun intérêt et par suite sans usure.

Troisièmement. Il est bien entendu que l’Etat prolétarien ne peut faire de commandes au petit artisan que d’une manière centralisée. En lui fournissant les matières premières, le combustible, les produits accessoires, des outils et des instruments dans la mesure du possible, en lui donnant des commandes d’après un plan déterminé, le pouvoir prolétarien entraîne peu à peu l’ouvrier à domicile dans le système général de production du pays.

De cette façon, les ouvriers à domicile sont graduellement amenés à la production commune organisée sur des bases communistes, non seulement parce qu’ils sont approvisionnés par la production sociale, mais aussi parce qu’ils travaillent directement pour l’Etat prolétarien et d’après un plan prescrit par celui-ci.

Quatrièmement, il ne faut soutenir les petits artisans de la manière indiquée, qu’à la condition qu’ils se groupent. Il faut favoriser ceux qui s’unissent et s’organisent en artels (sorte de coopératives de travail), en communautés de travail, en coopératives de production et surtout, ce qui est le plus important, il faut grouper ces organisations pour qu’elles passent de la petite exploitation privée à la grande production fraternelle.

Chaque petit patron, y compris l’ouvrier à domicile, a en son for intérieur le désir de devenir grand patron, de « se monter » et de devenir un véritable entrepreneur avec des ouvriers salariés, etc... En régime capitaliste, les artels, les coopératives ouvrières en se développant dégénèrent en entreprises capitalistes : Il en est autrement en période de dictature du prolétariat. Ici. le capitalisme n’est pas à la tête, car c’est le pouvoir d’Etat des ouvriers qui organise toutes ces associations, qui détient tous les moyens financiers et surtout les moyens de production. Il était stupide autrefois de croire que le développement des coopératives ouvrières pourrait nous conduire au socialisme, puisqu’en se développant elles devenaient inévitablement des sociétés capitalistes. Maintenant que nous avons la possibilité de les incorporer dans l’organisation étatiste, toutes ces associations peuvent contribuer à l’édification du socialisme. Ce n’est pas sur l’attachement des petits artisans au communisme que nous devons compter (car tous les petits patrons, les petits artisans sont imbus de bien des préjugés contre le communisme), mais sur les conditions actuelles qui exigent qu’ils soient avec nous et non contre nous.

En favorisant l’organisation des ouvriers à domicile, nous contribuerons à leur transformation imperceptible en ouvriers de la production sociale, unie, organisée, travaillant avec la régularité d’une machine.

[Il y a déjà quelque chose de fait dans cette direction. Pour là saison d’hiver 1919-1920, plusieurs commandes furent données par l’Etat aux petits artisans : 2 millions de bottes en feutre, 2.200.000 paires de mitaines de laine, une quantité de produits tricotés, de chaussures, de fourrures, etc. II y a une amélioration dans l’organisation pratique de cette œuvre. Tandis qu’en hiver 1918-1919, les ouvriers à domicile n’ont produit que 300.000 paires de bottes de feutre (au 1er mars 1919), vers les mois d’octobre-novembre seulement de la saison 1919-1920, on en a déjà obtenu plus de 500.000 paires.

Les avances furent accordées systématiquement : on a distribué des matières premières, du pétrole, des lampes d’éclairage, du combustible. L’organisation en 1918-1919 se présentait sous l’aspect suivant : on réunissait en conseil les représentants des organisations coopératives de la production et ceux des associations de travailleurs à domicile avec les représentants de la section des petits artisans du Soviet supérieur de l’Economie nationale. Le Conseil ainsi formé adoptait un plan commun d’action. Le Syndicat central de coopératives de production et de vente des produits de l’industrie à domicile est à ce point de vue la plus forte organisation de petits artisans entraînée au travail organique d’ensemble. Il groupe 29 unions avec 1.306 coopératives comptant 631.860 ateliers de petits artisans. L’approvisionnement s’effectue par les organes des Centrales ou par les Soviets locaux de l’Economie nationale. Il faut remarquer que depuis l’avènement du Pouvoir soviétique le nombre des unions augmente rapidement.]

Il est certain qu’il n’est pas encore définitivement établi comment s’organise l’union entre les différentes parties de l’appareil économique des Soviets. Bien des organisations se modifient assez vite. Mais ce qu’il nous faut constamment surveiller, c’est le bon réglage de notre appareil, la fermeté de notre organisation et la systématisation de toutes nos actions.

98. L’organisation industrielle et les syndicats[modifier le wikicode]

Ce sont les syndicats ouvriers qui auraient dû s’adapter le plus facilement aux problèmes d’organisation et de direction de l’industrie en Russie.

En régime capitaliste, les syndicats qui, tout d’abord, unissaient les ouvriers seulement par métiers et ensuite d’après les différentes branches de la production étaient avant tout un moyen de lutte contre les capitalistes, surtout de lutte économique. A l’époque de la tourmente, ils dirigeaient avec le parti de la classe ouvrière, avec les bolcheviks, l’attaque générale contre le capital. Le parti, les syndicats et les soviets marchaient en complet accord contre le régime capitaliste. Après la conquête du pouvoir politique, le rôle des syndicats devait naturellement se modifier. Auparavant, ils organisaient des grèves, arme efficace dans la lutte contre le capitalisme. Actuellement les capitalistes n’existent plus comme classe dominante, il n’y a plus de patrons ni d’entrepreneurs. Auparavant le but principal des syndicats était de détruire l’ordre qui dominait dans les usines. Après le mois d’octobre 1917, le moment est venu d’instituer l’ordre nouveau.

L’organisation de la production, voilà la tâche des syndicats à l’époque de la dictature du prolétariat. Au cours de leur existence les syndicats ont réussi à unir étroitement les masses énormes du prolétariat. Ils étaient les organisations prolétariennes les plus fortes et en même temps les plus directement liées à la production. De plus au moment de la Révolution en Russie, ils avaient entièrement embrassé la cause de la dictature prolétarienne. De toute évidence, c’était à ces organisations, en effet, que devait passer la direction effective de l’industrie et en même temps celle de la principale force productive de la force ouvrière. Quelles relations devaient nécessairement s’établir entre les syndicats et le pouvoir prolétarien ?

Rappelons-nous ce que faisait la bourgeoisie pour remporter ses plus grands succès. Elle créait le capitalisme d’Etat, associant étroitement avec le pouvoir de l’Etat toutes les autres organisations, surtout économiques (les syndicats, trusts, consortiums). Le prolétariat, qui se doit de mener à la victoire définitive sa guerre contre le capital, doit lui aussi centraliser de la même façon ses organisations. Il possède des Soviets de députés ouvriers comme organes du pouvoir d’Etat, il a à sa disposition des syndicats et des coopératives. Il est évident qu’il faut relier entre elles par le centre ces associations pour que leur travail soit coordonné. Mais alors une question se pose : A quel organisme faut-il les relier ? La réponse est facile : il faut choisir le plus fort et le plus puissant et c’est précisément l’organisme d’Etat de la classe ouvrière, c’est-à-dire le pouvoir soviétique. II faut donc que les syndicats comme les coopératives se développent de façon à se transformer en sections économiques et organes du pouvoir d’Etat, c’est-à-dire en venir à l’« étatisation ».

[Les partis opportunistes qui oubliaient continuellement la lutte de classes soutiennent le point de vue dit « de l’indépendance » du syndicalisme à l’époque de la dictature du prolétariat. Ces Messieurs affirment que les syndicats étant des organisations de classe, il faut qu’ils soient indépendants du pouvoir d’Etat.

Il est facile de distinguer le mensonge qui se cache ici sous le masque d’un fallacieux point de vue « de classe ». On ne peut opposer « l’Etat » aux organisations de classe, car l’Etat lui-même est une oganisation de classe. Lorsque les menchéviks et les autres protestent contre l’association avec l’Etat ouvrier, ils se manifestent ainsi partisans de la bourgeoisie. Et en effet, ce sont eux qui sont pour la dépendance de l’Etat bourgeois.

Les menchéviks parlent souvent des syndicats comme organismes d’Etat. Ils oublient que cet Etat est actuellement l’Etat ouvrier. Les menchéviks auraient préféré qu’il restât toujours bourgeois. L’indépendance à l’égard du pouvoir ne peut être en réalité que la dépendance à l’égard de la bourgeoisie.]

Les nouveaux problèmes qui se posèrent devant les syndicats professionnels exigèrent leur transformation rapide en Unions de production. Il est évident que si les syndicats sont chargés de l’organisation de la production, ils ne doivent plus grouper les ouvriers de même profession ou de même corporation, mais les grouper par entreprises et par branches de production. Autrement dit, aux problèmes nouveaux doit correspondre une nouvelle organisation des syndicats de façon que tous les ouvriers et tous les employés d’une même entreprise se constituent en un syndicat unique. Auparavant les syndicats ouvriers étaient groupés dans les syndicats par professions. Même si, par la suite, il y eut tendance à se syndiquer par branche de profession, ce fut toujours d’une façon confuse et désordonnée. Le syndicat des métallurgistes, par exemple, acceptait comme membres non seulement des camarades travaillant dans l’industrie métallurgique, mais aussi tous les ouvriers des métaux en général, même ceux occupés dans une tout autre branche d’industrie. Cela ne s’accorde pas du tout avec l’organisation de la production où chaque entreprise et chaque branche d’industrie sont déjà des organismes vivants. Pour organiser la production, il faut s’adapter à ses besoins réels et se grouper en conséquence, c’est-à-dire d’après les différentes branches de production, en formant des syndicats comprenant tous ceux qui y travaillent.

[Pour illustrer ce que nous venons de dire concernant la transformation des syndicats professionnels en syndicats par production, nous allons donner les résultats obtenus dans la métallurgie à Pétrograd.

AVANT LA TRANSFORMATION

Fin 1917 au début 1918

APRES LA

TRANSFORMATION

1) Union des métallurgistes L’Union des métallurgistes

avec ses sections (affiliée à

l’Union panrusse des métallurgistes) englobe

exclusivement tous les

ouvriers occupés dans

l’industrie métallurgique.

2) Union des chauffeurs
3) Union des fondeurs
4) Union des lamineurs
5) Union des modeleurs
6) Union des orfèvres
7) Union des horlogers
8) Union des électriciens
9) Union des machinistes
10) Union des vérificateurs

C’est ainsi qu’au lieu de petits syndicats fragmentés par métiers nous avons actuellement de grandes Unions de production. La tâche de notre parti dans ce domaine consiste à hâter cette unification et à favoriser la création d’Unions de production qui engloberaient tous les travailleurs sans exception, occupés dans chaque branche de la production.

D’après les données du département de la statistique du Soviet supérieur panrusse des Syndicats, le nombre d’adhérents aux syndicats de production atteint les chiffres suivants :

Dans le 1er semestre 1917 ce nombre était de. 335.938

Dans le 2e — 1917 — 943.547

Dans le 1er — 1918 — 1.649.278

Dans le 2e — 1918 — 2.250.278

Dans le 1er — 1919 — 2.825.018

Dans le premier semestre 1919, 31 syndicats panrusses, non compris le syndicat des cheminots et celui des transports par eau, englobaient 2.801.000 adhérents (le reste était organisé dans des syndicats locaux). Si l’on ajoute les 722.000 membres du syndicat des cheminots et les 200.000 syndiqués des transports par eau, le nombre total des adhérents groupés dans les syndicats de production atteint 3.700.000. Les syndicats sont unis par 33 Comités centraux. Il faut encore y ajouter un nombre considérable de syndicats de production non centralisés. Le département de la statistique évalue le nombre des ouvriers organisés (y compris les provinces occupées) à quatre millions, étant donné que les ouvriers des usines ayant cessé de fonctionner comptent encore comme membres des syndicats de production.]

D’après les lois de la République des Soviets et d’après la pratique établie, les unions de syndicats (groupés par production) participent aux travaux des organes locaux et centraux de la direction de l’industrie. Il s’ensuit que ces syndicats jouent un rôle important et même décisif dans les commissariats, dans le Soviet supérieur et autres Soviets de l’Economie nationale, dans les directions principales et centrales de l’industrie et dans les directions ouvrières d’usines.

Cette mainmise sur la production par les syndicats est toutefois loin d’être terminée. Il existe encore bien des branches de la production nationale où les ouvriers ne savent pas encore tenir le gouvernail comme il le faudrait : cela concerne surtout les directions principales ou centrales où l’on rencontre des spécialistes bourgeois agissant sans contrôle et qui voudraient bien organiser la production à leur manière, dans l’espoir secret d’un retour au « bon vieux temps » où ils pourraient vite transformer en trusts capitalistes les directions existantes. Pour s’opposer à cela, il faut que la participation des syndicats à la direction de l’industrie soit de plus en plus grande jusqu’à ce que la production nationale depuis le haut jusqu’en bas soit effectivement aux mains des Unions et des Syndicats de production.

[Parmi les organismes inférieurs de la direction de l’industrie il faut surtout distinguer l’activité des Comités d’usines. Par leur nature ils sont des cellules des syndicats soumises à la direction des syndicats respectifs. Ces comités élus par les ouvriers de l’entreprise s’occupent de l’organisation intérieure en ce qui concerne la force ouvrière. Ils s’occupent de l’embauchage ou du renvoi des ouvriers, du paiement des salaires et de l’assurance matérielle des familles ouvrières, du rendement du travail, de la discipline, etc. Ces comités sont en même temps d’excellentes écoles élémentaires pour enseigner l’art de diriger aux masses ouvrières.]

Les syndicats (par production) doivent ainsi assurer la liaison la plus étroite entre les organes centraux du gouvernement d’Etat, l’économie nationale et les masses profondes des travailleurs.

Le devoir principal et immédiat des syndicats est d’amener des masses de plus en plus nombreuses à la direction de la vie économique. S’appuyant sur les comités d’usines, unissant presque tous les ouvriers, les syndicats doivent fournir constamment de nouveaux travailleurs aptes à participer à l’organisation de la production. A ce même but servent et l’enseignement direct par la pratique (dans les comités d’usines, dans les directions, dans le Soviet de l’Economie nationale, etc.) et l’enseignement spécial, diffusé par les syndicats, de caractère théorique (cours d’instructeurs, etc.).

L’attachement de masses nombreuses à l’œuvre de la construction est en même temps le meilleur moyen de lutte contre la bureaucratie qui sévit dans l’appareil économique du pouvoir soviétique et qui parfois dépasse toute mesure, surtout là où il y a peu d’ouvriers et beaucoup de « fonctionnaires soviétiques ». De la paperasserie, de la grossièreté, de l’esprit de caste, de la négligence et du sabotage, il y en a beaucoup trop dans les institutions économiques. Pour que tout cela disparaisse, il faut faire sortir de leurs bas-fonds les masses ouvrières. De cette façon seulement il sera possible d’établir un véritable contrôle populaire du travail dans toutes les institutions économiques.

99. L’utilisation de la force ouvrière[modifier le wikicode]

La bonne utilisation de la force ouvrière dont nous pouvons disposer a pour notre œuvre une importance énorme. Quand les moyens de production son épuisés et qu’il y a insuffisance de matières premières, la force ouvrière est la base de toute production et tout dépend de son emploi judicieux. Nous sommes en face des problèmes suivants : utiliser toutes les forces, autrement dit, mettre en valeur tous les éléments capables de produire, leur trouver du travail, les occuper. Il ne faut pas oublier ceci : à notre époque de famine chaque consommateur qui ne fournit aucun travail utile est une charge pour la communauté. De ceux- là il y a foule. Et cependant il y a une quantité de travaux qui peuvent être exécutés sans moyens compliqués de production; par exemple, les travaux de salubrité des villes, d’entretien des voies de communication, de fortification des places, de nettoyage des casernes et de toutes sortes d’habitations; il y a des travaux concernant la production de matières premières et de moyens de chauffage : la coupe et le transport des bois, l’extraction de la tourbe, etc. Il est vrai qu’il y a beaucoup d’obstacles : on peut trouver des hommes et des haches, mais il n’y a pas de quoi les nourrir — et l’abattage du bois s’arrête. Mais tout de même il est clair que sans l’utilisation de toute la force de travail vivante, nous ne pourrons jamais sortir de notre situation difficile.

A cela est en outre liée la question de la mobilisation générale pour l’exécution des divers travaux publics. Il y a dans le travail urgent des fortifications une excellente utilisation des forces de travail des masses qui seraient perdues sans cela. 11 faut poser ce problème d’une manière systématique. Le travail obligatoire est bien inscrit dans la constitution de la R.S.F.S.R., mais il est loin d’être appliqué en réalité. C’est la première tâche : l’utilisation de la totalité des forces ouvrières dans la République du travail.

La deuxième tâche est celle de la distribution et de la répartition des forces du travail. Il est évident que la productivité du travail dépend de la manière dont seront réparties ces forces entre toutes les branches et dans tous les domaines.

Cette distribution des forces ouvrières et leurs déplacements divers demandent naturellement un travail immense de recensement pour élaborer une méthode et un plan. Si on n’a pas fait le compte de toutes ces forces, on ne peut pas les répartir d’une façon régulière. Ce problème ne peut être résolu par le pouvoir des Soviets qu’avec l’aide des syndicats professionnels.

100. La discipline de travail entre camarades[modifier le wikicode]

L’état des forces productives d’un pays est déterminé non seulement par la quantité de machines, d’outils et de matières premières, mais aussi par la quantité de forces ouvrières disponibles. Maintenant surtout où les moyens de production sont réduits, la situation de la force ouvrière et le travail humain deviennent d’une importance capitale.

Le système capitaliste de production tenait la classe ouvrière sous le joug en la forçant à travailler pour le patron et sous une discipline impitoyable. La Révolution a miné et détruit totalement cette discipline de travail capitaliste, comme elle a détruit dans l’armée la discipline impérialiste et fait disparaître l’obéissance des soldats aux généraux tsaristes. Mais il est clair que sans une nouvelle discipline, il est impossible de songer à l’édification communiste de la société. Ici il y a un parallélisme absolu avec l’armée. Nous avons détruit l’ancienne armée. Il y a eu pendant un certain temps de « l’anarchie », du désordre, rien n’était organisé. Mais nous avons formé une armée nouvelle, sur des bases nouvelles, pour des buts nouveaux, une armée qui est entre les mains du prolétariat et qui combat ceux des propriétaires et des capitalistes qui disposaient de l’ancienne armée.

Il en est de même avec « la grande armée du travail », avec la classe ouvrière. Le temps de la désorganisation de l’ancienne discipline est passé. Il se forme une nouvelle discipline de travail fraternelle, créée et soutenue non pas par le patron et le fouet capitaliste, mais par les organisations ouvrières elles-mêmes, par les comités d’usines et les syndicats. Dans l’organisation de la production, il ne faut pas perdre de vue l’organisation du travail à l’usine. Aussi la discipline de travail fraternelle est-elle un des moyens les plus importants de l’organisation de la production en commun et du relèvement des forces productives. La discipline fraternelle doit être accompagnée de la plus grande indépendance de la classe ouvrière. Les travailleurs ne doivent pas attendre les ordres d’en haut, sans jamais manifester d’initiative : tout au contraire, aucune amélioration dans la production, aucune invention de moyens nouveaux dans l’organisation du travail, etc. ne doit être entravée. Souvent des éléments ouvriers rétrogrades ne voient pas la nouvelle voie à faire prendre au travail. Les ouvriers sont réunis en syndicats d’industrie qui dirigent la production, les travailleurs contrôlent quotidiennement et le comité des ouvriers d’usine et le comité directeur de l’usine. Avec un peu d’activité tout peut passer de bas en haut par les organismes ouvriers. Il suffit d’avoir confiance et de se dire que la classe ouvrière est désormais la maîtresse du pays et de l’avenir.

La discipline du travail doit s’appuyer sur la conscience de la responsabilité de chaque travailleur vis-à-vis de sa classe, sur le sentiment que la négligence et l’indolence sont des crimes envers la cause commune. Nous n’avons plus de capitalistes comme caste dirigeante. Les ouvriers travaillent maintenant non pour le capitaliste, non pour l’usurier, non pour le banquier, mais pour eux-mêmes. Ils travaillent pour leurs propres besoins; ils construisent un édifice qui appartient aux travailleurs. Jadis, sous le règne des capitalistes, nous n’avions pas à penser comment remplir leurs poches. Maintenant, c’est autre chose. Il faut que cette conscience de sa responsabilité à l’égard de toute la classe ouvrière vive dans l’âme de chaque ouvrier.

La discipline du travail doit, en définitive, s’appuyer sur un contrôle mutuel des plus sévères. Sachant que l’abaissement de la production est la perte de la cause ouvrière, que sans un mouvement en avant nous allons mourir, il faut que tous les camarades surveillent avec « l’œil du maître » les efforts faits pour puiser dans la nature l’énergie créatrice. Le travail est aussi la lutte, la lutte contre la nature. Il nous faut vaincre cette nature, transformer ses éléments en vêtements, en combustibles, en aliments. Et de même que dans la lutte sur le front, contre l’ennemi de classe — le capitaliste, le propriétaire, le général — nous comptons nos succès, nous surveillons ceux qui désertent, ceux qui trahissent, de même il nous faut là aussi nous contrôler mutuellement. Celui qui trahit maintenant la cause ouvrière, celui qui n’aide pas à sortir de l’ornière notre char ouvrier embourbé — celui-là est le saboteur de la classe ouvrière.

Bien entendu la création de la nouvelle discipline demande un grand effort de rééducation des masses. La psychologie d’esclave, les habitudes d’esclave persistent encore chez bien des gens. C’est comme dans l’armée. Quand c’était le tsar qui jetait les soldats dans la bataille, ils y marchaient ; quand il s’agit de défendre leur cause, ils se grattent l’oreille. Mais nous avons créé tout de même une armée — l’avant-garde des travailleurs a parfaitement compris de quoi il s’agissait et elle a réussi à faire ce qu’elle voulait. C’est dans la production maintenant qu’il faut atteindre le même but. La rééducation est facilitée par le fait que les masses ouvrières se rendent compte tous les jours que leur sort est dans leurs propres mains. C’est surtout là où le pouvoir des Soviets a été remplacé momentanément par les forces contre-révolutionnaires qu’elles comprennent le mieux ces vérités : ainsi dans l’Oural, en Sibérie, etc.

L’avant-garde des ouvriers communistes a donné l’exemple d’une nouvelle discipline fraternelle en organisant ce qu’on appelle les Samedis communistes, pendant lesquels les soubbotniks (de soubbota. samedi) travaillent volontairement et gratuitement en doublant et en triplant même parfois la production normale.

[Les Samedis communistes ont été appelés par le camarade Lénine « une grande initiative ». Les premiers qui les ont organisés ont été les cheminots communistes de Moscou, et tout de suite on a remarqué une grande hausse dans la production. Sur la ligne d’Alexandrovsk, cinq tourneurs ont fait en 4 heures 80 cylindres (213 % de la production habituelle); pendant le même laps de temps vingt journaliers ont rassemblé 600 pouds (un poud 16 kg environ) de matériel hors d’usage et 70 ressorts de wagons, pesant chacun 3 pouds 1/2 (300 % de la production). Cela a commencé ainsi. Les soubbotniks apparurent ensuite à Pétrograd où ils furent tout de suite organisés sur une large base. Voici les chiffres :

Nombre d’ouvriers
1. « Soubbotniki »,le 16 août 5.175 Le travail de ces 5 jours

s'élève à 1.167.188 roubles

2. — 23 août 7.650
3. — 30 août 7.900
4. — 6 septembre 10.250
5. — 13 septembre 10.500

Ensuite, les soubbotniks pénétrèrent en province et commencèrent à entraîner aussi les ouvriers non communistes. L’initiative des cheminots de Moscou a donc été heureuse, ils ont trouvé là une bonne méthode d’élaboration de la nouvelle discipline.]

La création de la nouvelle discipline de travail ne peut naturellement se passer de la collaboration des syndicats. Bien plus ce sont justement les syndicats qui doivent faire progresser cette réforme en essayant de nouvelles formes, en cherchant des voies nouvelles, car tout cela est nouveau et sans précédent et ici aussi on ne fera pas grand-chose avec de vieilles méthodes.

Parmi les mesures qui sont déjà appliquées et qui doivent être développées et perfectionnées, notre parti indique les suivantes :

1) L’établissement d’un bureau de statistique .- cette institution va très mal chez nous et, cependant, sans elle on ne peut ni suivre une affaire, ni la contrôler, ni trouver la racine du mal.

2) L’établissement de la moyenne de travail : ceci commence à peine à se développer. Les capitalistes ont établi dans leurs entreprises une moyenne de travail pour soutirer aux ouvriers de la plus-value ; chez nous ces moyennes devront être fixées par les syndicats, c’est-à-dire par les organisations ouvrières. Il appartient à celles-ci d’établir elles-mêmes les possibilités de la production en tenant compte du froid, de la faim, du manque de matériel et du mauvais état des machines. Mais une fois ces données établies, c’est un mauvais ouvrier que celui qui n’exécute point sa tâche. Il nous faut créer « l’honneur du travail », afin que chaque travailleur considère celui qui, sans un motif sérieux, n’apporte pas son obole à la cause commune comme un chenapan sans honneur.

3) L’établissement de la responsabilité devant les tribunaux de travail ouvriers. — Cela veut dire que non seulement chacun sera contrôlé par ses camarades, mais encore qu’il pourra être appelé à se justifier du mauvais travail fourni. Ici encore ce n’est pas le patron qui rend responsable son esclave salarié, mais la classe ouvrière et ses organisations qui jugeront leurs membres défaillants.

On peut imaginer encore toute une série de mesures. Mais elles reviennent toutes à ceci : constituer l’armée du travail en bataillons de combat qui tracent les voies d’une société nouvelle.

101. L’utilisation des spécialistes bourgeois[modifier le wikicode]

La grande production contemporaine ne peut être imaginée sans ingénieurs, mécaniciens, savants spécialistes, théoriciens et praticiens. Le milieu ouvrier n’en compte pas : ni le gouvernement tsariste, ni celui des propriétaires et des bourgeois n’ont permis aux travailleurs d’étudier. Mais le temps presse et nous n’avons qu’une issue : utiliser ces forces qui servaient la bourgeoisie non par peur, mais par conviction. Le Parti sait parfaitement que cette classe d’intellectuels techniciens, d’anciens directeurs et d’organisateurs capitalistes est tout à fait imbue de l’esprit bourgeois. Plus encore : une grande partie de cette caste nous est très hostile et est prête à nous trahir en faveur de nos ennemis de classe. Mais nous devons tout de même les employer puisque nous n’en avons pas d’autres et que nous n’avons pas le choix.

Cette caste a mené contre le prolétariat une lutte acharnée, surtout par le sabotage. Le pouvoir des soviets a brisé ces sabotages. Peu à peu quelques groupes ont commencé à venir à nous en voyant que la classe ouvrière sait non seulement détruire, mais aussi construire et que son parti ne pense nullement à vendre la Russie à l’impérialisme germanique. Plus d’un commence à comprendre que le capitalisme ne peut plus vivre en ce monde. Il y a un commencement de scission dans cette classe. Le devoir du prolétariat consiste à favoriser de plus en plus cette scission.

Evidemment il ne faut pas s’attendre ni à de la fidélité ni à du dévouement pour le communisme de la part de ces « spécialistes ». Il serait naïf d’espérer que ces gens, attachés par des liens multiples à la bourgeoisie, pourront être transformés en peu de temps. Mais il faut que le prolétariat se conduise ici en patron avisé : ces éléments lui sont nécessaires, il faut les contraindre à travailler pour lui.

Il faudrait agir ainsi : encourager ceux qui travaillent honnêtement, ne pas ménager l’argent et bien les payer — voilà ce que dicte une sage prévoyance. Mais avec la contre-révolution, avec la lutte contre le prolétariat, avec une politique de trahison, avec le sabotage — il faut être sans pitié. Le prolétariat doit et sait apprécier les bons et honnêtes travailleurs. Mais il ne peut admettre qu’on lui nuise, surtout maintenant, quand il faut souffrir de la faim et de toutes sortes de privations.

Naturellement il faut un contrôle sévère surtout envers les spécialistes choisis parmi les anciens directeurs et les gros capitalistes. Ils ont tenté plus d’une fois de tirer la couverture de leur côté. Mais il faut appliquer ici les mêmes mesures que dans la lutte contre les trahisons des anciens officiers et généraux du front.

D’un autre côté le Parti se dressera contre cette idée fausse par trop simpliste que nous pourrions nous passer de tous spécialistes. C’est une sottise. Ainsi parlent seulement les ignorants qui n’ont jamais pensé sérieusement aux lourdes tâches qui écrasent actuellement les épaules du prolétariat.

Le prolétariat doit organiser la production actuelle suivant les dernières découvertes de la science. Il doit naturellement préparer (et prépare déjà) des ingénieurs et techniciens rouges de la même manière qu’il prépare des officiers rouges. Mais le temps presse et il faut utiliser ce qui existe tout en prenant des mesures contre le mal qui peut en résulter, en y remédiant, en organisant un contrôle sur ceux qui nous sont étrangers.

Il se pose ici une autre question encore, celle des traitements. Le communisme tend à l’égalité des salaires. Mais nous ne pouvons malheureusement pas faire un saut brusque dans le communisme. Nous ne faisons que les premiers pas vers lui. Et là encore nous ne devons nous laisser guider que par !e simple calcul.

Si les spécialistes n’avaient que les salaires des manœuvres, il leur serait indifférent d’être manœuvres ou ingénieurs. Beaucoup de ces gens, habitués avec un autre genre de vie à travailler avec conscience, ne le feraient plus. Il est préférable de mieux les payer pour obtenir de meilleurs résultats. Le prolétariat doit dans ce cas agir comme le patron avisé : payer davantage pour obtenir le meilleur résultat, ceux sans lesquels actuellement on ne peut rien faire.

Il est clair cependant que notre politique fondamentale doit tendre à égaliser les salaires. Et dans ce sens le pouvoir des Soviets est allé assez loin. Dans l’ancien temps, les traitements des employés supérieurs (directeurs, chefs comptables, ingénieurs en chef, organisateurs, conseillers juridiques et scientifiques, etc.), en comptant les diverses gratifications, étaient de plusieurs douzaines de fois supérieurs aux salaires des manœuvres; maintenant ils ne leur sont que quatre fois supérieurs, c’est-à-dire que nous avons réduit l’écart de leurs situations mutuelles d’une façon considérable.

[Les salaires tendent aussi à s’égaliser entre les différentes catégories d’ouvriers. Suivant les données du camarade Schmidt, en 1914, 4,43 % des travailleurs recevaient des salaires journaliers de 50 kopeks[6] mais il y avait aussi des ouvriers (0,04 %) qui recevaient à la même époque plus de 10 roubles[7]. Comme vous le voyez, la paie variait de 1 à 20. Il y avait évidemment peu de ces veinards dont la paie était de 10 roubles, mais il y en avait. En 1916, 1/2 % d’ouvriers hommes recevaient 50 kop. et 1,15 % gagnaient plus de 10 roubles.

Maintenant, suivant le décret d’automne 1919, les salaires les plus bas sont fixés à 1.200 roubles, les plus élevés à 4.800 roubles — et ceci s’applique également aux spécialistes.]

La séparation de certains groupes d’intellectuels techniciens d’avec la bourgeoisie et leur ralliement au prolétariat s’opérera d’autant plus vite que le pouvoir des Soviets se consolidera. Et puisque ceci ne peut manquer de se produire, l’afflux d’intellectuels est inévitable. Il serait déraisonnable de ne pas les accueillir. Nous devons les mettre au travail commun avec les camarades, afin qu’ils s’habituent à notre milieu et que, dans ce travail en commun, ils deviennent nos compagnons. Ils ont beaucoup de préjugés, d’idées préconçues; ils ont le crâne bourré. Mais ils peuvent et doivent dans certaines conditions spéciales collaborer à notre travail. Il y en a déjà qui embrassent notre cause en entrant dans les syndicats et s’accoutument petit à petit à la situation nouvelle. Notre tâche est de les aider, de tendre la main à ces éléments qui se rapprochent de plus en plus de nous. Dans les syndicats, grâce à eux, peut se produire enfin l’union des travailleurs, séparés jusqu’ici par le capitalisme.

102. L’alliance de l’industrie et de la Science[modifier le wikicode]

Le développement des forces productives exige l’alliance de l’industrie et de la science. La grande industrie capitaliste a, elle aussi, appliqué la science à l’industrie dans la plus large mesure. Les établissements américains et allemands avaient créé des laboratoires spéciaux, des savants y passaient leurs journées entières à inventer de nouveaux appareils, de nouvelles méthodes, etc... Tout cela se faisait au profit des particuliers. Nous devons maintenant, nous aussi, organiser cela méthodiquement et au profit de la collectivité des travailleurs. Les savants autrefois tenaient leurs découvertes secrètes : elles remplissaient les poches de l’entrepreneur; aujourd’hui aucune de nos entreprises ne cache plus ses découvertes, elle les propage partout.

Le pouvoir des Soviets a pris toute une série de mesures dans ce sens; on a créé un grand nombre d’établissements techniques et économiques, on a organisé différents laboratoires, des stations expérimentales; on a entrepris toute une série d’expéditions, de recherches scientifiques. On a trouvé entre autres des gisements d’ardoise et de pétrole, un procédé pour faire du sucre avec de la sciure, etc. ; on a mis en valeur et utilisé toutes les forces scientifiques dont dispose la République.

Nous manquons de tout le nécessaire pour ce travail en commençant par le combustible et en finissant par les instruments scientifiques de précision. Mais nous devons nous rendre compte de la nécessité d’un tel travail et tâcher d’unir la science à la technique et à la production organisée systématiquement et tenter de résoudre le problème de la production organisée scientifiquement.

  1. Ces renseignements sont tirés du rapport du département métallurgique fait au Soviet supérieur de l’Economie nationale par le camarade Milioutine [l’édition américaine de 1923 ne comporte pas la colonne de droite].
  2. [Données fournies par le camarade Larine –note de l’édition américaine de 1923.]
  3. Voir ci-après l’état des stocks disponibles de combustibles et de matières premières.
  4. Pouds : 16 kilog.
  5. Sagène : Mesure de longueur valant 2 m. 13 cm.
  6. Cela équivalait avant la guerre à 1 fr. 35. (Note du Trad. 1923).
  7. 26 fr. 50 avant la guerre. (Note du Trad. 1923.)