Police (institution)

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Le rôle essentiel de la police, sa raison d'être, est un rôle politique. Elle existe pour défendre la propriété et l'ordre des capitalistes.

Elle sert aussi, de façon très défaillante, à défendre les personnes contre des criminels, qui sont pour le plus grand nombre d'ailleurs eux-mêmes des produits de la société capitaliste. Mais c'est évidemment uniquement ce rôle qui est mis en avant par les tenants du système pour justifier l'existence de cette police.

1 La police est-elle nécessaire ?[modifier | modifier le wikicode]

On peut distinguer deux fonctions dans la police, une fonction politique, et une fonction de protection des personnes.

1.1 Fonction politique[modifier | modifier le wikicode]

Si l'on parle de sa fonction politique, on peut dire en bref : la police est nécessaire pour protéger les riches.

Plus fondamentalement, dans une société divisée en classe, il existe forcément un État, donc une police (au sens large). Bien sûr, l'État n'est pas constamment en guerre contre ses citoyens sinon il ne tiendrait pas debout. Une grande partie de la domination passe par l'idéologie, qui justifie que l'ordre établi est juste et nécessaire, ce qui profite à la classe dominante. Mais à chaque fois que des crises politiques surviennent, et que des secteurs opprimés de la population contestent trop fortement, l'État doit compter sur la répression policière.

Cette fonction politique est donc d'autant plus nécessaire que la lutte de classe est intense.

« Cette force publique existe dans chaque État; elle ne se compose pas seulement d'hommes armés, mais aussi d'annexes matérielles, de prisons et d'établissements pénitentiaires de toutes sortes, qu'ignorait la société gentilice. Elle peut être très insignifiante (...) mais elle se renforce à mesure que les contradictions de classes s'accentuent (...) »[1]

Dans certaines sociétés, surtout les sociétés précapitalistes, l'État est explicitement au service des dominants, comme dans les sociétés esclavagistes antiques, dans les sociétés féodales ou dans les démocraties censitaires où seuls les riches avaient le droit de vote. La police réprimait alors ouvertement toute velléité de révolte d'esclaves, de serfs, de chartistes...

Dans les démocraties libérales modernes, l'État se présente comme une institution au service de toute la population, et l'hégémonie de la bourgeoisie lui permet la plupart du temps de diriger en recourant assez peu à la fonction politique de la police. Cette fonction apparaît cependant lorsque la lutte de classe produit des crises politiques, et que la police est envoyée contre des manifestant·es, des grévistes...

1.2 Fonction de protection[modifier | modifier le wikicode]

La seconde fonction policière - la protection des personnes - qui disparaîtrait largement dans une société communiste, aura pourtant sans doute encore un certain temps sa raison d'être, l'influence et les tares de la société capitaliste lui survivant certainement un bon moment.

Aussi si toute la police politique doit être désarmée et mise sans délai hors d'état de nuire (par exemple CRS et gendarmerie mobile en France), les hommes chargés de veiller spécialement à la protection des personnes devront être en tout état de cause constamment contrôlés par les travailleurs et la population si ceux-ci ne veulent pas voir leurs « défenseurs » se retourner un jour contre eux.

2 La révolution face à la police[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Désarmer la police, armer le prolétariat[modifier | modifier le wikicode]

Un tel programme, quand il est défendu par les révolutionnaires, paraît à beaucoup, aujourd'hui en France, utopique ou hors d'atteinte. Pourtant les exemples abondent dans l'histoire où on a vu la police mise hors d'état de nuire, de gré ou de force, et la population et les travailleur·ses s'armer.

Et même si sa réalisation paraît bien difficile, les travailleurs doivent pourtant prendre conscience que c'est le seul moyen qui puisse leur garantir non seulement la victoire de la classe ouvrière et le socialisme, mais ne serait-ce qu'un certain nombre de conquêtes politiques ou sociales arrachées dans le cadre même de la démocratie bourgeoise et du système capitaliste.

2.2 Instaurer une police populaire[modifier | modifier le wikicode]

Contrôler une police, cantonnée dans le seul rôle de défense des citoyens, cela signifie la mettre sous la surveillance constante de ces citoyens.

Tous les policiers doivent être élus et révocables à tout moment par les travailleurs de la localité où ils ont mission d'exercer leur fonction. Ces travailleurs doivent pouvoir à tout moment contrôler comment ils l'exercent, c'est à-dire pouvoir visiter jour et nuit les commissariats, et aussi les prisons, demander et exiger des comptes et des explications.

Une police soumise à ce contrôle constant, qui ne serait pas encasernée mais vivrait au milieu de la population de la même vie qu'elle, qui n'aurait pas non plus le monopole des armes puisque l'ensemble des travailleurs serait armé, une telle police ne présenterait alors effectivement plus de risque de constituer un corps à part ni de possibilité de défendre d'autres intérêts que ceux des travailleurs et de l'ensemble de la population laborieuse.

3 Les policiers sont-ils des prolétaires ?[modifier | modifier le wikicode]

De fait, le métier de policier étant un métier de terrain et parfois assez difficile, ceux-ci sont souvent recrutés au sein de la classe ouvrière. Certains s'appuient sur cette origine sociale pour affirmer qu'ils seraient des « travailleurs comme les autres ». Mais il faut bien voir que l'origine sociale ne fait pas tout, la condition de travailleur au quotidien est déterminante. A l'inverse, l'enrôlement dans cette institution d’État qu'est la police produit un détachement de la condition ouvrière et une soumission aux ordres et à l'idéologie dominante :

« Le fait que les policiers ont été choisi pour une part importante parmi les ouvriers sociaux-démocrates ne veut rien dire du tout. Ici encore c'est l'existence qui détermine la conscience. L'ouvrier, devenu policier au service de l’État capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier. »[2]

Par ailleurs, il faut souligner que la police inspire de la confiance aux bourgeois, et de la méfiance aux prolétaires.

A la question, quel est le premier sentiment que vous inspire la police, le pourcentage de celles et ceux qui répondent « confiance » dépend fortement de la classe sociale.[3]

4 Autonomisation de la police[modifier | modifier le wikicode]

L'appareil d'État dans une société capitaliste moderne est devenu complexe, avec de multiples fonctionnaires formant une pyramide allant de dirigeants faisant partie de la bourgeoisie à de petits fonctionnaires faisant partie du prolétariat.

Les forces de police forment une catégorie particulière. Comme expliqué ci-dessus, ils ne sont pas forcément payés beaucoup et ont une origine sociale souvent prolétaire, mais sont aussi formatés par un milieu policier tellement réactionnaire qu'il surpasse de loin tout sentiment de solidarité de classe. Ce milieu des « forces de l'ordre » a un goût de « l'ordre » qui est utilisé par les classes dominantes pour assurer l'ordre établi. Mais la culture de l'ordre et de la violence qui règne dans leur sein, renforcée par la spécialisation dans la répression, va souvent un peu plus loin que ce qui est strictement nécessaire pour l'État. C'est ce qui fait que les policiers sont très réceptifs aux idées d'extrême droite (ils sont très majoritairement d'extrême droite, ce qui contraste avec d'autres secteurs de l'État, plus libéraux). C'est aussi ce qui fait que les violences policières sont si nombreuses : beaucoup n'attendent qu'un ordre pour faire usage de violence, et dans de nombreux cas, ils en font usage même sans ordre direct.

Bien sûr, globalement, la police reste contrôlée par la hiérarchie de l'appareil d'État. Mais son pouvoir de pression sur les politiciens est de plus en plus important lorsque ces derniers ont de plus en plus besoin de faire appel à eux. Comme le dit l'historien Emmanuel Blanchard : « Moins le pouvoir bénéficie d’une légitimité populaire, plus il s’adosse aux forces de l’ordre ».[4]

5 Violences policières[modifier | modifier le wikicode]

La psychologie sociale a établi qu'il y a une certaine pertinence à définir un type de personnalité « autoritaire de droite », qui a entre autre pour caractéristique la tendance à haïr ceux qui ne respectent pas les normes, mais à tolérer les abus de pouvoir des autorités. Cela se manifeste clairement dans le fait que la droite ne dénonce quasiment pas les violences policières, voire les cautionne.[5]

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6 Effectifs policiers[modifier | modifier le wikicode]

A Paris, il y a eu une forte augmentation de la présence policière en 1854, un peu après le coup d'État de Napoléon III, puis en 1871, après la répression de la Commune de Paris.[6]

Évolution des effectifs de la police nationale en France

Nombre de policiers pour 100 000 habitant·es :[7]

7 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]

7.1 Commune de Paris[modifier | modifier le wikicode]

Au moment de l'insurrection parisienne de 1871, la capitale était dotée d’un régime administratif particulier, avec un préfet de la Seine, un maire de Paris et vingt maires d’arrondissement, un préfet de police avec un chef de la Sûreté commandant 80 commissaires de quartier, quelques centaines d’inspecteurs et 6 000 sergents de ville.

Une grande partie de la police se disperse au moment de l'insurrection. Raoul Rigault (qui avait « l'âme d'un policier » selon Blanqui) nommé commissaire à la Sûreté générale, et d'autres blanquistes prennent en charge l'organisation d'une police de la Commune. Incontestablement, elle était plus populaire et globalement progressiste, mais elle se comporta cependant avec un certain caractère arbitraire.[8][9]

Rigault et ses hommes considéraient tout le monde avec méfiance et ils prirent comme otages l'archevêque, le juge de la cour d'appel, plusieurs prêtres et d'autres. La police a également pillé les églises et certaines maisons de riches.

On parlait de révolution morale. Des pancartes « Mort aux voleurs » sont affichées. On a arrête des gens pour ivresse publique, on réprime les jeux de hasard... Les maisons closes sont fermées, et lorsque les prostituées se retrouvent à travailler dans les rues, elles sont victimes d'une vague d'arrestations (270 en un mois).

Prosper-Olivier Lissagaray reprocha à la police une inefficacité : « L'insouciance coupable, que le peuple a payée de son sang, a fait le salut des criminels. »[10]

7.2 Lois antisocialistes[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'Empire allemand, de 1878 à 1890, des lois réprimaient toute propagande pour le socialisme. Les socialistes devaient esquiver la police, notamment pour faire entrer clandestinement (valises à double fond...) et diffuser sous le manteau leur journal, pour aider à l'organisation de grèves...

Engels dira devant le congrès de Zurich de l'Internationale :

« J'ai voyagé à travers l'Allemagne et j'ai entendu, à certains égards, regretter l'abrogation de la loi antisocialiste. La bagarre avec la police avait été si amusante. Aucune force de police, aucun gouvernement au monde ne peut réprimer de tels combattants. »[11]

7.3 Révolution russe[modifier | modifier le wikicode]

Sous l'effet de la révolution russe de février 1917, la police s'est trouvée largement désorganisée. Aussitôt, Lénine écrit de son exil :

« Ne pas laisser rétablir la police ! Garder bien en main les  pouvoirs publics locaux ! Créer une milice véritablement populaire embrassant le peuple tout entier et dirigée par le prolétariat ! - telle est la tâche pressante, tel est le mot d'ordre de l'heure, qui répond pareillement aux intérêts bien compris de la lutte de classe ultérieure, du mouvement révolutionnaire ultérieur, et à l'instinct démocratique de tout ouvrier, de tout paysan, de tout travailleur et de tout exploité, lequel ne peut pas ne pas haïr la police, ses gardes, ses sous-officiers, tous ces hommes armés qui, sous le commandement des gros propriétaires  et des capitalistes, exercent le pouvoir sur le peuple »[12]

7.4 Contestation de la police aux États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

8 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Friedrich Engels, L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, mars 1884
  2. Trotski, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, 1932
  3. Ifop, Le rapport des Français à la police et à l’autorité, Mars 2023
  4. Libération, Interview. Marseille : «Moins le pouvoir bénéficie d’une légitimité populaire, plus il s’adosse aux forces de l’ordre», 24 juillet 2023
  5. Chaîne Hacking Social, Les soumis autoritaires: l'autoritarisme de droite, 17 mars 2023
  6. Quentin Deluermoz, Policiers dans la ville, Chapitre 6. Les adaptations de la préfecture de police, Éditions de la Sorbonne, 2012
  7. Wikipedia, List of countries and dependencies by number of police officers
  8. Jacques Rougerie: Paris Libre 1871 (Paris: Editions de Seuil, 1971); La Commune et les Communards (Paris: Editions Gallimard 2018) (Rougerie); and La commune de 1871, “Que sais-je ?,” no. 581 (Paris: PUF, 2019).
  9. Dan La Botz, Marx’s Commune: An Appreciation and a Critique, November 2021
  10. Prosper-Olivier Lissagaray, L'histoire de la commune de 1871, Première publication en 1876
  11. Friedrich Engels, Closing Speech at the International Socialist Workers' Congress in Zurich, 12 August 1893
  12. Lénine, Lettres de loin, 1917