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V. La deuxième et la troisième internationales
- Introduction
- I. Le régime capitaliste
- II. Développement du régime capitaliste
- III. Le communisme et la dictature du prolétariat
- IV. Comment le développement du capitalisme a conduit à la révolution communiste
- V. La deuxième et la troisième internationales
- VI. Le pouvoir soviétique
- XII. L'organisation de l'industrie
- XVIII. La protection du travail et l'assurance sociale
- XIX. La défense de la santé publique
35. L’internationalisme du mouvement ouvrier est une condition de victoire pour la révolution communiste[modifier le wikicode]
La Révolution communiste ne peut vaincre que si elle est une Révolution mondiale. Si dans un pays, par exemple, la classe ouvrière s’empare du pouvoir, mais que, dans les autres, le prolétariat reste sincèrement dévoué au capitalisme, ce pays sera finalement étranglé par les grands États de rapine. De 1917 à 1919, toutes les puissances essayèrent d’étrangler la Russie des Soviets ; en 1919, elles ont étranglé la Hongrie des Soviets. Mais elles n’ont pu étrangler la Russie des Soviets parce que leur situation intérieure était telle qu’elles pouvaient craindre d’être renversées elles-mêmes par leurs propres ouvriers qui réclamaient le retrait des troupes de Russie. La dictature prolétarienne dans un seul pays est continuellement menacée, si elle ne trouve pas d’appui chez les ouvriers des autres pays. En outre, dans ce pays, l’organisation économique est très difficile, car il ne reçoit rien ou presque rien de l’étranger : il est bloqué de tous côtés.
Mais si, pour le triomphe du communisme, la victoire de la révolution mondiale et la solidarité des ouvriers entre eux sont nécessaires, cela signifie que la condition indispensable de la victoire est dans la solidarité internationale de la classe ouvrière. De même que les ouvriers ne peuvent être victorieux dans une grève que si les ouvriers des différentes fabriques se soutiennent les uns les autres, créent une organisation commune et mènent la lutte commune contre tous les fabricants. De même les ouvriers des différents pays bourgeois ne pourront vaincre que s’ils marchent ensemble, en rangs serrés, s’ils ne se querellent pas entre eux, mais au contraire, s’ils s’unissent de pays à pays, s’ils se sentent une seule classe avec les mêmes intérêts. Seule, une confiance mutuelle, parfaite, une union fraternelle, l’unité d’action révolutionnaire contre le capital mondial assurera la victoire de la classe ouvrière. Le mouvement communiste ouvrier ne saurait vaincre que comme mouvement international.
[La nécessité de la lutte internationale du prolétariat a été reconnue depuis longtemps. A la veille de la Révolution de 1848 existait déjà une organisation secrète internationale, la Ligue des Communistes.
À sa tête se trouvaient Marx et Engels. Au congrès de cette Ligue, à Londres, ils reçurent mandat de composer un manifeste au nom de la Ligue. Ainsi est né le Manifeste du Parti communiste , dans lequel ces grands champions du prolétariat ont exposé pour la première fois la doctrine communiste.
En 1864, prit naissance, sous la direction de Marx, l’Association internationale des Travailleurs, la première Internationale. Elle comprenait beaucoup de chefs du mouvement ouvrier de différents pays, mais il y avait peu d’unité dans ses rangs. De plus, elle ne s’appuyait pas sur de larges masses ouvrières, mais ressemblait plutôt à un groupement international de propagande révolutionnaire. En 1871, les membres de l’Internationale prirent part au soulèvement des ouvriers parisiens (la Commune), ce qui entraîna partout la persécution de l’Internationale. En 1874, elle s’est dissoute, affaiblie en particulier par la lutte intérieure entre les partisans de Marx et ceux de l’anarchiste Bakounine. Après sa désagrégation, les partis socialistes commencèrent à naître en divers pays, au fur et à mesure du développement de l’industrie. Le besoin d’un appui réciproque se fit bientôt sentir, et en 1889 fut convoqué un congrès socialistes international, composé de représentants des partis socialistes de différents pays. La Deuxième Internationale fut fondée, mais elle devait s’écrouler à la déclaration de la guerre mondiale. Les raisons en seront expliquées plus loin.
Dès le Manifeste Communiste, Marx avait proclamé le mot d’ordre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Voilà ce qu’écrivait Marx à ce sujet à la fin du Manifeste : « Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social traditionnel. Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »]
La solidarité internationale du prolétariat n’est donc pour les ouvriers ni un jouet ni une belle phrase ; elle est une nécessité vitale sans laquelle la cause de la classe ouvrière serait vouée à l’échec.
36. La faillite de la deuxième Internationale et ses causes[modifier le wikicode]
Lorsqu’en août 1914 éclata la grande guerre mondiale, presque tous les partis social démocrates se placèrent aux côtés de leurs gouvernements, et soutinrent eux aussi la tuerie sanglante. Seul, le prolétariat de Russie, de Serbie et, plus tard, d’Italie, déclara la guerre à la guerre et invita les ouvriers à se soulever. Les députés social-démocrates de France et d’Allemagne votèrent, le même jour, dans leurs Parlements respectifs, les crédits de guerre. Au lieu de provoquer un soulèvement général contre la bourgeoisie criminelle, les partis socialistes se dispersèrent et chacun se rangea sous le drapeau de son « propre » gouvernement bourgeois. La guerre reçut ainsi l’appui direct des partis socialistes dont les chefs abandonnèrent et trahirent le socialisme. La deuxième Internationale y a trouvé une mort sans gloire.
Chose curieuse, quelques jours seulement avant la trahison, la presse des partis socialistes et leurs chefs avaient stigmatisé la guerre. Ainsi, par exemple, G. Hervé, aujourd’hui traître au socialisme français, écrivait dans son journal la Guerre Sociale (à qui il donna plus tard le titre de Victoire) : « Se battre pour sauver le prestige du tsar !… Quelle joie de mourir pour une cause aussi noble ! » Trois jours avant la guerre, le Parti socialiste français publiait un manifeste contre la guerre et les syndicalistes français proclamaient dans leur journal : « Ouvriers, si vous n’êtes pas des lâches… protestez ! » La social-démocratie allemande organisait d’énormes meetings de protestation. Tous avaient encore en mémoire la décision du Congrès international de Stuttgart, disant qu’en cas de guerre, il fallait se saisir de tous les moyens pour « agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute du capitalisme. » Mais, dès le lendemain, les mêmes partis et leurs chefs affirmaient la nécessité de « sauver la patrie » (c’est-à-dire l’État de rapine de leur propre bourgeoisie), et l’Arbeiter Zeitung de Vienne déclarait qu’il fallait défendre « l’humanité allemande (!) ».
Pour comprendre les raisons de la faillite et de la fin sans gloire de la IIe Internationale, il faut se faire une idée nette des conditions du mouvement ouvrier avant la guerre. Le capitalisme des pays européens et des États-Unis se développait alors aux dépens des colonies : de tous les aspects du capitalisme, c’était le plus répugnant et le plus sanglant. Par une exploitation barbare des peuples coloniaux, par le pillage, la tromperie, la violence, on leur extorquait des richesses dont profitaient abondamment les requins du capital financier européen et américain. Plus un trust d’État capitaliste était fort et puissant sur le marché mondial, plus il tirait profit de l’exploitation des colonies. Grâce à cette plus-value, il pouvait payer à ses esclaves salariés un peu plus que le salaire ordinaire. Pas à tous, certes, mais du moins aux plus instruits. Certaines couches de la classe ouvrière furent ainsi corrompues par le capital. Elles raisonnaient ainsi : « Si notre industrie possède des débouchés dans les colonies africaines, c’est bien, elle ne s’en développera que mieux ; les profits de nos patrons augmenteront et nous en bénéficierons aussi.» C’est ainsi que le Capital enchaînait à son État ses esclaves salariés.
[Ce fait a été déjà noté par les fondateurs du communisme scientifique. F. Engels, en 1882, écrivait à Kautsky : « Vous me demandez ce que les ouvriers anglais pensent de la politique coloniale ?
Exactement ce qu’ils pensent de la politique en général. Il n’existe ici aucun parti ouvrier ; il n’y a que les conservateurs et les radicaux-libéraux, et les ouvriers ne font que prendre part avec zèle à la jouissance des biens qu’apporte avec lui le monopole anglais sur le marché mondial et dans les colonies. »
Ainsi s’est développé un servilisme particulier, l’attachement de l’ouvrier à sa bourgeoisie, son obséquiosité devant elle. Le même Engels écrivait en 1889 : « Ce qu’il y a de plus écœurant ici (en Angleterre), c’est la respectabilité bourgeoise que les ouvriers ont dans la chair et dans le sang. Le respect inné envers les betters et superiors s’est enraciné depuis si longtemps et si solidement, que messieurs les bourgeois prennent encore assez facilement les ouvriers dans leurs filets. Je ne suis, par exemple, nullement convaincu que John Burns [un des chefs ouvriers d’alors] ne soit pas plus fier de sa popularité auprès du cardinal Manning, du lord-maire, et, en général de la bourgeoisie, que de sa popularité au sein de sa propre classe. »]
Les masses ouvrières n’avaient pas l’habitude, ni l’occasion, de mener la lutte internationalement. Leurs organisations se bornaient à agir, la plupart du temps, à l’intérieur de l’État de leur propre bourgeoisie. Et cette « propre » bourgeoisie intéressait à sa politique coloniale une partie de la classe ouvrière, en particulier les ouvriers qualifiés. À cet hameçon mordaient les chefs des organisations ouvrières, la bureaucratie ouvrière, et les représentants au Parlement qui avaient des places plus ou moins lucratives et étaient habitués à une activité paisible, tranquille, légale. Nous avons déjà dit que le côté sanglant du capitalisme apparaissait dans toute sa crudité surtout aux colonies. Dans l’Europe même et en Amérique, l’industrie progressait rapidement et la lutte ouvrière prenait des formes plus ou moins pacifiques. Il n’y avait pas eu de grande révolution (sauf en Russie) depuis 1871, et, pour la majorité des pays, depuis 1848. On s’habituait à cette idée que le capitalisme se développerait dans l’avenir de la même façon pacifique, et, quand on parlait de la guerre qui venait, on n’y ajoutait pas grande foi. Une partie des ouvriers — et, parmi eux, les chefs ouvriers — se pénétraient toujours davantage de cette idée que la classe ouvrière était, elle aussi, intéressée à la politique coloniale et qu’elle devait, avec sa bourgeoisie, veiller à la prospérité de cette « affaire nationale ». Aussi les masses petites-bourgeoises commençaient-elles à affluer dans la social-démocratie. Rien d’étonnant si, au moment décisif, l’attachement à l’État des brigands impérialistes l’emporta sur la solidarité internationale de la classe ouvrière.
Ainsi, la principale cause de la chute de la II° Internationale a été que la politique coloniale et l’établissement de véritables monopoles par les plus grands trusts d’État capitalistes avaient enchaîné les ouvriers et surtout les « dirigeants » de la classe ouvrière à l’État impérialiste de la bourgeoisie.
[Dans l’histoire du mouvement ouvrier, on vit jadis aussi l’ouvrier faire cause commune avec ses oppresseurs, par exemple, lorsqu’il mangeait à la table du patron. Il considérait alors l’atelier de son patron comme le sien ; le patron n’était pas pour lui un ennemi, mais « l’homme qui lui procurait du travail ». Ce n’est qu’avec le temps que les ouvriers des différentes fabriques commencèrent à s’unir contre tous les patrons. Lorsque les grands pays se sont transformés eux-mêmes en « trusts nationaux capitalistes », les ouvriers leur montrèrent d’abord le même attachement qu’auparavant à leurs patrons particuliers.
La guerre seule leur a appris qu’il ne faut pas être du côté de son propre État bourgeois, mais qu’il faut renverser, tout État bourgeois et marcher vers la dictature du prolétariat.]
37. Les mots d’ordre de défense nationale et de pacifisme[modifier le wikicode]
La trahison de la cause ouvrière et de la lutte commune de la classe ouvrière furent justifiées par les chefs des partis socialistes de la II° Internationale au nom de la « défense nationale ».
Nous avons déjà vu que, dans une guerre impérialiste, aucune des grandes puissances ne se défend, mais que toutes attaquent. Le mot d’ordre de défense de la patrie bourgeoise n’était donc qu’une duperie sous laquelle les chefs cherchaient à dissimuler leur trahison.
Mais il nous faut examiner de plus près cette question.
Qu’est-ce, au fond, que la patrie ? Qu’est-ce qu’on entend par ce mot ? Les hommes qui parlent la même langue ? La « Nation » ? Pas du tout. Prenons, par exemple, la Russie tsariste. Lorsque la bourgeoisie russe réclamait à grands cris la défense de la patrie, elle n’entendait pas une patrie habitée par une seule nationalité, disons les Grands-Russiens; non, il s’agissait d’une patrie habitée par des peuples différents. De quoi s’agissait-il, en réalité ? De rien d’autre que du pouvoir d’État de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers. On appelait les ouvriers russes à le « défendre » (ou plutôt à élargir ses frontières jusqu’à Constantinople et Cracovie). Lorsque la bourgeoisie allemande clamait la nécessité de la défense du Vaterland, de quoi s’agissait-il ? Encore une fois du pouvoir de la bourgeoisie allemande, de l’élargissement des frontières de l’État impérialiste des Hohenzollern.
Et c’est ici qu’il faut nous rendre compte si, sous la domination capitaliste, la classe ouvrière possède bien une patrie. Marx, dans le Manifeste du Parti Communiste, a répondu : « Les prolétaires n’ont pas de patrie. » Pourquoi ? Mais tout simplement parce que, sous la domination capitaliste, ils n’ont aucun pouvoir, parce que, sous le capitalisme, toute la puissance se trouve entre les mains de la bourgeoisie ; parce que, sous le capitalisme, l’État n’est qu’un instrument pour l’oppression et la répression de la classe ouvrière.
Le devoir du prolétariat est de détruire l’État de la bourgeoisie, et nullement de le défendre. Le prolétariat n’aura de patrie que lorsqu’il aura conquis le pouvoir de l’État et sera devenu le maître du pays. Alors, et alors seulement, il aura une patrie et sera tenu de la défendre. Car ce qu’il défendra, c’est son propre pouvoir et sa propre cause et non le pouvoir de ses ennemis et non la politique de brigandage de ses oppresseurs.
[La bourgeoisie comprend très bien cela. Par exemple, lorsque le prolétariat russe eut conquis le pouvoir, la bourgeoisie russe engagea la lutte contre la Russie par tous les moyens, en s’alliant avec n’importe qui : avec les Allemands, les Japonais, les Américains, les Anglais, — s’il l’eût fallu, avec le diable et sa grand-mère. Pourquoi ? Parce qu’elle avait perdu en Russie le pouvoir, sa patrie de brigandage, de pillage, d’exploitation bourgeoise. Elle est, à tout moment, prête à faire disparaître la Russie prolétarienne, c’est-à-dire le pouvoir des Soviets. Il en fut de même en Hongrie. La bourgeoisie proclama la « défense » de la patrie hongroise tant que le pouvoir fut entre ses mains ; mais quand elle l’eut perdu, elle fit bien vite alliance avec les Roumains, les Tchécoslovaques, les Autrichiens pour étouffer, avec leur aide, la Hongrie prolétarienne. Cela veut dire que la bourgeoisie comprend très bien de quoi il s’agit. Elle oblige, sous la belle formule de la patrie, tous les citoyens à fortifier son propre pouvoir bourgeois et condamne pour haute trahison ceux qui n’y consentent pas. Mais, en revanche, elle ne recule devant rien pour faire sauter la patrie prolétarienne.
Il faut que le prolétariat apprenne de la bourgeoisie à faire sauter la patrie bourgeoise, et non à la défendre ou à l’élargir ; mais sa patrie à lui, il faut qu’il la défende de toutes ses forces, jusqu’à la dernière goutte de son sang.]
Nos adversaires peuvent objecter à tout cela : « Vous reconnaissez donc que la politique coloniale et l’impérialisme ont aidé le développement industriel des grandes puissances et que, de la table des maîtres, ont pu tomber ainsi quelques miettes pour la classe ouvrière ! Il faut donc tout de même défendre son patron et l’aider dans sa concurrence ! »
Pas du tout. Supposons deux fabricants : Schultz et Petrov. Ils se chamaillent sur le marché. Schultz dit à ses ouvriers : « Amis, défendez-moi de toutes vos forces. Faites tout le mal que vous pourrez à la fabrique de Petrov, à lui-même, à ses ouvriers, etc. Alors, ma fabrique à moi marchera, j’en finirai avec Petrov, les affaires seront prospères. Et je vous donnerai un demi-rouble de plus. » Petrov en dit autant à ses ouvriers. Supposons que Schultz soit vainqueur. Dans les premiers temps, peut-être donnera-t-il un demi-rouble de plus, mais par la suite il le reprendra. Et si les ouvriers de Schultz, voulant faire grève, demandent l’aide des anciens ouvriers de Petrov, ces derniers répliqueront : « Comment ! Après ce que vous nous avez fait, maintenant vous venez à nous ? Allez-vous-en ! » Impossible, la grève commune. Quand les ouvriers sont divisés, le capitaliste est fort. Une fois qu’il a vaincu son concurrent, il se retourne contre les ouvriers divisés. Les ouvriers de Schultz avaient bien gagné pour un temps un demi-rouble de plus, mais par la suite ils l’ont perdu. L’État bourgeois est une association de patrons. Quand cette association veut s’engraisser aux dépens des autres, elle peut, à prix d’argent, acheter l’assentiment des ouvriers. La faillite de la II° Internationale et la trahison du socialisme par les chefs ouvriers furent possibles parce que les chefs acceptèrent de « défendre » les maîtres et d’augmenter les miettes tombant de la table des maîtres. Mais au cours de la guerre, lorsque les ouvriers, trahis, se trouvèrent divisés, le capital, dans tous les pays, s’abattit sur eux avec un poids formidable. Les ouvriers virent qu’ils s’étaient trompés, que les chefs socialistes les avaient vendus pour un denier. Alors commença la régénération du socialisme. Les protestations sortirent d’abord des rangs des ouvriers mal payés, non qualifiés. L’aristocratie ouvrière (par exemple, les imprimeurs dans tous les pays) et les anciens chefs continuèrent longtemps encore leur trahison.
En dehors du mot d’ordre de la défense de la patrie (bourgeoise), un bon moyen de tromper les masses ouvrières fut ce qu’on appelle le pacifisme. Qu’est-ce que cela ? C’est l’opinion gratuite que, dans les limites mêmes du capitalisme, sans révolution, sans soulèvement du prolétariat, etc., une paix perpétuelle peut régner sur la terre. Il suffirait d’organiser l’arbitrage entre les différentes puissances, de supprimer la diplomatie secrète, de désarmer ou, pour commencer, de réduire les armements, etc., et tout irait bien.
L’erreur fondamentale du pacifisme est de croire que la bourgeoisie consentira à des réformes comme le désarmement. En dépit des vœux du pacifisme, la bourgeoisie continuera toujours à s’armer, et si le prolétariat désarme ou ne s’arme pas, il se fera écraser, tout simplement. C’est en quoi les belles phrases pacifistes dupent le prolétariat. Leur but est de détourner la classe ouvrière de la lutte armée pour le communisme.
[Le meilleur exemple de la fausseté du pacifisme est offert par Wilson qui, avec ses quatorze points, sous le masque de nobles projets comme la Société des Nations, veut organiser le pillage mondial et la guerre contre le prolétariat. Jusqu’à quelle infamie peuvent atteindre les pacifistes, on le voit par les exemples suivants. L’ancien président des États-Unis, Taft, est un des fondateurs de la Ligue américaine de la Paix, en même temps qu’un impérialiste forcené ; le fabricant d’automobiles américain bien connu, Ford, a organisé des expéditions entières à travers l’Europe pour y claironner son pacifisme ; mais en même temps, il encaissait des centaines de millions de dollars de bénéfices, car toutes ses entreprises travaillaient pour la guerre. Un des pacifistes les plus autorisés, A. Fried, dans son Manuel du Pacifisme, voit la fraternité des peuples, entre autres choses, dans la campagne commune des impérialistes contre la Chine, en 1900. Il écrit à ce sujet : « L’entreprise chinoise a démontré l’influence des idées de paix sur les événements contemporains (!). Elle a démontré la possibilité d’une association internationale des armées. Les armées alliées sont une force mondiale sous le commandement d’un seul généralissime européen. Nous, amis de la paix, nous voyons dans ce généralissime mondial (c’était le comte Waldersee, nommé par Guillaume II) le précurseur de cet homme d’État mondial qui réalisera notre idéal par des moyens pacifiques. »
Un brigandage collectif évident est considéré comme un exemple de « fraternité des peuples ». Il en est de même lorsqu’on sert une « Association de brigands capitalistes » à la sauce « Société des Nations »
38. Les Socials-Chauvins[modifier le wikicode]
Les trompeuses formules dont la presse de la bourgeoisie, tous les jours, inondait les masses (journaux, périodiques, tracts, etc.), sont devenues les formules des traîtres du socialisme.
Les anciens partis socialistes se sont divisés dans presque tous les pays en trois courants : les socialchauvins, traîtres avérés et cyniques, les traîtres dissimulés et hésitants qu’on appelle centristes, et enfin ceux qui sont restés fidèles au socialisme et autour desquels se sont organisés plus tard les partis communistes. Les social-chauvins prêchent la haine de l’humanité sous le drapeau du socialisme, l’appui donné aux États de brigands bourgeois sous la formule trompeuse de la défense nationale. On trouve parmi eux les chefs de presque tous les anciens partis socialistes : En Allemagne, Scheidemann, Noske, Ebert, David, Heine, etc.; en Angleterre, Henderson; en Amérique, Samuel Gompers (le chef de la Fédération du Travail); en France, Renaudel, Albert Thomas, Jules Guesde et les chefs du syndicalisme, comme Jouhaux; en Russie, Plekhanov, Potressov; les socialistes-révolutionnaires de droite, Katherine Brechkovsky, Kerensky, Tchernov; les mencheviks de droite, Lieber, Rosanov; en Autriche, Renner, Seitz, Victor Adler; en Hongrie, Garami, Buchinger, etc.
Tous ont été pour la défense de la patrie bourgeoise. Quelques-uns adhérèrent même ouvertement à la politique de rapine, admirent annexions, dommages de guerre, pillage des colonies (on les appelle ordinairement : social-impérialistes). Pendant toute la guerre, ils soutinrent cette politique, non seulement par le vote des crédits, mais aussi par leur propagande. Le manifeste de Plekhanov a été affiché en Russie par le ministre du tsar, Khvostov. Le général Kornilov avait pris Plekhanov comme ministre dans son cabinet. Kerensky (socialiste-révolutionnaire) et Tsérételli (menchevik) cachèrent au peuple les traités secrets du tsar ; ils écrasèrent le prolétariat de Pétersbourg pendant les journées de juillet ; socialistes-révolutionnaires et mencheviks de droite firent partie du gouvernement de Koltchak ; Rosanov se fit l’espion de Youdenitch. Bref, avec toute la bourgeoisie, ils étaient partisans de prêter appui à la patrie pillarde bourgeoise et de renverser la patrie prolétarienne des Soviets. Les social-chauvins français ont fait partie d’un ministère de brigands (Guesde, Sembat, Thomas), ont soutenu tous les projets de brigandage des alliés, l’étranglement de la Révolution russe et l’envoi de troupes contre les ouvriers russes. Les social-chauvins allemands, Guillaume étant encore empereur, ont également fait partie du gouvernement (Scheidemann), ont soutenu Guillaume lorsqu’il assassinait la révolution en Finlande, pillait l’Ukraine et la Grande-Russie; des social-démocrates (Winning à Riga) ont dirigé les batailles contre les ouvriers russes et lettons; plus tard, ils ont assassiné Liebknecht et Rosa Luxemburg et réprimé, de la façon la plus atrocement sanglante, les soulèvements des ouvriers communistes à Berlin, Leipzig, Hambourg, Munich, etc. Les social-chauvins hongrois, après avoir soutenu en son temps le gouvernement monarchique, ont trahi ensuite la République des Soviets. Bref, dans tous ces pays, ils se sont montrés de vrais bourreaux de la classe ouvrière.
[Lorsque Plékhanov était encore révolutionnaire, il écrivait dans le journal Iskra, publié à l’étranger, que le XX° siècle, auquel il est réservé de réaliser le socialisme, verrait probablement se produire une énorme scission parmi les socialistes et une lutte formidable et acharnée entre eux. De même que, sous la Révolution française, de 1789 à 1793, le parti révolutionnaire extrême (la Montagne) fut en guerre avec le parti modéré, devenu contre-révolutionnaire (la Gironde), de même — disait Plekhanov — le XX° siècle verra probablement se dresser les uns contre les autres les anciens camarades, car une partie d’entre eux passera du côté de la bourgeoisie.]
Cette prophétie de Plekhanov s’est entièrement réalisée. Seulement il ignorait alors qu’il serait au nombre des traîtres.]
Les social-chauvins (on les appelle aussi opportunistes) se sont ainsi transformés en ennemis de classe déclarés du prolétariat. Pendant la grande Révolution mondiale, ils combattent dans les rangs des blancs contre les rouges ; ils marchent avec les généraux, la bourgeoisie, les gros propriétaires. Il va de soi qu’il faut mener contre eux une lutte impitoyable, aussi résolue que contre la bourgeoisie dont ils sont les agents. Ce qui reste de la II° Internationale, que ses différents partis essayent de ranimer, n’est au fond qu’un bureau de la Société des Nations que la bourgeoisie utilise contre le prolétariat.
39. Le Centre[modifier le wikicode]
Un autre groupe des vieux partis socialistes forme ce qu’on appelle le Centre. On l’appelle ainsi parce qu’il hésite entre les communistes d’un côté et les social-chauvins de l’autre. À ce courant appartiennent : en Russie, les mencheviks de gauche, Martov en tête; en Allemagne, les indépendants (Parti social-démocrate indépendant), avec Kautsky et Ledebour; en France, le groupe de Jean Longuet; en Amérique, le Parti socialiste américain, avec Hillquit; en Angleterre, une fraction du Parti socialiste britannique et de l’Independent Labour Party, etc.
Au commencement de la guerre, ces gens se sont prononcés, avec tous les social-traîtres, pour la défense nationale et contre la révolution. Kautsky écrivait que la pire calamité est l’invasion ennemie et que c’est seulement après la guerre qu’on pourrait reprendre la lutte contre la bourgeoisie. Pendant la guerre, l’internationalisme, de l’avis de Kautsky, n’avait rien à faire. Après la conclusion de la « paix », Kautsky écrivit que tout étant démoli, il ne fallait plus penser au socialisme. Ainsi, pendant la guerre, on ne doit pas combattre, car il n’y a rien à faire, mais la paix revenue, on ne peut pas non plus combattre, car la guerre a tout démoli. La théorie de Kautsky est une proclamation d’impuissance absolue qui abrutit le prolétariat. Pis encore, pendant la révolution, Kautsky est parti dans une rage folle contre les bolcheviks. Lui, qui a oublié la doctrine de Marx, il fait maintenant campagne contre la dictature prolétarienne, contre la terreur, etc., sans s’apercevoir qu’il ne fait ainsi qu’aider la terreur blanche de la bourgeoisie. Son programme à lui est d’un vulgaire pacifiste : tribunal d’arbitrage, etc. En quoi il est d’accord avec n’importe quel pacifiste bourgeois.
La politique du Centre oscille, trébuche, impuissante, entre la bourgeoisie et le prolétariat, désire concilier l’inconciliable et, dans les moments décisif, trahit le prolétariat. Pendant la Révolution d’Octobre, le Centre russe (Martov et Cie) se plaignait de la violence des bolcheviks. Il s’efforçait de réconcilier tout le monde, en aidant la garde blanche et en affaiblissant l’énergie combative du prolétariat. Le parti menchevik n’a même pas exclu ceux de ses membres qui avaient comploté avec les généraux et leur avaient servi d’espions. Dans les journées difficiles du prolétariat, ce Centre prêchait la grève au nom de la Constituante et contre la dictature du prolétariat ; pendant l’avance de Koltchak, certains centristes lançaient, en pleine solidarité avec les conspirateurs bourgeois, le mot d’ordre de la cessation de la guerre civile (le menchevik Pleskov). En Allemagne, les indépendants ont joué le rôle de traîtres pendant le soulèvement des ouvriers de Berlin, quand ils se mirent eux-mêmes à « réconcilier », en plein combat, contribuant ainsi à la défaite ; nombre d’entre eux sont pour une action commune avec les partisans de Scheidemann. Mais le plus grave, c’est qu’ils ne préconisent pas le soulèvement en masses contre la bourgeoisie et endorment le prolétariat avec des espoirs pacifistes. En France et en Angleterre, le « Centre » condamne la contre-révolution, « proteste » en paroles contre l’étranglement de la révolution, mais manifeste une incapacité absolue pour l’action de masses.
Actuellement, le Centre est tout aussi nuisible que les social-chauvins. Les centristes ou, comme on les appelle encore, les kautskystes, essaient également de ranimer la II° Internationale, ce cadavre, et de la « réconcilier » avec les capitaliste. Il est clair que sans une rupture complète avec eux et sans lutte contre eux, la victoire sur la contre-révolution est impossible.
Les tentatives pour reconstituer la II° Internationale se sont faites sous le patronage bienveillant de la Société des Nations, association de brigands. Car les social-chauvins sont vraiment aujourd’hui le dernier appui du régime capitaliste en décomposition. La guerre impérialiste n’a pu faire rage pendant cinq années que grâce à la trahison de classe des partis socialistes. Puis, lorsque vint l’époque révolutionnaire, la bourgeoisie commença à s’appuyer directement sur eux pour étouffer par eux le mouvement du prolétariat.
Les anciens partis socialistes sont devenus l’obstacle principal à la lutte de classe pour le renversement du capital. Pendant la guerre, chacun des partis social-traîtres répétait les mots d’ordre de sa bourgeoisie. Après la paix de Versailles, lorsque s’est formée la Société des Nations, ce qui restait de la II° Internationale (c’est-àdire les social-chauvins et le Centre) se mit à répéter les mots d’ordre lancés par la Société des Nations. Avec la Société des Nations, la II° Internationale reprocha aux bolcheviks la terreur, la violation des principes démocratiques, leur « impérialisme rouge ». Au lieu de mener une lutte décisive contre les impérialistes, elle en soutient les principes.
40. La Troisième Internationale Communiste[modifier le wikicode]
Les social-chauvins et le centre, nous l’avons vu, lancèrent pendant la guerre le mot d’ordre de la défense nationale (bourgeoise), c’est-à-dire de la défense de l’État des ennemis du prolétariat.
Ce fut « l’union sacrée », c’est-à-dire la soumission complète à l’État bourgeois. Défense de faire grève, par exemple, et à plus forte raison de se soulever contre la bourgeoisie criminelle. Les social-traîtres raisonnaient ainsi : « D’abord en finir avec l’ennemi extérieur, ensuite on verra. »
C’est ainsi que les ouvriers de tous les pays se vendirent à la bourgeoisie. Toutefois, dès le début de la guerre, des groupes de socialistes honnêtes reconnurent que la « défense nationale » et « l’union sacrée », qui liaient pieds et poings au prolétariat, n’étaient qu’une trahison du prolétariat.
Le parti des bolcheviks, dès 1914, déclara que ce n’était pas l’union sacrée avec la bourgeoisie criminelle qui était nécessaire, mais la guerre civile contre la bourgeoisie, c’est-à-dire la révolution. Avant tout, le devoir du prolétariat était de renverser sa propre bourgeoisie. En Allemagne, un groupe de camarades, avec Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, prit le nom de Groupe international et déclara que la solidarité internationale du prolétariat était au-dessus de tout. Peu après, Karl Liebknecht proclama ouvertement la nécessité de la guerre civile et se mit à appeler la classe ouvrière à l’insurrection armée contre la bourgeoisie. Ainsi prit naissance le parti des bolcheviks allemands, ou spartakistes.
En Suède, se forma le Parti socialiste de gauche ; en Norvège, les gauches conquirent tout le Parti. Les socialistes italiens se sont bien tenus tout le temps de la guerre. Ainsi grandirent petit à petit les partis qui voulaient la révolution. Sur ce terrain se fit, en Suisse, leur première tentative d’unification. Aux conférences de Zimmerwald et de Kienthal fut créé l’embryon de la Troisième Internationale. Mais bientôt on s’aperçut que s’étaient glissés là des gens suspects du Centre, qui ne faisaient que freiner le mouvement. À l’intérieur des groupements internationalistes de Zimmerwald prit naissance la gauche de Zimmerwald, avec le camarade Lénine à sa tête. La gauche de Zimmerwald réclamait une action résolue et critiquait âprement le Centre que dirigeait Kautsky.
Depuis la Révolution d’Octobre et l’avènement du pouvoir des Soviets, la Russie est devenue le foyer principal du mouvement international. Notre Parti, pour rompre avec les social-traîtres, revint à son ancien et glorieux nom de bataille, Parti communiste. Sous l’influence de la Révolution russe, il se forma des partis communistes dans d’autres pays. La Ligue des Spartakistes prit le nom de Parti communiste d’Allemagne ; des partis communistes se formèrent en Hongrie, en Finlande, etc. ; plus tard, un parti communiste s’est formé également en France. En Amérique, le Centre a exclu du Parti socialiste les gauches, qui se formèrent alors en Parti communiste ; en Angleterre, ce parti fut fondé en l’automne de 1919. De ces partis sortit l’Internationale Communiste En mars 1919, à Moscou, dans l’ancien château du tsar, le Kremlin, eut lieu le premier Congrès international communiste où fut fondée la Troisième Internationale. Assistèrent à ce Congrès, les représentants des communistes allemands, russes, autrichiens, hongrois, suédois, norvégiens, finlandais, ainsi que des camarades français, américains et anglais.
Le Congrès adopta la plate-forme proposée par les communistes allemands et russes. Les débats montrèrent que le prolétariat s’est rangé résolument sous le drapeau de la dictature ouvrière, du pouvoir des Soviets et du communisme.
La Troisième Internationale a pris le nom d’Internationale Communiste, comme jadis la Ligue des Communistes, à la tête de laquelle se trouvait Karl Marx. Par toute son action, la Troisième Internationale prouve qu’elle suit les traces de Marx, c’est-à-dire la voie révolutionnaire qui mène au renversement violent du régime capitaliste.
Rien d’étonnant si tout ce qu’il y a de vivant, d’honnête, de révolutionnaire dans le prolétariat international, adhère de plus en plus à la nouvelle Internationale, qui groupe les efforts des pionniers de la classe ouvrière.
Par son nom seul, l’Internationale Communiste montre qu’elle n’a rien de commun avec les socialtraîtres. Marx et Engels estimaient déjà le nom de social-démocrate inexact pour le parti du prolétariat révolutionnaire. « Démocrate » veut dire partisan d’une certaine forme d’État. Mais, comme nous l’avons vu, dans la société future, il n’y aura point d’État du tout. Et dans la période de transition doit régner la dictature ouvrière. Les traîtres de la classe ouvrière ne vont pas plus loin que la république bourgeoise. Nous, nous allons vers le communisme.
Dans la préface du, Manifeste Communiste Engels écrivait que le mot socialiste s’appliquait de son temps au mouvement des intellectuels avancés, tandis que le communisme était un mouvement purement ouvrier. La chose se reproduit sous nos yeux. Les communistes s’appuient uniquement sur les ouvriers ; les social-traîtres sur l’aristocratie ouvrière, les intellectuels, les cafetiers, boutiquiers, en général sur la petite bourgeoisie.
Ainsi l’Internationale Communiste réalise la doctrine de Marx en la débarrassant des excroissances qui y étaient apparues pendant la période « pacifique » du développement capitaliste. Les prédictions du grand penseur communistes se réalisent aujourd’hui, après soixante-dix ans, sous la direction de l’Internationale Communiste.]