Totalitarisme

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Rassemblement des Jeunesses hitlériennes à Berlin en 1933

Le totalitarisme est un type de régime dans lequel l'Etat contrôle étroitement la société et les individus, et contrairement à une simple dictature, cherche à imprégner de force l'ensemble de la société d'une idéologie unique. C'est un concept forgé au 20e siècle, dans l'entre-deux-guerre, pour désigner à la fois les régimes fascistes (Italie, Allemagne...) et l'URSS de Staline.

1 Caractéristiques principales[modifier | modifier le wikicode]

Les caractéristiques habituellement retenues pour définir le totalitarisme sont :

  • un monopole idéologique, c'est-à-dire un dogme qui ne supporte aucun doute, imposé à tous et généralement orienté vers la lutte contre les ennemis du régime,
  • un parti unique contrôlant la totalité de l'appareil étatique et des moyens de propagande, avec un fort dirigisme économique et des structures d'embrigadement de chaque catégorie de la société,
  • un chef à la tête du parti unique, autour duquel est bâti un véritable culte de la personnalité, le présentant comme un guide du peuple,
  • un système policier qui a recours à la terreur avec par exemple un réseau omniprésent d'agents dormants et de surveillance des individus, basée sur la suspicion, la dénonciation et la délation,
  • un système concentrationnaire / tortionnaire afin de neutraliser tout individu ou groupe d'individus potentiellement suspects.

Beaucoup de politologues distinguent trois modèles de régimes politiques : les régimes « démocratiques-constitutionnels », les régimes « autoritaires-conservateurs » et les régimes totalitaires.

2 Historiographie[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origines du concept[modifier | modifier le wikicode]

Le totalitarisme signifie étymologiquement « système tendant à la totalité »[1]. Le terme apparaît suite à la montée des fascistes italiens.

L'adjectif « totalitaire » (« totalitario ») apparut en Italie dès le mois de mai 1923 (on prête parfois son invention à Giovanni Amendola[2],[3], opposant et victime du fascisme). Ce concept fut d'emblée un instrument de pensée et de lutte politique. Son emploi se répandit dans les milieux antifascistes italiens. Ainsi Carlo Sforza (libéral républicain), Gaetano Salvemini (socialiste) et surtout Luigi Sturzo (démocrate-chrétien) furent dans l'Entre-deux-guerres des utilisateurs du concept de totalitarisme. En 1925, les théoriciens du fascisme reprirent le terme à leur compte, en lui attribuant une connotation positive, celle d'unité du peuple italien. Benito Mussolini exaltait sa « farouche volonté totalitaire », appelée à délivrer la société des oppositions et des conflits d'intérêts[4].

Dans la seconde moitié des années 1920, l'ancien président du Conseil des ministres italien Francesco Saverio Nitti « aurait le premier établi des rapprochements entre la structure du fascisme italien et le bolchevisme »[5]. Giovanni Gentile, théoricien du fascisme, mentionna le totalitarisme dans l'article « doctrine du fascisme » qu'il écrivit pour Enciclopedia Italiana et dans lequel il affirma que « … pour le fasciste tout est dans l'État et rien d'humain et de spirituel n'existe et il a encore moins de valeur hors de l'État. En ce sens le fascisme est totalitaire… »[6].

2.2 Définitions diverses[modifier | modifier le wikicode]

Une analyse plus systématique a été proposée par la suite par Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme (1951)[7].

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2.3 Points de vue marxistes[modifier | modifier le wikicode]

Il existe des points communs indéniables entre les régimes que les politologues (au delà de leurs nuances) ont regroupé sous le terme de totalitarisme. Contrairement à des formes politiques qui peuvent draper le capitalisme dans des formes anciennes (restaurations monarchistes...), les totalitarismes sont des produits de la modernité capitaliste :

  • ils naissent de mouvements politiques de masse d'une ampleur sans précédant dans l'histoire passée de l'humanité,
  • ils s'appuient sur les moyens de communication modernes, et la tentative de contrôler non seulement les faits et gestes des individus, mais aussi leur pensée,
  • ils s'appuient sur des idéologies se présentant généralement comme dynamiques, novatrices, transformatrices... plutôt que comme statiques et traditionalistes.

Ces régimes provoquent de grands bouleversements dans les sociétés, mais conduisent in fine à maintenir la division en classes du capitalisme, et à détruire le mouvement communiste révolutionnaire. En ce sens ils représentent une violente réaction capitaliste.

Dans un article intitulé « Hitler et Staline étoiles jumelles »[8], Trotski a employé le terme de totalitarisme pour le nazisme comme pour le stalinisme :

« Le régime totalitaire de Hitler a surgi de la peur des classes possédantes d’Allemagne devant une révolution socialiste. [...] Le régime totalitaire de Staline a surgi de la peur de la nouvelle caste de parvenus révolutionnaires devant le peuple révolutionnaire qu’elle étrangle. »

Trotski écrivait également :

« “L’État c’est moi” est presque une formule libérale en comparaison avec les réalités du régime totalitaire de Staline (qui) embrasse l’économie entière du pays. À la différence du Roi Soleil, Staline peut à bon droit : “La société c’est moi”  »[9]

Dans le tout dernier article écrit par Trotski, celui-ci fustigeait encore les aspirations totalitaires des bureaucrates des PC, avec un certain caractère prémonitoire sur ce qui allait se passer dans les « démocraties populaires » d'Europe de l'Est en 1945-1947. Quatre jours plus tard il était assassiné par un agent de Staline.

« Le type prédominant parmi les bureaucrates « communistes » actuels est le carriériste politique, et en conséquence l'opposé direct du révolutionnaire. Leur idéal est d'arriver dans leur propre pays à la même situation qu'a gagnée l'oligarchie du Kremlin en U.R.S.S. Ce ne sont pas des dirigeants révolutionnaires du prolétariat mais des aspirants au pouvoir totalitaire. Ils rêvent de connaître le succès à l'aide de cette même bureaucratie soviétique et de son Guépéou. Ils ont contemplé avec admiration et avec envie l'invasion de la Pologne, de la Finlande, des pays baltes, de la Bessarabie par l'Armée Rouge parce que ces invasions ont entraîné immédiatement le transfert du pouvoir entre les mains des candidats staliniens locaux au pouvoir totalitaire. »[10]

La limite du terme de totalitarisme est qu'il est descriptif, et n'explique pas les causes ayant conduit à ces régimes. L'analyse marxiste du fascisme et l'analyse marxiste du stalinisme doivent être distinguées, sous peine de se cantonner à diverses formes d'idéalisme historique.

3 Liste de régimes totalitaires[modifier | modifier le wikicode]

Évidemment, étant donné que les sciences humaines ne sont pas des sciences exactes, et étant donné les forts enjeux idéologiques, il y a de nombreux débats sur les régimes qui peuvent ou non être qualifiés de totalitaires.

Les régimes quasi unanimement qualifiés de totalitarisme par les historiens sont :

D'autres régimes sont assez largement qualifiés de totalitaires :

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Étymologie et définition de l'adjectif "totalitaire" dans le TLFi.
  2. Giovanni Amendola, Maggiornanza e minoranza, Il Mondo, .
  3. Richard Wolin, « Ce qui rattache les fascismes et le communisme à la modernité », Raisons politiques, n° 5, février 2002, p. 95.
  4. Pour plus de précisions, voir le chapitre « Fascist Origins » dans Abbott Gleason, Totalitarianism. The Inner History of the Cold War, New York, Oxford UP, 1995, p. 13-31.
  5. Michel Dreyfus et Roland Lew, « Communisme et violence », dans Le Siècle des communismes, Points Seuil, 2004, p. 716.
  6. Giovanni Gentile, Enciclopedia Italiana, « Fascismo (dottrina del) », Istituto dell'Enciclopedia Italiana, Roma, 1932, vol. XIV, p. 835-840.
  7. Cf. Jean-Jacques Raynal, Histoire des grands courants de la pensée politique, p. 60, ed. Hachette, Paris, 2006.
  8. Léon Trotski, Hitler et Staline étoiles jumelles, 4 décembre 1939
  9. Léon Trotski, Staline, 1940
  10. Leon Trotsky, The Comintern and the GPU, 17 August 1940