Question nationale en Belgique

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La Belgique est un État dont l'identité nationale n'est pas très unifiée, qui contraste ainsi par rapport au modèle de l'État-nation qui a tendance progressivement à s'imposer dans le monde. On peut donc parler d'une « question nationale » en Belgique.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Le territoire actuel de la Belgique était à l'origine intégré avec les actuels Pays-Bas dans ce qui était appelé « les Pays-Bas espagnols » : des territoires majoritairement flamands dominés par la monarchie espagnole. La révolution des Pays-Bas (1566-1609) fut un mouvement de lutte contre la domination espagnole en même temps qu'une révolution démocratique bourgeoise. Le Nord et en particulier la province de Hollande connaissait un développement bourgeois précurseur en Europe, et à l'issue de la période révolutionnaire, il se sépara pour devenir la République des Provinces-Unies.

Le Sud devint plus tard l'actuelle Belgique, à l'issue de la révolution de 1830. Dans ces territoires, c'était le Sud wallon (francophone) qui connaissait le plus fort développement économique, par rapport au Nord flamand rural. A Bruxelles, la bourgeoisie dominante était francophone, même quand elle était ethniquement flamande.

1.2 Impact sur le mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Ce clivage eut des répercussions profondes sur le mouvement ouvrier.

L’Allemand August Bebel avait pressé le POB de profiter du fait que les ouvriers flamands ne parlaient pas la langue de leurs exploiteurs. En vain : le parti de Vandervelde refusa de s’engager dans cette voie internationaliste. Déjà gangrené par la collaboration de classe, il préféra se couler de plus en plus confortablement dans le système institutionnel non démocratique, monarchique et... francophone. Un système mis en place par les grandes puissances pour jouer le rôle de tampon entre la France post-révolutionnaire et le Nord de l’Europe, sans que les deux peuples vivant sur ce territoire – Flamands et Wallons – ne soient consultés sur les formes de leur cohabitation.

Faute de perspective socialiste, le mouvement flamand a été récupéré par la droite, via le petit clergé, qui joua un rôle clé. Sa virulence rabique et son revanchisme typiquement petit-bourgeois sont à la mesure des humiliations et du mépris subis. Et ce n’est pas la seule conséquence de la faute historique du POB : dans la classe ouvrière, la non prise en charge des revendications démocratiques flamandes a laissé le champ libre à la hiérarchie catholique. En effet, à partir de l’encyclique Rerum Novarum, celle-ci sut mettre sur pied un syndicat chrétien, dont le but explicite était de faire contre-poids au syndicat socialiste. Depuis lors, le syndicalisme chrétien domine la classe ouvrière en Flandre, tandis que le syndicalisme socialiste reste plus puissant en Wallonie. Une ligne de partage organisationnelle s’est ainsi ajoutée à la ligne de partage linguistique.

1.3 Retournement du dynamisme économique[modifier | modifier le wikicode]

Si la Wallonie était historiquement le secteur riche et industrialisé, au cours des années 1950-1980, la fin des charbonnages et la crise de la sidérurgie l'a fait entrer dans une phase de net recul économique. Les investisseurs, notamment états-uniens, se sont tournés vers le nord rural flamand (port d'Anvers, créations d'autoroutes, de centrales nucléaires...) disposant par ailleurs d'une main d’œuvre abondante, peu coûteuse et peu syndiquée, ainsi que de terrains bon marché.

Un patronat flamand s’est développé autour de ces multinationales, souvent dans des activités de sous-traitance (PME dynamiques...), ou à partir de secteurs traditionnels comme le textile et l’agro-alimentaire. L’État belge contribua à cet essor par ses investissements d’infrastructure. La Flandre connut alors une croissance plus rapide que la Wallonie et les salaires flamands rattrapèrent ceux de la Wallonie. La part de la Flandre dans le Produit intérieur brut belge monta de 44 % en 1955 à 56,5 % en 1976. L’émigration des travailleurs flamands vers la Wallonie s’arrêta au cours des années 60.

Aujourd'hui, le patronat flamand a un ambitieux projet de développement pour que la Flandre reste une des régions les plus prospères d’Europe, notamment en s'appuyant sur le port d’Anvers[1], atout majeur mais qui nécessite de vastes investissements[2].

1.4 Situation actuelle[modifier | modifier le wikicode]

Ce retournement économique, combiné à l'héritage de division, a conduit à de nouveaux discours politiques.

Au Nord s'est développé une rhétorique hostile à la solidarité nationale par refuse de redistribuer vers le Sud assisté. Le parti d'extrême-droite flamand Vlams Belang, fait une percée. Les tensions autour des questions linguistiques se sont aggravées, avec notamment la suppression de l'affichage francophone dans de nombreuses villes flamandes.

Le changement des rapports de force politiques et la réticence croissante à fonctionner de façon unitaire a conduit à une crise politique croissante :

  • Après les élections du 10 juin 2007, la Belgique subit une forte crise gouvernementale en raison des divergences entre les partis politiques flamands et wallons. La formation du gouvernement fédéral est bloquée pendant six mois (194 jours).
  • Plus récemment, les élections anticipées du 13 juin 2010 voient les libéraux indépendantistes flamands s'affirmer largement. La question de la scission du pays plane et des compromis importants devront être faits, mais dans un premier temps les différents partis cherchent surtout à s'accorder pour donner un gouvernement stable au pays. Durant les négociations, un gouvernement des affaires courantes gère le pays, et il est intéressant de noter que l'impérialisme belge fait partie des "affaires courantes", comme le montre la participation du pays à la guerre en Libye. Le 6 décembre 2011, un nouveau gouvernement est enfin mis en place, avec Elio Di Rupo à sa tête comme premier ministre. Cela aura fait 541 jours de vacance, soit la plus longue crise politique de l'histoire contemporaine européenne.

2 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Le troisième du monde (le second après New York si l’on ne prend pas en compte les tonnages pétroliers transitant par Rotterdam).
  2. Anvers est enclavé à trente kilomètres de l’embouchure de l’Escaut et la bourgeoisie a besoin de vastes programmes d’investissement dans la zone portuaire elle-même, dans l’arc entre Anvers et Zeebruges ainsi que dans l’ensemble de la périphérie vers Lille, les Pays-Bas et l’Allemagne.